Prologue
Une vague sombre s’empare du champ de bataille et une nappe de brouillard avance comme guidée par l’armée du Crépuscule. Une jeune femme s’approche, habillée de noire, fendant les rangs de ses troupes toutes agenouillées comme pour lui former une haie d’honneur. Toutes les créatures présentes sont terrifiées et ferment les yeux pour ne pas croiser, accidentellement, le regard de leur maîtresse. Le sourire froid et calculateur de cette dernière paraît fait pour mener les batailles les plus sanglantes. De longs cheveux gris cendrés dansent autour d’elle comme balayés par la pression qu'elle dégage.
Arrivant devant les rangs de l’Aube, ceux-ci essaient de rester forts, unis face à ce danger. Mais, leur tension est palpable et certains semblent prêts à prendre leurs jambes à leur cou. La femme soupire et lève la main, paume vers l’armée. En une fraction de seconde, des gerbes de sang jaillissent des armures et ruissellent sur les plastrons. Tandis que certains s’effondrent, d’autres tentent de rester debout, s’appuyant sur leurs épées ou sur leurs camarades.
- N’avez-vous donc aucun instinct de survie ? Interroge la femme d’une voix impérieuse.
Le son de sa voix suffit à faire flancher les soldats restant et leurs regards sont emplis de désespoir. Soudain, la femme lève la tête et un sourire énigmatique se dessine sur ses lèvres. Avec un grand fracas, une ombre atterrit devant les soldats. Quand la tornade de poussière s’amenuise, ceux-ci semblent retrouver leur motivation et de grands sourires viennent éclairer leur visage.
- Partez, dit la voix envers les soldats, à travers l’amas de poussière restant.
Ils ne se font pas prier et s’empressent de suivre les conseils du mystérieux personnage. La femme en noir se passe un doigt sur les lèvres comme si elle se délectait de ce moment, imaginant comment elle pourrait s’y prendre pour détruire l’espoir que cet homme a donné à l’armée de l’Aube. Puis, elle soupire et lance, d'un ton impatient :
- Désolé, te torturer aurait été avec grand plaisir, mais je n’ai pas le temps de m’amuser. Où est-elle ?
Aucune réponse. La Commandante du Crépuscule tape du pied, s'impatientant. Alors, elle hurle une formule en levant la main vers le ciel. Les nuages s’amoncèlent au-dessus de sa tête et des éclairs menacent le champ de bataille. Son expression passe de la froideur, à la folie en une fraction de seconde, s’apprêtant à baisser le bras pour abattre son pouvoir sur la zone toute entière.
Alors que des éclairs commencent à crépiter autour de son bras, un filet de lumière blanche vient immobiliser son poignet et celui-ci se retrouve bloqué en hauteur. Les nuages se dispersent et la nappe de brouillard laisse place à une fine pellicule qui s’évanouit petit à petit.
Un bruit de talon résonne sur le champ de bataille silencieux, et une femme apparaît aux côtés du sauveur des soldats. Similaire presque en tout point à la chef de l’armée ennemie, elle possède un visage fin comme sculpté dans la porcelaine. Ses grands yeux en amande possèdent une détermination sans faille, comme si elle ne s’attendait pas à autre chose qu’à une victoire.
La seule différence avec sa jumelle est sa chevelure. Si la femme en noire arbore un magnifique gris cendré comme si un temps orageux avait élu domicile dans sa chevelure, un blond comme les blés irradie le visage de la nouvelle arrivante irradie un blond, lui tombant jusqu’au milieu du dos. Un rayon de lumière venu se cacher dans ses cheveux.
- Ça faisait longtemps ma sœur, s’exclame la mage noire.
Elle appuie encore plus sur l’intonation et la pression sur le champ de bataille se fait de plus en plus forte. Quand l’homme est arrivé, les monstres se sont levés pour aller prêter main forte à leur maîtresse, mais à ce moment précis, ils hésitent à intervenir et même à partir, pour fuir face à la pression qu’elle dégage.
