Mondanités
Le Héros avait été en convalescence pendant deux semaines après son combat contre Clandra-ζ. La source d'eau lumineuse où l'avait plongé la reine, qu'elle avait garnie de sa poussière de fée lui avait fait extrêmement du bien et avait guéri ses plaies.
Cependant, dans ce « lac », il s'y passa quelque chose d'étrange.
Déjà en premier lieu, le Héros fit un rêve plus qu'étrange, il était différent de tous ses cauchemars ou de ses rêves du passé, il était baigné d'une lumière étincelante, aveuglante même.
Il n'arrivait pas à se mouvoir. Il était comme paralysé, incapable de réagir. Il n'y avait que ses sens qui fonctionnaient convenablement, et cela fut son ouïe qui lui fut utile puisqu'il percevait un son bourdonnant dans ses oreilles, puis petit à petit, celui-ci devint de plus en plus audible, jusqu'à ce qu'il perçoive ce qu'il se tramait à travers ses bruits incompréhensibles.
Puis petit à petit, il finit par comprendre ces paroles... ses paroles... Mais sa voix était trop saccadée pour qu'il y comprenne quelque chose de concret.
« Héros... Tu es... le... dernier... de... Sauve... le royaume... détruis la... tour de... Ba...le... Il... rive... déjà... là ! ».
Mais cette voix ne l'atteignait plus à cause de l'attribut génétique et elle disparut dans les méandres de l'esprit du Héros.
Il se réveilla en sursaut, effrayant toutes les infirmières et médecins qui l'entouraient. Il se rendit compte qu'il avait été déplacé du lac à l'hôpital. Mais comment pouvait-il savoir qu'il avait été placé dans le lac des songes s'il s'était évanoui ?
Et la deuxième chose qu'il découvrit avec effroi : sa régénération héroïque ne fonctionnait plus. Du moins, temporairement.
Pendant les deux semaines de convalescence qu'il subit, il endurait des soins drastiques pour guérir ses blessures et qu'aucune nécrose s'installe. Ils tentèrent de refaire fonctionner sa régénération mais cela ne fonctionnait jamais : son attribut génétique interférait toujours avec la magie. Ou il existait la possibilité qu'aucune personne hormis le héros et le Némésis pouvait interagir avec les puissances qu'ils possédaient, ce qui semblait être le plus logique.
Depuis son réveil hors du Lac des Songes, il ne cessait de ruminer sur le rêve étrange qu'il avait fait. De ce visage qui n'avait de cesse de s'avancer vers en prononçant cette phrase dans cette langue qui lui était pourtant inconnue et qui pourtant, lui semblait familière. Cette femme lui était étrangère, il ne l'avait jamais vu de toute sa vie mais non seulement elle s'adressa à lui par son titre mais surtout, cette présence, il l'avait déjà senti auparavant...
Non. Il avait toujours vécu avec présence.
« Bale » ...
Si ses souvenirs étaient exacts, il s'agissait d'une ville se situant en dehors de Francilia, dans un autre pays adjacent au leur qui avait été détruit lors d'une guerre contre le seizième gouvernement de Francilia qui a disparu il y a quatre cent cinq ans. Toutefois, il se souvenait aussi que cette ville n'existait plus depuis bien plus longtemps que cela...
Que lui arrivait-il, bon sang ? Pourquoi ces questions lui pourrissaient l'esprit ? Quel royaume encore devait-il sauver de la destruction ? S'il s'agissait de Sylvania, sa mission était presque accomplie avec la future arrestation des Adeptes de Marrynélia, alors pourquoi...
- Nalo ? l'appela Jacob.
Le Héros se retourna en direction de la voix et vit son ami nelfe en fauteuil roulant, le torse enroulé de bandages. L'humain retira ses mains de sa tête et écarquilla les yeux en voyant son ami en bonne santé – ce n'est pas vraiment ce que je dirais mais bon.
- Comment tu vas, Jacob ? lui demanda le Héros.
- Ça pourrait aller mieux, mais on dirait que tu es dans un état plus lamentable que moi, rit le nelfe.
