Chapitre 2 : Fuite (2/4)
Étant à la fin de l’hiver, les jours étaient courts. Lorsqu’ils sortirent du bois et arrivèrent au pied de la montagne, il n’était qu’en fin de journée mais la nuit tombait déjà. En temps normal, il fallait peu de temps pour arriver jusqu’à la Grande Chaîne de Montagne. Seulement, n’étant ni de la région ni assez bête pour demander leur chemin à leurs captifs, ils avaient tourné en rond. De plus, leur chargement les avait fortement ralentit, les ayant obligé à faire un passage pour que les chariots puissent passer. Ils décidèrent donc de s’arrêter afin de passer la nuit. Ils avaient rassemblés tous leurs prisonniers au centre du camp et s’étaient organisé autours de plusieurs feux de camp qu’ils avaient disséminés aux quatre coins de leur campement. Chacun des brigands s’occupaient de tour de garde à tour de rôle pour surveiller d’éventuels pisteurs et la fuite de leurs prisonniers. Dans son groupe, le chef avait pris le deuxième tour de garde. Tous leurs captifs dormaient les uns contre les autres pour se tenir chaud. Cependant, Lewlyn ne trouvait pas le sommeil. Elle était assise et réfléchissait à un moyen de s’enfuir en regardant autours d’elle. En ne trouvant aucune échappatoire, elle soupira. Elle s’apprêtait à s’allonger pour se reposer lorsqu’elle sentit un regard insistant sur elle. Elle regarda dans toutes les directions pour voir d’où venait son malaise jusqu’au moment où elle croisa du regard le chef. C’était lui qui l’observait. Il était face à elle, contrairement à ses hommes qui étaient de dos, épiant la forêt du moindre de ses mouvements. La lumière du feu se trouvait derrière lui, augmentant ainsi la sensation de puissance se dégageant de lui. À l’inverse, Lewlyn se trouvait dans la pénombre. L’intensité de son regard s’accentua sur elle. Elle crut entrapercevoir un sourire vicieux sur son visage. Elle se sentait nue. Elle avait l’impression que son regard se posait sur chacune des parties de son corps, et plus particulièrement sur ses formes. Sa langue passa sur ses lèvres et Lewlyn cacha instinctivement son corps de ces bras. Le chef s’esclaffa et elle se coucha, dos à lui, afin de ne plus le voir. Cette nuit-là, elle ne réussit pas à trouver le sommeil. Lorsqu’elle réussit enfin à s’endormir, les brigands les réveillaient à coup de léger coup de pied. Complètement fatiguée, Lewlyn n’arrivait pas à se lever. Sa mère tenta de la lever, en vain. Voyant qu’elles trainaient, le chef s’approcha et hurla après l’adolescente.
- Debout princesse ! On a une montagne à gravir et elle ne se fera pas sans toi !
- Hum… répondit-elle dans un demi-sommeil.
- Que fait-on d’elle patron ? demanda un de ces hommes en arrivant.
- Traine là. Ça la réveillera, ordonna-t-il.
- Je vous en supplie, attendez quelques minutes. Je vais la réveiller, intervint sa mère.
- Les ordres sont les ordres. On a déjà perdu bien assez de temps et le temps c’est de l’argent. Plus il passe, plus vous perdez de votre valeur.
