Chapitre 19 - UNE PERSONNE SANS NOM
Comme à chaque fois que je me sens déborder ces derniers mois, je me rue vers le centre d'entraînement. Sans même prendre la peine de saluer le garde en faction, le seul avec qui je sois capable d'entretenir une conversation civilisée, apparemment, je me dirige vers les salles de simulation. J'ai l'impression d'y avoir passé ma vie entière depuis mon arrivée, et ce n'est pas vraiment faux, puisque certains jours, je venais même la nuit. Bien sûr, à cette heure, aucune arme n'est disponible et les distributeurs sont en veille, mais il reste les sacs de frappe, les exercices de musculation, les parcours de survie, et bien d'autres choses tout aussi essentielles qui ne demandent pourtant pas d'objet dangereux. C'est sûrement pour cette raison que ma résistance s'est beaucoup améliorée, elle qui était au plus bas lorsque j'ai quitté les Résidences.
Cependant, aujourd'hui, la rage me manque. Dès que les portes se referment sur moi, je saisis un pistolet, mais il me paraît inutile, lourd, pesant dans ma main. Alors, je me contente de m'effondrer contre un des murs sans lancer aucun programme, les mains plongée dans les cheveux. À mon retour du Sanctuaire, ils étaient encore longs ; effectivement, mon préparateur pour le bal les avait fait repousser. Une femme séduisante n'est pas censée ressembler à un garçon, c'est une des nombreuses choses que j'ai apprises là-bas à mes dépends. Mais passée ma première phase de dépression, lorsque j'ai enfin trouvé le courage de revivre, lorsque je me suis levée de mon lit pour me diriger vers la salle de bain et que j'ai croisé mon reflet dans le miroir... je ne me suis pas reconnue. Pendant toute ma vie, du moins celle dont je me souvienne, j'ai toujours eu les cheveux courts. Alors ces bouclettes longues et emmêlées, ajoutées à mon regard vide, froid, mort, ont achevé de m'horrifier. Je me tenais face à une totale étrangère, et je me suis rendu compte à quel point les dernières épreuves m'avaient changée, un fait indéniable que je m'efforçais d'ignorer jusque là.
C'est dans l'accès de peur panique à l'idée de me perdre définitivement que cette vision a déclenché en moi que j'ai saisi le premier couteau que j'ai pu trouver pour me massacrer les cheveux. Et j'ai coupé, coupé, et encore coupé, jusqu'à ce que l'ancienne Astrid, Alexy, refasse au moins un petit peu surface. Ce n'est qu'à ce moment que je me suis arrêtée, hors d'haleine, le coeur gros, les sanglots au bord des lèvres. Mais il était déjà trop tard : je ne ressemblais plus à rien du tout ainsi. Ni à Astrid, ni à Alexy.
Et j'ai compris que je ne reviendrais jamais plus ni l'une ni l'autre. Alid, que je m'étais créée pour surmonter cette déchirure, ne suffisait plus. Jamais mes démons n'avaient refait surface avec autant de force. Ce jour-là, quand Allen a essayé de me réconforter une énième fois, j'ai hurlé avec tant de force que tout le complexe a dû m'entendre. Je sentais mes yeux fous rouler dans mes orbites, ma vision se brouillait, je ne me contrôlais plus. Je ne me rappelle plus précisément ce que j'ai crié ce jour-là, mais mes paroles devaient être suffisament dures pour écarter le seul qui m'ait jamais tenu la main tout le long du chemin, sans jamais la lâcher.
Je me demande ce que je censée faire.
Ce que je viens de faire.
Les conséquences que cela implique.
J'ai défendu un traître devant Marshall lui-même. Je lui ai trouvé une raison de rester en vie. Je l'ai même cherchée désespérément. Parce que, l'espace d'un instant, j'ai compris sa souffrance. Dans cette cellule, alors que je nettoyais ses blessures en silence, une connexion s'est établie entre nous qui ne me quitte plus. Un lien qui m'attire vers lui irrésistiblement, mais je sais que je dois résister. Ce que je fais va à l'encontre de tous mes principes, de tout ce que je m'étais juré de protéger. Je ne pourrais plus me regarder, m'effleurer, sans vomir de dégoût si je cède à de simples pulsions venues de nulle part.
