Les retombées suivant le combat d’Avelilinélia contre le champion de la Fée-Sans-Nom-Et-Sans-Ailes furent gargantuesques. Tous les acteurs de ce combat furent pris en chasse – dans le bon sens du terme, bien évidemment. Les commandes auprès de l’armurier Fokatino se firent par millier, autant dans le royaume qu’à l’extérieur, il dû employer de nouvelles personnes tellement les commandes se faisaient de plus en plus nombreuses. Tout ça grâce à la publicité que lui a faite le combat de son égérie face à la princesse.

La princesse n’était pas en reste puisqu’elle était demandée de partout, bien heureusement pour elle, les Basfonds étaient considérés comme trop dangereux pour y aller seul, alors sous ordre de la reine, tous les gardes se devaient d’en interdire l’accès aux étrangers de ce district. Mais en son sein, Avelilinélia reçut énormément de soutien, elle était demandée par tous les habitants des Basfonds pour prendre des photos, signer des autographes – si elle avait ses ailes, on lui dirait de répandre sa poussière d’étoiles pour les bénir… Cela la rendait jouasse d’être autant sollicité mais cela ne changea pas le goût de son amer défaite. Et c’était aussi le cas pour bon nombre d’habitants qi avaient cru en sa victoire, mais le monstre avec lequel elle avait dû faire face était d’une autre nature pour espérer la victoire.

En parlant du loup… voilà qu’il se pointa. Le fameux héros qui se battait contre les opprimés. C’était méchant de ma part de le définir ainsi alors qu’il n’avait fait que tenir sa promesse. Néanmoins, les habitants des Basfonds ne l’entendaient pas de cette oreille. Les enfants partirent se dresser en barrage face au garçon, armés de bâtons et de cailloux.

- On te laissera pas nous exterminer ! crièrent-ils.

Le Héros plissa des yeux ne comprenant ce qu’ils racontaient, puis se souvint de ce qu’il avait dit lors du combat.

- Si vous vous mettez à croire tout ce qu’il y a l’holo-tv, vous allez finir aussi bête que Berle.

Il traversa cette foule haineuse et rejoignit la maison des Grave, il y toqua et c’était Avelilinélia qui lui ouvrit, un sac de glaçon contre son front.

- Oh ! Le gagnant des demi-finale.

- Dis pas ça…, répondit-il honteux.

- Tu n’as aucune honte à avoir, tu as gagné honnêtement. Sachant qu’on aurait dû être disqualifié étant donné le nombres de règles dont nous nous sommes affranchis.

Je peux vous dire que César était à deux doigts de l’explosion avec toutes les infractions au règlement qu’ils avaient commises, mais pour la beauté du spectacle et de l’affrontement, la reine exigea de lui qu’elle laisse passer.

- Tu ferais bien de rentrer avant que les gens oublient que tu as été l’un des instigateurs de l’offensive contre les fanatiques.

- C’est pour ça qu’ils me jettent pas de cailloux ? Bah, ça m’aurait pas changé. Mais attends quelques minutes.

- Pourquoi ?

- Je t’ai amené ça, lui dit le Héros.

Le Héros sortit une bourse en cuir de son sac et lui donna en main-propre.

- C’est quoi ?

- Le prix de victoire des demi-finalistes. Je sais que les Grave n’ont pas droit aux récompenses des tours gagnés, alors j’ai utilisé ceux de mes victoires précédentes pour vous offrir un petit cadeau qui ne devrait pas trop tarder.

Et à peine avait-il prononcé ces mots qu’une horde de carrosse débarqua et des gardes sortirent pour alerter à toute l’assemblée qu’en l’honneur du Héros – cela, il n’avait pas demandé qu’on le précise –, les habitants auront droit à un magnifique banquet pour festoyer ensemble. Des chefs cuisiniers sortirent des véhicules et installèrent des tables dans toutes les rues des Basfonds pour que tous puissent en profiter, petits et grands, faibles ou vigoureux.