Il la prit par le col de son chemisier et la traina par terre. Les aspérités du sol tapaient le bas du dos et les fesses de Lewlyn. La douleur la réveilla aussitôt et elle se débattit. Rien n’y fit, il ne la lâcha pas. L’air devenait de plus en plus froid et la neige fit son apparition. Le chef était passé devant suivit des prisonniers encadrés par ses hommes. La neige ainsi tassée, faciliter le passage des chariots. Le tapis blanc avait aussi eu pour effet d’amortir les coups du sol pour l’adolescente, et le froid avait finis par endormir la douleur. Seulement, ces vêtements étaient à présent complètement mouillés et lui collés à la peau. Elle était frigorifiée et il en était de même pour les autres membres de son village. Les femmes les plus âgées tombaient et ne se relevaient que très rarement. Elle en dépassa plusieurs et les vit finir sous les roues des chariots qui suivaient, impuissante. Le chef ordonna une pause et elle fut balancée parmi les autres. Elle était incapable de se relever dû à la paralysie de ses membres gelées et de la fatigue. Sa mère se blottit contre elle afin de la tenir au chaud. N’ayant plus la force de lutter, elle se laissa faire et resta allongé pour profiter du peu de temps de répit qu’ils avaient pour dormir. Lorsqu’on la réveilla, ce qu’il lui sembla n’être que quelques secondes plus tard, on lui expliqua qu’ils avaient fait une pause d’environ quinze minutes. Elle était encore fatiguée mais le froid la revigora aussitôt. Elle se releva difficilement et regarda autours d’elle. À présent debout, elle remarqua que la neige leur arrivait aux genoux. Les hors-la-loi les entouraient, mais elle remarqua que deux d’entres eux c’étaient approchés des prisonniers, laissant un espace pour s’évader. Tout le monde tremblait de froid et elle interpella le chef.
- Vous pourriez au moins nous donner des fourrures ! Je sais que vous nous en avez volés. Si vous ne le faîte pas…
- Si on ne le fait pas, vous allez mourir. Et alors ? dit il simplement. Pour des marchands comme nous, on estime à environ 10% de pertes de marchandises entre le temps de son acquisition et de sa revente. Pour la marchandise fraiche, le taux de perte est entre 25% et 30%. De ce fait, nous sommes encore larges, ricana-t-il en les observant.
- Vous n’êtes que… ! s’énerva-t-elle.
- Des monstres ? la coupa-t-il en finissant sa phrase. Je le sais tu me l’as déjà dit, se moqu-t-il.
Lewlyn se tut, ne sachant quoi répondre et se reconcentra sur son objectif premier. Elle avait réussi à attirer l’attention sur le groupe. Elle se retourna et courra dans la direction où il n’y avait plus les gardes. Étant sorti du chemin créer par leur passage, la neige immaculée était un vrai piège. L’épaisseur du tapis la ralentissait, l’obligeant à lever haut ses pieds pour éviter de chuter. Elle avançait aussi vite qu’elle le pouvait, sans se retourner. Tout ce qu’elle savait, c’était que le chef avait lancé ces hommes à sa poursuite. Fatalement, elle finit par tomber et une flèche se planta juste devant elle, dans la neige. Elle laissa échapper un cri de peur avant de se retourner. Les hors-la-loi étaient proches d’elle, épée sortit. Quant à l’homme qui avait décoché, il venait de se faire faire tuer par son supérieur.
- Espèce d’idiot ! Ramenez-la en vie ! C’est compris !? ordonna-t-il.
Un grondement sourd camoufla la réponse des brigands. Ils avaient arrêté de poursuivre Lewlyn et tout le monde regarda vers le sommet. Le bruit se faisait de plus en plus pressant et la terre commença à légèrement tremblé. À peu près tout le monde comprit ce qu’il se passait. La panique s’installa. Le chef chercha aux alentours un refuge et aperçut une grotte au loin. Il donna aussitôt ces ordres. Les prisonniers s’empressèrent de tenter de rejoindre la grotte, suivit de quelques hommes. Les autres aidèrent à pousser les charrettes de marchandises. La stupeur s’était emparée de Lewlyn lorsqu’elle aperçut l’avalanche. Elle avait l’impression qu’une horde d’étalon blanc galopait vers eux. La scène lui sembla à la fois magique et dangereuse. Dangereux fut justement le mot qui la sortit de sa torpeur. Elle se releva et revint sur ces pas, pour espérer rejoindre les autres. La majorité du groupe avait déjà rejoint la grotte. Seuls les plus faibles et les chariots fuyaient toujours. Elle dépassa rapidement les charrettes, qui avaient du mal à avancer. Elle rattrapa sa mère, qui était tombée et s’était résignée à mourir. Elle l’encouragea, l’aida à se relever et la tira pour l’aider à courir. L’avalanche était à présent bien visible lorsqu’elles arrivèrent près de la grotte. Là-bas, une mère criait après son fils afin qu’il se presse de la rejoindre. Lewlyn se retourna tout en courant. Elle chercha après le garçon et l’aperçut un peu plus loin, dans la neige, se tenant le pied. Elle ralentit le pas et sa mère la supplia de ne pas faire ce qu’elle s’apprêtait à faire. Elle lui sourit et repartit en arrière. Elle garda un œil constant sur l’avalanche qui arrivait. Elle savait que si elle y arrivait, se serait de justesse.
