Chapitre 1 : Je prends sur moi et garde le sourire
J’habite dans une petite maison qui tombe en ruine à force de temps. Une cuisine, très petite, une salle de bain, des toilettes, un salon puis les escaliers menant à l’étage. Trois chambres, une autre salle de bain avec toilette et c’est tout. Je ne me plains pas, je ne peux pas, j’ai un toit sur la tête, à manger, lorsqu’il y en a, lorsqu’il est suffisamment raisonnable pour faire les courses sans oublier le nécessaire : tout sauf l’alcool.
Alors que je suis dans la cuisine, préparant un plat de pâte à la tomate. Un plat classique. La porte d’entrée s'ouvre dans un fracas et se referme tout aussi violemment. Il est rentré…
Son arrivée s’accompagne d’un long silence pesant, un bruit tonitruant, celui d’un vase qui se brise sur le sol et du meuble se renversant lourdement sur le sol. Un lourd râle rugueux. Il avance vers l’entrée de la cuisine et du verre qui se brise à mes pieds. Je sursaute et n’ose pas le regarder ou dire quoi que ce soit, priant pour qu’il se pose sur le canapé et s’endort.
– j'en ai marre !!! Crie-t-il complètement alcoolisé.
Ses pas s’approchent, puis sans crier garde, il m’attrape par les cheveux, me tire en arrière. Je tombe sur le verre brisé et m’entaille les mains. Il va encore me battre !
Je me précipite vers le placard et attrape une poêle, me retourne et lui fais face, tremblante. Mes mains me lancinent, le sang faisant légèrement glisser le manche de la poêle.
Il me saute dessus comme un animal enragé, me percutant et me projetant contre les meubles. Lâchant la poêle qui tombe dans un bruit sourd, je me tords de douleur. Il est plus fort que moi, même alcoolisé, je dois vite me mettre en sécurité le temps qu’il s’évanouit…
Je regarde autour de moi, la seule sortie est la porte d’entrée. Je ne peux pas partir, elle est en haut ! Je me projette contre lui, espérant qu’il perde l’équilibre et passe à côté. Je tombe au sol, me relève et avance rapidement vers les escaliers. Ses cris rugissent derrière moi, je l’entends se prendre les chaises et tomber. Maintenant !
Grimpant deux à deux les marches de l’escalier, le plus vite possible, cours précipitamment jusqu’à ma chambre.
– Re...viens ici ! Grommelle-t-il en montant rapidement les escaliers.
J’ouvre la porte et entre dedans, me retourne et ferme la porte, mais il est trop proche et la percute, l’ouvrant de force. Il m’attrape le bras et me jette dans le couloir. Il saisit mes cheveux et me traîne sur le sol jusqu’en haut des escaliers. Je me débats, essaie de libérer mes cheveux de sa prise, sans succès.
Mon bourreau me traîne jusque le pas des marches et hurle de rage :
- Tu vas payer pour la journée que j'ai passée, tout est de ta faute !
Tout se passe vite, je ne ressens plus la douleur derrière mon crâne... Pendant un court instant, je ne sens plus rien.
D'un coup, emporté par mon poids, mon dos heurte violemment les marchés. Une vive douleur parcourt mon dos et se répand dans tout mon corps. Mon souffle se coupe.
Il m’a lancé dans les escaliers !
Mon corps impuissant se tord, subit la maltraitance du bois dur, ma tête percutant le mur à plusieurs reprises.
De mes bras, je tente de la protéger, tout comme ma nuque. Les yeux fermés, mon corps brûle, mes habits s'accrochent aux clous dépassant, griffant mes côtes, mes cuisses…
Les craquements du sol...pas que du sol…
Un bruit sourd retentit dans la maison. J’atterris lourdement sur le sol. Plus rien, plus un bruit.
Mon souffle toujours coupé, mon corps meurtri, encore une fois… La tête qui tourne, mon cœur battant encore, mes poumons explosant sous l'air devenu trop pesante…
Les larmes me montent aux yeux et je me sens partir.
Cette fois est de trop…
Je...je ne veux pas mourir comme ma mère.
Non… Pas maintenant, pas en la laissant seule avec lui…
Je lutte pour garder les yeux ouverts, ma vision est floue. Je distingue sa silhouette en haut, se tenant satisfait. Je ne bouge pas, si je le fais, ce sera pire. J’attends…
Il finit par descendre les marches, me pousse sur le côté pour pouvoir passer.