Il est vrai que le corps du Héros s'était retrouvé dans un pitoyable état, cependant la magie du Lac des Songes commençait à faire son effet en faisant disparaître toute trace de brulure, il ne pourrait pour l'instant pas refaire pousser son bras mais il ne s'en inquiétait pas plus que ça, il était déjà redevenu comme neuf dans des états encore plus misérables que celui-ci.
- Ça te dit que nous allions faire une balade tous les deux ? lui proposa Jacob, enfin, si tu es en capacité.
- T'inquiète, le rassura le Héros, je vais appeler une infirmière, elle va me fournir une chaise roulante que je pousserai avec mon bras unique.
Finalement, l'infirmière transporta le Héros sur sa chaise roulante jusqu'à une serre qui servait de parc car, bien trop arrogant, il n'avait pas remarqué qu'il n'avait plus assez de force pour se déplacer tout seul. Elle installa Jacob et le Héros sous un arbre à l'ombre de la lumière artificielle, ils purent voir des enfants s'amuser avec leurs parents en jouant au cerf-volant ou en gambadant dans ces plaines artificielles comme s'il s'agissait d'un paysage du passé.
- Je n'ai pas pu assister à ton combat mais tu t'en es bien sorti ? lui demanda Jacob.
- Tu vois comment je suis ? ricana le Héros, bien sûr que non. Mais j'ai gagné, et je t'ai vengé.
- Ne dis pas ça, l'arrêta le nelfe en fauteuil roulant, tu ne m'as pas vengé.
Le Héros haussa un sourcil.
- Comment ça ?
- Je ne t'ai jamais demandé de me venger. Je comprends que tu puisses être en colère que je me sois retrouvé troué de partout, mais j'étais conscient de mon choix en usant de mon corps comme bouclier pour toi.
- Pourquoi l'avoir fait sachant que je suis immortel ? C'était un choix stupide ! l'engueula le Héros.
- Hé bien, c'est parce que je tenais à faire gagner la Princesse-Sans-Ailes. Tu n'es pas stupide, tu sais qu'elle a peu d'alliés, surtout en sachant que son seul projet est d'obtenir des ailes grâce à son intronisation au trône. Un rêve idiot et égoïste qui ne devrait pas avoir sa place dans une course au pouvoir.
Finalement Jacob aussi trouvait ce rêve égoïste et stupide étant donné les enjeux grandiloquents qu'imputait la prise de pouvoir.
Le Héros comprenait les raisons de la reine et les parents de la Fée, mais les autres la soutenaient par simple amitié. Cependant, lui qui était censé défendre les gens simples, ceux qui sont les plus démunis, n'était-il pas simplement le servant de l'élite de ce royaume ? C'est peut-être cela que Malalalivia lui reprochait mais qu'elle n'osa pas dire puisqu'ils étaient alliés et étaient devenus... amis... enfin, il imagine...
- Mais cette fée aptère a toujours été ainsi : idiote. Malgré tout, elle reste une personne douce, gentille, émotive, qui aime autrui au point de pleurer en ne sachant pas pourquoi on la déteste, ou plutôt en ne comprenant pourquoi une telle haine s'abat sur elle. Alors, la prenant en pitié, nous, ses amis, avons décidé de tout faire pour qu'elle obtienne ce qu'elle voulait de tout cœur, lui expliqua Jacob, néanmoins, comme tu as pu l'observer, elle reste une enfant bête avec d'étranges raisonnements. Prendre Yeneltig comme champion en fait partie. Mina était un meilleur choix, mais elle est si « innocente ». C'est pour ça que nous avons décidé de l'aider jusqu'au bout, que cela soit dans l'arène ou en dehors. Cela fut une aubaine que tu sois apparu, et au vu des talents et du danger auquel tous les deux nous avons fait face, je ne pense pas que Mina s'en serait sortie.
La Fée avait des amis dévoués se dit le Héros. Peu d'êtres vivants se seraient investis d'une telle manière pour autrui comme ils le faisaient.
Marinanélia avait perdu sa place pour la laisser à la Fée. Un immense geste dont il ne savait si elle le lui rendrait, un jour.
Le Héros s'allongea sur son fauteuil et profita de l'obscurité offerte par l'arbre pour se détendre.
