Amère victoire
Après la victoire in-extremis de Beneltig, tous les champions avaient été emmenés en urgence dans les sous-sols hospitaliers du royaume, juste en-dessous du château. Toutes les princesses liées à leurs champions blessés accoururent pour les rejoindre.
Alors que le Héros allait rejoindre la Fée qui était en train de partir, Tadzi et César le stoppèrent dans sa course.
- Cela fait deux fois que nous nous rencontrons, jeune humain, commenta le présentateur blob.
Le Héros mit sa garde, se préparant au pire, mais la seule chose qui arriva c'est que Tadzi s'inclina face à lui et César lui agrippa l'épaule.
- J'avais oublié de te remercier pour avoir voulu me sauver, bien que cela soit inutile au vu de ma nature.
- Tu as fait preuve de courage, mon jeune garçon, le félicita César.
Soudain, le Héros remarqua qu'il manquait un bras chez ce vieil homme, il vit aussi qu'il n'y avait pas que son visage qui était balafré mais aussi ses ailes qui étaient fendues. Il devait être désormais dans l'incapacité de voler.
Il hocha la tête et détourna le regard, acceptant les félicitations en grommelant.
- On t'a entendu parler, tu n'as pas besoin de faire semblant d'être muet.
- Je... je suis contraint à ne pas m'exprimer, avoua-t-il.
- Alors c'est la raison du sceau de puissance sur ton ventre, se rendit compte César.
- Hein ? cria le Héros.
- Tu pensais vraiment que nous ne le remarquerions pas, lui dit Tadzi, peut-être toi, tu ne peux pas le voir car tu n'as aucune maîtrise en magie, lui expliqua-t-il, mais si nous passons un peu d'énergie magique dessus, il se révèle.
- Oh ! comprit le Héros, et comment êtes-vous au courant de cela ?
- Nous sommes dans les petits papiers de la reine, se targua le blob.
Puis il y eut un blanc entre les trois hommes, le Héros ne savait plus quoi dire. En même temps, il n'était pas habitué à parler, encore moins à tenir une conversation qui allait au-delà de trois réponses. Il finit par dire :
- Je suis ravi de vous parler mais je dois rejoindre la princesse sans nom...
L'organisateur du tournoi l'arrêta en lui attrapant le bras, le Héros se tourna vers lui, plein d'incompréhension.
- Tu n'as aucun droit de l'accompagner, les princesses ont une dérogation exceptionnelle pour accompagner leurs champions à l'hospice souterrain, lui exposa la fée masculine, tu ferais mieux de retourner dans les loges et de l'attendre, si tu ne veux pas plus de problème. Déjà que tu es censé être restreint dans tes appartements.
Le Héros mâchouilla sa langue, voulant le contredire, il imagina diverses possibilités pour se débarrasser de lui mais décida de lui obéir. Il retira l'étreinte qu'avait la fée sur son bras et retourna dans les loges princières avant de quitter complètement le stade.
Les deux « hommes » le regardèrent s'en aller hors des loges, César fit une remarque à Tadzi :
- Il a une voix d'un adulte de trente ans.
- Peut-être est-il un adulte de trente ans.
- Non, ses réactions sont celles d'un adolescent, il n'a pas encore la maturité.
Puis il lui demanda quelque chose de beaucoup plus sérieux.
- Alors tu as pu recueillir plus de renseignements sur ce garçon sans visage ?
- Pas plus que mes espions, fut désolé l'être visqueux.
- Ce n'est rien, l'excusa César, la reine, malgré ses inquiétudes, ne nous en tiendra pas rigueur.
Tadzi réfléchit et lui demanda son avis sur ce jeune homme.
- Sceau de puissance, artillerie dans le corps, il se fait emprisonner, s'amuse avec une gamine car il est enfermé contre son gré dans une tour d'ivoire et la reine est capable de le vaincre en un coup, énonça César, il n'est indéniablement pas le Némésis.
- Pourquoi cela ?
- Je ne crois pas que celui qui a choisi son héraut le laisserait gambader dans la nature sans une puissance phénoménale pour se confronter au héros de la légende.
- Il pourrait jouer double-jeu, justifia Tadzi, il a quand même chuchoté à la reine qu'il voulait tuer le héros. Tu penses qu'elle a mal entendu ? Sérieusement ? Elle ?
- C'est le seul point noir à son innocence, avoua l'organisateur, je te le concède.
- De plus, s'il n'est pas le Némésis, qui serait-il ?
- Un humain qui en voudrait au héros ou bien..., dit-il en ne finissant pas sa phrase, exprès.
Tadzi fit un bruit de bouche désapprobateur en secouant la tête.
- Tu as fumé la moquette pour penser qu'il pourrait bien l'être.
