Chapitre 1 - partie 1
Rose ferma les yeux pour faire le vide un instant. Il lui fallait intégrer le personnage, il fallait qu’elle s’efface pour laisser sa nouvelle identité la pénétrer. Elle ne s’appelait plus Rose Ripert dorénavant mais Ellen Harper. Et lorsqu’elle rouvrirait les yeux, elle devrait en être presque persuadée. Prête à évoluer dans sa nouvelle vie afin de mener à bien sa mission.
Ce fut la détermination qui fit briller ses yeux lorsqu’elle battit des paupières. Elle glissa de longues mèches noires derrière ses oreilles et sourit enfin à son chauffeur.
« Vos affaires ont déjà été installées dans votre nouvel appartement, Agent 242.
— Très bien. C’est parfait, répondit-elle le regard brillant d’excitation.
— Alors bonne chance ! » conclu le chauffeur d’une voix taquine.
Rose haussa un sourcil et esquissa un sourire avant de répondre à son tour.
« Ce n’est pas de chance dont j’ai besoin mais de talent. »
Sur ces dernières paroles, elle lui fit un clin d’œil et sortit avec grâce du véhicule qui ressemblait trait pour trait à un taxi. Elle jeta un coup d’œil autour d’elle et sourit : Cette ville semblait être encore plongée dans l’époque des Westerns. Les maisons ressemblaient principalement aux vieux ranchs de l’époque et les rues étaient aussi larges que les avenues de Washington.
Armée de son seul bagage, un sac à main fourretout, elle s’élança vers ce qui allait être son nouveau chez elle pour ces prochaines semaines.
Elle fut surprise de voir qu’il s’agissait d’une annexe – une sorte de petite grange réaménagée – d’une de ces maisons typiques du Dakota du sud. Son aspect, par ailleurs, était peu engageant. Etrangement, cela la t : sa discrétion serait plus facilement préservée de cette manière.
L’intérieur lui non plus ne payait pas de mine. Il n’avait sans doute plus été habité depuis un moment car une odeur de renfermé avec envahi l’espace tout comme la poussière. Celui-ci était composé de trois pièces principales : la chambre, la cuisine/séjour et la salle de bain. Entièrement fait de bois, l’appartement aurait pu avoir un certain charme s’il n’était pas entièrement décoré de trophées de chasse à gros gibier et de tableaux abordant le même thème.
Rapidement, elle fit le tour de l’appartement et nota mentalement toutes les faiblesses de sécurité auxquelles elle devrait répondre. La fenêtre dans la chambre était son principal point faible. La vieillesse du châssis rendrait facile toute tentative d’effraction. Elle fut néanmoins soulagée de constater les lourds rideaux marrons qui l’encadraient. Ils permettaient d’y préserver toute l’intimité souhaitée.
Elle tira les rideaux et alluma le lustre bouffé par les toiles d’araignée. « Je me demande bien si Aaron aussi se retrouve dans des taudis pareil… » Elle grogna à cette pensée et s’t afin de récupérer sous le lit les trois grosses valises qui l’y attendaient. Sous le regard vide de la tête d’élan suspendue au-dessus du lit, elle déballa ses affaires et se mit rapidement au travail.
Dans les deux premières, elle y retrouvait tous ce qui concernait Ellen. Cette jeune journaliste indépendante semblait aimer s'habiller de vêtements plutôt confortables et discrets avec un petit côté rock néanmoins ; jeans, sweat, bottines… Peu de robes, peu de maquillage. Rose intégrait les informations, créant lentement sa nouvelle personnalité. Réfléchissant à ses futures tenues, à ses coiffures, à la manière de se tenir et de parler.
Un sourire naissait sur ses lèvres, c’est ce qu’elle préférait dans son métier ; s’inventer. Il suffit d’y croire suffisamment, de se convaincre que cette identité est la véritable pour que cela semble réel. Mais attention de ne pas tomber dans le piège pour que le bluff soit parfait ; Le danger étant de s’y perdre un jour, de ne plus savoir quelle facette est l’originale.
C’était grâce à Aaron, son mentor et petit-ami, qu’aujourd’hui elle ne s’inquiétait plus de ce piège. Il lui avait appris à comprendre qui elle était vraiment derrière toute cette fragilité écœurante qui lui appartenait à l’époque. Il lui avait appris à devenir forte, puissante, sans cœur.
Bien évidemment, elle aurait préféré s’étouffer plutôt que de lui avouer. Déjà, parce qu’il avait un égo surdimensionné. Il n’était donc pas nécessaire d’en remettre une couche. Ensuite, parce que ce serait avouer qu’elle avait eu besoin de l’aide de quelqu’un un jour dans sa vie et ça, il n’en était pas question.
Rose referma d’un coup sec les deux premières valises et son flot de pensées par la même occasion avant de se retourner sur la dernière. Celle de l’agent.
Elle composa un code secret à six chiffres avant de l’ouvrir avec délicatesse.