Je me demande ce que je suis censée faire.
Comment rester debout quand mon être se déchire en deux à chacun de mes pas. Je ne suis pas capable de cinder mon esprit en deux pour satisfaire chaque partie, alors je suis forcée de laisser les deux coexister. Les trois, en fait : Alexy et Astrid qui s'opposeront éternellement, jusqu'à ce que l'une des deux réussissent à tuer l'autre, et, plus petite, celle qui n'espère que goûter à nouveau l'ivresse de Sacha.
Mes mains griffent furieusement mon cuir chevelu à la recherche d'un juste milieu, quelque chose qui me permettra de survivre jusqu'à la fin. La fin. Parce qu'en plus de tout ça, je ne dois pas oublier que je ne suis pas le centre du monde. L'Organisation continue de tourner, et ses dirigeants se sont enfin mis d'accord sur un plan dans lequel je joue un des rôles principaux. Je suis peut-être celle qui sera la moins impliquée jusqu'à la fin, mais lorsque le moment viendra, je désactiverai peut-être les puces. Moi ou Allen. Serons-nous à la hauteur ? À la hauteur de la confiance de Marshall ? À la hauteur de ses espérances ? Si nous échouons alors que toutes les autres équipes rencontrent le succès, je crois bien que je serai heureuse de ne pas en réchapper : comment revenir parmi les rebelles en portant tous leurs espoirs brisés ? Cependant, mon frère, lui, ne mérite pas ce sort. Il s'est battu loyalement, et surtout il sait qui il est. Il ne doute pas de l'objectif qu'il s'est choisi. Si un de nous deux doit survivre, c'est bien lui : il sera bien plus utile à l'Organisation que je ne pourrai jamais l'être dans mon état. Brisée, je suis plus inutile encore que Sacha. Bien plus inutile que lui. Si nous échouons mais qu'une partie de nos troupes, celles qui ne sont pas parties au combat, survit, ils auront besoin de tout le soutien possible pour renaître de leurs cendres. Pas d'une pauvre paumée qui passe ses journées enfermée dans une salle de simulation pour échapper à des démons invisibles.
Suis-je vraiment utile à la rebellion, même en ce moment ? Qu'est-ce que je leur apporte de plus que tous les autres ? Marshall me l'a bien fait comprendre, beaucoup seraient prêts à prendre ma place. Beaucoup seraient ravis de sacrifier leur vie au service de la cause. Mais moi ? Les souvenirs de trois mois de torture me reviennent en mémoire, je revois le visage terrifiant, triomphant, de Willer penché sur moi, et je sais que jamais je n'aurai le courage de me livrer une énième fois. L'ennemi m'a tout pris, je suis déjà trop vidée de mes forces. Je ne suis pas à la hauteur de cet ultime combat, cependant, je sais aussi que je serais incapable de laisser Allen aller seul en première ligne.
C'est alors que je trouve enfin mon juste milieu. Ma décision est prise, irréfutable. Je participerai à l'opération, comme prévu. Sauf que dans le plan, celui de nous deux qui parviendra au CCP n'est pas encore désigné par le sort. Nous ne le saurons qu'au dernier moment. Je compte bien changer cet imprévu, pour être certaine que je serai la diversion de cette opération. Il n'est pas question qu'Allen subisse le moindre tort que je pourrais lui éviter.
Le front luisant de sueur, un tremblement incontrôlé sur le bord des lèvres, je me relève à grand peine. Je ne jette pas un seul regard au pistolet qui pèse dans ma main. Je passe une main hagarde, si légère que je dois m'y reprendre à plusieurs fois, sur le lanceur de simulation. Je sélectionne les visages enregistrés les uns après les autres, qui apparaissent en première ligne parce que ce sont ceux utilisés le plus souvent. Evidemment, je passe tout mon temps ici, et je choisis toujours les mêmes ennemis. Je mets un visage sur ces gardes à l'uniforme de la DFAO, différent de celui des Forces de Prévention. Pour raviver ma rage. Sauf qu'aujourd'hui, je n'inclue pas Sacha dans la simulation : quand je pense à lui, ce n'est plus sa trahison qui me vient à l'esprit.
