Chapitre 17 - Désespérance - partie 4
Chapitre 17
Désespérance
(partie 4)
Je suis resté prostré avec cette lettre brûlante entre mes doigts, je suis resté amorphe et aphone devant l’émotion, devant la fatigue, mais surtout, devant la culpabilité : une culpabilité absolue, tenace, nue et limpide comme la mort, qui m’a assailli et terrassé sans rencontrer la moindre résistance de ma part.
Je n’aurais pas été surpris de ne jamais me réveiller de ce cauchemar. J’aurais presque préféré mourir ainsi, mourir de rien ou de douleur. Mais Diego est arrivé, il m’a posé la main sur l’épaule et j’ai été douloureusement catapulté dans le monde réel. La mort de ma sœur a fait irruption en moi violemment. Cette fois, ça ne m’a pas assommé, mais juste déchiré, plus fort, plus loin.
Le soir même, je suis allé chercher John et Claire à l’aéroport : il était abattu, elle était hébétée, j’étais pétrifié. Et nous avons hanté l’appartement de la Cité comme trois fantômes abrutis de douleur.
J’ai passé deux jours en dehors de moi, comme si mon corps était trop petit pour contenir toute cette souffrance. Je croisais l'ombre de Diego de temps en temps, mais je le reconnaissais à peine. Ou j’entendais Fatou qui me demandait si ça allait, sa voix venait de très loin. Je déambulais vaguement dans l’appartement : tout ce dont je restais capable était de prendre soin de mon neveu.
Je suis redescendu sur Terre quand ils ont mis le cercueil de ma sœur au fond d’un trou très noir et très froid. Nous étions nombreux autour de cette tombe, John et moi, la petite Claire, Catalina et nos enfants qui étaient rentrés de Vancouver, et puis des amis de Livia dont je ne me souvenais plus. Je serrais contre moi Frank endormi, je me cramponnais à lui comme s’il avait été ma vie, et c'est un miracle que je ne l'aie pas laissé tomber.
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