Parade mortelle
Le Héros se demandait qui était cette fille qui l'avait fixé aussi intensément, quelque chose de bizarre était survenu lorsque leur regard se sont croisés.
Ça paraissait être de l'inquiétude...
Mais sérieusement, pourquoi m'a-t-elle fixé de façon aussi insistante ? Était-elle tombée sous mon charme de beau gosse voyou ? rit-il intérieurement.
Reprenant son sérieux, il remarqua qu'elle était différente de ses congénères. Elle avait l'air aussi plus craintive que les autres qu'il vit grimper dans ces immenses constructions faites en quartz rose. Mais la chose la plus importante qu'il ait remarquée chez elle, c'est qu'elle était dénuée d'ailes contrairement à toutes les filles qu'il avait vues monter dans ces choses.
Peut-être était-elle issue d'une autre race que celles de ces autres personnes importantes qui grimpèrent dans ces gâteaux de pierres ? se demanda le garçon.
Il fut importuné dans le fil de ses pensées par un gardien impérial, il se tourna vers lui de façon nonchalante et lui fit un large sourire.
Le garde impérial fut pris de stupeur face à la chose à laquelle il faisait face. Il n'aurait jamais pensé faire face à quelque chose d'aussi étrange dans toute sa vie. Cet « Homme », si on pouvait l'appeler ainsi, n'avait pas de visage, simplement des yeux et une bouche sur un fond noir, ses dents superbement blanches contrastaient avec son ténébreux visage.
Dès qu'il fut maître de lui-même, il reprit son sérieux et exigea des explications sur la tenue du jeune homme, d'un air stoïque pour impressionner son interlocuteur, ce qui échoua lamentablement à cause de son attitude antérieure.
Le Héros le regarda de haut en bas et ne voyait rien d'impressionnant chez cette fée qui pourrait lui faire la craindre.
Le garde invectiva le garçon le prenant par le col, cela n'eut toujours aucun effet sur le Héros qui s'évertuait à lui faire comprendre que ses menaces n'avaient aucun sens d'être proférées à son égard.
Mais quelque chose le gênait : la saleté – ironique, hein ? Mais lui, au moins, a une excuse. Cela l'insupportait grandement, surtout quand elle ne provenait pas de lui, cela aurait été dans un autre endroit, avec d'autres personnes, comme par exemple, au Coupe-Gorge de Vicenti, il lui aurait sûrement l'usage de ses mains en les tranchant sans sommation.
Malheureusement, au vu de la situation dans laquelle il était, il ne pouvait que supporter les carries et les postillons de cette fée mâle, il devait peut-être arrêter de faire le mariole, plus qu'il ne le faisait déjà pour que, peut-être, il éloigne son visage disgracieux de lui.
Les personnes qui grimpaient sur ces structures trapézoïdales semblaient issues d'une certaine noblesse de ce royaume, ainsi que leurs compagnons hommes – sauf pour une qui n'avait pas vraiment l'air commode (le genre de fille qu'apprécie le Héros) –, ils étaient tous bien apprêtés, leurs vêtements avaient l'air d'être faits en soie, ils portaient des parures grandioses qui étaient serties de différentes pierres précieuses et filins d'or. Leurs robes, leurs armures, leurs côtes de maille, leurs bottes et leurs chaussures, leurs armes et leurs diadèmes étaient de toute beauté comme il n'en avait jamais vu auparavant, lui rappelant une histoire qui lui avait racontée, il y a très longtemps.
Il était rare de le voir aussi extasié par ce genre de choses si superficielles à ses yeux que cet attirail de vêtements princiers ou cette préparation à un défilé. Voilà bien quelque chose qui traversait le visage d'un grand sourire de gros bêta – ou c'était possiblement la gêne qu'il perçut chez cette fée à son égard l'amusait ?
Finalement, il se dit qu'acquérir l'un de ces costumes insolites lui serait lucratif après son évasion de cet endroit rempli de Féériques – ou juste pour le porter, il a tout de même le droit de porter de beaux habits.
Il lâcha la barre de transport, mettant tout le poids du char sur les deux collègues prisonniers qui étaient de son côté de l'édifice.
Voyant que l'édifice n'allait pas tenir avec seulement deux humains sur ce côté, il rameuta le plus vite possible des soutiens pour aider les humains. Il ne comprenait pas comment cela était possible que juste en quittant son « poste », il faillit faire s'effondrer le char qui se tenait à merveille avant son départ. Il observait les autres chars et s'aperçut que c'était le seul char où il n'y avait que deux personnes pour le tenir à sa droite. Il ne pouvait pas croire qu'un simple « humain » puisse avoir une telle force.