- Rien n'existe, tout est permis ! rit César à gorge déployée, bon, il est temps de faire passer le deuxième combat. Remontons-nous à notre place.
- Très bien. Tu sais que l'un des combats a été décalé au soir ? l'avertit le slime bleu.
- Ah bon ? Pour quelle raison as-tu permis un tel décalage ? lui demanda César.
- Parce que l'un des combattants est un vampire, et qu'il vient du protectorat de notre royaume, lui expliqua Tadzi.
- Il n'est pas encore là ? s'étonna-t-il.
- Non, apparemment.
- Qui est ce freluquet ?
- Un gamin nommé Lucello Ficas.
- Jamais entendu parler.
Pendant ce temps, Caemgen Barskersclay, le ministre des festivités, entra dans la loge royale et vit la reine dans les bras du garde Sawyer qui lui caressait ses longs cheveux pastels.
- S'eeessttt-elllleee endoooormi ? lui demanda Caemgen.
- Bon, ça va m'irriter de converser avec toi plus de deux minutes avec ta lenteur, lui dit Sawyer.
Il tendit la main dans la direction du ministre et exécuta le glyphe d'un sort d'accélération :
- Acxel : Permets à ma cible de doubler sa vitesse !
D'un coup, le regard du ministre des festivités sembla moins éteint, mais il était toujours aussi morne.
- Ça va un peu mieux, déclara Caemgen.
- Va voir un psychomagichologue, lui conseilla le garde du corps de la reine, cela sera plus rapide que d'attendre que quelqu'un puisse te rétablir.
- Les pssyymagicholoogues onnt l'air d'êêtre dees charlatans.
J'aurais dû tripler sa vitesse d'élocution, pensa Sawyer.
- Et de touuute maaniiière, tu sais que je suis devenu incapable d'utiliser la maaagiiie deepuis la dernnnière invaaasion du royaume, sinon je me serais déjà accéléré.
- Je le sais.
Sawyer annula son sort et réaccéléra Caemgen pour dynamiser sa parole.
- Bon, on doit parler du jeune humain, déclara le ministre des Festivités, quand est-ce qu'elle compte se réveiller ?
- Dans quelques heures, peut-être, deux, trois, supposa Sawyer en posant la reine sur une autre chaise que son siège.
- Dès qu'elle se réveillera nous devrons prendre une décision sur l'humain qui vit sur notre sol.
- Nous sommes bien d'accord que sa mise à mort ne rentre pas en ligne de compte ? Je n'ai pas envie que son premier exécuté soit un innocent, surtout lui.
- Absolument, ça a été confirmé avec les autres ministres. Mais pourquoi surtout lui ? lui demanda avec curiosité Caemgen.
- Car, j'ai quelques soupçons sur son identité, lui révéla-t-il, et si cela se révèle vrai, il va préparer au pire.
- Peu importe son identité, tu ne peux pas nier que cet humain est plus que dangereux ?
- Je le sais, mais c'est à la reine que revient la décision finale, j'espère juste qu'elle ne se rappelle pas sa promesse sinon nos précautions n'auront servi à rien.
- De toute manière, tu es censé être capable de les stopper, Commmandannt deeess Saints de la Reeiine, toi qui es le suuccesseur de Torn.
Le sort s'était stoppé bien trop rapidement. Il commençait réellement à être de plus en plus insensible à la magie, cela se voyait déjà avec ses difficultés à voler.
- Je connais mon rôle.
Revenu dans sa chambre, le Héros alla directement s'allonger sur son lit, non pour y dormir – bien que cela risquait inévitablement d'arriver – mais pour y réfléchir. Mettant les mains derrière la tête et fixant le plafond, il réfléchit à sa courte confrontation avec Tarkus. Il avait remarqué que le cyclope avait le même œil fou que l'homme-lézard, si cette Thoosa n'avait pas menti, et s'il s'en tenait à la différence de forme entre l'assassin avant et après leur première altercation, quelqu'un boostait les compétences des combattants, voire pire, mais il lui faudrait des indices pour le prouver.
Mais bon, ça n'était pas son problème, les magouilles de ce tournoi, il avait apporté sa pierre à l'édifice de la réalisation du rêve de la princesse-fée en encourageant Beneltig, c'était suffisant avant son départ.
Cela faisait vraiment trop longtemps qu'il était resté ici, enfermé dans cette tour végétale, à se balader dans un immense château fait en végétaux. Il n'avait rien fait de bien intéressant en à peu près un mois.
Si dans les trois jours, on ne lui autorisait pas à plier bagage, il se donnerait lui-même l'autorisation.
A force de rester dans la même position trop longtemps, il finirait par s'endormir et perdre sa hargne envers l'objet de sa vengeance et ses capacités s'affaibliraient.
