Chapitre 26 - ASTRID FIN DE LA PARTIE I
Plus Willer serre et plus mon champ de vision se brouille.
J'ai vaguement conscience de lui griffer désespérément les mains dans l'espoir qu'il me lâche, mais je suis déjà trop loin pour en être vraiment sûre. Peut-être que tout ceci n'est qu'une hallucination. Peut-être que je suis déjà morte.
Je songe avec ironie que j'ai réussi.
Je sais où se trouve le Centre de Contrôle des Puces.
Mais je ne m'attarde pas sur cette immense victoire qui me semble à présent minuscule, trop occupée à essayer de happer un d'air. Mes yeux sont embués de larmes, j'ai le visage en feu comme si j'étais plongée dans les flammes.
Chaud.
J'ai trop chaud.
J'étouffe.
De l'air.
J'ai besoin d'air.
Maintenant.
Et alors que les forces commencent à me manquer, alors que j'abandonne la lutte définitivement, l'étau se relâche d'un seul coup.
J'aspire une grande goulée d'air avec un sifflement étranglé, puis une deuxième, une troisième, et ainsi de suite, sans pour autant parvenir à stabiliser ma respiration. Je suis trop consciente de la mort que je viens de frôler pour pouvoir ne serait-ce que songer à me calmer. Ma poitrine se soulève et se rabaisse précipitament, petit à petit les souvenirs percent la brume. Et je me souviens.
Chicago.
Le CCP.
Willer.
J'ouvre les yeux et ma vision floutée m'alerte jusqu'à ce que je comprenne que ce ne sont que les larmes. Il se tient là, devant moi, son visage à quelques centimètres du mien, tout aussi essoufflé que moi alors que c'est lui qui vient de chercher à m'étrangler. M'étrangler. Pourquoi suis-je toujours en vie ?
- Tu-u...
Je bégaye sans parvenir à parler tant ma gorge me brûle.
- Te tuer ne m'intéresse pas, me crache-t-il. C'est un sort bien pire que la mort qui t'attend maintenant que nous savons la vérité. Tu ne sortiras jamais d'ici. Grâce à toi, nous allons démanteler ta précieuse Organisation pièce par pièce, et je te promets que tu vivras assez longtemps pour en voir chaque détail. Je te montrerai personnellement le corps de ton cher Allen.
Une vision de Willer amenant sur un brancard le corps sans vie d'Allen pour me le montrer à travers une vitre blindée m'apparaît fugacement. Je m'imagine parfaitement dans une cellule en béton avec une petite ouverture pour que les visiteurs puissent me voir. Tous se rireaient de mon échec lamentable, mais je ne pourrais pas entendre leurs paroles, juste voir leurs yeux moqueurs, pleins d'une pitié amusée. Un animal dans un zoo. Voilà ce à quoi je suis destinée, voilà le futur qu'il me décrit.
Et puis soudain, toutes mes idées me reviennent et je reprends espoir. Mon imagination débordante s'apaise pour ne laisser place qu'à une seule chose : un filet de secours. Je ne suis pas assez stupide pour partir au combat sans plan de secours. Alors pendant toute la durée du bal, j'ai réfléchi, encore et encore, et j'ai fini par trouver. Un dernier pion à avancer.
Un dernier coup d'éclat.
- Tu ne feras pas ça. Et je vais t'expliquer pourquoi.
Je me redresse péniblement, faible et tremblante mais bien plus forte que je ne l'ai jamais été. Je sors du lit pour me tenir droite et fière devant lui.
- Ne pas te tuer ne signifie pas ne pas te faire souffrir. J'ai tout mon temps avant de te dénoncer pour...
Mais je le coupe avec une voix dure :
- Tu ne me dénonceras pas, parce que si tu fais ça, tu perdras ta place et tous tes honneurs. Et qu'es-tu, sans la DFAO ? Rien! Tu ne pourrais jamais mener une vie normale si tu fais ça. Pire, tu seras probablement éliminé parce que tu auras trop d'informations sensibles. Ou enfermé toute ta vie.
- P...