Armes, chargeurs, puces, caméras et micros espion, traceurs GPS… Tout l’attirail nécessaire. Elle y trouva également un ordinateur qui lui permettrait d’entrer en contact sécurisé avec l’AIS, l’Agence d’Intervention Surnaturelle, ainsi qu’affiner certaine de ses recherches. Enfin, le plus important, un dossier en papier kraft où se trouvait l’esquisse de son enquête, son point de départ.
Rapidement, Rose s’installa dans ses nouveaux appartements en commençant par aérer les lieux. Elle installa ensuite ses vêtements dans l’énorme garde-robe en chêne avant de changer les draps du lit pour des linges frais. Une fois fait, elle s’empara du dossier kraft et se jeta sur le lit qui, malgré sa robustesse, lui fit part de son mécontentement par un grincement inquiétant.
Après s’être assuré que le lit n’allait pas céder sous son poids – pourtant pas si élevé que cela, elle ouvrit le dossier et étala différents documents sur les draps.
L’un deux et sans doute le plus important était son ordre de mission. Il lui donnait des attentes précises, des objectifs et des buts à atteindre. Il lui donnait un point de départ, une idée sur la manière d’entrer en action. Mais cette fois-ci, c’était différent.
Annexés à son ordre de mission, plusieurs articles de presse faisait part de disparitions, meurtres ou encore suicides en masse dans la région. Chacune des affaires ou presque, avait été élucidé par les forces de l’ordre désignée pour l’enquête. Cependant, la quantité d’affaire diverse était bien trop importante pour une région plutôt reculée. La dernière, celui d’un jeune photographe, avait particulièrement attiré l’attention de ses patrons et les avait poussé à envoyer leur équipe sur le terrain. Par ailleurs, cette affaire précisément n’avait pu être élucidée. Personne au sein des forces de l’ordre n’avait su expliqué ce qui lui était arrivé ni trouver un quelconque coupable.
Elle étala alors différents clichés de la scène de crime – sans doute récupéré par un agent de liaison ayant infiltré le réseau policier – tous plus horrible les uns que les autres. Le jeune homme avait d’abord été vidé de son sang. L’autopsie n’avait pu révéler d’aucune façon la manière dont cet événement s’était produit. Pas d’entaille, aucune trace d’aiguille, ses organes étaient en bonne santé…Et plus étrange encore, c’était qu’il était entouré d’autres dépouilles, toutes animales, ayant subi le même sort que le garçon.
Les corps avaient – après leur mort selon le légiste – été démembrées avec une violence sans nom pour ensuite être disposées morceau par morceau sur le tapis de verdure de la forêt de Deadwood, la ville voisine d’où se trouvait Rose. Leurs agencements formaient un cercle parfait sur le sol et en son sein, le sang mélangé de tous ces êtres avaient dessiné une étoile à cinq branches, un pentacle. Enfin, chaque branche pointait un arbre sur lequel des symboles étranges apparaissaient. Les recherches de son équipe penchaient pour des symboles runiques, souvent utilisé dans des actes magiques ou sataniques.
L’affaire avait fini par être classée mais c’était son compter sur l’AIS. Son agence, bien qu’elle soit non gouvernementale, avait déjà réglé beaucoup de situation problématique. Bien souvent des histoires de phénomènes paranormaux à dormir debout qui finissait par être résolue et dont l’explication était souvent la plus simple. Leurs opérations étaient bien souvent clandestines et nécessitaient une importante discrétion.
Cette fois-ci, il s’agissait d’une histoire plus sanglante que ce qu’elle avait pu connaître par le passé mais cela ne l’inquiétait pas. Elle ne craignait pas la magie, les sorciers ou comme précisé dans son dossier, les wiccans. Une petite note explicative précisait qu’il s’agissait de partisans d’une nouvelle religion polythéiste dans laquelle la sorcellerie trouvait sa place. Rose ne pouvait les craindre puisqu’elle savait que cela n’existait pas. C’était, tout au plus, des cinglés sadiques ou – puisque cela concerne un culte – une secte de dégénérés.
Tandis qu’elle parcourait ces documents, un sentiment de frustration la gagnait. Il lui manquait beaucoup d’informations relativement importantes. Aucun suspect n’avait été nommé et aucun lieu d’approche défini avec exactitude. Deadwood était la ville d’à côté mais ce n’était pas sa délimitation de mission, ce qui n’avait pas de sens. Ce fut un rapport de mission en cours qui lui donna un début de réponse. L’agent 213, autrement dit Aaron son compagnon, avait fait certaines découvertes… Elle n’en savait davantage ce qui alimentait son sentiment de frustration. En effet, le rapport semblait être confidentiel. Sa copie s’était vue noircie au feutre sur une majeure partie. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’un second coven ou autrement dit cercle de sorcier devrait sans doute exister à Whitewood. Sa mission était de le trouver.
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