Puis il s'endormit littéralement, fermant les yeux sans s'en rendre compte. Durant sa sieste, il n'eut aucun rêve, ni aucun cauchemar.
Un sommeil vide d'émotion.
C'était mieux que rien...
Dans le sous-sol hospitalier, les médecins, médecins-mages et autres infirmiers défilaient dans les couloirs de l'hôpital souterrain, les princesses cherchaient la salle où se trouvaient leurs champions blessés. Selma-Keltna, Zetgrieker, Morgul et Beneltig avaient été amenés dans les différentes salles d'urgence. Les chirurgiens s'occupaient des blessés physiques et les médecins-mages essayaient de connaître la dangerosité de la magie utilisée sur le champion de la princesse sans nom.
Toutes les quatre attendaient dans une salle d'attente, un étage en-dessous des salles d'opérations et d'urgence. Un lourd silence planait dans la pièce, aucune d'entre elles n'osait ouvrir sa bouche pour détendre l'atmosphère au vu de leur extrême inquiétude.
Mais les princesses perdantes ne purent s'empêcher de jeter des regards mauvais à la princesse-fée sans ailes, gagnante de ce premier tour. Elle qui n'avait pas d'ailes, pas de nom, pas de titre de noblesse et qui avait été recueillie par une famille qui n'était pas noble avait réussi à gagner, alors que c'étaient elles qui étaient destinées à devenir reine pas un vulgaire ménechme de la Sorcière Tentatrice, grande traîtresse de ce royaume.
Elles pensaient qu'elle ne méritait pas sa victoire à cause du moyen détourné qu'avait utilisé son amoureux pour pouvoir gagner contre Tarkus, surtout qu'ils s'étaient alliés avant le tournoi – sans savoir que la Fée n'était au courant de rien du stratagème de son champion.
La Fée ne put que subir ces regards accusateurs emplis de mépris à son égard, attendant qu'une bonne nouvelle leur vienne à chacune d'entre elles.
Au fil du temps, les parents des princesses et de leurs champions vinrent voir leurs enfants, certaines princesses étaient en larmes en racontant ce qu'il s'était passé – alors qu'eux aussi avaient assisté au massacre perpétré par Tarkus. Puis leurs regards s'ajoutèrent aux précédents, eux aussi ne comprenaient pas comment la l'Abomination des Fées ait pu gagner avec un champion aussi pitoyable que Beneltig.
Sans même parler, ils lui interdisaient toute réjouissance, elle n'avait même pas eu le temps de s'extasier sur sa victoire, au vu de l'ardeur du combat et de la prise de parole de l'humain qu'elle avait sous sa tutelle, il y avait eu tellement de choses...
Les minutes filant, elle attendit ses parents, la tête basse, espérant que son amant n'ait pas succombé d'asphyxie bloqué dans le bloc de cristal.
Les minutes filèrent et, attendant désespérément ses parents, elle finit par être emportée par le sommeil et elle était sur le point de s'endormir, elle fut retirée des bras de Deliabelle, l'empereur-dieu des songes et de l'immortalité, par son père qui la secoua pour la réveiller.
- Ne t'endors pas, on doit aller voir Beneltig.
Elle cligna frénétiquement des yeux en se réveillant et suivit son paternel jusqu'à la chambre où on avait placé le bloc de cristal. En face, Niselios laissa sa fille allaer voir son amoureux toute seule.
Dans la pièce se trouvaient différents médecins, mages... et tailleurs de pierre ?
Beneltig était toujours coincé dans le bloc de cristal, ce qui inquiéta encore plus la Fée. On la rassura en lui disant qu'il arrivait à respirer à travers le cristal qui le recouvrait, sa nutrition allait être assurée grâce à de la magie spatiale en transportant directement la nourriture qui avait été mixée et transformée dans son estomac. Et c'est de la même manière, mais inversée qu'on procédait pour sa digestion – je vais vous faire un dessin, ils avaient déjà extrait ses excréments directement de son intestin grêle donc il doit être vivant.
La princesse était à peine rassurée sur la condition de son amant. Elle ne pouvait qu'attendre qu'on le déloge de sa prison en pierre précieuse.
Après tout, il était pris en charge par les meilleurs médecins, mages – et joailliers ? – du royaume, il allait forcément s'en sortir vivant de cette histoire.
Malgré son inquiétude pour Beneltig, elle était admirative du courage dont il avait fait preuve face à Tarkus, l'un des favoris du tournoi, lui qui avait tant baissé dans son estime ces derniers temps, elle n'avait qu'une hâte : le remercier par un baiser langoureux.
Elle embrassa sa main et la posa à la surface du bloc de diamant.
Sa prochaine destination allait être les appartements du Héros. Maintenant qu'il s'était mis à parler, elle avait beaucoup de questions auxquelles il fallait qu'il réponde.
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