Briser la glace
Table soignée, couverts brillants, assiettes clinquantes, des verres d'une transparence incroyable...
Ce diner avait été préparé d'une main de maître !
Le Héros-Sans-Nom avait le buffet sous les yeux, il y en avait pour tous les goûts : de la viande de gigantesques carnassiers, de petits êtres tout mignons, de gros buffles à trois têtes qui avaient bien été garnis, ces satanés poulets, de la viande rare comme celle de Monteto – une sorte de lion aux yeux pailletés, très prisé dans ce qu'il reste des milieux mondains –, des légumes bien frais, de toutes les couleurs et de toutes les formes, en plus de fruits qui avaient l'air incroyablement juteux.
Il avait une irrésistible envie de se servir, mais il devait attendre l'arrivée des autres protagonistes de cette réception, car la reine l'avait emmené bien trop en avance par rapport à l'horaire qui était convenu.
À propos de la reine, elle était passée le voir dans son habitation pour, justement, discuter de ce diner auquel la Fée tenait à ce qu'il participe. Bizarrement, ce jour-là, elle était venue avec une petite troupe jusqu'à chez lui, ce qui était étrange car elle venait accompagnée que lorsqu'elle lui apportait quelque chose de lourd. De plus, elle était venue en carrosse et avec des chevaliers chevauchant des centaures. Et surtout, elle était restée plus longtemps que prévu.
Une véritable délégation officielle, se dit le Héros.
Les gardes et soldats entourèrent l'échelle pour en bloquer l'accès, laissant la reine-fée voler jusqu'à la fenêtre de la « maison » suspendue du Héros et toqua, il lui indiqua d'un geste du pouce de passer par la porte d'entrée. Les gardes lui jetèrent des regards mauvais et il leur rendit bien, il aurait été même allé plus loin si Audisélia n'était pas présente. Il savait très bien ce qu'ils avaient en tête, mais ils étaient bien trop couards pour tenter de le jeter du royaume et affronter la colère de leur souveraine.
- Alors comment va mon petit gars ?
- Ça va, ça va et vous ?
- Des problèmes comme toujours, mais comme on dit « lourde est la tête qui porte la couronne ». Toujours aussi vide cette baraque, commenta-t-elle en passant d'un regard dans la pièce.
- Toujours rien pour remplir cette baraque. Sinon que me vaut l'honneur de cette visite sans présent envers ma personne ? coupa-t-il ces mondanités inutiles.
Il s'accola contre le mur, observant les déplacements de la reine dans ce « studio ». Elle touchait les poutres et la table, et y vit de la crasse, cependant ça avait l'air assez nettoyé pour que cela soit vivable ou pour qu'elle puisse se permettre de rester. La prochaine fois, elle viendrait faire un grand ménage...
Pourquoi une prochaine fois, au fait ? se dit-elle, elle va le faire dès qu'ils ont réglé leur petite affaire.
- Es-tu au courant pour la réception des champions avant les futurs duels ? lui demanda la reine, prenant place sur le lit du Héros.
- La réception, oui. Son but, non.
- Si tu as envie, c'est pour féliciter les vainqueurs restants du tournoi et pour que vous appreniez à vous connaître. J'avais prévu qu'on la mette beaucoup plus tôt dans le déroulement du tournoi, mais bon, entre les tentatives d'assassinats et toi...
- Genre c'est moi le problème ? s'esclaffa le Héros.
- Outre le fait que je t'ai ratatiné...
- Oh !
- Outre le fait que je t'ai ratatiné ! répéta-t-elle en amplifiant sa voix avec ses mains, je te rappelle que tu es dans un royaume qui discrimine fortement les humains, alors oui, tu es un problème malgré toi.
- C'est gentil.
- Es-tu ironique ?
- Non, dit-il lentement, ne comprenant pas où elle voulait en venir.
- Alors module ta voix, on dirait que tu t'en fiches.
- Désolé de vous avoir vexé.
La reine baissa les yeux vers le sol, serrant ses mains, elle réfléchit à ce qu'elle allait faire de ce garçon.
Sa mère l'avait chargée de le changer pour qu'il ne devienne pas comme elles, mais elle n'arrivait à rien : soit ils se parlaient à peine avec des conversations ne dépassant pas la dizaine de phrases, soit ils n'arrivaient tout simplement pas à se comprendre et se « disputaient ».
Était-elle encore habitée par le ressentiment qu'elle avait contre le fils d'Elena ?