- Des amis stupides qui se débattent stupidement pour une fée stupide qui a un rêve stupide. Je me moque mais c'est bien là, la démonstration de l'essence même de l'amitié.
- Tu dis ça comme si tu le découvrais.
- Un peu. Je ne me suis jamais retrouvé dans une situation pareille pour quelqu'un, du loin que je me rappelle, cela a toujours été l'inverse.
- Alors participe pour la deuxième fois a quelque chose de stupide au nom de l'amitié : organise-lui sa fête d'anniversaire.
- Son anniversaire ? C'est quand ?
- Le quatorze, le jour suivant ton combat.
- Donc dans moins d'un mois... c'est assez, je pense, réfléchit-il, sauf que je ne sais pas comment on organise une fête d'anniversaire.
- Tu n'en as jamais faite ?
- De souvenir... Non. Un gâteau avec ma mère dans notre chambre, puis Zelda passait m'offrir un cadeau..., parfois.
- Bah tu demanderas à la princesse Marina, à Min et Mina, ils sauront quoi faire.
- Très bien, je le ferai à ma sortie de l'hôpital. Vous me faites organiser un anniversaire alors que, potentiellement, je pourrais perdre.
Jacob sourit.
- Je l'ai vue combattre, et tu risques d'être en difficulté. Mais perdre, tu le penses vraiment ? lui demanda la nelfe.
- J'ai regardé aucun combat dans l'arène, mais je l'ai observé et cela va être compliqué, mais bon, pas le choix.
- La princesse Malalalivia est bien la seule adversaire que je ne voudrais pas que la Fée rencontre en finale. C'est une chance et une malchance que vous l'affrontiez maintenant.
- Vu la gueule du royaume et les idées révolutionnaires qu'elle a... ils la feront échouer quoi qu'il arrive. Je me rends compte finalement qu'il la ferait échouer si je gagne.
- Alors, perds.
- Hein ?
Le Héros se retourna d'un coup vers son interlocuteur au prix d'une vive douleur.
- Comment ça « perds » ?
- Si ton cœur te dit que, malgré la promesse que tu as faite à la fée aptère que, ça n'est pas le bon choix, il serait absurde que tu t'obstines. Mina t'en voudra, la fée aptère t'en voudra, tous les autres t'en voudront, mais tu l'auras fait selon tes idéaux.
Faire perdre la Fée pour que la Justice l'emporte sur les discriminations et le désespoir. C'est bien une idée que le Héros soutenait, mais il n'était pas le maître des lieux et ne vivait pas ici, il n'avait pas à intervenir dans l'avenir du royaume.
Il n'était que l'outil de sa protégée.
C'était hypocrite de sa part puisqu'il allait combattre les Fanatiques qui s'en prenaient aux enfants et aux personnes esseulées du royaume de Sylvania en l'honneur d'une morte. Il n'allait que faire perdurer le statuquo du Domaine Féérique.
- Ne t'inquiète pas pour moi. J'honorerai ma promesse.
- Bien. Alors je te souhaite bonne chance face à Malalalivia Grave.
- Son champion n'est pas si terrible pour que tu me souhaites bonne chance.
- Tu n'as vraiment pas regardé les combats alors, éclata de rire Jacob.
Le Héros eut un instant de réflexion, puis alpagua Jacob.
- Quel arrogant je fais tout de même…, s’exclama lassement le Héros en se tenant le visage déchiré par un rictus désolé.
- Pourquoi dis-tu cela soudainement ? demanda Jacob.
Le Héros, le corps penché sur son fauteuil, croisa les doigts, honteux, le regard dans le vague et exprima le fond de sa pensée :
- Même si je l’ai pensé, je ne pense pas que le rêve de la Fée soit si stupide que cela, au contraire.
- Ah bon ? s'étonna le nelfe, qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?