Tandis que le Héros demandait aux autres gardiens où il pourrait trouver des costumes de clowns qu'on donnait aux autres prisonniers humains, le soldat se questionnait que les autres chars avaient besoin d'au moins vingt hommes de chaque côté pour porter cette énorme construction, mais pour celui du garçon au visage effacé, il n'en fallait que vingt-trois en le comptant.
- C'est irréel, dit le guerrier, stupéfait par ce qu'il venait de découvrir, un humain qui a une force qui dépasse celle des ogres ou des trolls dépasse toute conception du réel, déclara-t-il à voix haute, inquiet.
- Et vous n'êtes pas au bout de vos peines, intervint l'un des prisonniers, coupant le fil de pensées du garde impérial.
- Comment cela ? lui demanda l'impétueux soldat, une goutte de sueur coulant sur la tempe.
- Cet enfant est la pire chose qui pourrait arriver à ce lieu rempli de libellules et autres cochonneries, ricana un autre transporteur, mais ne vous inquiétiez pas, il suffit de ne pas énerver l'enfant pour qu'il n'arrive rien...
- L'enfant ? dit le garde, complètement hébété, cette chose aux traits humanoïdes est humaine ?
- Qui sait ?
Le guerrier secoua la tête, ne pouvant accepter cela.
- C'est impossible ! Aucun être humain ne peut avoir la force de dix-sept de vos semblables !
- Après tout ce qu'on a pu voir autant vous que moi, vous pouvez affirmer sans sourciller que c'est bien la chose la plus invraisemblable que vous ayez vue ?
- Et le pire, avertit le premier prisonnier, ce n'est rien comparé à ce qu'on a vu...
Le combattant royal voulut leur poser la question mais le garçon revint, toujours avec sa tenue sale et puante, l'air débité. Il s'approcha du garde, lui donna une feuille et retourna à sa place, disant aux autres gardes de partir pour qu'il puisse reprendre son poste. Il souleva aisément le char sous le regard surpris des Féériques : ils purent constater de la vraisemblance de la stupeur de leur collègue fée.
Le garde lit la lettre.
Il était écrit :
« Je refuse catégoriquement de céder l'un de mes sublimes costumes à cet être vil ».
Il roula en boule la feuille et la jeta, cette simple lettre lui rappela toute son animosité pour les « nobles par association ». Cette arrogance et cette voix criarde qu'il décelait dans chaque mot qui avait été apposé sur cette feuille l'horripilait au plus haut point, lui faisant presque oublier l'anomalie à laquelle il faisait face.
Deux soldats ailés, portant des oriflammes, sonnèrent des trompettes, annonçant le départ de la colonne de chars. Ces coups de trompette se répercutèrent dans tout le royaume, alertant bien du début de la cérémonie de couronnement par la parade des princesses et de leurs champions.
Le grand portail permettant de sortir du domaine royal pour l'intérieur du Royaume s'ouvrit. Et la parade débuta.
Malgré ces attraits pittoresques, cet endroit qu'ils appelaient la Haute-Ville était un lieu captivant et convivial, les maisons étaient bien différentes de celles qu'il avait connues dans son village natal, c'était comme si elles provenaient d'un monde bien étranger au sien.
Elles étaient à l'image de leurs résidents Féériques : toits tordus, murs aux couleurs criardes et étaient beaucoup plus organiques comme si elles étaient faites directement dans les arbres environnants ou en faisant gonfler le sol pour s'y loger. Bien qu'étranges, elles étaient vraiment jolies avec leurs fleurs qui les recouvraient.
Le Héros observait cet endroit, émerveillé par ce pays enchanteur et était étonné de voir la joie et la bonne humeur qui émanait de toutes les personnes rassemblées autour des chars, lui faisant oublier, pendant quelques instants, sa situation précaire.
La multitude d'êtres Féériques qui se trouvaient ici était assez incroyable, il n'en avait jamais vu autant réunis au même endroit. Cet endroit semblait être paisible pour les êtres magiques... Cela montrait bien qu'ils n'étaient pas les bienvenus dans ce joyeux monde, eux qui venaient de l'extérieur, surtout dû au fait qu'ils étaient humains.
