Toujours le même jour mais plus tôt. 

Le Héros après une course effrénée dans tous les recoins du château finit par atterrir devant la chambre royale – pas nuptiale qui était poussiéreuse étant donné que la reine n'avait toujours pas trouvé chaussure à son pied depuis qu'elle avait revêtu la couronne de Sylvania – grâce à l'aide de Sawyer qui fut appelé par des servantes effrayées par la course du jeune garçon. Il l'avait pris à bout de bras et le porta jusqu'à la porte de la chambre de la reine avant de le laisser tomber par terre comme un vieux sac à patates.

- Vous pourriez faire preuve d'un peu plus de gentillesse à mon égard, se plaignit le Héros.

- C'est pour maintenir la couverture, chuchota le chevalier saint.

- Je suis sûr que vous y avez du plaisir.

- Bof, j'ai mieux pour me sentir au-dessus des autres, se défendit Sawyer.

Pour une fois, le Héros le vit dans une différente armure que celle qu'il arbore à chaque fois qu'il le croisait ou qu'ils s'entraînaient ensemble, il portait même son casque au-dessus de la tête. Cela lui faisait bizarre. C'est comme s'il était une autre personne.

- Pourquoi vous êtes habillé comme ça ? lui demanda le Héros.

- C'est mon armure pour l'extérieur. Elle est enchantée pour résister à la chaleur du pays de Kano. Je vais aller plus loin que là où la tortue se trouve.

- Une expédition.

- C'est ça.

- Je vois. J'imagine que ça un rapport avec nos récentes découvertes avec Talemilia et Lelelitio.

- Je n'en ai aucune idée, il faut le dire à la reine qui fera la jonction entre toutes les informations que tout le monde lui transmet.

- Elle a pas des enquêteurs pour ça ?

- C'est... compliqué. Mais bon, je n'ai pas vraiment le temps d'expliquer, elle le fera mieux que moi, comme je viens de te le dire je suis occupé alors je dois te laisser.

Il se mit en route, tenant le pommeau de son épée dans sa main, mais le Héros l'arrêta en l'appelant.

- Je dois toquer ? demanda-t-il timidement.

- Bien sûr ! Même si elle t'attend, tu dois faire preuve de respect, surtout chez une femme.

Cependant, ce n'était pas cela qu'il voulait lui demander.

Pourquoi était-il si timide à lui dire ?

Cela serait avouer que le panel de techniques qu'il possède n'était pas assez fourni pour combattre le Némésis ?

Rah !

Qu'elle s'en aille cette fierté mal placée !

Il voulait juste gagner contre cette enflure.

- Quand est-ce que vous m'apprendrez votre technique spéciale ?

- Tu tiens vraiment à ce que je te l'apprenne ? dit le chevalier surpris, je ne pensais pas qu'elle t'intéresserait encore maintenant.

- Toute chose est bonne à prendre..., dit le Héros en détournant le regard.

- Mais tu sais que ça va être bien plus compliqué pour toi qui ne possède pas de magie en lui, encore plus étant donné que ton corps est presque insensible à la magie.

Ah oui. Les médecins de l'hôpital après l'étude de ses analyses hebdomadaires comprirent que le corps du Héros faisait disparaître la magie et la rejetait pour une raison qui leur était inconnue. Cela expliquait pourquoi la Corruption d'Ymir n'avait pas envahi son corps et son esprit, mais cela révélait un véritable inconvénient, pas seulement parce qu'il ne pouvait pas utiliser la magie mais parce qu'il ne pouvait pas la ressentir. Toutefois, ce petit phénomène dans le corps du Héros montrait la puissance de la Sorcière de la Montagne Décharnée qui a pu lui apposer une malédiction sur le corps.

Le rejet n'était pas extrême puisque le Bain Miraculeux fonctionnait plus ou moins sur lui, mais assez conséquent pour qu'il se retrouve à employer de stratagèmes pour pouvoir détecter la magie comme avec le son ou encore avec la technique de Sawyer qui était plus facile à employer avec de la magie que sans.

- Ça sera totalement de la technique et ça sera encore plus difficile que pour un humain ou un Féérique normal, l'avertit le chevalier-fée, si je te l'enseigne, tu dois être capable de maîtriser un peu plus que les bases d'ici la fin du tournoi sinon c'est inutile, nous sommes d'accord ?