- J'ai juste réfléchi à ma propre condition, et... je ne vaux pas mieux qu'elle. Il n'y a rien de stupide à vouloir que sa condition soit plus heureuse. J'ai lu dans un vieux livre d'un certain Tim Leuxe que la chose la plus importante pour l'Homme n'était autre que l'amour. Alors, j'imagine que l'amour de soi doit en faire partie. Et je pense que si j'avais la possibilité de retrouver mon bonheur perdu, moi aussi, je mettrais tout en œuvre pour obtenir cette possibilité, même si cela va à l'encontre du bien commun ou du bon sens... Je crois même que c'est ce que je fais déjà avec ma stupide quête..., pensa à voix haute le Héros.
- Je vois, ponctua Jacob, tu as sans doute raison. Il n'y a pas de rêves stupides.
Deux semaines plus tard, le Héros retrouva ses capacités héroïques et put reconstituer son corps convenablement à l'aide des médecins qui replacèrent les six vis qui soutenait correctement sa structure osseuse. Il partit alors à la rencontre de la Fée chez elle, il la trouva dans sa chambre, entourée de livres et de papiers, étudiant avec ardeur tout le savoir magique qu'elle se devait d'acquérir en tant que reine.
Le Héros ne percevait aucun livre sur le pouvoir ou la gouvernance d'un pays.
- Yo !
- Yo ? répéta la princesse maladroitement ne comprenant pas cette interjection.
- Qu'est-ce que tu fais de beau ?
- Je révise pour les épreuves finales. Ça va être du gâteau avec toi. Désolée de pas être venue te voir.
- C'est pas grave, j'étais un peu occupé de toute façon. Je voulais passer te voir avant que j'aille m'entraîner une nouvelle fois parce que Jacob m'a dit de t'organiser une fête d'anniversaire.
- Normalement, c'est une surprise, rit timidement la fée.
- Ah bon ? Je ne savais pas...
Plus nous nous approchions de la date du supposé départ du Héros, plus leur relation devenait de plus en plus froide. Il n'avait pas voulu lui cacher, mais bien qu'on dise qu'elle soit bête, qu'il la trouve parfois bête, elle reste l'une des personnes les plus intelligentes qu'il ait côtoyé. Alors, elle avait assez d'intellect pour savoir ce que signifiait le départ de son champion et de sa poursuite de l'ennemi de la Nueva Tierra. Elle devait se rappeler les mots qu'il avait prononcés face à la reine, ce cri de colère et de désespoir qu'il hurla à la face de tous.
« JE DÉTRUIRAI LE MONDE AVEC TOI ET LE HÉROS DE LA LÉGENDE, QUITTE À EN PERDRE LA VIE ET PRENDRE TOUTE VIE SUR CETTE PLANETE ! »
Rien que d'y penser cela lui donnait la chair de poule.
Elle se demandait même avec quelle force elle avait pu l'arrêter, cela lui semblait totalement flou, ses souvenirs étaient volatiles, vaporeux. Mais elle savait que dans l'état dans lequel elle s'était retrouvée, elle avait les moyens de l'arrêter, elle ne s'était jamais sentie aussi bien, aussi forte, aussi confiante qu'à ce moment précis.
Cependant, bien qu'elle l'aurait voulu, elle ne pouvait pas reproduire cet état, donc elle allait devoir agir avec les armes qu'elle avait entre les mains et sa meilleure arme qu'elle avait à sa disposition n'était autre que cette fête d'anniversaire que le Héros avait prévu de lui organiser, c'était le dernier moment avant que celui-ci s'en aille !
D'ailleurs pourquoi se disait-elle qu'il allait s'en aller ?
Le tournoi ne se terminait pas seulement au combat ! Il devait être là pour les finales, elle allait devoir faire face aux quatre finalistes et leurs champions dans une bataille médiatique et d'informations qu'elle n'avait jamais connu. Comment allait-elle faire sans son soutien ? Il se devait de rester.
- Je pense que je vais piquer la trique de l'autre saint chevalier que j'ai vu à la caserne, déclara le Héros rompant ce silence incommodant.
- Comment ça ? Quel saint chevalier ?
- La fée là qu'à des écailles de dragon sur son visage.
- Je ne vois pas de qui tu parles... Mais pourquoi tu voudrais lui voler son arme ? Tu veux encore finir dans les Limbes ?
