Braquage insolite

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PERSONNAGES

KIFETTE

GANGUETTE

SYNOPSIS : Kifette et Ganguette sont deux amies d’infortune qui décident de faire un braquage dans une banque. Elles arrivent trop tard. Les coffres sont fermés, le personnel parti. Mais la femme de ménage est là.

DECOR : Le hall d’accueil d’une banque avec ses box derrière lesquels sont assis les caissiers. Le hall est désert. Côté cour, Kifette et Ganguette font irruption. Elles sont armées, et portent un bas de nylon sur la tête.

KIFETTE: (Hurlant) Haussez les mains !! Ceci est un braquage !!!

GANGUETTE: (Bas à Kifette) « Haussez les mains », ça ne veut rien dire. Tu devais dire : « Haut les mains !! Ceci est un hold-up !! »

KIFETTE: (Bas, également) Je t’emmerde, Ganguette. Ils ont compris quand même. Maintenant dis ce que tu as à dire.

GANGUETTE: (Hurlant) Bougez-pas, et il ne vous sera fait aucun mal !!

KIFETTE: (Bas) C’est malin d’avoir dit ça. Et maintenant qui ira chercher l’argent dans le coffre : c’est toi ?

GANGUETTE: (Bas) Fais pas chier, Kifette ! Je saurai quoi dire le moment venu.

KIFETTE: (Après un temps. Bas) On dirait que personne n’a rien entendu. Je ne vois aucun bras en l’air.

GANGUETTE: (Bas) Tu es sûre ? Avec ce bas sur la tête j’y vois pas grand’chose.

KIFETTE: (Bas) T’as raison, on devrait l’enlever.

GANGUETTE: (Bas) Tu es folle ??? Tu veux qu’on nous reconnaisse ? Garde-le, et laisse-moi faire. (Haussant le ton) Allez !! Mains en l’air !!! Et pas un geste !!! (Elle s’approche d’un guichet, et tape sur le comptoir) Allez, allez !!! Sors de là, et va chercher l’argent dans le coffre !!! (Pas de réponse) T’as compris ??? (Toujours pas de réponse)

KIFETTE: (Après un temps) Ganguette.

GANGUETTE: (Se retournant) Quoi !!

KIFETTE: J’ai comme l’impression que cette banque est vide.

(Silence. Les deux femmes regardent à droite et à gauche, inspectent les guichets)

GANGUETTE: Tu as raison (Elle regarde sa montre) Putain !!! Il est 17 heures 10 !!!! Elle est fermée !!! (Pause) Je t’avais dit de te magner, qu’on serait à la bourre !!!

KIFETTE: Et je me suis magnée.

GANGUETTE: Sauf que t’es restée au téléphone avec ton Jules pendant 20 bonnes minutes.

KIFETTE: Le petit a de la fièvre, et il savait pas quoi faire.

GANGUETTE: Mon cul !! Et sa mère ? E sa sœur ?... Il sait pas les appeler ?

KIFETTE: (Avec agacement) Oh, ça va !!

GANGUETTE: Ça va mon cul !! On a l’air de quoi, dans cette banque vide ?

KIFETTE: Hé, c’est pas parce qu’il n’y a personne, qu’il n’y a plus d’argent. Les coffres ont toujours là.

GANGUETTE: Sauf qu’ils sont sous alarme. (Désespérée, elle ôte son bas et jette à terre son arme) Putain de bordel de cul !!! Et dire que pendant un mois, j’ai tracé le plan de cette agence, j’ai repéré où sont les caméras, comment s’active et se désactive l’alarme, j’ai étudié les allées et venues du personnel les petites habitudes de chacun ; pendant un mois, j’ai relevé les entrées et les sorties d’argent, notant les jours et les heures où passaient les convoyeurs ; pendant un mois, j’ai appris à connaître cette banque, mieux que ma propre maison !!! (Criant) Et tout ça pour une gourde qui a passé vingt minutes au téléphone avec son Jules !!!!

KIFETTE: Je t’ai dit que le petit avait de la fièvre.

GANGUETTE: Elle a bon dos la fièvre. La façon dont lui parlait, ne m’a pas du tout donné l’impression qu’il était alité avec un thermomètre dans l’cul. (Kifette va pour dire quelque chose) Te fatigue pas, de toutes façons, quoi que tu dises, nous l’avons dans l’cul.

KIFETTE: Dis Ganguette, je peux te poser une question ?

GANGUETTE: (Haussant les épaules) Vas-y.

KIFETTE: T’aurais pas le cul qui te démange, par hasard ? En moins de cinq minutes, ça fait cinq fois que tu parles de cul. Même de celui de mon fils. (Pause) Je te ferai remar= quer, à ce propos, que le thermomètre je lui mets dans la bouche.

GANGUETTE: Tu lui mets où tu veux, mais dans le cul c’est plus sûr et il le garde moins longtemps.

KIFETTE: Le plus nase, c’est sous le bras.

GANGUETTE: Ouais, mais c’est plus discret et plus hygiénique. (Un temps. Elle se tape le front avec la main) Nom d’un motard sans casque !!! Tout n’est pas perdu, Kifette. Remets ton bas, et reprends ton arme. (Kifette la regarde en ouvrant grand les yeux) J’avais oublié la femme de ménage. Elle vient toujours après que le personnel est parti. Elle doit être ici. Peut-être dans un bureau.

