Repas chez Nisélios et Méa
Pour une fois, ce flemmard s'était miraculeusement levé de bonne heure, grâce au réveil acheté par la reine – par ailleurs, elle avait mis une sonnerie bien agaçante pour bien qu'il se réveille.
Il se demandait bien quelle créature dressée se trouvait à l'intérieur pour pouvoir savoir l'heure, s'il y en avait une – depuis que le monde avait perdu de sa lueur, les coqs avaient perdu cette faculté, et s'il s'agissait bien de cet animal, il l'aurait, de toute façon, dévoré pour l'éteindre à tout jamais.
Il ressentait un certain malaise à accepter les présents que lui offrait la reine, car il savait que derrière son sourire de façade, elle avait encore du ressentiment pour lui et qu'elle faisait tout pour le cacher. S'il avait pu passer plus de temps avec des personnes douées de sentiments, il aurait pu savoir comment procéder dans ce genre de situation... – effectivement, ce n'est pas avec Helmir qu'il gagnerait une intelligence sociale convenable. De toute manière, il ne valait mieux pas qu'il l'obtienne de son frère, ce manipulateur.
Sawyer lui avait pourtant dit, la veille, lorsqu'ils s'étaient recroisés de faire un peu plus d'efforts dans ce sens pour qu'elle se sente mieux. Mais le seul effort qu'il ait pu faire c'est de lui révéler qu'il était « l'assassin » de sa mère et qu'il la considérait désormais comme sa tante.
Ce qui, en un certain sens, la faisait souffrir puisqu'il l'empêchait de se rapprocher d'Elena de façon post-mortem.
Une situation bien compliquée pour un introverti comme lui.
Mais bon... un problème à la fois ! En ce jour de Sauzel, il se devait d'aller chez la fée aptère pour rencontrer ses parents – il espérait que ça n'était pas pour le fiancer avec elle, il n'avait aucune envie de la marier ! Elle était si chiante...
Cette réflexion le fit sourire, puisqu'il s'imagina un court instant vivre un idylle amoureux avec elle mais éloigna cette idée loin de lui, sachant qu'un tel futur était inconcevable pour plusieurs raisons, dont la principale était Beneltig...
Hein ?
Ce n'est pas vraiment cela la principale raison qui est censée t'arrêter, gamin !
Néanmoins, imaginer l'improbable lui permettait de se rassurer, car il savait très bien qu'un garçon comme lui avec un mal inconnu, une face cachée par des ténèbres maudites et, qui plus est, est un humain dans un royaume qui haïssait sa race ne pourrait jamais se permettre de courtiser une demoiselle de ce pays. Bien qu'il eût quelques vues sur cette fille qu'il avait croisée dans l'hôpital souterrain... Il demanderait plus d'informations à la princesse sans nom.
Finissant de s'apprêter dignement, selon les codes et les coutumes de Sylvania – il a eu l'aide du costumier royal, le même qui avait refusé de lui donner une tenue lors de la parade –, il s'empressa de rejoindre l'arbre où naissent toutes les princesses-fées de ce royaume : Java-Aleim !
Cet immense arbre à fleurs géantes faisait autant office de nurserie que d'habitations : une fois la fleur éclose et la fée née, l'intérieur de la fleur se met à grossir jusqu'à atteindre une taille optimale pour que la fée et la famille qui l'avait adopté puisse y vivre. Toutefois, il arrive que les fleurs soient trop fragiles car le nouveau-né est venu à la naissance malade, de façon prématurée ou autres... et donc qu'elles ne puissent pas servir d'habitation et tombent sur le sol. Ce qui fait qu'au lieu de vivre à Java-Aleim, les fées sans fleurs s'en vont habiter dans le royaume au quartier noble ou plus bas pour d'autres...
Il est plutôt rare que ces fées soient discriminées car elle restait tout de même des fées de sang royal pur et possédait des ailes, c'était là l'occasion pour certaines familles de nobles d'augmenter de rang, en les recueillant. Au lieu de suivre le processus d'adoption, un véritable trafic s'organisait avec les nourrices pour que ces enfants soient recueillis par des familles étant en quête de pouvoir.
Un trafic auquel la reine ne prêtait guère attention, puisqu'il était rare que quelque chose de grave arrive aux nouveau-nées dans ce processus de contrebande, donc elle s'attelait à d'autres tâches beaucoup plus urgentes. Néanmoins, elle a laissé quelques espions stationnés en surveillance pour voir si quelque chose de grave pouvait arriver.
Un coup d'état grâce à ces bébés ? Mais vous rêvez éveillés ! Qui se mettrait à dos la Destructrice de Mondes sans avoir une quelconque assurance ?
Non, ce n'est pas grâce à cela que la reine pouvait être défait. C'est quelque chose qui se tramait dans les ténèbres de façon beaucoup plus insidieuse et qui s'enroulait petit à petit autour de sa gorge, à cause de ses propres travers...
Nonobstant ! Ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui !
Le Héros arriva à cet endroit, mais n'y vit pas la fée aptère.
En parlant d'elle, du haut de l'arbre-naissance, celle-ci se tenait sur le rebord de l'une des fenêtres de sa fleur et secouait la main pour lui faire voir, dans quel regroupement de pétales, elle résidait.
Ayant vu qu'il l'avait vu, elle disparut avant qu'il la voie réapparaître à l'intérieur d'un ascenseur en lianes qui fonctionnait grâce à un système de poulie. Il imaginait bien que déjà que cet arbre était magique, les mages d'ici ne pouvaient se permettre de dénaturer celui-ci avec des sorts comme dans le château de la reine.