- T’es un grand garçon n’est-ce pas, haleta-t-elle. Tu ne dois pas pleurer. D’accord ? Je vais te sortir de là, dit-elle avec un sourire rassurant en commençant à le porter.
- Hum ! acquiesça-t-il en se séchant les larmes.
Elle le serra fort dans ces bras et commença à recourir en direction de la grotte. Le garçon l’agrippait de toutes ses forces pour ne pas tomber. L’avalanche était presque sur eux et ils restaient encore quelques mètres à parcourir. Un des chariots était à côté d’eux. Pour le second, il y avait peu de chance qu’il parvienne à destination. Dans un geste désespéré, elle se jeta en avant, bras tendus. La mère de l’enfant attrapa fermement sa main pour ne pas la lâcher. L’avalanche les emporta mais Lewlyn sentit d’autres mains sur son bras et elle sentit la force de plusieurs personnes les tirer. De sa main valide, elle resserra son étreinte sur le garçon et se laissa faire. Le chariot les protéger légèrement et ils réussirent enfin à rentrer dans la grotte. La charrette était à moitié rentrée dans la grotte, le reste étant coincé dans la neige. Ceux qui étaient à l’arrière étaient passés à l’avant pour préserver leur vie. Quant à la seconde carriole, celle contenant les vivres, elle fut frappée de plein fouet par l’avalanche, emmenant les brigands avec elle. Pour les prisonniers, le groupe eut très peu de perte. Seules les personnes âgées avaient été enseveli, les mères ayant portaient leurs enfants. Le petit garçon était donc un miraculé. Lewlyn le serrait encore fort contre elle et vice-versa. Elle n’en revenait toujours pas de s’en être sortit vivante. Elle ne voulait pas le lâcher. Elle ne voulait pas le rendre à sa mère. Celui-ci décolla sa tête de la poitrine de la jeune fille.
- T’as vu, j’ai pas pleuré, dit-il tout tremblotant de peur.
- Tu as été très courageux, c’est bien, répondit-elle avec un sourire en sortant de sa torpeur et en lui caressant la tête.
- Quand je serais grand, c’est moi qui te sauverais et on se mariera, dit-il naïvement.
- En voilà des paroles de grand, rigola-t-elle. Mais tu sais j’ai déjà quelqu’un qui compte pour moi, finit-elle en le rendant à sa mère.
Celle-ci la remercia encore et sa mère la sermonna. Ayant perdu son mari, il ne lui restait plus qu’elle et elle ne voulait pas la perdre. Le chef, sain et sauf, ordonna une pause et il alla vérifier la cargaison. Ils ne leurs restaient que les marchandises de valeur, à savoir les fourrures et l’or. Lewlyn était restée avec le petit garçon. Ils avaient traversé quelque chose que peu de personne pouvaient se vanter et avaient du mal à se séparer. Elle en avait profiteé pour examiner sa cheville. Celle-ci avait légèrement gonflée. Elle était alors partie chercher de la neige afin de refroidir la partie ankylosée, espérant qu’elle dégonfla un peu. Peu de lumière filtrait à travers l’épaisse couche de neige. Seulement, elle déclinait peu à peu, indiquant la fin de la journée. Les brigands avaient eu du mal à extraire le charriot. Cela leur avait pris une bonne heure. S’étant trop attardé, ils repartirent après avoir trouvé de quoi allumé des torches. Lewlyn profita du désordre et du terrain qu’offrait la grotte pour se cacher derrière une stalagmite. Elle intima au garçonnet de se taire et elle attendit qu’ils soient assez loin dans la galerie qu’ils avaient emprunté. Elle sortit lorsqu’elle ne vit plus aucun faisceau de lumière de leur torche. Lorsque ce fut le cas, elle se précipita vers l’entrée obstruée et commença à creuser pour se frayer un passage vers l’extérieur.
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