- Oui !

- Alors je réfléchirai à te l'enseigner si tu gagnes ton prochain combat, rit le chevalier en s'en allant, méfie-toi de tes futurs adversaires, ce ne sont pas des tendres... ni des...

Le Héros ne perçut pas la fin de sa phrase. Il hésita à le rappeler, mais s'y résigna, il avait déjà bien assez fait attendre Audisélia comme cela. Il toqua alors à la porte, mais il n'eut aucune réponse, il retoqua une nouvelle fois, mais toujours aucune réponse. Il empoigna donc la poignée et ouvrit délicatement la porte d'entrée.

Le Héros découvrit avec émerveillement et... incompréhension la chambre de la reine Audisélia : elle était immensément grande, aussi grande que l'habitat de la Fée. Sur ses murs en bois et en feuilles y étaient inscrits des tas de gravures dont il ne distinguait que partiellement les formes et... c'est le peu de choses qu'il put voir puisqu'elle était remplie de parchemins qui traînaient partout ! Ils recouvraient l'ensemble de la pièce ! Ils étaient placardés les murs, traînaient sur le sol et pendaient au plafond, vagabondaient sur le lit de la reine qui y était allongée. À ses côtés, elle avait ses deux servantes Lola et Po qui prenaient soin d'elle.

Le Héros se déplaça de façon à ne pas marcher sur ces documents qui paraissaient importants et s'approcha du lit de la reine. Les deux Sternites remarquèrent le Héros et stridulèrent dans sa direction pour qu'il reparte de là où il venait. La reine les arrêta et d'une toute petite voix leur demanda qui était son visiteur, les Sternites semblèrent lui expliquer sa présence dans leur langage, à la fin, la reine Audisélia leur dit de les laisser seuls. Les deux servantes acceptèrent puis s'en allèrent par une autre porte que celle d'où provenait le Héros. La reine leva tout doucement son buste, arrangea sa couette en feuille et s'assit sur son oreiller en osier.

- Viens par-là, lui dit Audisélia.

Le Héros lui obéit et vint à sa droite.

Le lit de la reine était différent de tous ceux qu'il avait pu observer depuis son arrivée à Sylvania, il ressemblait à un gigantesque nénuphar avec, en son milieu, une fleur de lotus jaune éblouissante et au centre de ladite fleur il y avait un parterre de ce qui ressemblait à du pollen rose – il n'y avait qu'un pas pour que le Héros dise que la reine était vraiment un papillon.

Il ne l'avait pas remarqué au début, mais la reine lui semblait malade, elle avait les yeux et les joues rouges. Le Héros lui toucha le front et confirma qu'elle avait de la fièvre, elle était extrêmement brûlante.

- Pourquoi m'avoir convoqué si vous êtes malade ?

- Tu me vouvoies encore, fils d'Elena, râla-t-elle d'une voix fatiguée, je ne t'ai pas dit qu'il n'y avait pas besoin.

- Je sais pas j'ai pas l'habitude de tutoyer les adultes... sauf mon frère bien évidemment.

- Dis tout de suite que je suis une personne âgée, bouda la reine et lui mettant un petit coup de poing dans le ventre.

Puis elle se mit à tousser fortement, le Héros voulut l'aider mais elle l'écarta.

- Je ne voudrais pas que tu couves quelque chose alors que ton combat est demain.

- Après-demain.

- Tu as sûrement raison.

- Vous qui... Toi qui es si ordonnée, tu as oublié la date de mon combat.

Il a vite changé son niveau de langage à la vue du regard noir de la reine.

Elle va me tuer ! dit le Héros.

- Comme tu l'as dit tout à l'heure je ne suis pas en état d'être en pleine concentration, donc excuse-moi si j'oublie certaines choses.

- Et vous voulez que je vous fasse un rapport des jours que j'ai passés dans les Basfonds alors que vous êtes pas en état de m'écouter ?

- C'est pour ça que j'ai un magnétophone.

Elle sortit un véritable magnétophone humain qu'elle cachait sous son oreiller.

- Comment ça se fait que tu as ça ?

- J'ai demandé à Helmir, tout simplement. Ça me permet de corriger mon chant généralement mais là, ça va être pour que tu t'enregistres me faire un rapport.

- Vous avez pas ça de façon... Féérique ?