C'est vrai qu'elle n'était pas du genre à pardonner facilement, néanmoins, allait-elle vraiment lui en vouloir, jusqu'à la fin de sa vie, pour avoir empêché la femme qu'elle aimait devenir l'un des ennemis de l'humanité et d'avoir endossé ce prestigieux mais terrible rôle qu'est d'être le héros de la légende ? Celui qui doit se charger de pourfendre un mal ancestral à un âge aussi peu avancé ? Peut-être ressentait-il aussi de l'amertume à son égard ? Couplé à sa timidité, il n'allait jamais briser la glace une bonne fois pour toute.
Puis, soudain, elle se souvint ce que lui avait dit un jour Helmir dont les propos furent confirmés par la fée aptère quelques temps plus tard : « Il fait le dur, mais lorsqu'on le titille un peu et qu'on le pousse dans ses retranchements, il devient une personne plus amicale et beaucoup plus avenante qu'à l'accoutumée. ».
Elle lui demanda ce qu'elle voulait dire par là, elle lui répondit qu'il faut le gêner. Et la Fée lui avait expliqué que depuis l'histoire du bain, il s'était montré plutôt cordial au point de se moquer gentiment d'elle comme si elle n'était pas une princesse mais une personne normale. S'apercevant que la solution était aussi simple, elle tapa son poing dans sa main et cria :
- Esfilosa !
- Il vous arrive quoi ? s'écria le Héros.
- On va reprendre notre discussion un peu plus tard. Pour l'heure, on va nettoyer ensemble ce taudis.
- Vous dites ça comme si ce n'était pas vous qui m'aviez offert ce logement, rétorqua le Héros.
- Ça ne t'empêche pas de le rendre propre, répliqua la reine.
- Comme si c'était sale...
- Cela pourrait être mieux ! corrigea la reine, surtout que je t'avais proposé de dormir avec moi mais tu as refusé catégoriquement, alors que j'aurais pu te réchauffer de tout mon corps...
- Oh la ! Oh la ! Oh la ! répéta-t-il plusieurs fois rapidement en écarquillant les yeux et en agitant les bras, qu'est-ce que vous racontez ? Ça va pas ou quoi ?
La reine s'esclaffa à en pleurer de rire en tombant sur le dos et à s'en tenir les côtes. Mais c'est qu'elles avaient raison ! Il prenait le rôle d'adulte alors qu'il était aussi innocent qu'un enfant. Quel prude, il faisait ! Il lui rappelait Sawyer.
Esfilosa ! C'est ça que je vais faire, pensa-t-elle avec enthousiasme, je vais l'embêter comme j'embête Sawyer !
Elle se releva sur ses pieds et se dirigea vers l'armoire du Héros, elle en sortit un long haut bleu ciel qui devait sûrement servir de pyjama au garçon, mais vu sa taille -réduite - et sa carrure, il allait lui aller comme un crop-top. Alors elle se rétrécit jusqu'à faire la même taille que le Héros, sa robe devint bien trop grosse et trop lourde à « porter » pour elle – ce n'est pas qu'elle n'en avait pas la force, mais ça devenait contraignant. Elle la retira et la jeta par la fenêtre sur la tête des gardes qui s'écrièrent de surprise devant l'habit de leur reine. Elle se retrouva avec ses bas face au Héros qui cacha instinctivement ses yeux avec ses mains et en se dissimulant le visage dans un coin de la pièce, ce qui fit pouffer de rire la reine rapetissée.
- Qu'est-ce qui te gêne ? réfléchit-elle, ah ! Mais, normalement à cet âge et en tant qu'humain, tu as les hormones en pleine ébullition. Ça veut dire que je ne te laisse pas indifférent, en lui faisant une moue malicieuse.
- Mais habillez-vous ! lui ordonna le Héros, pourquoi vous faites ça ?
- Bah j'ai pris cet habit dans ton armoire pour justement m'habiller ! Tu suis un peu ? le taquina-t-elle.
Bien qu'elle embêtât Sawyer de la même manière, ça avait toujours été avec des paroles et non des actes, elle ne savait pas si elle était allée trop loin, pas seulement en tant que reine et souveraine de Sylvania qui se doit de respecter un code de conduite, mais aussi en tant que préceptrice. Possiblement lui en voudrait-il ?
- Mais habillez-vous ! Vous avez dit que vous vouliez mettre ce haut alors mettez-le, lui en conjura-t-il en s'approchant d'elle, les yeux fermés, la cherchant de ses mains.