S'en approchant de plus près, le Héros s'aperçut de la somptuosité de l'arbre géant qui donnait naissance aux princesses-fées, découvrant un arbre au multiples fleurs dont chacune possédait sa propre couleur. Il devait faire la taille du château d'Yggdrasil – qu'il apprit d'ailleurs qu'il avait été fait à partir d'une racine du véritable Yggdrasil qui avait été offerte pour l'une des reines en guise de cadeau de mariage par un lointain prince.
Le Héros fut retiré de sa réflexion lorsque la Fée vint le voir.
- Waouh ! Mais tu es bien beau, aujourd'hui ! le complimenta-t-elle.
- Ah bon ? s'étonna le Héros, j'ai juste mis les habits que tu as achetés en accord avec ce que le couturier m'a recommandé.
- Justement ! Je ne me déçois pas d'avoir si bon goût.
Le Héros secoua la tête de dépit.
Toujours propre à elle-même cette gamine..., sourit-il.
- Allez ! Viens ! Mes parents ont hâte de te rencontrer, lui dit-elle en enroulant son bras autour du sien et en le traînant jusqu'à l'ascenseur.
Une fois dedans, le Héros lui demanda s'il avait été construit juste pour elle.
- Bien sûr que non. Il y a des vieilles personnes qui vivent à et dans Java-Aleim, elles utilisent cette machinerie car leurs ailes n'ont plus la force de les transporter. Mais aussi, on reçoit de la visite et tout le monde n'ait pas en capacité de voler.
- Ah ! Je vois.
De loin, le Héros n'avait pas remarqué que les branches étaient aussi épaisses, il n'avait même pas besoin de jouer aux équilibristes, il n'y avait que la hauteur de celles-ci qui pouvait lui donner l'envie de le faire, tellement elles étaient hautes. Il se demandait bien comment des fées sans ailes pouvaient survivre à une chute pareille. C'était inconcevable – mais après tout, il avait bien survécu à l'écroulement d'une tour de fer.
Tu sais bien, et nous savons, pourquoi, mmmh.
Ils arrivèrent sur la branche où se situait la maison fleur de la fée aptère, s'il était de ces gens que le vertige terrifiait, il se serait évanoui en apercevant la distance pharamineuse d'où il se situait par rapport au sol. Il remarqua que par rapport aux autres fleurs, celle de la Fée était décolorée, elle n'était pas blanche, mais c'était plutôt comme si elle ne possédait pas de couleur ? Elle n'était ni noire, ni blanche, juste sans couleur, et étrangement terne.
La Fée le coupa dans sa réflexion en l'emmena en direction de la porte d'entrée qui était pleinement ouverte.
La porte grande ouverte, avant d'entrer, elle l'invita à rentrer de lui-même dans sa charmante demeure, ce qu'il ne refusa pas puisqu'il était venu quand même pour rencontrer les parents de sa protégée.
À l'intérieur, il vit les personnes à qui il devrait faire face durant de nombreuses heures : une fée masculine à lunettes qui devait être son père adoptif, il avait une calvitie sur le haut de la tête, légère pas vraiment importante, une autre fée féminine qui était sans doute sa mère, elle avait un carré noir en guise de coiffure et avait de fines courbes, ensuite une autre petite fée qui était aussi masculine qui ressemblait à la fée, il possédait le même regard que celle-ci en moins... stupide. Il n'avait carrément pas l'air de l'être ! Il mangeait devant un écran d'holovision et le fixa du coin de l'œil. Puis, le Héros finit par remarquer la présence de la naine que le Héros avait aperçue en ville, elle était encore plus petite que la moyenne des naines de son âge, elle aussi avait des cheveux de couleur ébène mais ils avaient l'air encore plus soyeux que quiconque avait-il pu croiser dans sa vie.
En voyant tout ce monde qui lui était inconnu, il se crispa soudainement, pris de timidité, il balbutia quelques mots de politesse presque inintelligibles aux oreilles de toute l'assemblée.
- Effectivement, tu as raison, dit la naine Mina, c'est un sacré timide.
Il ouvrit de grands yeux et se retourna vers la Fée.
- Qu'est-ce que tu as dit ? s'exclama le Héros avec une voix qui partait dans les aigus.
- Bah c'est vrai ! se défendit la Fée.
- Non, ceci est un mensonge éhonté ! Je ne suis pas timide... je suis introverti..., dit-il d'une voix de plus en plus faible.
- Allez, allez, ce n'est pas très grave, intervint Niselios en frappant dans ses mains, amusé, viens nous saluer avec une voix d'homme.
Le Héros prit une grande inspiration avant de soupirer un grand coup et d'adopter un sourire enjôleur. Il s'approcha du père de la Fée et lui serra la main, il fit de même avec sa mère et le petit-frère de la Fée et voulut faire pareil avec Mina, mais celle-ci le salua en cognant son poing contre le sien.
- Pas besoin d'être aussi formel, lui dit la naine aux longs cheveux noirs, nous avons déjà combattu ensemble.
Il prit note de cette affirmation et suivit les adultes jusqu'au séjour.
- Hé bien ! Je ne pensais pas qu'il aurait ce genre de... personnalité, commenta Mina.
- Oui, dit la Fée, il est bien différent de ce qu'on pourrait croire, et toutes les premières impressions qu'il peut donner sont à chaque fois... différente.