- C’est tout bonnement incroyable, s’enthousiasma la fée aptère des Basfonds.

- Faut bien que je fasse quelque chose pour vous.

- Tu en as déjà fait assez, lui répondit Avelilinélia, attends-moi, je vais chercher les autres enfants.

Il rentra dans la maison derrière la propriétaire des lieux et la découvrit une nouvelle fois en pleine pagaille. Qu’Avelilinélia ait perdu ou gagné, cela ne changea pas l’ordre des choses ici. Lelelitio comme sa princesse étaient remplis de bandages mais devait se débattre avec une enfant qui lancer sa nourriture partout en étant assis sur ses épaules, le Héros intervint et la déposa sur une chaise.

- Hé bien, faire la nourrice ne te réussit toujours pas.

- Que veux-tu ? Faut bien que l’un de nous tienne la baraque pendant que l’autre aille se battre contre le monde entier pour nous.

- En parlant de ça, intervint le Héros gêné, je voulais te dire…

- Sans rancune, Nalo, lui dit Lelelitio en tapant sur son épaule, tout ce que tu as fait et dit, c’était pour le bien de Avelilinélia et il fallait que tu honores ta princesse.

Une vive douleur survint sur cette épaule, ce qui fit grimacer le Héros.

- Ça, c’est pour tes coups d’enfoiré.

- J’imagine que c’est de bonne guerre, rit le Héros, au fait, j’ai de l’eau du Lac des Songes pour soigner vos blessures.

- Faut être deux pour utiliser ce truc, sinon on risque de tomber dans un sommeil sans fin.

- Bah, je vous le ferai prendre.

- Non mais et puis quoi encore ?

- Qu’est-ce qu’il y a les garçons ? demanda Avelilinélia en habillant Tarsi.

- J’ai amené de quoi vous soignez, mais Lelelitio dit qu’il faut être deux pour en utiliser alors je propose de vous aider, expliqua-t-il, la reine et ma protégée l’ont bien fait pour moi. En plus, elle m’a dit que c’était un acte qui n’avait rien avoir avec quelque chose de lubrique.

- Tu sais que pour que je le prenne correctement, il va falloir que tu me voies nue, lui fit remarque la princesse.

Le Héros et Lelelitio se mirent à rougir – façon de parler pour le Héros – puis s’énervèrent contre la fée.

- Mais ça va pas de dire des trucs pareils, explosèrent-ils.

Ils continuèrent à crier sur la princesse alors qu’elle était morte de rire.

Le Héros aida dans les tâches ménagères, à préparer les enfants pour qu’ils aillent déguster les bons repas que les cuisiniers royaux allaient leur mijoter. Exténué, le Héros s’affala sur un fauteuil, prit un livre à côté et se mit à le lire.

- Ça ne va pas de lire le journal intime d’une femme ? lui sourit Avelilinélia.

- Regarde la taille du bibelot, tu veux me faire croire que c’est toi qui as écrit tout ça ?

- Non, c’est ma mère, l’ancienne fée de légende, je suis sûre que…

Le Héros le redéposa là où il avait trouvé et retourna à sa position limace.

- Cela ne m’intéresse pas plus que cela.

- Vraiment ?

- Je t’assure. C’est un jour de fête, pourquoi s’enquiquiner avec de vieilles légendes inintéressantes…

- Ton avis concernant ton rôle n’a pas changé.

- Si, mais pas mes principes…

- Au fait, tu n’es pas censé partir aujour…

Ils furent interrompus par la venue de Lelelitio qui était sorti de table pour amener chez eux le ministre des Festivités, Caemgen, et deux gardes. Il portait autour du cou un étrange artefact vert avec une rune que ne connaissait pas le Héros.

- Si tu te demandes de quoi il s’agit, fils d’Elena, c’est un artefact qui me permet de parler à vitesse normal.

- Je vous salue, ministre des Festivités, s’inclina la princesse.