- Mais non, ça sera juste un emprunt pour mon combat contre Lelelitio, je me suis entraîné au bâton en même temps que lorsque j'apprenais à utiliser les propulseurs technomagiques. J'ai toujours eu envie de me battre comme dans le livre dont je t'ai parlé !
- Le « Shonen » ?
- Non, ça c'est le genre !
[Ce qui est aussi faux car le « shonen » est la cible éditoriale, mais bon qui allait le reprendre dans un monde où presque aucun nouveau livre était publié, enfin, même cette phrase est fausse puisque certains aimaient perdre leur temps à le faire alors que des barbares aimaient ravager tout ce qui ressemblait à des puits de connaissances, voilà pourquoi les Bibliothèques Universelles étaient des lieux bien plus protégés que tout autre chose, surtout par le Docteur Gear-O.]
Merci pour ce cours très pertinent et cet avis subjectif sur les productions fictionnelles du LXXème siècle...
- Qui me vaincra avec l'arme du plus grand des héros ? se gaussa le Héros.
- Sûrement Lucello vu que tu as pris peur en le voyant. Et puis, tu n'es pas censé être le plus grand des héros ?
- Comment ça j'ai pris peur face à Lucello ? Ça va pas ou quoi ? Je lui retourne sa mère quand je veux !
- « Retourner sa mère » ? Arrête de parler Franca, surtout quand tu uses de mots dans des sens non conventionnels.
- Je le tabasse, si tu préfères.
- Ah ! Sûrement... Mais t'as pris peur, continua-t-elle de se moquer.
- Mais n'importe quoi. En plus pourquoi tu parles de lui ? Vous vous fréquentez maintenant ?
- Oui, on se fréquente. Il est venu m'accompagner à l'arène lors de ton combat contre l'arbre humanoïde puisque Beneltg a disparu. Il t'a même soutenu.
- C'est gentil...
...mais j'en ai strictement rien à foutre ! dit le Héros dans son esprit.
Pour une raison inconnue, le Héros ressentait encore plus d'animosité à l'égard du vampire lorsqu'il apprit qu'il tenait compagnie à la Fée-Sans-Nom en son absence. Un sentiment plus qu'étrange envahit son esprit, un sentiment qu'il n'avait jamais ressenti auparavant, il n'arrivait pour l'instant pas à le décrire, mais cela avait un lien avec le fait que sa fée lui parle de ce Lucello.
- Donc tu vas lâcher Yeneltig pour Lucello, dit le Héros en allant s'asseoir sur l'un des pétales du lit en forme de fleur de la fée et en croisant les bras.
- Et puis quoi encore ? réfuta furieusement la en se tournant vers lui, même si Yenji est un idiot fini, doublé d'un coureur de jupon, mais je ne vais pas « lâcher » mon amoureux que je connais depuis longtemps pour une réglisse pâle maigrichonne. Quand même.
Toute personne douée de facultés cognitives et ayant déjà un pied dans les relations amoureuses sait que ce que vient de dire la Fée n'était que du flan. Non pas qu'elle mente, mais Yeneltig avec ses idioties a créé une grande brèche dans laquelle le premier idiot venu saurait s'engouffrer pour ruiner leur couple et emporter la belle. Néanmoins, le Héros ne possédait que peu de facultés cognitives, donc il ne remit pas en question sa parole, et se disait que Yeneltig avait la chance d'avoir une femme aussi amoureuse de lui pour se mettre des œillères face aux absurdités qu'il faisait.
- Tu pourrais quand même lui parler si ça te gêne tant que ça qu'il parle à d'autres filles.
- Je lui ai déjà dit mais il dit « ce n'est rien, c'est juste des amis, tu t'inquiètes pour un rien »...
Même Astéron est un meilleur menteur, pensais-je en même temps que le Héros.
- Puis bon, même si Yeneltig me rend folle en disparaissant et réapparaissant à tout va, au moins je t'ai toi..., lui confessa-t-elle.
Le cœur du Héros faillit exploser et ses orbites grossirent en entendant cela.
- ... et Lucello.
Le cœur du Héros arrêta de battre et ses yeux s'éteignirent.