Il finit par réussir à l'atteindre et à la pousser vers le meuble où il pensait qu'elle avait posé son haut de pyjama.
- C'est de l'autre côté, souffla la reine-fée.
Elle lui retira sa main de son visage et s'habilla comme le souhaitait le Héros, et comme elle l'avait prévu l'habit était si grand qu'il descendait jusqu'à ses genoux, elle se demandait même s'il ne s'agissait pas là d'un habit de fille.
- Je ne pensais pas que tu étais chaste à ce point.
- C'est pas ça, se défendit-il, vous êtes une reine, je peux pas vous voir ainsi.
- Je croyais que la royauté ne te touchait pas plus que ça.
- Oui mais j'ai été éduqué ! Et même si on dirait que vous avez la vingtaine, vous avez sûrement l'âge à ma mère, je peux pas me permettre de vous voir ainsi.
Elle lui sourit et alla prendre une serviette pour se l'enrouler autour de la tête pour protéger ses cheveux. S'équipa d'un balai, d'une serpillère et tout l'attirail de la bonne ménagère et déclara la guerre à la saleté de ce lieu.
- Vous êtes sûre de vouloir faire ça ? lui demanda le Héros, inquiet.
- Totalement. Quoi ? Ce sont les gardes qui t'inquiètent sur la pensée qu'ils vont avoir de moi ? Je pourrais toujours les lobotomiser et faire passer ça sous l'effet de la colère. Mais pas le temps de discutailler, il faut nettoyer ce raffiot. Par les cornes du Perciflare que je vais rendre cet endroit éclatant de beauté.
Et ils se lancèrent dans un vaste nettoyage du « studio » du Héros.
Aucune saleté, aucune crasse, aucune poussière ne réchappait à l'unité de nettoyage, le plumeau s'enfouissant dans chaque recoin de la grande pièce, arrachant chaque particule de poussière qui squattait le logement du Héros sans autorisation, les toiles d'araignées qui se camouflaient dans l'angle des murs... Une fois qu'il fut le temps de passer la serpillère, la reine en profita pour éclabousser le garçon, et cette session de ménage finit en bataille d'eau entre la tante et son neveu. Ensuite, elle se mit à lui tirer des éclairs pour le faire danser – époque western, ça ! Tu ne veux pas non plus le recouvrir de goudron et de plumes tant qu'on y est...
Une heure plus tard, l'appartement du Héros brillait de mille feux, ça donnait même envie à celui-ci d'y investir du temps et de l'argent dans son embellissement. Il s'affala sur le lit d'épuisement et Audisélia essora le vêtement qu'elle avait emprunté au Héros avant de s'en saisir d'un nouveau et de le revêtir.
Au cours de ce nettoyage, la reine remarqua des petites touffes de poils contenant des croutes de sang en leur sein autour du lit du Héros. Elle vit sur son coussin du sang encore frais, elle lui demanda s'il abritait un animal à l'agonie chez lui, il lui répondit que non, il n'avait ni le temps, ni la foi de s'occuper d'un animal qu'il devrait abandonner à quelqu'un une fois qu'il serait parti d'ici.
Audisélia en conclut que cela devait lui appartenir et que cela devait provenir de son cuir chevelu meurtri. Normalement, avec sa régénération accrue due à son statut de héros de la légende, il ne devrait avoir aucune blessure qui ne cicatrise pas pendant des mois, et cela ne pouvait pas avoir de lien avec sa malédiction puisque les plus puissants mages du royaume de Sylvania avaient réussi à la sceller avec le sceau qui lui avait été apposé.
Ainsi, il ne pouvait s'agir que de son attribut génétique qui interférait avec ses pouvoirs héroïques. Quel genre de maladie ou de pouvoir pouvait bien être assez puissant pour contrecarrer le pouvoir légendaire du héros ?
- Va dans la baignoire, lui somma la reine en pointant du doigt la salle de bain.
- Pourquoi faire ?
- Ne discute pas.
Elle lui prit le bras, l'y conduisit et lui ordonna de retirer ses habits.
- Quoi ? Vous voulez encore me laver ?
- Oui ! On dirait que le Bain Miraculeux n'a pas marché correctement, donc je vais essayer une nouvelle fois.
- Mais je suis assez grand pour le faire !