Bien que cet étalement de bonheur contagieux réjouît le Héros, il n'était pas dupe, ce ne sont pas les feux d'artifices magiques et les banderoles de toutes les couleurs qui lui enlèveront l'idée que toute lumière crée sa propre ombre. Il a pu le voir sur l'Ile du Paradis lorsqu'il était sur sa piste sur l'archipel des terres enchaînées, bien que l'endroit soit un lieu paradisiaque, les sombres recoins de cette place finirent par émerger d'eux-mêmes, des bêtes démoniaques gigantesques d'une laideur effroyable, leur force de destruction était vraiment titanesque.
Trois semaines, trois longues semaines qui durèrent une éternité pour lui où il dût combattre ces étranges créatures qui en avaient après lui, se donnant au-delà de ses limites lui créant encore d'autres blessures sur le corps.
Était-ce encore un coup fourré de sa part ? Sûrement, vu la folie dont il pouvait faire preuve.
Cependant, à cet instant, il n'avait pas l'air d'être passé par là, cela ne changeait rien à ses préconceptions de la vie, les Hommes et les Féériques n'ont jamais montré une once de vertu dans ce monde en crise, et rien n'avait montré le contraire depuis qu'il était né.
Après tout, son crédo était : « Si c'était trop beau pour être vrai, c'est que cela l'est ! ».
Tandis qu'il était perdu dans ses pensées, tout en suivant le cortège de manière automatique, quelque chose vint perturber sa réflexion.
Il entendait quelque chose courir. Le bruit de pas de cet inconnu qui courait était étrange : il sonnait différemment de ceux des enfants qui couraient à côté des chars. Le Héros tentait de faire abstraction de la course de cet inconnu mais sa façon de courir tendait à montrer bien qu'il filait d'un pas décidé. Si ce n'était qu'un pickpocket, il n'avait pas à s'en mêler, ça ne le regardait pas. Beaucoup de voleurs profitaient des festivités pour grappiller quelques affaires à des personnes étourdies. Rien d'anormal, même dans ce lieu utopique pour les Féériques.
Pourtant, son instinct lui indiquait bien que l'homme qui courait n'était pas un simple détrousseur, sa démarche était bien trop différente, trop ferme... il entendit un choc provenant de l'un des chars comme si quelque chose l'avait heurté, le Héros n'imaginait pas que l'un des habitants ait l'idée de lancer un caillou sur l'un des chars. Les bruits de pas changèrent de sons, cela faisait un bruit qui était différent de celui du sol et surtout de direction.
Pour en avoir le cœur net, il toqua discrètement contre la paroi du char et le son qui en sortit était similaire, ce qui confirma ses suspicions.
Quelque chose avait grimpée sur l'un des chars...
Un assassin.
S'il se déplaçait, il ne pouvait pas être au-dessus des chars, les sièges, les parasols et les guerriers l'empêcheraient de se mouvoir discrètement, la seule option devait être que l'assassin se trouvait sur les côtés du char et au vu du bruit, il était bien de son côté. L'espace entre les chars était trop grand pour qu'il puisse se déplacer tranquillement, cela l'obligeait forcément à sauter. Le Héros n'avait senti aucune magie pouvant lui permettre de sauter aussi loin et de façon silencieuse pour ne pas se faire détecter par aucune personne de ce royaume et il n'a jamais entendu parler d'une armure d'assassin permettant de faire des sauts de dix mètres.
Déjà, ça ne pouvait pas être un être humain chargé de s'en prendre aux personnes sur les chars, il ne pouvait s'agir que d'un Féérique et il y avait de fortes chances qu'il vienne d'ici puisqu'aucun prisonnier ne manquait à l'appel.
La créature lui faisait face, vu que le bruit provenait d'en face de lui.
Cependant, si le Héros lui faisait face, il devrait la voir mais il n'y avait rien devant lui.
De la magie rendant invisible ? Il était entouré de créatures magiques et le fait que des mages usent de magie pour effectuer leurs tours pour distraire la population ne l'aidait pas pour discerner si le tueur à gages usait bien de magie ou non.
Mais en étudiant les éléments précédents, il n'avait pas besoin de savoir si l'assassin se servait de la magie pour se camoufler car, en réfléchissant un peu, il voyait très bien de quel genre de créature il s'agissait.
Et ce n'était nulle autre qu'un homme-lézard.