Installé à table, il put se présenter auprès de ses hôtes en bonne et due forme, expliquant que, comme leur fille et amie, il ne possédait pas de nom, qu'il y a eu certains événements qui ont fait qu'il a dû voyager à travers tout Francalis à la recherche de quelqu'un, que la reine était amie avec sa défunte mère et qu'il connaissait une elfe de nuit qui vivait dans ce royaume – cachant les choses les plus importantes, à ses interlocuteurs , comme le fait qu'Helmir était une espionne au service de Sa Majesté ou que la reine avait failli le tuer.
- Cet homme que tu cherches ne serait pas le Némésis ? demanda le petit-frère de la Fée.
Avant que les gens puissent s'outrer à l'énonciation de ce nom démoniaque, il coupa court à tout effroi qu'ils pourraient avoir en feintant l'étonnement avec un trait d'humour sur le fait qu'il puisse être au courant qu'il est le héros de la légende.
- En même temps, « il » n'est pas un inconnu de notre monde, exprima le père.
- C'est vrai, c'est vrai, concéda le Héros, mais bon, c'est une légende qui date de plus de cinq mille ans, rit-il timidement.
- J'admets qu'une grande majorité des personnes de ce monde ne s'intéressent plus à cette légende. Nous, nous la connaissons à cause des recherches intensives qu'effectue la reine depuis tant d'années, et qui semble indiquer que nous ayons un lien avec celle-ci.
- Un lien ? commenta le Héros.
- Oui, mais nous n'en savons pas vraiment plus. Même la reine marche sur des œufs avec cette affirmation.
- Depuis quand elle effectue ses recherches, papa ? demanda la princesse-fée sans nom, je n'étais pas au courant, je savais juste qu'elle recherchait des informations sur la fée de la légende.
- Je dirais..., réfléchit-il, environ vingt ans de cela.
Cette information se grava dans son esprit, il irait demander quelques informations à la reine. La mère de la Fée, Méa, interpella son mari Niselios à propos du repas du repas de ce midi. Le Héros avertit qu'il ne pourrait pas rester longtemps, mais ils insistèrent pour qu'il mange au moins son « gratin aux quatre jilojila ».
- Oui pourquoi pas, dit-il avant de se retourner vers la Fée et lui demander, c'est quoi du jilojila ?
- Ne t'inquiète pas, le rassura la fée aptère, je suis certaine que tu vas apprécier. Mes parents sont bien meilleurs cuisiniers que moi, tu n'as pas à t'en inquiéter.
- Ah bon ? Tu doutes de tes capacités culinaires ? se moqua l'humain sans visage en montant son index sur son menton et ayant un grand sourire.
- On m'a dit que...
- Donc pas moi ! la coupa le Héros.
La Fée fit la moue sous les rires du Héros.
La naine les observait attentivement, elle voyait bien que sous les éclats de rire de l'Homme, la Fée ne l'avait pris aucunement mal et qu'elle se jouait même de cela, et cet humain qui dans l'arène lui avait paru si abominable lui paraissait, désormais, être à la fois entouré d'une aura si chaleureuse qu'elle nous touchait au plus profond de notre cœur, mais elle ressentait aussi une grande noirceur provenant de son corps et de son âme. Elle n'était pas très douée avec la perception magique et ne pouvait le qualifier d'hypocrite à cause de ce simple fait, mais cela lui semblait étrange de ressentir une telle contradiction chez lui.
Du coin de l'œil, Nisélios observait la scène avant de revenir au fourneau.
- Il me semble être un gentil garçon malgré cette chose noire qui enveloppe son visage.
- Pour moi aussi, affirma la reine, et s'il est aussi fort qu'on le raconte, notre fille a toutes ses chances d'obtenir l'objet de ses désirs.
- Sûrement. Mais il reste un enfant et j'ai pu voir, en faisant la tournée des écoles qu'il y avait des candidats qui pouvaient lui tenir tête. Surtout la descendante du quatrième roi... Rah ! Ça ne risque pas d'être prêt maintenant, observa-t-il son plat, contrarié.
Pour empêcher le Héros de partir trop vite, Méa s'en va voir les enfants et leur propose d'aller jouer dans la chambre de la Fée, et que le jeune frère de la Fée reste devant l'holovision.
- Ce petit garnement n'avait de cesse d'embêter les autres et de se jouer d'eux, en faisant valoir sa grande intelligence. Il pourrait l'utiliser de façon plus intelligente, mais il n'a jamais l'air de vouloir le faire, déplora la mère, alors vous autres, allez jouer dans la chambre de Princesse ! les invita-t-elle à faire.
Ils s'exécutèrent et partirent jouer dans la chambre de la protégée du Héros. Et effectivement, c'était bien une chambre de princesse comme on en trouve dans les récits de conte de fées et dans les magazines pour filles de Strasins – une des seules villes humaines ayant une oasis de lumière au-dessus de sa tête, une métropole où avait réussi à renaitre les stars et la téléréalité, qu'on appelle désormais, l'holoréalité.
Une partie des murs était remplie de paillettes sur fond noir, et autres décorations, les meubles pleins de photos et un bureau rempli de cahiers et de livres : nombreux étaient ceux parlant du code que devait adopter une princesse, mais il y avait aussi des livres de mathématiques et de physiques, beaucoup d'histoire. Il y avait aussi de nombreuses feuilles tâchées de notes de révision... Elle était manifestement une grande bosseuse. Après tout, gagner le tournoi n'était qu'une partie de sa conquête du trône de Sylvania, l'autre partie, elle devrait l'accomplir toute seule.