- Tu es dénué de magie donc tu ne pourras pas le faire toi-même... Ah ! vous êtes bêtes, y a une aucune connotation érotique, ni infantilisante ! Surtout que c'est une tradition des médecins-fées. En soit, la Princesse-Sans-Ailes devrait être au courant. Finalement, elle n'est pas si bonne élève que ça. Mais ça ne change pas le fait que tu dois te dénuder ! Garde ton sous-vêtement si ça te gêne, mais je ne vais pas te laisser perdre du sang comme cela.
Il lui obéit en rouspétant et s'installa dans la baignoire qu'elle inonda d'eau. Audisélia prit un gant de toilette au-dessus d'elle, et lui passa de l'eau sur la tête.
- Attends, je reviens.
Audisélia partit à la vitesse de l'éclair chercher tous les éléments pour produire le Bain Miraculeux et revint aussitôt avec le mélange déjà fait.
- Ça sent le brûlé, non ? commenta la reine.
- Moi qui avais réussi à ne pas me faire toucher par vos éclairs...
- Désolée, désolée, s'excusa-t-elle.
Elle mit le liquide pailleté dans l'eau de la baignoire, le mélangea à celui-ci pour le faire devenir aussi blanc que du lait translucide et brillant, elle imbiba le gant et lui frotta délicatement la tête pour lui éviter toute souffrance. La délicatesse et la tendresse dont elle faisait preuve en nettoyant les plaies qu'il avait sur son cuir chevelu contrastaient fortement avec son comportement habituel – en même temps, il y a à peine dix minutes, elle s'amusait à lui lancer des éclairs alors qu'il était trempé. Il ne la savait pas être capable de tant de douceur, le Héros aurait pensé qu'avec ses mains rêches comme les écailles d'un lézard, elle lui aurait lacéré la peau. Mais non, bien au contraire, elles étaient douces comme la soie, à chacun de ses touchers, c'était comme s'il était enveloppé d'un voile apaisant et réchauffant autour de lui, le faisant frissonner de bonheur.
Pourtant, cette béatitude était interrompue par son instinct naturel qui fit raidir son corps involontairement.
- Détends-toi. Pourquoi te crispes-tu ainsi ?
- Je... j'aime pas que quelqu'un soit derrière mon dos, particulièrement d'aussi près.
- Je vois. Malgré cela, il va falloir que tu t'y fasses vu que tes blessures se trouvent à l'arrière de ta tête.
Le Héros prit une grande inspiration et tenta de se détendre jusqu'à que la reine ait fini de le soigner. Il prit l'initiative d'interrompre le silence en posant une question à la reine.
- Votre pouvoir ne vous a-t-il pas fait rajeunir lorsque vous avez changé de taille ?
- Tu as remarqué ? s'étonna Audisélia, tu es plutôt bon observateur malgré ta mauvaise vision.
- C'est grâce à vos mains. Elles sont plus douces qu'à l'accoutumée.
- Ah, ça. Hé bien, c'est juste une coïncidence, c'est le Bain Miraculeux qui les a rendues toutes douces. Mais d'une certaine façon ma magie m'a effectivement permis de rajeunir.
- Seulement, dans aucun de vos mots vous avez parlé de rajeunissement.
- Car je peux tout simplement mentir dans mes paroles et penser le sort dans ma tête. C'est une façon de procéder que même des magiciens aguerris ont du mal à faire, souligna-t-elle, encore plus si c'est une combinaison de magie.
- Comment ça ?
- J'étais encore plus jeune lorsque je faisais ta taille.
- Oh ! une vraie petite géante, s'extasia-t-il.
- Cependant, on m'avait mis une contrainte magique pour que je fasse la taille de tout le monde, c'était plus arrangeant. Elle a lâché récemment.
- Mais pourquoi vous être rajeunie ?
- Pour essayer de te comprendre. Peut-être que de cette façon, je pourrais t'être d'une meilleure aide.
- Une meilleure aide ?
- Les dernières paroles de ta mère à mon égard ont été de t'aider car, vraisemblablement, je serai la seule personne apte à te comprendre. Et vu sur quel pied nous sommes partis au départ, nous avons fini par nous retrouver dans cette situation plus que malaisante.
- C'est pour ça tout ce bazar...
- Voilà !
Le Héros voulut s'exprimer, mais se retint, il ne savait pas comment le dire. C'était une confession trop intime pour qu'il la fasse en mentant dans ses actes, il en serait incapable de toute manière dans une situation pareille. La reine apposa délicatement sa main sur son épaule.
