6. Jour -11
Keristum
J’avoue les avoir compté, ces trois longs jours sans lui, ni le message, rôdant comme un orphelin dans les zones qu’il m’avait suggéré.
Je brûlais à tout instant de repasser sonner, à l’improviste, or, le respect, la reconnaissance et la fraternité que je lui portais et lui devais étaient plus forts que mon impatience et son avidité. Pour dire le fond des choses : j’appréciais autant sa compagnie qu’il me tardait de savoir de quoi il en retournait…
Il m’avait dit d’attendre l’appel. J’attendais donc – en étirant mes balades vers cet Audierne si joli du Finistère sud.
Le troisième jour, après avoir préféré les côtes maritimes lors des deux précédents, je suis allé traîner du côté du manoir qui surplombe le port de plaisance, camouflé par les premiers arbres de l’immense forêt qui dévore tout sur des hectares.
Je le savais plus ou moins destiné à des séjours pour adolescents, alors l’approcher ou le contourner restaient les seules options sans passer pour un intrus. Il n’avait, au demeurant, ni portail ni surveillance, ainsi quiconque voulait y entrer n’eut qu’à gravir sa large allée sur trois cent mètres, sans craindre d’être intercepté.
J’optais cependant mieux pour le sentier latéral, celui qui faisait accéder directement au bois qui le cernait, séparé du parc par une clôture. Ce chemin permettait de voir sans être vu et c’est exactement ce que j’aimais. Je voulais principalement profiter de ma location pour parcourir le domaine forestier à dos du deux-roues, écouter le chant des oiseaux pendant les pauses, glaner quelques plantes et pourquoi pas des fruits sauvages - les mûres par exemple, contempler les vues diverses et variées qu’offraient ses orées et ses clairières.
Loin de moi l’idée d’espionner l’intérieur de la propriété privée qui, pour autant, ne semblait pas souvent occupée. Or, après avoir fait mon bucolique, je crus entendre comme des crépitements de feu de camp et des chuchotements.
Je me serais bien gardé de faire mon indiscret là aussi, si quelque-chose ne m’avait invité à y regarder de plus près : un mouvement indistinct, s’agitant au vent entre quelques frondaisons. Hélas les troncs et les branchages qui me séparaient de cette bizarrerie m’auront empêché d’identifier le phénomène, juste laisser deviner que ça pendait et se balançait par là, les voix au-delà.
Je n’ai pas aimé mon impression après cet imprévu : un frisson glacial et désagréable avait parcouru mon échine. Je décidais de repartir sans en apprendre davantage, et dans la soirée je reçus enfin l’appel tant attendu :
— Laurent ? Le bonsoir à toi ! J’espère que tu as profité de tes jours d’attente…
— Ah Monsieur Even, quel plaisir ! Je ne vous cache pas que j’étais à l’affût.
— Et bien tu ne seras pas trop déçu, je pense. J’ai un début de quelque-chose, qui nécessite de discuter avec toi sur certains aspects, afin de les confirmer ou les affiner. Sinon les corriger. Que dirais-tu de venir dès demain ou dans deux jours ?
Le lendemain fut entendu, sauf qu'une pluie diluvienne m’en empêcha, j’y allai donc le suivant.
À suivre…
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