- Impressionné ? s'enorgueillit la Fée.
- Nullement. Ça m'étonne pas de toi. Le contraire m'aurait déçu.
- Ah bon ? dit la Fée d'un ton véritablement surpris, même Beneltig ne m'a jamais fait la remarque...
- Mais c'est vrai ! s'exclama le Héros en tapant du poing dans sa main, comment va ce couillon froussard ?
- Oh bah, il a presque fini sa rééducation et il ne semble pas plus traumatisé que cela d'avoir fini dans un cristal.
- Je vois.
- Tu lui as déjà rendu visite, non ? lui demanda la Fée.
- Je ne crois pas me souvenir d'avoir fait cela, mentit le Héros en s'asseyant contre le bureau de la princesse.
- Mais si, intervint la naine c'est là-bas où moi et les autres, on t'a vu pour la première fois.
- Ah bon ? dirent le Héros et la Fée en même temps.
Le Héros fixa du regard Mina qui lui rendit bien.
Elle était forcément au courant du poing qu'il avait mis dans le cristal. Si elle en parlait d'une certaine façon, la Fée pourrait penser qu'il avait tenté de tuer son bienaimé, et il voudrait éviter à tout prix de se retrouver dans une situation dans laquelle il pourrait difficilement se démêler, en avouant sa conversation avec Thoosa, et donc, mettre en péril leur couple.
- Sûrement, dit le Héros en feintant de s'en rappeler soudainement en se grattant le sourcil, j'ai dû y aller pour lui parler du fait que j'étais devenu ton nouveau héros. Et cela doit être cette infirmière, Flora qui a dû m'y emmener.
- Ah bah c'est bien ! Même s'il n'a pas dû te faire la conversation, dit-elle en souriant.
Le Héros se précipita pour détourner la conversation vers un livre qu'il aperçut dans l'armoire à côté du lit. Il s'en approcha et le saisit dans ses mains. A la couverture, il lut un alphabet différent de l'Oli'Ane, se rapprochant beaucoup plus du Franca.
- Ne me dis pas que c'est...
- Oui, oui ? dit la Fée, incroyablement excitée de savoir s'il savait de quelle langue il s'agissait.
- ... c'est du français ?
- Bingo.
- Comment peux-tu avoir un ouvrage en français ? Le seul endroit où on peut en avoir c'est dans les Bibliothèques Universelles et peu de Féériques peuvent y accéder ou...
- ... auprès d'un Archiviste. C'est exact. Tu es vraiment, mais vraiment, bien renseigné, le félicita la Fée, tu m'étonnes de jour en jour, s'émerveilla-t-elle.
- C'est pas digne de louanges, répondit le Héros d'un ton sérieux, absorbé par ce livre, même ton amie ici présente doit être au courant.
- Absolument pas, rétorqua Mina, ce genre de choses ne m'intéresse guère, j'ai d'autres préoccupations que l'ancien monde ou l'extérieur, à l'inverse de mon amie ailée dénuée d'ailes.
- Ça n'a aucun sens de dire que j'ai des ailes si c'est pour à la fin dire le contraire, s'énerva la Fée.
- Je. Te. Taquine, rit la naine.
- Mais pourquoi tu as ça ? reprit le Héros
- J'ai envie de connaître la pensée des gens de cette époque lointaine et découvrir d'autres histoires que celles contées par les troubadours, expliqua-t-elle, c'est assez compliqué vu que c'est du Franca vraiment ancien, mais ça va, je m'en sors.
Intrigué par ce livre, le Héros se mit à le feuilleter, tournant les pages en quête de lettres et de mots qu'il avait déjà aperçus au cours de ses différentes expéditions quand il se rendait dans la Bibliothèque Universelle de Vicenti. Plus il tentait de déchiffrer ces écritures, plus ses yeux s'illuminèrent d'une lueur dorée, il arrivait de mieux en mieux à comprendre de quoi il en retournait.
La Fée remarqua le changement de teinte des yeux du garçon, reconnaissant ce regard lorsqu'il se battait, elle comprit que ses yeux n'étaient pas dus à un état combattif mais que c'était tout autre chose. Mina, elle aussi, avait repéré ce changement de couleur, mais elle vit aussi les lèvres du Héros remuer toute seule sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche.
- C'est normal qu'il ne parle plus ? lui demanda la naine.
- Il a l'air d'être en... transe. Je n'ai pu l'observer que chez certains religieux dans les débuts de mon apprentissage à la magie à Lectorum.
Lectorum, la citée de la magie ecclésiastique, rares sont ceux ressortant avec des connaissances, étant donné le manque de pédagogie des prêtres de ce lieu sacré. Un endroit où tous les grands prêtres et autres soignants du monde peuvent se réunir pour apprendre des formules permettant la guérison de n'importe quel mot, mais surtout pour apprendre à prier le grand mage médecin, qui fut aussi un paladin, d'un nom que tout le monde semblait avoir oublié.
Avant que le Héros arrive au milieu du bouquin, il se stoppa dans sa lecture et le referma de ses deux mains, il fixa la première de couverture et dit, d'un air confus :
- Mais les personnages principaux ce sont des chats ? s'écria le Héros.
- Oui ! C'est l'une de mes histoires favorites !