- Si tu as quelque chose à dire, dis-le-moi, lui chuchota-t-elle d'une voix rassurante.
À ses mots, il s'entortilla les doigts en baissant la tête, regardant cette eau lumineuse qui l'entourait et coulait le long de son corps.
- J'ai réfléchi à ce que vous m'avez demandé sur le toit de votre château avant que je m'endorme sur vos genoux. Et je pense qu'en souvenir de ma mère, je pourrais accepter, bien que j'ai pas la même conception d'elle de comment s'organise une famille, je pense qu'elle n'y verra pas d'inconvénient à ce que je vous considère comme ma mère, sachant qu'elle disait que là d'où elle venait, on appelait souvent les tantines ou les amis de sa mère « maman », alors j'imagine que ça peut s'appliquer à vous. Je sais que je vous servirai à vous rapprocher d'une certaine façon de ma mère décédée...
La reine l'entoura de ses délicats et fermes bras, et l'enlaça.
- Ne le prends pas comme ça. D'une certaine façon, oui, mais ne te vois pas comme un outil pour mes problèmes amoureux ou de deuil. J'ai fini par réellement t'apprécier au-delà du fait que tu sois le fils de mon amie. Bien qu'Helmir te surveille et m'informe de tes actes à travers le royaume, j'ai été témoin de la gentillesse dont tu faisais preuve avec autrui malgré le rejet que tu subis. Je comprends désormais ce que voulais dire ta mère, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour te sauver. Que cela soit du Némésis ou de cette haine qui consume tout ton être... comme ça peut être le cas pour moi. Ne prends pas tout sur toi. N'endure pas tout, tout seul.
Le Héros posa sa main sur celles de la reine et hocha la tête.
- Si cela vous va...
- Oui, cela me va.
Les yeux du garçon se brouillèrent, finissant dans le vague, perdant un court instant la vue. C'était comme si son regard s'enfouissait dans son esprit qui était flou... et « vide », avant de revenir dans la réalité quand la reine finit de le soigner. Bien qu'on eût du mal à le distinguer, on pouvait reconnaître sur sa face ténébreuse un large sourire.
Une fois cela fait, elle lui expliqua la réelle raison de sa venue : elle tenait à ce qu'il aille à cette réception pour qu'il puisse s'assimiler aux autres champions et apprendre à les connaître, d'une certaine façon, il a été reconnu par eux vu qu'il est allé aussi loin dans le tournoi, et ça permettrait de "l'humaniser" auprès des autres.
Cependant, il y avait une autre raison à ce qu'elle tenait à ce qu'il y aille bien qu'il y ait Beneltig qui accompagnait déjà la princesse, c'était à cause du complot qui s'animait dans l'ombre du royaume, et auquel Beneltig était mêlé d'une certaine manière. Le Héros révéla à la reine qu'il avait perçu une conversation entre des hommes encapuchonnés et Beneltig qui parlait de faire perdre la princesse-sans-nom, ce qui confirma l'intuition de la reine, malheureusement, elle n'avait perçu grâce aux ondes aucune conversation pouvant incriminer une quelconque personne liée à ce complot, elle pensait fermement qu'ils avaient un lien avec la secte qui vénérait Marrynelia au vu de leur conversation avec Beneltig rapportée par le Héros.
Il n'y avait plus aucun doute à avoir !
Donc, elle chargea le Héros de voir s'il y avait d'autres personnes pouvant être affiliées aux ennemis de la reine et de la Fée.
Le Héros avait une petite idée de qui il irait questionner qu'elle soit là ou non.
Désormais, nous pouvons retourner au temps présent où le Héros était seul dans la salle de réception et était observé par tous les servants et servantes actuellement présents. Cela expliquait pourquoi il était arrivé aussi hâtivement par rapport à ses homologues Féériques – même si ça ne l'empêchait d'être en colère d'être là si tôt.
L'un des servants, intrigué par l'apparence de ce jeune homme qui faisait preuve d'une surponctualité déconcertante, vint s'asseoir à côté du Héros pour blablater, ayant terminé la préparation du diner et en attendant la venue des autres invités. Le Héros était réticent à vouloir lui parler, mais se souvint de cette journée avec la reine, et comprit qu'il se devait d'être plus ouvert avec les autres, autant pour le bien de la mission qui lui avait été confiée que pour lui-même.
- Alors, monseigneur héros, pourquoi cette arrivée aussi hâtive ? lui demanda le servant.