- Je rigole, Na-lo, se moqua la Fée, même les autres disent qu'il est une mauvaise personne, mais bon, il disait bien cela de toi et pourtant, regarde-nous maintenant, rit-elle.
- Ouais...
- T'es vexé ?
- Bien sûr que non qu'est-ce j'en ai à faire ?
La Fée rééclata de rire à s'en tordre le ventre.
- Bon, moi je vais y aller, j'ai un entraînement à reprendre.
- Non, mais attends, dit la princesse aptère le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux, j'espère au moins que tu t'entraînes à être plus souple comme l'a demandé sir Sawyer.
- Ouais, ouais ! cria le Héros, les sourcils renfrognés.
Il sortit de la chambre de la Fée l'entendant encore rire et s'en alla de la maison en faisant coucou au frère de la Fée et lui indiquant qu'il allait s'en aller pour qu'il referme la porte derrière lui.
Ce Lucello...
En prononçant ses mots, il comprit pourquoi il l'énervait – mais non pas pourquoi son instinct lui avait crié de l'écarter de son chemin la première fois qu'il l'a croisé – : il était jaloux. Ce qui l'énervât encore plus car il ne se voyait pas comme un être jaloux, et au vu de ce que cela impliquait d'être jaloux, il ne voyait vraiment pas pourquoi il l'était.
Le lendemain de la discussion avec Princesse, il partit s'entraîner à la caserne. Il voulait se renforcer encore et encore, perdre ses capacités l'avait vraiment inquiété bien qu'il ait feinté tout le contraire, les perdre lui a rappelé à quel point son corps était valétudinaire. Ses entrailles se tordaient, sa peau se ciselait, ses muscles étaient tiraillés... Tous les symptômes de sa maladie se réveillaient à une vitesse fulgurante, mais il restait digne, il ne devait pas afficher le moindre signe de faiblesse, surtout pas auprès du Némésis qu'il savait être toujours là aux aguets à surveiller ses moindres faits et gestes, malgré le fait que son attribut génétique l'empêchait de communiquer avec lui correctement.
Mais la personne à laquelle il ne souhaitait véritablement révéler en aucune circonstance sa vulnérabilité était indubitablement la Fée. En aucun monde, elle ne devait être informée de la douleur qu'il endurait.
Cependant sur le chemin, il croisa Mina, Marina, Min, Titou et Alexandre qui, justement, étaient à sa recherche.
Les voyant s'approcher, il pandicula et se gratta l'arrière de la tête, tout en venant leur rencontre.
- Nalo ! Nalo ! Nalo ! répétaient-ils.
Ce nom avait finalement été adopté par tous, sauf la princesse – ce n'était pas le nom qu'elle voulait lui donner, donc elle ne le nommera pas ainsi.
- Qu'est-ce que vous me voulez ?
- Lucello... Lucello n'est pas une bonne personne ! déclara Mina.
- Pourquoi ?
- Tu ne le vois pas, il a fait changer notre fée, lui répondit Marina.
- Comment ça ? Je l'ai vu hier avant mon entraînement, elle travaillait pour la finale du tournoi du couronnement.
- Elle ne nous parle presque plus, elle préfère ne parler qu'avec Lucello, révéla Titou, son gars est un manipulateur.
- Et qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse ? Allez lui parler, moi je dois me concentrer sur mon dernier match, reprendre mon maniement de l'épée et faire modifier mon équipement.
- Tu es son champion ! dit Mina.
- Et toi, sa meilleure amie ! lui rétorqua le Héros, à moins que... ça soit le fait... Lucello qui vous fasse peur, dit le Héros en ayant un sourire en coin.
Aucune réponse de leur part. Le Héros avait dit cela pour rire, il ne le pensait pas vraiment, il n'aurait pas pensé que cela se révélerait vrai.
- Donc si je vais me confronter à lui en me battant avec lui, vous viendrez avec moi ? demanda le Héros.
- Oui ! répondirent-ils sans aucune hésitation.
- Et sans moi ?
De nouveau un silence. Le gentil sourire moqueur du Héros disparut, ce qu'il voyait en face de lui déplaisait énormément.
- Mina et Min, vous viendrez le fameux jour ? demanda le Héros.