- Alors tu ne faisais pas semblant ? s'exclama la naine.
- Ben oui, pourquoi je ferai ça ? l'interrogea le Héros.
- Elle doute de toi, déclara la fée aptère.
Le Héros se tourna vers la meilleure amie de la Fée et lui sourit :
- Elle n'a pas tort, avoua-t-il, toi, tu m'as fait confiance bien trop facilement.
- Mais pourquoi je ne le ferai pas ? Tu m'as sauvé et maintenant tu es mon champion. Il est normal que je te fasse confiance, surtout que je t'ai donné ton bain, plaisanta-t-elle.
- OH ! s'exclama Mina.
- OH ! grogna le Héros, avertissant de son index puissant la Fée de se taire.
- Le grand héros de la légende est incapable de se laver ? se moqua la naine aux long cheveux noirs.
- C'est pas ça ! se défendit le héros en ouvrant de grands yeux de gêne, à deux doigts de s'arracher les cheveux de sous sa capuche.
- Ça t'apprendra à dire devant tout le monde que j'ai des grosses cuisses.
- Mais moi je me suis pas moqué, protesta le garçon humain sans visage.
- Tu as mis l'adjectif « grosse », c'est comme si, pleurnicha-t-elle.
- Rah ! beugla le Héros, tu abuses de la susceptibilité, gamine !
Les voyant se disputer ainsi, Mina reconnut que les compliments et l'éloge que leur a fait la Fée à l'égard de cet Homme étrange, au visage trouble et à l'apparence peu flatteuse – du peu qu'elle avait pu voir jusqu'à ce jour. Il n'avait pas l'air d'être un être rempli de malice ou de malveillance. Il pouvait avoir un comportement violent comme avec les Fenrirs ou dans sa façon de combattre qui est un fourre-tout de méthodes de combat, comme il pouvait être sympathique, timide et intelligent. Il n'était pas qu'un simple barbare humain comme ses propres parents avaient pu en croiser. Il n'avait pas l'air de ces hommes qui se joueraient de son amie.
Il était honnête.
Du moins dans ses actes.
Leur « dispute » cessa lorsque les parents de la Fée appelèrent les trois enfants pour goûter le plat qu'ils venaient de terminer de préparer. À table, le Héros complimenta le repas qui avait été préparé avec beaucoup de soin. Il était rare qu'il mange de la nourriture féérique – et le peu de fois qu'il l'avait fait, c'était pour soigner ses plaies, et encore, la magie avait du mal à agir sur ce jeune homme...
Il était amusant de le voir se démener pour ne pas être le garçon qu'il était au naturel : taciturne, peu loquace, ayant un humour caustique, colérique et introverti. Celui qui était en face d'eux était jovial, souriant et avenant. Non pas qu'il ne pouvait pas l'être de nature, mais, non seulement, il n'avait pas l'habitude de l'être, mais ça n'était pas naturel pour lui car, au fil du temps, il avait perdu l'habitude de vivre en communion avec les autres, vivant avec sa solitude dans ses différentes pérégrinations autour du monde à la recherche du Némésis. Ceci explique pourquoi il vivait reclus dans la « maison » suspendue composée de deux pièces – séjour et salle de bain – qui lui servait d'habitation. Lors de ce diner, il s'obligea même à parler de lui, alors qu'il était plutôt réticent à le faire.
Soudain, la mère de la Fée se hasarda à vouloir en savoir plus sur le passé du jeune homme, sur ses parents.
La Fée s'étouffa en entendant la question de sa mère, elle n'était pas sereine sur le fait que sa mère puisse demander une telle question. Surtout qu'elle les avait avertis qu'il pourrait vraiment mal le prendre.
- Mère, je ne pense pas que...
- T'inquiète, intervint le Héros, votre fille est d'une gentillesse incroyable ! Elle veut me protéger alors que c'est mon rôle de le faire, rit-il, mais pour vous répondre : oui, j'ai des parents, mais non je ne les ai pas connus. La mère dont a entendu parler votre fille est celle qui m'a recueilli alors que j'ai été abandonné dans un carton, révéla le garçon, elle m'a élevé pendant les dix premières années de ma vie jusqu'à ce qu'elle meure en me protégeant.
- Toutes mes condoléances, s'excusa Méa, c'est vrai que dans ce monde, il est fréquent que les enfants soient orphelins...
- Voire tués, ajouta la naine.
- Ou violés, renchérit le petit-frère de la Fée.
- Emibelli ! s'exclama Méa.
- Oh, vous excusez pas, les rassura-t-il, il est normal que dans un royaume aussi prospère, les difficultés des habitants du monde à l'extérieur de ces murs vous soient inconnues.
- Quel genre de personne était-elle ? se risqua à demander Nisélios.
- Prenez pas vraiment de gants avec moi sur ce sujet, c'est du passé, ça ne me touche plus autant que la première année.
La Fée savait qu'il mentait pour faire bonne figure, mais elle trouvait qu'il en faisait trop. Il allait jusqu'à cacher ses sentiments sur un sujet aussi grave qui le touchait encore maintenant.
- Mais pour répondre à votre question, ma mère était une bonne sœur dans une église construite dans le village de Novillios.
- Tiens ça ressemble à ton prénom, commenta Méa.
- Effectivement, dit le principal concerné.
- Une petite coïncidence mineure. Donc, ma mère était une femme très dure, elle se fichait que j'ai des blessures sur le corps, elle me mettait des beignes si je faisais d'assez grosses bêtises. Sa rudesse était grande, à l'instar de sa bonté et de sa personnalité protectrice. Et sur certains aspects, elle ressemble à Princesse.