Les hommes-lézard avaient la capacité d'être aussi bien bipèdes que quadrupèdes. Leurs membres et leurs pattes leur permettaient de se déplacer silencieusement et ils pouvaient transformer leurs extrémités en ventouse pour s'accrocher à n'importe quelle surface. Seuls les plus aguerris des hommes-lézard pouvaient le faire tout en silence, mais il y avait une sous-espèce d'hommes-lézard qui était la plus prisée parmi toutes celles qui avaient une carrière dans l'assassinat : celle s'assimilant au caméléon. Leurs yeux protubérants indépendants les rendaient particulièrement difficiles à surprendre mais cela les rendait presque totalement visibles. Et ils avaient une solution pour contrecarrer ce problème, c'était grâce à leur dernière faculté qui remédiait à cela puisqu'il s'agissait de leur capacité de se rendre invisible aux yeux de tous.
Malheureusement, les capacités physiques de chaque espèce existante seront toujours plus imparfaites que celles qu'offre la magie. Cela signifie qu'à chaque fois que le défilé passait dans des zones d'ombre, le Héros pouvait, malgré sa mauvaise vue, distinguer, difficilement l'assassin. Le seul problème c'était de savoir qu'elle était sa cible.
À cause de l'emploi que faisaient les Grands de ce monde de leurs capacités, les hommes-lézard étaient un peuple discriminé, ils s'étaient toujours faits discrets parmi la population car ils étaient craints de tous et traités comme des parias, peu importe la sous-espèce à laquelle ils appartenaient.
Le Héros avait toujours voulu voir à l'œuvre un homme-lézard en pleine action. Est-ce qu'il allait intervenir ? Après tout, je l'appelais le Héros et ce n'est pas pour rien. Même s'il détestait ça, un véritable héros n'était-il pas censé se mêler des affaires des autres ?
Sûrement pas ! Sa réponse était univoque.
Se mêler des affaires des autres ne fait qu'apporter leurs ennuis à notre égard, pensait-il.
Les bruits de pas de l'homme-lézard s'arrêtèrent au troisième char en face du Héros, il venait d'arriver sur celui de sa cible, mais il n'y eut aucun autre bruit comme si l'homme-lézard avait disparu.
D'un seul coup, il sentit quelque chose qui lui écorcha la joue, du sang se mit à couler de sa blessure.
Aucun des gardes ne s'en était pris à lui, vouloir les martyriser à la face de tous gâcherait le spectacle, donc ils ne pouvaient pas se permettre de jouer aux cowboys à la face de tous.
Un projectile ? Il l'aurait entendu tomber sur le sol. De plus, il l'aurait sans doute vu et esquivé.
Cela ne pouvait provenir que de l'homme-lézard. Il avait dû l'attaquer avec sa longue langue pointue. Aurait-il découvert qu'il avait remarqué sa présence ? Si c'était le cas, ça devait être une attaque pour l'intimider pour que le Héros ne prévienne pas les gardes, et il savait que le tuer perturberait la parade, ce qui ne jouait pas en sa faveur, les gardes se précipiteraient forcément aux secours des nobles sans qu'il ne puisse rien y faire.
Le Héros essuya le sang sur sa joue, mais resta imperturbable, continuant de fixer la route comme s'il ne s'était pas aperçu de sa présence.
Tous les deux se regardèrent pendant un court instant, instant qui dura une éternité pour les deux hommes, le Héros se concentrait au maximum pour duper l'assassin. L'homme-lézard déployait une nouvelle fois sa langue pour écorcher l'autre joue du garçon, celui-ci frotta cette nouvelle joue blessée avec le dos de sa main pour arrêter l'écoulement du sang de cette blessure superficielle, feintant de ne pas s'être aperçu qu'il s'agissait d'une attaque.
L'homme-lézard, convaincu de n'avoir pas été remarqué, repris sa marche mais cette fois-ci à la verticale, ce qui renforça l'intuition du Héros selon laquelle il avait déjà atteint sa cible.
Il reconnut que cet assassin était un professionnel, aucun garde, aucun civil n'avait deviné sa présence... Ce qui est tout de même bien étrange, il voulait bien accorder que la technologie des plus grandes cités humaines était incroyablement poussée mais on n'allait pas lui faire croire que la magie de cet endroit était aussi faillible pour laisser une de ces personnes importantes se faire tuer sans réagir.
C'était bien trop étrange.
Sortant de sa réflexion, il se souvint de qui était dans le char où avait grimpé l'homme-lézard : c'était la fille qui avait pris peur en le voyant ! Il ne savait pas pourquoi il ressentait de la pitié à son égard, le fait qu'il l'ait effrayée, l'avait amusé mais dans ce regard empli d'effroi, il avait senti une certaine innocence chez cette princesse. Il ne savait pas quelle était cette sensation qui tortillait le ventre, ces yeux qui l'avaient regardé ainsi lui rappelaient ceux de la seule amie qu'il n'ait jamais eu en ce monde.