– Là au moins, tu ne me feras plus chier. Me crache-t-il dessus, puis s’en va dans le salon regarder la télévision.
Je ne bouge pas, je reste étalée sur le sol un moment. Jusqu’à que j’entends des ronflements… Il s’est endormi.
Je contracte fortement ma mâchoire, à m'en faire grincer les dents. Bouge un bras, me retiens d’hurler de douleur. Bouge le second, et c'est pire…me redresse, lentement, très lentement.
Qu’importe la douleur, que je crache du sang, que j’ai des os fêlés, je dois la rejoindre.
Il m’a fallu un long moment pour me hisser à quatre pattes. Mon corps tremble, chaque mouvement est une lutte. Impossible de me lever d’un coup, alors je progresse ainsi, lentement, misérablement. Ma main s’accroche à la marche suivante, un pic de douleur transperce mon épaule. Je serre les dents, une grimace tord mon visage. Ma jambe se soulève à son tour, mais l’effort m’arrache un frisson de souffrance. Une vague de brûlure irradie mon corps, mes muscles et l’envie de hurler me noue la gorge.
Les secondes s’étirent, pesantes. Le temps me paraît être une éternité. Mon souffle est court. Chaque pas est une bataille.
Enfin, la porte de ma chambre se dessine devant moi, promesse d’un refuge. Dans un dernier sursaut de volonté, je me hisse jusqu’à elle, la pousse du bout des doigts et glisse à l’intérieur. Le battant se referme derrière moi dans un léger grincement. D’un geste maladroit, je tends mon bras et verrouille la porte. Un clic… Un soupir m'échappe.
Je m’affale contre le bois froid, laissant ma tête tomber en arrière. Mon souffle est court, mes côtes me lancinant. Une quinte de toux secoue ma poitrine, me pliant en deux. Je crache, une amertume métallique envahit ma bouche.
Le silence retombe. Je ferme les yeux un instant. Elle doit m’attendre…
Je ne dois pas m’endormir, pas maintenant sinon… Je ne veux pas qu’elle me voit ainsi.
Dans un souffle douloureux, j’ouvre les yeux et essaie de me redresser en vain. Je retire mon haut. Oh mon dieu...Quelle horreur. Mon corps est marqué par de nombreux hématomes. Je dois avoir une côte fêlée, pareil pour ma jambe droite…
Des petits gémissements me parviennent de la salle de bain attenante à la chambre.
Elle s’est réveillée.
Malgré les vertiges, la douleur et l’envie de sombrer, je remets mon pull, avance doucement jusqu’à mon bureau et me hisse sur la chaise. Je lève les yeux et regarde les dégâts dans le miroir. Une larme coule le long de mon visage marqué, la seule depuis longtemps.
Je dois cacher ça sinon elle prendra peur.
Dans le tiroir, du désinfectant, des cotons et bandages. Mon visage est gonflé, mais déjà enlever le sang sera bien. Cacher le maximum, du vert atténuer le rouge et blessure. Ensuite, du fond de teint. Une fois cela fait, j’attrape un flacon de pilule, la main tremblante, je l’ouvre et prends une des pilules. L’avale difficilement, manquant de m’étouffer avec.
Avec ça la douleur diminuera ne serait-ce qu’un peu...J’en suis devenue insensible avec le temps. Je ne vais pas pouvoir tenir longtemps.
– Maman ?
Sa petite voix chuchotant m’appelle. Je serre les dents et prends le courage de me tenir debout. Avançant vers la salle de bain, m’appuyant sur le mur, j’ouvre la porte et la vois au sol, dans les couvertures.
– Coucou ma chérie, tu as bien dormi ?
Ma voix se veut poser, mais elle tremble et se brise. La gorge nouée, les larmes proches j’inspire puis m’assoie à côté d’elle.
– Oui, beeeaucoup comme ça ! En montrant avec ses petites mains.
Je l’attrape dans mes bras et la serre contre moi, ne faisant pas attention à mon corps qui hurle. Mon nez dans son cou, j’inspire, prenant une bouffée de son odeur. Mon corps se met à trembler, je me mets à pleurer, la tenant fermement contre moi. Ses cheveux sentent le renfermé et l’amande.
– Tu vas bien ? Demande-t-elle
– Je vais bien ma chérie, j’ai juste un peu froid. Me forçant à lui sourire.
Elle essuie mes larmes et essaye de me couvrir avec sa couverture. Ses petites mains caressant mon visage.
Mira… Sans toi, je ne serais déjà plus de ce monde depuis cinq ans.
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