- Hein ? Comment ça ? rougit la principale concernée.
- C'était une personne grossière et elle n'avait aucune patience.
Ah ouais ? C'est comme cela que tu t'en souviens ? C'est marrant ça !
Cependant, c'était un coup dur pour la princesse qui pensait recevoir des compliments, rougir pour entendre qu'on parle comme un chartier. Elle lui rendit son compliment par la levée de son majeur, son père frappa sur la table lui intimant de ne plus recommencer une telle impolitesse.
- Mais il se moque de moi !
- Comme si tu l'avais vraiment mal pris, ricana le Héros.
- Toi, tu vas voir..., chuchota-t-elle.
- Tu vas absolument rien faire, lui rétorqua le Héros.
- Restez sages s'il vous plaît, dit Méa en frappant dans son verre en bois.
- Mais comment ça ta mère était une sœur ? demanda Mina, c'était la sœur de qui ?
- Euh...Non, ce n'est pas ça, dit la mère de la fée aptère.
- Qu'est-ce que tu peux être co..., débuta le petit-frère de la Fée avant de se faire frapper dans le dos par sa mère.
- Je vais expliquer, intervint le Héros, une Sœur, c'est une personne qui a dédié sa vie pour son dieu, donc elle s'occupe en priant et en officiant sur tout ce qui concerne la vie d'un croyant.
- Ah d'accord. Et toi, tu es aussi un croyant ?
- Oui. Mais pour certaines raisons, je crois de façon différente par rapport à ma mère.
- C'est normal de croire surtout en ces temps difficiles..., dit Mina.
Le repas prenant fin, le Héros aida à débarrasser la table avec les parents de la Fée et tint à les aider à laver la vaisselle avec eux. Il se trouva dans une assez petite cuisine, on pouvait s'y regrouper à trois dedans sans bouger, sans se gêner, mais si tous commençaient à se déplacer, ils devraient forcément se bousculer. Surtout à cause de la table ronde qui se trouvait juste devant le lavabo. Il découvrit avec étonnement que cette table avait été faite à même le sol, il pencha la tête pour voir celle du séjour, et c'était pareil pour elle.
Le père de la Fée l'invita à prendre place à côté de lui pour l'aider à laver les assiettes et les couverts, pendant que lui les rinçait. Sa femme était partie mettre les restes dans une sorte de cellier censé les conserver. Il se demandait bien pourquoi ils n'utilisaient pas la magie pour le faire. Peut-être en étaient-ils, eux aussi, dénués. Et d'habitude, les Féériques laissaient des larves Opi dévorer les aliments restants dans leurs plats pour les nettoyer avant de les dévorer – bon, son jugement est biaisé puisqu'il n'a vu cela se produire que dans un fast-food de Lision, une ville au sud de Bisonti, donc au sud de Novilios, c'était lorsque Astéron le récompensa pour une mission qu'il avait accompli avec un succès retentissant (il ne s'était pas blessé, en somme). Il n'aurait pas pensé qu'ils auraient des lavabos.
- Tu es vraiment un garçon serviable, le complimenta Niselios.
- Merci, je vais de mon mieux.
- Fais, le rectfia Nisélios, on avait remarqué. Tu te donnes beaucoup de mal.
- En même temps, avec mon apparence, je dois bien prouver que je ne suis pas un ignoble monstre.
- Tu n'avais pas besoin d'en faire autant. Nous n'allions pas te juger, surtout que notre fille est dans le même cas que toi.
- Oui, vu qu'elle est dépourvue d'ailes, mais elle reste toujours plaisante à voir.
- Peut-être que, pour toi, le fait qu'elle n'ait pas d'ailes ne change pratiquement rien à son apparence, mais pour une fée, c'est comme si... comme si, on lui avait arraché le visage et qu'elle se baladait les muscles à l'air.
- C'est excessif comme comparaison.
Voyant que la vaisselle commençait à s'accumuler dangereusement aux côtés du père, le Héros prit un chiffon et se mit à l'essuyer, les déposant sur une table, ne sachant pas où la ranger.
- Pourtant, c'est la réalité, continua-t-il, nos ailes sont presque de l'ordre du sacré. Les personnes dénuées d'ailes sont considérées comme ayant perdu la bénédiction des dieux et sont rangées dans la catégorie « paria rejeté des dieux ».
- Je connais ça... Tant qu'elle est pas catégorisée comme un démon, ça va encore, ironisa-t-il en souriant, le regard dans le vague, au fait, vous n'avez pas l'air d'être effrayé par mon apparence.
- Bof, moi et ma femme sommes déjà allés dans le Protectorat Obscur, et il y a de nombreuses personnes qui te ressemblent, c'est plus la magie qui se dégage de ce qui te recouvre qui doit effrayer.
- C'est où ça le Protectorat Obscur ?
- En-dessous de nous et au-delà du pays de Kano. En-dessous, c'est un quartier souterrain pour ceux qui ne supportent pas la lumière du jour et celui qui se trouve au-delà de la frontière de ce pays est une ville qui a été construite à cause d'une arrivée grandissante de réfugiés Féériques nocturnes.
- C'est quand même ouf tout ce qu'il y a dans cette tortue, s'extasia le Héros, une prison sur plusieurs étages, un hôpital, maintenant un quartier souterrain... Elle est vraiment énorme.