Le garçon était tiraillé entre son envie d'aider la princesse, de reprendre ce rôle qui l'incommodait en se mêlant de cette histoire ou de jouer les aveugles et de remplir simplement de transporteur, en plus, si cette fille meurt, cela lui donnera l'occasion de s'échapper de cet endroit... Mais ce n'était pas dans sa nature de laisser quelqu'un mourir à sa place pour son propre bénéfice, voire simplement pour sa propre vie...
« Chassez le naturel, et il revient au galop ! »
Soupirant d'exaspération face à sa nature héroïque, il lâcha la barre avec laquelle il soutenait le char et se hissa à son sommet à toute vitesse, laissant les autres prisonniers humains s'écrouler sous le poids colossal de la construction qu'ils transportaient, les autres chars cognèrent celui qui se stoppa les uns après les autres comme dans un accident de voiture sur l'autoroute.
La princesse se trouvant sur le char qui était sous la charge du Héros n'était autre que celui de Dame Diasirée. C'était celle qui détestait la fée aptère.
Perdue dans ses pensées, Mananélia ne voyait pas ce qu'elle avait de si spéciale pour que la reine Audisélia puisse supporter l'existence de cette infamie en plus de celle de l'autre garçon manqué, le pire étant les hommes de son peuple qui lui pardonnait parce qu'elle avait un certain « charme », elle avait, bien sûr, des « formes avantageuses ».
Bande de porcs, s'écriait intérieurement Diasirée.
Niveau beauté, elle n'était pas à plaindre, elle n'était pas déplaisante à regarder et était même une des filles les plus convoitées du royaume parmi toutes les princesses de la cour de la reine, on pourrait facilement la classer dans le top dix des plus belles des bourgeons royaux. Était-ce de la jalousie envers la Fée parce qu'elle serait mieux cotée qu'elle dans le classement – qui, par ailleurs, n'existait pas officiellement ? Cela allait plus loin que ça, bien sûr, le fait que la fée aptère ressemblait trait pour trait à la Félonne participait à la haine qu'on lui portait. Mais le dégoût qu'inspirait la Fée à Diasirée était bien plus personnel et irrationnel qu'on pourrait le penser.
En fait, la Fée n'était nulle autre qu'un dommage collatéral dû aux méfaits de sa propre meilleure amie Mina, qu'elle s'était amusée à surnommer : « la Chienne ou le Toutou de l'Abomination des Fées ».
Quelle torture de devoir se retrouver derrière cette bonne à rien de fée pas capable de naître avec des ailes, elle qui se sentait bien supérieur à la Fée. Mais bon, elle ne pouvait qu'obéir pour que l'une de ces pimbêches réussisse son coup...
Ces hommes, qui ont organisé cette assassinat, ont bien du temps à perdre...
Soudain, une silhouette noire vint lui obstruer la vue, elle n'eut le temps d'observer de ce qu'il s'agissait que son char fut embouti par d'autres chars derrière le sien, la faisait tomber de son siège et fit chuter son parasol.
- Satanés humains ! siffla-t-elle entre ses dents, incapables d'effectuer une tâche aussi simple que de s'arrêter face à un obstacle.
La prétendante leva les yeux et fut prise de frayeur en voyant un inconnu se tenir face à elle. Était-elle prise d'hallucination pour qu'elle puisse voir quelqu'un oser monter sur son char face à la multitude de gardes se trouvant ici ? Ou était-elle prise pour cible par un assassin envoyé par une autre princesse ? Qui ?
Comment les gardes n'ont-ils pas pu s'apercevoir de la venue d'un personnage aussi « sombre » dans la cité ? se demanda Diasirée, et quelle odeur pestilentielle il émet. C'est absolument certain qu'il ne pouvait pas passer inaperçu.
Tétanisée par la peur, aucun cri, aucun son, aucun murmure ne put sortir de sa bouche.
Quelle était cette chose qui était venue la tuer ?
Heureusement pour elle, son champion Al-Ryanis était vif d'esprit et ne se laissait pas facilement impressionner, même par cet obscur inconnu. Il s'arma de sa lance et la pointa en direction de l'importun.
