Chapitre 14
Jacinthe
Je pose maladroitement une main sur ton épaule. Je ne sais pas quoi faire lorsque quelqu’un pleure. Je suis terriblement mal à l’aise avec les émotions qui ne sont pas les miennes. La nervosité me gagne et j’ai moi aussi envie de verser quelques larmes, mais je ne le ferai pas. Je dois être forte pour toi, comme tu l’es pour moi depuis des années et particulièrement depuis quelques mois. Ta voix congédie mes pensées.
- Je suis désolé Jacinthe, je ne pensais pas qu’elle dirait des horreurs pareilles.
- Moi non plus, sinon je n’aurais pas insisté pour qu’on lui parle.
- Tu aurais été une maman formidable, ne l’écoute pas.
Je ne sais pas qui croire, mais j’essaie de ne pas m’en faire. De toute façon, je ne serai pas mère pour le moment, donc il est inutile d’y penser.
- Merci d’avoir pris ma défense.
- Mais enfin, qu’est-ce que j’aurais pu faire d’autre ? C’est toi, ma famille ! Ce n’est pas elle avec ses idées arriérées !
- Anton, calme-toi. Ça ne sert à rien de s’énerver… C’est trop tard de toute façon. Et puis elle ne le pensait peut-être pas vraiment.
- Tu le crois sincèrement ? me demandes-tu, un brin sarcastique.
- Je ne sais pas. Ça a dû lui faire un choc, elle ne savait peut-être pas quoi dire, quoi faire…
- Dans ce cas, elle n’avait qu’à se taire.
Le silence s’installe pendant plusieurs minutes. Il me semble lourd, alors qu’il ne me gêne habituellement pas quand je suis avec toi. Ma tête tourne, j’ai l’impression d’avoir bu des litres d’alcool. On peut être ivre de joie, moi, je suis ivre de tristesse. Les mots d’Éléonore m’ont bien plus touchée que je ne le montre et le lien déjà fragile entre vous semble être définitivement rompu. Votre relation n’a jamais été vraiment facile, elle est essentiellement faite d’apparences, souvent trompeuses. J’apprécie ta protection, le respect que tu me portes, mais l’appréhension glace mes veines. Que va-t-il se passer, maintenant ? Allez-vous vous reparler ? Les séparations, quelles qu’elles soient, m’angoissent profondément.
- Je vais aller m’allonger une heure ou deux, si ça ne te gêne pas, m’annonces-tu.
- Vas-y, je te rejoindrai plus tard.
Un petit sourire se forme sur tes lèvres et j’aperçois des étincelles dans tes yeux, telles des étoiles qui se remettent à briller en retrouvant un espoir perdu. Tu t’éloignes puis ajoutes soudain :
- Et ta mère, Jacinthe ? Tu lui as parlé ?
Mon cœur sursaute. Je n’ai pas prévenu ma mère de mon retour de l’hôpital. Je n’ai pas la force de lui parler.
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