- Euh... oui, lui répondirent-ils.
- Et comment vous pouvez croire que je peux vous faire confiance ce jour-là si vous êtes effrayés par la première longue asperge venue ?
Ils ne savaient quoi répondre face à la question du Héros.
- Une autre fée a peur, très peur, je le ressens à chaque fois que je la vois, et pourtant, elle ne fait qu'avancer, avancer sans jamais s'arrêter alors que de nombreux défis se dressent devant elle. Et tu le sais, Min, puisque tu étais avec moi le jour où on est venu te chercher.
- Oui...
- Si un vampire vous effraie alors ne venez pas parce que le nombre de dangers qui se dresseront devant nous dépasseront un simple suceur de cou, dit-il en passant entre eux.
Mina serrait les poings, elle savait qu'il avait raison mais comment pouvait-elle le laisser l'insulter de lâche alors qu'elle s'était jurée de devenir la cheffe des Saints de la Reine pour protéger son amie ?
- Ne te crois pas au-dessus de nous, hu...
Sans que personne ne l'ait vu, le Héros plaça ses mains sur les joues de la naine, main gauche sur joue gauche, main droite sur joue droite, les bras croisés, il était en position pour lui briser la nuque. Ses yeux brillant d'une lueur écarlate encore plus prononcée que d'habitude, le visage caché par l'obscurité de sa capuche et les ténèbres de sa malédiction donnait l'impression d'être face à la mort.
- Mina, ne crois pas que m'insulter changera votre peur. Que j'y aille ou pas, ne changera pas le fait que si je ne suis pas là, vous serez incapable de la défendre.
Il la lâcha et poursuivit sa route.
- Ah oui, préparez-vous, je dois organiser la fête d'anniversaire de votre amie que vous aimez tant que vous voulez pas vous charger de régler son compte à un mec malfaisant qui rôde autour d'elle, alors quand je viendrais vous voir, soyez prêts.
- Nalo... Et si c'était le Némésis ? lui suggéra Mina.
Le Héros s'arrêta un instant. Il resta là, interdit, immobile, ne disant un mot. Aucune autre personne ne tenta de rajouter quelque chose à la proposition de Mina. La dire suggérait déjà que le plus grand danger se trouvait dans l'enceinte de leur mur et qu'il se jouait du héros à son nez et à sa barbe – inexistante.
Il tourna sa tête et leur dit :
- Si c'était le Némésis, j'aurai déjà réduit cette nation en cendre pour l'annihiler et vous n'auriez sûrement pas survécu, rit-il avec un large sourire.
Et il reprit sa route en riant joyeusement.
Le Némésis... Quelle connerie, ils pouvaient raconter ceux-là...
Il avait déjà rencontré le Némésis et à chacune de ses rencontres, une nausée désagréable remonta à sa gorge, avec Lucello... Il y distingua juste une étrange odeur d'insecte, mais sûrement la terrifiante force qui lui barrait la route vers son objectif final.
Peut-être un vampire qui est végétarien, se disait-il.
En haut de la tour, il reprit son entrainement à l'épée, aux maniements des gants dont il avait retiré les griffes car cela n'était vraiment pas un style qu'il appréciait mais que pour son futur adversaire – et en vérité, il n'allait pas être aussi violent avec Lelelitio. Bien qu'il allât user de nouvelles stratégies puisque ayant acquis des cristaux de feu et de foudre – grâce à la reine qui les avait matérialisés après en avoir acquis la connaissance auprès des archimages du Protectorat Sombre –, il ne voulait pas réduire au silence Lelelitio et créer le désespoir dans le cœur de sa princesse. Il voulait démontrer que n'importe qui pouvait le vaincre avec de la détermination, et être le héros de la légende n'était pas une question d'être un élu ou non. S'il l'affrontait directement, la leçon en serait plus que meilleure, mais bon, le destin ne l'avait pas vu ainsi. Pour lui faciliter la tâche, il avait demandé qu'il renforce son sceau, il ne savait pas si avec ce renforcement, il pourrait encore le briser, mais pourquoi le briser face à Lelelitio ? Il n'avait pas le niveau pour le pousser dans ces retranchements.