- Arrière ! s'exclama le champion, ne t'approche surtout pas de son Altesse Diasirée ! l'avertit-il en serrant promptement sa lance, cela sera ton seul avertissement !
L'étranger resta là, interdit, il leva délicatement les bras en l'air avant de se saisir sournoisement de l'arme décorative de son opposant et fit un signe de tête en guise de remerciement avant de s'en aller en sautant sur le char d'en face.
Reprenant son souffle, la princesse se releva, stupéfaite comme son champion par cette situation ubuesque.
- Vient-il vraiment de s'enfuir avec ma lance ? sourit nerveusement Al-Ryanis.
- Effectivement..., ponctua la princesse aussi abasourdie que son protecteur.
C'est mieux que de se faire carjacker son char.
La princesse s'affala sur son siège princier et posa sa tête dans le creux de sa main.
Quel amusant personnage ! rit la princesse Diasirée.
Cette princesse était beaucoup plus grande que la Fée, elle avait cependant la même couleur de cheveux mais sa longue chevelure était bien plus longue que celle de sa rivale – j'imagine une histoire de proportionnalité –, son corps était plus élancé et ses yeux avaient un rose beaucoup plus sombre que ceux de la fée aptère.
- Il n'a pas du tout l'air d'un assassin et il ne semble pas appartenir à un Féérique, bien que son corps suinte la magie noire, compte-t-il la sauver d'après toi ?
- Cela n'en fait aucun doute, acquiesça Al-Ryanis.
- Je ne sais pas qui est le commanditaire de cet assassinat mais je suis certaine qu'il ne comptait pas la venue d'un « preux chevalier » parmi les humains, plaisanta Dame Diasirée avec un sourire en coin.
- Je vous trouve bien joyeuse pour une personne qui était à genoux face à cet humain, provoqua l'ogre, cela ne m'étonnerait pas que cela soit vous qui soit à l'origine de cette commande...
La princesse se retourna et lui jeta un regard noir qui n'intimida aucunement le champion, agrandissant encore plus son rictus, elle ressentait cette attaque à son encontre comme un crachat sur son âme. Elle se remit dans sa position de départ et prit de la gomme aromatisée à la fraise qu'elle avait emportée avec elle – alors que son précepteur lui avait formellement interdit d'en emporter avec elle –, elle la mâcha avec toute sa hargne, en colère à cause de l'arrogance dont faisait preuve son combattant.
- Quelle insolence pour un faire-valoir, lui cracha la princesse, n'as-tu pas peur de retrouver ta tête arrachée hors de ton corps pour une telle insulte à mon égard ?
- Vous n'oseriez pas faire cela à votre fidèle marchepied et plus vieil et cher ami ? dit-il en faisant semblant d'être vexé, juste pour une simple question ?
- Tout d'abord, Roxanne EST ma plus vieille amie et Jacob EST mon plus cher ami, rectifia la princesse, toi, comme tu l'as bien dit, tu n'es qu'un marchepied pour mon objectif, une arme pour accéder au trône...
- Cela me vexe fortement, s'exprima-t-il en feintant d'être attristé par cette déclaration, s'essuyant même les yeux poussant la moquerie jusqu'au bout.
- Hé bien, nous sommes deux à être attristé par les propos de l'un et de l'autre ! répliqua la princesse mâchant de plus en plus fort sa gomme, je n'arrive pas à croire que tu puisses penser que je sois assez faible pour ne pas la vaincre par mes propres moyens contre cette... aguicheuse... cette dévergondée... cette mocheté... Sachant que c'est entre tes mains que j'ai misé la moitié de mon destin !
Al-Ryanis souffla du nez, amusé.
- Non seulement, vous y allez fort avec cette pauvre demoiselle qui n'est pas aussi horrible, elle est même très plaisante à regarder...
- Tu es bien un homme, siffla-t-elle.
- Et entier, m'dame, se moqua l'ogre, et heureusement pas une fée. Mais vous me mettez surtout la pression.
- C'est bien que tu constates que j'en attends beaucoup de toi.
- J'avais tout de même une petite question : comment pouvez-vous affirmer avec certitude que ce type qui est apparu devant nous est bien un humain ?
- Car dans tout ce royaume, personne n'aurait pris la peine de porter secours à celle qui a les mêmes traits que celle qui a jeté l'opprobre sur notre race.
Des gardes vinrent voir si tout allait chez la princesse Diasirée et son champion, elle se plaignit de la lenteur avec laquelle ils sont intervenus, lorsqu'un cri strident retentit devant eux.
Annotations
Versions