- Trop compliqué à utiliser, je n'ai pas la force de faire toutes ces manips à la con ou de parler à un escargot ou je sais pas quelle bête hideuse. Ça, y a juste un bouton et c'est enregistré ! Malheureusement, j'ai oublié de lui demander de me prendre des écouteurs sans fil, et vu que ce n'est pas maintenant qu'elle repartira dans une ville humaine... Bon heureusement, elle m'a donné une... casette... c'est comme ça qu'on dit ?

- Je ne sais pas, lui avoua le Héros, mais pourquoi Helmir peut pas repartir ?

- À moins que tu restes et que tu deviennes mon fils définitivement, elle devra toujours être sur ton dos, lui dit-elle en lui pinçant le nez, même si je sais que tu ne feras rien de mal, en vérité, elle te chaperonne à ma place.

Malade, la reine semblait rompre toutes les barrières sociales. Bien qu'elle se voulût proche du Héros, elle ne l'aurait pas été de façon aussi familière avec lui dans son état normal.

- Vous y tenez toujours à ce que je sois votre fils à ce que je vois. Vous savez que vous avez pas besoin de cela pour être proche de ma mère...

- Et toi, tu tiens tant que ça au vouvoiement, ronchonna la reine, mais c'est vrai. Tu as raison...

Elle l'a avoué. Bizarrement, cela fit un petit pincement au cœur du Héros. Rien de bien folichon, il était de toute façon au courant de cela, il l'avait deviné, mais il aurait voulu, quand même, ne pas être un outil pour le deuil d'une personne – comme les personnes qui cherchent à se mettre en couple pour oublier leurs exs.

- Mais ce n'est plus vraiment que pour ça, poursuivit-elle.

- Ah bon ? s'étonna le Héros.

- J'ai une dette envers ta mère que je me dois de payer, d'une certaine façon, je dois te protéger de toi-même comme elle l'a fait pour moi, donc oui, ta présence me console mais je le faisais aussi pour toi. C'est dur de perdre sa figure maternelle a un aussi jeune âge. Tu sais, moi je n'ai jamais bien connu ma mère. Des souvenirs que j'ai, elle était toujours occupée avec ses expériences, à tester des trucs... Je me sentais plus comme un rat de laboratoire qu'un véritable enfant à son égard. Je voudrais que l'amour que je n'ai pas reçu de sa part, je te l'offre. Je comprends que ça doit être dur pour toi, à un âge aussi avancé, de me considérer comme ta nouvelle maman, mais... je sais pas... ça pourrait être bien... j'imagine ?

- D'accord « môman », lui dit le Héros, je vous ai... je t'ai déjà dit que je ferai un effort. Mais en vrai, si j'accepte de devenir le fils de la reine Sélia, ça veut dire que je serai prince de Sylvania.

- Pendant peu de temps, mais oui, lui confirma la reine.

- Alors je pèserai plus lourd que les princesses, nobles et champions de ce pays ?

- Oui, mais après mon éviction, tu seras en-dessous des princesses, lui rappela la reine.

- Donc mon installation complète ici, en tant que prince de Sylvania, en échange d'écouteurs sans fil ? conclut le Héros.

- Exact.

Le Héros regarda en direction de la fenêtre et rit en fermant les yeux.

- Vous savez déjà la réponse. Je suis le héros de la légende et je me dois d'affronter le Némésis pour que le monde ne soit plus en danger. En soit, ça m'arrange pour ma vengeance, c'est pour ça que je continue mais dans un autre contexte, j'aurais sûrement accepté. Ça aurait été chouette, même si j'aurais préféré que vous ne soyez pas reine pour vivre une vie plus simple.

- Tu oublies qu'après le tournoi, je ne le serai plus, lui rappela-t-elle.

- Mais c'est vrai ! Alors, j'aurais accepté sans contrainte.

- Merci de me l'avoir au moins fait imaginer quelques secondes. Allez, assieds-toi sur l'un des pétales de mon lit et fais-moi ton rapport sur ce que tu as appris sur la secte de Marrynélia Miriati Grave.

Il hocha la tête et s'assit face à elle. Il la regarda et la vit le fixer avec une douceur dans le regard qui aurait pu le faire rougir, il esquiva même discrètement son regard le temps d'un instant. Elle n'était effectivement pas comme les autres jours.

- En gros... déjà ça va être long et on a un peu merdé...