La jumelle dont la lueur a recouvert le champ de bataille d’un nouvel espoir, ne se laisse pas démonter et observe d’un regard inquisiteur, presque accusateur, sa propre sœur. Alors, elle ouvre la bouche et prononce des paroles inintelligibles, semblables à une ancienne formule. Une pluie de sphère lumineuse vient s’abattre sur les monstres de l’armée ennemie et annihile toute trace des créatures présentes jusqu’à cet instant. La jeune femme cesse de prononcer sa psalmodie et se contente de dire :
- Tes Généraux sont morts et je viens de détruire une grande partie de ton armée. Tu as perdu.
- Perdu… ? Interroge la femme en noire. Perdu ?! Lave mon honneur !
L’ombre de la jeune femme commence à se tendre et une créature noire en sort. Elle semble être le croisement entre plusieurs races. Des griffes semblables à des serres remplacent sa main droite, une patte féline remplace celle de gauche. Il a la mine patibulaire d’un homme dans la force de l’âge, des oreilles pointues entourent des cheveux gras qui cachent ses yeux. Deux canines sortent de sa bouche, tendant vers le haut de son visage et un souffle rauque s’échappe de sa gorge. Si un jour, cette créature a eu une conscience, elle en est dépourvue aujourd’hui, et n’est plus qu’une bête sanguinaire.
Celle-ci s’élance d’un bond et se retrouve à quelques mètres seulement de la mage blonde. Alors, une lame vient stopper net la trajectoire de la créature. Une autre femme, aux cheveux châtains s’avance. Elle a les larmes aux yeux, mais une détermination sans faille se lit dans son regard.
- Moi vivante, tu ne toucheras pas à la Prêtresse ! Tu as brisé ton serment, il est temps que tu en subisses les conséquences !
Comme pour donner de la consistance à ses propos, elle lève la main et la lame retourne vers elle. Quand elle serre le poing sur la poignée, elle bondit et assène un coup à la créature. Celle-ci bloque avec son bras gauche et observe la jeune femme avec un regard froid, presque sans vie. Alors, la guerrière lâche son arme et se baisse avant de frapper avec la lame d’une dague dans l’abdomen de son adversaire. Une gerbe de sang vient éclabousser le sol et une note vermeille vient accompagner les cris de victoire des soldats de l’Aube au loin. La chose ne scille pas comme si la blessure n’était que superficielle. D’un air exécré, il soupire et sa blessure se cicatrise, paraissant n'avoir jamais existé. Alors, il attaque à son tour et la jeune femme ne peut que voir le fil de son destin, risquant d’être coupé…
Il s’arrête à quelques centimètres de son visage seulement et semble embêté. Un cercle magique se forme sous ses pieds. Plus loin, la Prêtresse de l’Aube récite une nouvelle incantation et des cercles apparaissent à ses pieds également, la prenant comme épicentre. Un troisième se forme sous les pieds de la mage noire.
- Alors, c’est ça ta réponse, grande sœur ?! Nous enfermer pour empêcher le destin de se réaliser ?!
Des chaînes commencent à sortir du sol au niveau des cercles magiques de la créature et de la jumelle aux cheveux noirs. L’homme-animal est le premier à fondre dans le sol, emporté par une force contre laquelle il ne peut pas lutter. La sœur aux cheveux blonds s’approche à pas lents vers la sorcière. Cette dernière ne se débat pas comme si elle n’attendait que ça, comme si se faire emprisonner faisait partie de son plan. Quand elle est suffisamment proche, la femme blonde lui dit :
- J’espère que tu reviendras ma sœur, et à ce moment-là, j’en finirais une bonne fois pour toutes avec toi.
Imperturbable comme si elle ne prenait pas conscience de ce qui lui arrive, la Commandante du Crépuscule sourit. Un sourire fou se dessine sur ses lèvres, se délectant de ce moment. Elle éclate en un rire tonitruant qui se répercute sur le champ de bataille et se contente de dire, avant de disparaître, les chaînes l’emportant dans sa prison :
- Quand six des enfants de ce monde seront réunis, et que ma malédiction s'éveillera en eux, l’heure viendra de ma résurrection !
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