KIFETTE: Et tu crois qu’elle a la combinaison du coffre ?

GANGUETTE: Pas elle, le directeur.

KIFETTE: Et alors ? Qu’est-ce qu’elle a à voir avec lui ?

GANGUETTE: Bordel Kifette, réfléchis un peu, tu veux ? (Pas de réponse) Qu’est-ce qu’on fait pour faire venir le directeur dans son agence ?

KIFETTE: (Avec hésitation) On l’appelle ?

GANGUETTE: Très bien. On l’appelle… Et qu’est-ce qu’on lui dit ?

KIFETTE: (Même attitude) Ben… On lui dit… « Allô, nous sommes deux braqueuses, nous sommes dans votre agence, et si vous ne rappliquez pas tout de suite, on… on fait tout sauter. »

GANGUETTE: (Haussant les épaules) Et alors ?... Qu’est-ce qu’il s’en fout qu’on fasse tout sauter ? L’explosion va attirer les flics, et ils vont nous arrêter. Quant à l’agence détruite, elle sera immédiatement reconstruite par la succursale.

KIFETTE: Tu as raison. (Un temps) Alors, qu’est-ce qu’on fait pour le faire venir ?

GANGUETTE: On prend en otage la femme de ménage.

KIFETTE: (Haussant les épaules) Qu’est-ce qu’il s’en fout de la femme de ménage !

GANGUETTE: T’es con ou quoi, ma pauvre ? Et la vie humaine, t’en fais quoi ? (Pause) On pointe notre flingue sur la tempe de la femme de ménage, on appelle le dirlo et on lui dit : « Monsieur, nous détenons en otage la femme qui vient faire le ménage dans l’agence bancaire dont vous êtes le directeur. Si vous ne rappliquez pas illico presto… » – un peu de latin, ça fait toujours classe – « … Pour nous ouvrir les coffres et remplir nos sacs de tous les billets qu’ils contiennent, nous l’abattrons comme un chien. »

KIFETTE: Comme une chienne.

GANGUETTE: Si tu veux.

KIFETTE: (Après un temps) C’est un peu long, non ?

GANGUETTE: Qu’est-ce que tu dirais à ma place ?

KIFETTE: Eh bien… (Elle se concentre) « Dirlo de mes deux, nous sommes dans ton agence et nous détenons en otage, ta femme de ménage… » – un peu de rime ça fait classe – « Si tu ne rappliques pas dare-dare, on lui fait sauter la cervelle. » (Pause) Sauter la cervelle, ça fait plus trash ! Il voit tout de suite le topo : sa belle agence toute proprette, dégueulassée par les projections gélatineuses. (Pause) Crois-moi que, même s’il est sous la douche, il va rappliquer vite fait.

GANGUETTE: Et pour quoi faire ?

KIFETTE: Comment ça : pour quoi faire ?... Pour ouvrir le coffre et nous donner les sous.

GANGUETTE: Tu ne le lui a pas dit, ça.

KIFETTE: Il comprendra. Si je le fais venir dans ces conditions, ce n’est pas pour lui demander de m’ouvrir un compte.

GANGUETTE: Tu as raison. (Après un temps) Bon, maintenant il s’agit d’aller chercher la femme de ménage.

KIFETTE: Vas-y-toi. Moi, je vais peaufiner mon discours.

GANGUETTE: Ça roule.

(Ganguette sort sur le fond de la scène. On entend le bruit de portes qui s’ouvrent e se referment, et puis un cri)

VOIX DE MARICA: (Accent Hispanique) Ay, madre de Dios !!! Que se pasa ?

VOIX DE GANGUETTE: Ta gueule ! C’est une prise d’otage.

(Ganguette revient sur scène, pointant son pistolet sur la tempe de Marica)

GANGUETTE: Avance

MARICA: Ay, madre de Dios !! Que se pasa ?

KIFETTE: Elle te l’a dit. C’est un hold up, et tu es notre otage.

MARICA: Otage ?

GANGUETTE: Oui, otage. Pendant que je tiens mon pistolet sur ta tempe, ma copine va appeler le directeur pour qu’il vienne nous ouvrir les coffres et nous donner les sous.

MARICA: Le director ?... Les sous ?...

GANGUETTE: Oui. Le directeur… les sous.

MARICA: Ma quel director ?... Et quels sous ?...

KIFETTE: Le directeur de la banque, et les sous qui sont dans le coffre.

MARICA: Ma… Ma… Y a plous de sous.

KIFETTE: Qu’est-ce que tu racontes ? Depuis quand il n’y a pas de sous dans une banque ?

MARICA: Ma ce n’est pas ouné banque.

GANGUETTE: Ce n’est pas une banque ?... Et ces guichets ?... Et ces coffres là-bas au fond ?... Dis, tu nous prends pour des billes ?

MARICA: Yé voulou vous dire que cé n’est plous oune banque. Elle a déménagée. Moi yé dois faire le ménage, et après arrive lé nouveau patron d’ici, pour voir pour les travaux. D’aillors, il né va pas tarder à vénir.

KIFETTE: (Après un temps) Et… Ça va être quoi, maintenant ?

MARICA: Ouné commissariat dé police.

FIN

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