Ce sont ses lèvres sur les miennes, pour la première fois de ma vie, alors que nous étions tous deux en fuite, assis sur une pierre en lisière de la forêt.
C'est son émotion à ce moment là, son empressement, dont j'ai la conviction à présent qu'ils n'étaient pas feints, du moins pas totalement.
C'est le regard qu'il m'a lancé, avant que nous ne nous séparions, lorsque la DFAO nous a retrouvés, où ne perçait pas que la panique.
C'est son ébahissement, l'éclat de ses yeux, quand nous nous sommes revus pour la première fois depuis, dans la salle de bal.
C'est l'horreur bien réelle qu'il exhalait par vagues quand Willer m'a réservée, celle que, sur le moment, j'étais trop bouleversée pour percevoir, identifier.
C'est la cage de ses bras, qui me plaquaient contre un pilier, quelques secondes plus tard.
C'est ce deuxième baiser qu'il m'a arraché, que je lui ai rendu.
C'est sa peur lors de notre évasion, mais aussi son désir de fuir quelque chose, une chose bien trop effrayante pour que j'ose jamais lui demander quoi.
C'est l'espoir qui s'est définitivement éteint dans son oeil arc-en-ciel quand je l'ai assommé, tout en lui révélant juste avant la vérité.
Ce sont ses paroles brusques, violentes, alors qu'une vitre blindée nous séparait de nouveau, qui cachaient une peur panique, peur panique que ma propre émotion étouffait.
C'est son refus d'accepter ma présence ce matin même.
Je peux jurer maintenant encore avoir vu un homme mort se relever de sa tombe lorsqu'il a enfin compris que j'étais vraiment là.
Tant de preuves qui crevaient les yeux, mais que je n'ai pas su voir pour ce qu'elles étaient, parce qu'à chaque fois, seul le mauvais côté ressortait à mes yeux.
Sacha.
Je laisse tomber mon arme sur le sol, me précipite vers la porte en m'emmêlant à moitié les pieds. Je tape des poings, les mots refusent de s'échapper de ma gorge. Et alors que je m'apprête à retourner en arrière pour déposer le pistolet dans le distributeur, pouvoir enfin m'échapper de cet endroit qui m'étouffe, me comprime, je suis foudroyée sur place par une sensation que j'avais fini par oublier, avec les mois.
Je gravis une pente escarpée. Des pierres glissent sous mes pieds et je crée de petits éboulements au fur et à mesure que je m'élève. Je marche ainsi depuis une bonne heure et quand je me penche pour regarder par-dessus mon épaule le chemin parcouru, je contemple une étendue bleue limpide : la mer. Elle couvre tout l'horizon, mais je ne me trouve pas sur une île : au contraire, je suis presque en haut d'une montagne grise et caillouteuse où la végétation ne pousse que par petits bosquets desséchés. Le manque d'eau se voit partout dans le paysage, et c'est particulièrement ironique si l'on considère l'immense cuvette que je surplombe à présent. Mais le sel qui imbibe l'eau n'est bénéfique qu'à de très rares plantes, et encore aux animaux ou aux humains. J'ai presque l'impression d'être seule au monde. Cet endroit s'appelle une calanque, un bras de mer qui rentre dans la terre ferme, comme une trouée. La côte de Marseille en compte beaucoup, dont certaines s'aventurent jusqu'à plusieurs kilomètres à l'intérieur du continent.
Vibrante d'excitation, en sueur, je me retourne et fixe le sommet de la côte, qui me semble être encore bien loin, mais je sais que ce n'est qu'un effet d'optique. Ma mémoire me permet d'affirmer que j'ai parcouru le plus gros du chemin.