- Oui. Les rois-combattants l'ont rendue vraiment énorme, en plus, elle ne fait que grandir et grandir. Je suis certain qu'ils n'ont pas pris la plus maigrichonne. Ah, il ne reste plus beaucoup de choses à nettoyer, je te libère pour que tu ailles t'amuser avec tes amis. Merci pour ton aide.
- Pas de soucis.
Le Héros sortit de la cuisine puis revint sur ses pas pour reparler au père de son amie.
- Mais vous savez, monsieur le père de Princesse, je ferai tout pour qu'elle obtienne ses ailes et qu'elle devienne une fée comme les autres, déclara-t-il avec une voix emplie de détermination.
Nisélios le fixa, puis gloussa en reprenant sa besogne.
- Je n'en doute pas. Surtout si cela se révèle vrai l'histoire de la diseuse de bonne aventure.
- Quelle histoire ?
- Sur la fée de la légende.
- Ah. Ça... Non, ça ne m'intéresse pas.
- En tant qu'héros de la légende, tu n'étais pas au courant que tu avais une partenaire ?
- Si. Elle me l'a déjà ordonné de partir à sa recherche, mais je ne compte pas emporter quelqu'un dans le sillage de ma funeste destinée héroïque.
Les deux s'arrêtèrent de parler, seul le tintement des couverts produit par Nisélios qui terminait de les laver résonnait dans la petite pièce. Un étrange malaise broyait les tripes du Héros, tous ses efforts venaient d'être balayés juste à l'évocation de son devoir de héros, il venait juste de laisser échapper sa mélancolie.
Le père de Nisélios s'approcha du garçon sans visage et posa sa main sur sa capuche, il se pencha pour le regarder droit dans les yeux et lui dit :
- Un enfant n'a pas à porter le poids du monde sur ses épaules. Si tu as besoin d'aide, tu ferais bien de te confier aux adultes, comme notre reine qui est la plus à même de pouvoir t'aider étant donné qu'elle a connu ta mère et qu'elle s'intéresse à « ta » légende. Tu as bon fond, ne te laisse pas entraîner par quelque chose qui t'est bien trop grand.
Le garçon ne put qu'hocher tristement la tête, l'esprit embrumé par ses pensées amères.
Nisélios le tourna et le poussa hors de sa cuisine.
- Allez ! Va voir ma fille pour te changer les idées ! Ça te fera du bien !
Le Héros alla retrouver la Fée qu'il rejoignit sur un petit balcon où elle l'attendait, toute souriante, assise sur une chaise. Au préalable, il s'était tiré les joues pour se forcer à sourire et ne pas qu'elle s'aperçoive de sa mélancolie, la rendant inquiète à son sujet, et partit à sa rencontre. Elle l'invita à s'asseoir en face d'elle, il remarqua que Mina avait disparu.
- Oh bah, elle est partie. Elle avait un truc à faire. Je crois qu'elle a fini par t'apprécier.
- Tu lui diras que c'est réciproque, même si on a pas vraiment parlé et que ça se voyait qu'elle était méfiante me concernant.
- Elle doit croire que tu profiterais de moi. Tu sais, elle est mon garde du corps depuis que nous sommes enfants, toujours là à me protéger.
- Deux gardes du corps pour une seule princesse ? Quelle chance.
- Hé hé, s'amusa-t-elle de la réflexion du Héros, je suis certaine qu'elle va devenir une excellente garde du royaume, au moins, elle n'a pas perdu espoir en ne pouvant pas devenir espionne pour le compte de la reine.
- À cause de sa taille minuscule ?
- Arrête, c'est méchant ! gloussa-t-elle, non, elle est trop colérique et d'autres choses que j'ai oubliées.
- Hum, hocha-t-il la tête, mais en vrai, je ne vois pas ce que j'y gagnerai à profiter de toi, surtout que je ne te connaissais pas...
- C'est bien ce que je...
- ... à part profiter de tes mamelons de vache laitière, se moqua-t-il vulgairement.
À ses mots, la Fée se souleva de sa chaise et fonça sur le Héros pour le frapper, le Héros anticipant son action écarta les bras et frappa si vite dans ses mains face à elle, qu'elle sursauta.
- Tu ne m'auras jamais si de simples claquements de mains t'effraient, lui fit-il la morale, faut t'endurcir, gamine. Deviens aussi forte que moi !
- Je n'en ressens nullement le besoin si tu me protèges, râla-t-elle.
Même si cela lui faisait plaisir qu'elle lui dise cela, elle ne devait pas se bercer d'illusions sur le fait qu'il la protégerait toute sa vie.
Mais le Héros l'infantilisait bien trop ; elle avait conscience de sa faiblesse et du fait qu'elle était énormément craintive : cela était dû à toutes les tentatives d'assassinats qu'elle avait subies au cours de sa vie et aux brimades régulières qu'elle supportait. Quel être vivant pourrait être serein s'il savait qu'un nombre indécent de personnes voulait sa mort ?
Le Héros se leva et s'accola contre la rambarde du balcon en observant le ciel magiquement artificiel, bien qu'il reflète celui que tous les Hommes et Féériques devaient voir, son artificialité le rendait affreux aux yeux du Héros. Il en avait déjà vu une partie grâce aux oasis de lumière qu'il avait traversés, et rien n'égalait la véritable lumière du jour. Ce ciel qui semblait parfait reflétait quelque chose qui le rendait mal à l'aise depuis qu'il était dans ce royaume, quelque chose qu'il savait qu'il manquait mais n'avait toujours pas vu. Ce coin de paradis pour Féériques avait un arrière-goût que son instinct semblait sentir.