Au château, des petits ajustements étaient ajoutés au plan de raid avec les nouveaux éléments apportés par de nouveaux informateurs inattendus. Il s'agissait de Clandra-ζ et sa princesse Jigalénélia qui furent reçus par la reine à la demande du Héros qui exigea qu'ils soient graciés et protégés s'ils révélaient des informations supplémentaires, et ils le firent. Jigalé révéla les familles impliquées dans la secte, la source de leurs fonds, comment leurs costumes étaient faits, où ils se réunissaient, quelle langue morte ils usaient à des moments adéquats... Une grande partie de ces informations étaient déjà connus par la reine grâce à la torture effectuée par la police militaire sur Detsine en présence de la reine pour qu'elle s'assure qu'il ne meure ou soit tué, mais cela avait au moins permis de prouver leur bonne foi.
À la sortie de la rencontre avec la reine, Clandra-ζ s'excusa auprès de sa princesse d'avoir échoué et de n'avoir pas été la hauteur de ce qu'il aurait dû être faisant qu'il trahisse les leur pour se sauver.
- Si cela n'avait pas été pour toi, je n'aurais rien dit, lui révéla Jigalé.
- Pourquoi ?
- Je n'ai dû voir mon père qu'une dizaine de fois dans ma vie, toujours occupé avec ses manigances avec les Apôtres de Marrynélia, alors étant donné que le choix était de choisir entre toi et lui, j'ai préféré te choisir car même si tu t'es fait humilier dans l'arène, tu as combattu en mon honneur, et ce depuis que je t'ai eu sous mes ordres.
- Princesse..., dit le Soliflorien-ζ.
- Ce n'est rien. Viens, maintenant, nous devons aller là où la reine nous a dit d'être.
Dans la salle du trône, une fois les préparatifs établis, la reine partie s'installer sur son trône, la tête collée au sommet du siège royal, fermant les yeux, lessivée par cette histoire. Depuis la révélation sur Globox, elle n'avait pas dormi et n'avait rien fait sur le plan administratif du royaume, et malgré cela, elle avait des cernes. Ce qui était une première depuis qu'elle avait reçu les pleins pouvoirs.
- Sélia... Sélia !
Elle se réveilla de sa léthargie.
- Tu te souviens, tu n'interviens pas.
- Oui. Je le sais déjà. Je ne peux pas vous rejoindre « à cause du tournoi » patati patata...
- C'est bien, t'as mémorisé.
- Tu te rends compte que lui nous ait pas trahi mais Globox si.
- C'est étonnant, hein ? Alors qu'il devrait t'en vouloir puisque tu as, supposément, tué son père.
- On nous appelait le quatuor infernal mais lui en faisait clairement partie, rit la reine, finalement, notre quatuor restera avec lui.
- Est-ce une bonne chose ?
- Pas le moins du monde.
Sawyer rangea les plans et les documents dans des tubes et les jeta dans un trou qui les mènera aux Archives Royales où ils seront rangés.
- Cette histoire sera réglée et tout le monde pourra vivre en sécurité.
- Oui...
Aucun des deux ne se regarda pour ne pas afficher sa tristesse à l'autre, s'esquivant du regard à chaque fois.
- Sawyer, tu devrais prendre une pause, va entraîner le garçon ou va rejoindre ta petite femme, lui conseilla la reine.
- Ma petite quoi ? Ah oui, c'est vrai. J'irai peut-être quand elle sera moins occupée, mais concernant le fils d'Elena, je ne crois pas qu'il ait encore besoin de moi. La suite logique de la danse ne peut pas être faite puisqu'il ne sait pas voler et il a pris l'initiative de s'entraîner seul et tous les jours, alors je n'ai plus besoin de le pousser. Donc, c'est plutôt à toi d'aller le voir.
- Je ne veux surtout pas le déranger.
- D'accord... Bon, bah, je vais y aller.
- D'accord...
Et c'est ainsi que les deux se quittèrent. Lorsqu'il sortit, la reine cacha son visage avec ses mains et sanglota, encore.
Les jours passèrent et nous arrivâmes le jour-j de l'assaut sur la cachette des Fanatiques.
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