C'est la première fois que je suis autorisée à sortir seule en dehors du complexe, et encore, j'ai été déposée par hélicoptère à l'endroit que j'ai choisi. Un lourd bracelet électronique à ma cheville permet à une équipe de me suivre à la trace, et un micro indétectable a été placé sur moi. Mais c'est le prix à payer pour un peu de solitude, pour s'éloigner et pouvoir m'imaginer, rien qu'un instant, que je ne suis pas la seule fille dans un lieu rempli d'hommes où nous sommes entassés 24H/24. Je suis bien consciente que peu de personnes obtiennent ce privilège, et je sais également que je n'en fait partie que grâce à mon statut privilégié, mais pour le moment, la seule chose que je souhaite, c'est me perdre dans l'effort physique et tout oublier. Je ne sais pas vraiment si j'ai envie d'atteindre mon objectif le plus vite possible, pour pouvoir ensuite savourer de m'être poussée à bout, où si je préfère laisser ma fierté de côté et rallonger ce moment le plus possible. Mon esprit de compétition finit cependant par l'emporter, et aussi la conscience qu'il ne me reste sûrement plus qu'une petite demi-heure : Marshall a également imposé une limite de temps à ces petites expéditions surveillées.
Je reprends ma marche et sens le vent s'engouffrer pour soulever mon fin débardeur. Ma peau foncée supporte mieux le soleil étouffant de Marseille que celle de la plupart des rebelles, mais la chaleur reste la même pour tous et malgré la petite brise j'ai l'impression d'être dans un four. Raison de plus pour y aller.
J'atteins le sommet une vingtaine de minutes plus tard, à peine dans les temps, et me laisse tomber avec un bruit sourd sur le sol. Je sens les cailloux s'enfoncer dans mon dos, petite douleur qui me ramène définitivement à la réalité. Mais je n'ai même pas le temps de reprendre mon souffle que déjà le vrombissement assourdissant de l'hélicoptère me parvient à travers les collines. En un battement de paupières, il surgit à ma droite, et finit par s'arrêter en vol stationnaire au-dessus de moi. J'attends patiemment que l'échelle descende pour venir me hisser à bord, et lorsqu'elle parvient enfin, à ma hauteur, je fais exprès de les faire patienter encore un long moment. Je sais pertinemment que toute l'équipe a les yeux fixés sur mon visage souriant : ils doivent sûrement s'échanger des commentaires exaspérés à mon sujet, parlant de mon incompétence, de mon inutilité, mais surtout de la désobéissance que je ne cesse d'afficher. Enfin, de peur que ma conduite poussée n'entraîne des répercussions, je saisis deux barreaux et me laisse hisser dans les airs. Pas question que je perde ces petites escapades hebdomadaires de deux heures ; c'est la seule chose, avec mon frère Allen, qui me permette de supporter la vie ici. À quinze ans, je n'ai pas encore le droit de participer à des opérations dangereuses. Je m'entraîne uniquement dans les missions de ravitaillement, mais je ne tiens jamais que des rôles mineurs : tous, y compris Marshall, ont peur que je désobéisse à un moment critique et que je nous fasse prendre de trop gros risques.
J'essaye de compenser cette frustration en m'entraînant le plus possible, et je fais parfois des efforts pour me montrer exemplaire, sachant que c'est la seule chose qui me permettra de gagner la confiance de mes congénères. Mais les mauvaises habitudes et ma personnalité explosive reprennent à chaque fois bien vite le contrôle sur toutes mes résolutions. Toutes les personnes qui avaient essayé de m'aider à me canaliser ont abandonné. Il ne reste plus qu'Allen à mes côtés, car Marshall est trop préoccupé pour vraiment s'occuper de moi. Il est peut-être comme un père de substitution pour moi, mais il n'en reste pas moins que ses obligations le tiennent une grande partie de la journée dans son bureau ou ailleurs. Nous sommes proches à notre façon distante, mais ces derniers temps, je me demande de plus en plus ce qui nous lie vraiment. Et surtout, j'essaye de comprendre pourquoi il m'a recueillie.