- Bah, pas besoin d'être aussi formel avec moi, l'arrêta le Héros, j'en ai pas le statut, ni ici, ni ailleurs.
- Mais vous êtes un champion de prétendante ! D'office vous obtenez un statut plus grand que quiconque en ce royaume.
- Sérieusement ?
- Oui. Mais vous le perdrez si vous perdez.
- Un statut éphémère, donc.
- C'est cela.
Le Héros n'avait plus aucune idée de quoi parler, il se remuait les méninges pour trouver un sujet de conversation intéressant pour ne pas le laisser de silence s'installer entre les deux – si la reine n'avait pas brisé la glace entre les deux, il n'aurait jamais pris l'initiative de vouloir accepter de converser avec quelqu'un. Si la personne n'avait rien à lui raconter, l'alimentation de la discussion lui revenait puisque c'était lui qui était venu le voir. Cela devenait visible quand il se mit à se gratter la tête. Il finit par se rappeler qu'il n'avait pas répondu à la question de ce jeune homme qui était venu le questionner sur sa présence.
- Je suis là car la reine s'inquiétant d'un possible retard de ma part, m'a amené de force plus tôt que prévu.
Le servant pouffa de rire et dit :
- C'est bien son genre. Au vu de la grande importance qu'elle accorde à l'importance à cette fête, ça n'est pas étonnant. Mais dites-moi, pourquoi portez-vous toujours une capuche, même en intérieur ? Bien que vos habits soient classieux.
- Hein ?
- Oui, peu importe où on peut vous voir, je vous ai toujours aperçu en capuche lors de mes montées dans la Haute-Ville. Pareillement quand vous êtes en compagnie de votre protégée. Je ne pense pas que ça soit pour vous cacher de la lumière, vous n'avez fait montre d'un soi-disant vampirisme, à moins que vous soyez un mort-vivant.
- C'est pour... euh...
Il hésitait à lui révéler que c'était pour dissimuler ses cicatrices, dans son esprit : délivrer une information sur lui-même reviendrait à mettre en place une future trahison à son encontre.
Jusqu'à maintenant je ne saurai dire si sa paranoïa était légitime ou non.
- Vous n'avez pas besoin de me répondre si ça vous gêne, le rassura le servant.
- Merci, soupira-t-il, rassuré, au fait, c'est quoi votre nom ? On s'est même pas présentés.
- Mon nom est Lelelitio Grave, une fée servant la princesse Malalalivia.
- Quel nom... particulier.
- Si vous la rencontrez, ne lui faites jamais la remarque, s'il vous plaît, le supplia Lelelitio, mais vous, vous ne m'avez toujours pas dit votre nom.
- Hé bien, j'en ai pas, malgré mon statut éphémère, ricana-t-il.
- On vous a renié votre existence...
- Prenez pas un air si dramatique ! Je m'en fiche désormais, le tranquillisa le Héros, ça ne me tient plus autant à cœur que lorsque j'étais enfant. Vous n'êtes pas au service de la reine ? changea-t-il de sujet pour qu'aucune gêne ne s'installe entre eux deux.
Il se battait avec lui-même pour pouvoir briser la glace avec ce Lelelitio, il le fallait pour le bien de sa mission et pour lui-même. Et c'était plutôt facile grâce à la sociabilité dont faisait preuve ce servant. Son esprit ne faisait que répéter « Brise la glace ! Brise la glace ! Brise la glace ! » comme lui avait dit de faire la reine Audisélia.
- Si, mais indirectement, elle peut nous réquisitionner en cas de besoin, comme actuellement. Je dois vous avouer que c'est éreintant de monter jusqu'ici...
- Abusez pas, le centre-ville n'est pas si loin, bien que la montée soit ardue, rit le Héros.
- Vous vous trompez. Je ne viens de ce lieu que vous appelez le « centre-ville », monseigneur, le corrigea, je viens de plus bas que la Haute-Ville, du quartier des Basfonds comme ma maîtresse.
- Les Basfonds ? interrogea le Héros.
- Un endroit que, je l'espère, vous n'aurez jamais besoin de vous rendre.
Leur conversation prit fin à l'ouverture des portes de la salle de réception, Lelelitio s'en alla pour reprendre son rôle et dit au revoir au Héros qui le lui rendit avec un geste de la main.
Désormais, le Héros allait pouvoir rencontrer ses rivaux dans leur intégralité.
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