- Tu as deux options. Soit tu le fais malgré mes avertissements, soit tu m'écoutes et tu sauves ce qui peut encore l'être. La situation est très simple, même un enfant pourrait le comprendre : Allen m'a révélé suffisament de choses pour que je puisse accomplir ma mission, mais rien de plus que ce que vous savez déjà. Tous les sérums de vérité au monde me donneront raison. Et comme la première fois que nous nous sommes retrouvés face à face, je ne pourrai rien vous apprendre. Par contre, je ne me priverai pas de leur révéler comment tu t'es laissé manipuler, comment tu m'as révélé l'emplacement du CCP... comment tu n'es ni compétent ni indiqué pour diriger la DFAO. Tu seras discrédité, parce que tu auras fait courir un risque immense à la cause. Tu perdras tout, comme je te l'ai déjà dit. À l'inverse, si tu m'écoutes et si tu n'en fais rien, tu peux toujours prier pour que je ne m'échappe jamais d'ici, et ainsi l'affaire sera étouffée. Tu peux même renforcer la sécurité autour de moi, pour mettre toutes les chances de ton côté.
- Tu ne me convaincras pas de laisser filer une si belle opportunité, manipulatrice! Comment être sûr que tu dis la vérité ? Abattre l'Organisation compte plus que tout. Ils chanteront mes louanges pour t'avoir poussée à te révéler!
- Je n'en serais pas si sûre, à ta place, capitaine Willer. N'importe qui pourrait confirmer combien le pouvoir compte à tes yeux. Ce vilain petit défaut transpire par tous les pores de ta peau. Es-tu prêt à prendre le risque de perdre ton poste, juste pour démanteler un réseau de résistance ? Nous savons aussi bien l'un que l'autre que ça n'a jamais été ton but premier en t'engageant dans la DFAO. Et nous savons également que mon histoire tient parfaitement debout : l'Organisation n'est pas stupide. Allen n'aurait pas envoyé un agent en possession d'informations si importantes au coeur même du Gouvernement sans mesure de précautions. C'était l'opération parfaite. En cas de succès, je reviens triomphante, en cas de défaite, vous ne pouvez tirer aucune information de ma capture.
Je m'arrête là pour ne pas trop surcharger son cerveau.
En vérité, je n'ai aucune idée du fonctionnement de la DFAO, mais une petite voix me souffle que j'ai touché juste. S'il révèle sa faute, il ne sera plus considéré comme fiable par aucun de ses congénères. Alors, soit il conservera son poste dans la disgrâce, comme Sacha... soit il tombera encore plus bas que je n'ai jamais été. Du moins, de son point de vue.
Il serre les dents, me fusille du regard, mais je comprends que j'ai déjà gagné. La chose à ne surtout pas faire, maintenant, c'est montrer ma satisfaction. Ça pourrait raviver sa haine et, rien que pour effacer cette expression de mon visage, il pourrait décider de tout plaquer. Pour l'instant, sa soif de pouvoir est plus forte. Il faut que je maintienne ce fragile équilibre à mon avantage.
- Et n'oublie pas de bien effacer toutes les preuves derrière toi, me risqué-je toutefois à ajouter. Il ne s'agirait pas qu'un de tes congénères découvre sur les caméras de surveillance le pacte que tu viens de signer avec le diable...
- Je trouverai un moyen de te piéger un jour, me promet-il tout en se reculant vers la porte. Ne m'oublie pas trop vite.
Sur ces mots, il applique sa main contre le détecteur d'empreinte et disparaît dans la nuit avec un sifflement.
*
Quand je repense à la dernière heure, les sentiments se bousculent en moi.
Soulagement, incrédulité, ébahissement, paranoïa, théories du complot toutes plus farfelues les unes que les autres.
Willer pourrait très bien avoir bluffé. Il a cédé bien trop facilement. Une certaine part de moi ne peut s'empêcher d'avoir peur. Peur d'être tombée dans un nouveau piège. J'ai été trahie trop de fois pour étouffer ce sentiment. Mais en même temps, il y a une partie de moi, la plus forte pour l'instant, qui veut sincèrement espérer.
Qui veut sincèrement que tout ceci soit vrai.
Qui veut sincèrement en être convaincue.
Alors malgré tout ce que j'ai subi pour en arriver là, tout ce que j'ai sacrifié, dont ma dignité et toutes mes valeurs de femme, je ne peux m'empêcher de sourire.
J'ai réussi.
Et maintenant, il est temps de rentrer chez moi.
FIN DE LA PARTIE I
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Et voilàààààà ce chapitre marque la fin de la partie I, j'espère que ça vous a plu de la lire autant que j'ai adoré l'écrire!! Chaque nouvelle fin de partie marque un grand pas pour moi alors je voulais fêter ça avec vous (même si ça fait loooongtemps maintenant que j'ai écrit ce chapitre :/ ) et vous dire à quel point vous êtes extraordinaires, merci à tous!!^^
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