Ensuite, il abaissa son regard vers la Fée et déclara :
- Tant que je serai là, je te protégerai comme se doit de faire le héros pour la fée.
- Pour la fée de la légende...
- C'est vrai que si tu gagnes, tu seras ma compagnonne de destinée. Alors contente ?
- En toute honnêteté, à l'inverse de la reine, moi, et nombre d'entre nous, se fichons de la légende. Déjà qu'on l'a pensée surfaite jusqu'à ce que tu arrives et que « tu prouves que tu existes ». Mais, contrairement à toi, à l'instar de mes parents, je ne crois pas aux mythes et légendes, ni aux dieux du panthéon, ni en aucun autre.
Il faudrait déjà que je crois en moi avant de faire confiance à une entité supérieure..., pensa-t-elle.
- Déçu ? ajouta la Fée avec un sourire crispé.
- Non. Ça m'arrange même.
- Ah bon ?
- Tu me trainerais dans les pattes.
- Roh. Tu te sens vraiment obligé d'être désobligeant avec moi.
- J'aime juste t'embêter, lui dit-il en lui ébouriffant les cheveux, mais je le pense aussi. Tu n'as rien à faire dans ce monde cauchemardesque où le pire se produit à chaque instant.
Un silence naquit entre les deux. Tous les deux regardant loin de l'autre.
- Je pense que j'ai assez passé de temps avec toi aujourd'hui, je vais rentrer chez moi.
- Tu dis ça comme si tu avais un temps imparti.
- Bah si je continue à parler à tes parents, je vais manquer de conversations et je vais me retrouver à leur parler de mes exploits guerriers.
- Ne t'inquiète pas, ils ont déjà vu au travers les œillères du Liseni, cita-t-elle.
- Encore une expression que je ne comprends pas. Bon je te laisse.
- Attends, l'interpella-t-elle en lui attrapant l'épaule, tu peux te lever encore tôt demain.
- Tu perturbes mon sommeil, là.
Elle le fixa du regard avec une expression voulant dire « Évite de te foutre de moi ».
- C'est pourquoi cette fois-ci ?
- Je voudrais que tu rencontres les autres champions au diner de la fin des premières poules.
- Je dois y aller parce que tu y vas ?
- Entre autres. Mais aussi parce que je veux que tu rencontres Beneltig.
- Mais s'il vient, j'ai pas besoin de venir.
- Mais si parce que tu es mon champion. Lui c'est mon bien-aimé.
Lui, il doit penser à « bien-aimée » au pluriel.
- Bah fait croire qu'il est toujours les deux...
- Arrête de faire l'enfant et viens !
- Ça se voit que tu n'as pas l'habitude qu'on te refuse quelque chose.
- Exactement et tu pourras dire ce que tu veux mais toi tu fais l'enfant, juste pour pouvoir dormir jusqu'à dix-huit heures.
Feintant avoir une longue réflexion sur ce qu'il pourrait potentiellement faire ce jour-là, il finit par accepter après avoir laissé échapper un long soupir plaintif.
- Oui. Je savais que tu finirais par accepter ! Maintenant, je peux te laisser partir.
Elle lui fit un petit bisou furtif sur la joue.
- Ça veut dire quoi ça ?
- Quoi ? Le bisou ? Bah, c'est un signe d'affec...
- Non, le fait que tu me laisses partir maintenant. Tu prétends que tu peux me tenir en otage ? plaisanta-t-il.
La Fée pouffa de rire et le poussa jusqu'à la sortie.
- Tu m'épuises, garçon. Allez, on se voit demain en fin d'après-midi, d'accord ?
Elle lui refit un bisou sur l'autre joue et ferma la porte derrière lui.
Ainsi se termina ce diner de rencontre.
Il put enfin se détendre. Il sentit que ses muscles allaient lâcher vu l'effort incroyable qu'il avait dû faire pour aller à l'encontre de sa nature première.
Il put expirer toute son anxiété. Tout s'était bien passé. Aucun événement improbable, il n'avait fait aucune gaffe, pas la moindre chose suspecte ou douteuse. Résultat des courses : il pourrait continuer à être fourni en pâtisserie confectionnée par sa mère. Il en rit, mais ça n'avait jamais été sa première préoccupation, ça ne lui avait même pas traversé l'esprit de penser ainsi. Alors que la majorité du temps, sa principale préoccupation était sa survie.
Être dans ce paisible lieu semblait l'avoir changé.
Juste avoir retrouvé la parole l'avait rendu plus ouvert aux autres.
Mais c'était surtout la Fée qui avait réussi à le rendre plus avenant.
Cet endroit paraissait être le havre de paix qu'il recherchait depuis si longtemps. Si le Destin du héros ne le tirait pas vers son inéluctable fin, il profiterait de sa vie au sein de ce royaume jusqu'à la fin de sa vie, bien que son instinct lui indique quelque chose de bien mauvais ici.
Cependant, cette vie qu'il espérait obtenir auprès d'eux l'obligeait à n'entraîner personne d'autre dans le sillage du Destin du héros. Qu'il fasse partie de ses plans ou non.
Selon ses calculs, il devait lui rester deux mois avant de retourner sur les routes de la crasse, du sang, de la Corruption et de la mort.
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