L'échelle me porte enfin jusqu'à l'hélicoptère et on m'aide à monter à l'intérieur. Je m'affale sur le plancher, mon sourire victorieux et ironique complètement disparu. Mes sombres pensées m'ont ôté toute envie de les narguer. Je me lève tout en époussetant ma tenue sous le regard désapprobateur des soldats : il est normalement interdit de sortir du complexe en étant aussi peu protégé - je porte seulement un débardeur et un short militaire. Le plus haut gradé, un homme que je croise souvent dans les couloirs mais dont je ne connais toujours pas le nom, tend une main impatiente vers moi. Je sais très bien ce qu'il attend de moi, mais je fais semblant de ne pas comprendre et le contourne pour aller m'assoir à ma place. Mais, tenace, il me suit à la trace et continue à réclamer son dû. Quand je suis à l'extérieur, je suis exceptionnellement autorisée à porter une arme sur moi pour me défendre en cas d'attaque surprise, mais dès mon retour dans l'hélicoptère, on me l'enlève et je n'ai toujours pas réussi à en subtiliser une durablement. Ce manque de confiance me donne des envies de meurtre la plupart du temps, mais je suis bien obligée de me plier aux ordres de Marshall.
Je lève les yeux au ciel, adopte une position décontractée et soupire bruyament.
- Je ne comprends toujours pas l'intérêt de cette mesure. Quoi, vous avez peur que je ne me rebelle contre vous ? Je ne suis pas une meurtrière!
- Donne-moi ton arme immédiatement, grogne le soldat, peu amène. Tu devrais déjà être satisfaite de tes petites sorties au lieu d'en demander toujours plus. Je te signale que personne, pas même les soldats confirmés, n'est autorisé à porter une arme dans le complexe. En dehors du centre d'entraînement, bien sûr. Nous ne ferons aucune exception pour toi, et comme tu connais parfaitement le pourquoi du comment, je ne te l'expliquerai pas non plus. N'essaye pas de gagner du temps.
Il me parle comme si j'étais une petite fille et ce ton m'agace profondément. Je sais qu'il ne peut rien me faire, mais moi non plus, donc dans ce cas, seule l'autorité et l'influence comptent. Or, par rapport à lui, je ne suis rien. Aucune unité n'a jamais été placée sous mon commandement, je n'ai même pas fini ma formation. Des limites, des limites, et encore des limites...
Je pose brutalement mes deux pistolets, encore chargés à bloc, sur ses mains tendues, tout en exprimant le plus explicitement possible mon agacement. Mais il n'en a cure, je peux le lire en lui comme dans un livre ouvert. Tout comme je devine sans une hésitation combien il se sent dégradé d'avoir été affecté à une telle mission. Pour lui, ce travail n'est pas digne de son rang et de ses responsabilités habituelles. Je me recroqueville sur moi-même et pour la première fois ma confiance s'effrite. Tant que personne ne me respectera, et que je signifierai le non respect du règlement pour les autres rebelles, je n'arriverai à rien. Les regards noirs et les soupirs me reviennent tous en mémoire avec brutalité. Evidemment que personne ne prête attention à moi. Etre une fille ne suffit pas, et je dois cesser le plus vite possible de vivre uniquement pour être le centre de l'attention. Je comprends soudain à quel je suis gâtée par rapport à tous ces hommes qui ont sûrement vécu l'horreur pour arriver là, combien je dois leur paraître superficielle et en dehors du monde.
Peut-être est-il temps de changer. D'arrêter de faire tourner les choses autour de moi, et uniquement moi, pour réaliser ce qui m'entoure et mettre mes capacités au service de véritables causes. Comme celle de l'Organisation : après tout, la rebellion ne vise-t-elle pas, en premier lieu, la libération des femmes ? Un sujet qui me touche au plus haut point.
Tandis que l'hélicoptère me ramène vers le complexe, je me fais la promesse d'oublier la petite fille qui vit encore en moi et de la remplacer définitivement par celle qu'ils attendent tous de moi : une combattante.
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