- Cela devrait être à moi de faire cela, la corrigea Caemgen, mais laissons de côté l’étiquette. J’imagine que tu n’es pas au courant de la raison de la venue de ma visite.

- C’est à propos des fanatiques ? lui demanda la princesse.

- Non, cela te sera relaté par la reine en personne. Non, je viens de mon initiative personnelle. Je viens humblement te demander de devenir la Karyoten de l’armée de Sylvania.

La princesse haussa un grand sourcil interloqué en relevant affreusement haut la tête.

Le Héros leva la main pour poser une question.

- Oui ? dit Caemgen.

- C’est quoi Cariöten ?

- C’est le général-stratège de l’armée de Sylvania, lui répondit Avelilinélia, il existe qu’un par génération. Comme pour les rois et reines de cette nation, ce n’est qu’en cas de démission ou de mort qu’un nouveau Karyoten est élu, soit par l’ancien Karyoten, soit par la reine elle-même.

- Ce qui veut dire…

- Que moi, Caemgen Lestild Jasiloëm Barskersclay, fils de Caemgen Waliuim, ancien Karyoten de la nation de Sylvania, je veux de la princesse Avelilinélia Grave comme successeuse.

Cela semblait une bonne position du point de vue du Héros, mais au regard du visage de la princesse, cela ne semblait pas lui plaire.

- Je ne vois pas en quoi je mérite d’être votre successeuse, dit la princesse des Basfonds, je n’ai participé à aucune guerre et n’ait accompli aucun acte de bravoure.

- La guerre n’est pas suffisante pour être un ou une Karyoten, vous avez démontré une très grande intelligence au combat qui n’est pas l’apanache de tous qu’ils s’agissent des champions ou des princesse portées sur le combat ? Et en acte de bravoure, dois-je vous rappeler que vous êtes confrontée au héros de la légende ?

- C’est un bon point, commenta le Héros.

Que j’approuve.

- Et je me suis plongé dans vos évaluations, vous devez faire partie des êtres les plus intelligents de ce royaume, rester ici c’est gâché un potentiel incroyable.

La fée réfléchit quelques instants, puis soupira.

- Je suis désolée mais je vais devoir…

- Caemgen, coupa le Héros.

- Oui ?

- Laissez-lui quelques temps. Elle vient juste de perdre un combat qui comptait bien plus que pour les autres princesses. C’est pas facile de saisir l’ampleur d’une telle opportunité.

- Vous avez tout à fait raison. Je vous laisse encore réfléchir à ma proposition. Si vous changez d’avis, venez me voir dans mes bureaux.

Il lui tendit un rouleau.

- Voilà un passe-droit qui empêchera tout garde de vous importuner si vous êtes, à l’avenir, amené à monter jusqu’au palais royal.

Elle hésita à le prendre mais le Héros l’y poussa, alors accepta, et laissa ces visiteurs reprendre leur route.

- Pourquoi tu ne m’as pas laissé refuser ? lui demanda la princesse furibond.

- Pour que tu ne commettes pas les mêmes erreurs que moi à tout refuser de but en blanc, lui rétorqua-t-il, ce n’est pas rien d’avoir une proposition au gouvernement.

- Qu’est-ce qu’une Karyoten pourra faire pour aider les autres ?

- Qu’est-ce qu’une princesse, qui vit dans les Basfonds d’un royaume de Féériques, qui était considérée moins bien qu’un humain, pourra faire pour aider les autres ? Si tu as envie de me contredire c’est que tu as déjà la réponse.

Le Héros se tourna sur le côté et posa sa tête sur ses avant-bras.

- La vie est bien trop imprévisible pour que tu saisisses aucune occasion. Surtout lorsqu’il s’agit d’un cadeau.

- Cesse de parler en énigme et viens aux faits…

Un grand bruit de ronflement résonna dans la pièce. Le Héros s’était endormi. Il n’avait pas réussi à trouver le sommeil depuis le combat face Avelilinélia.

Il n’est pas possible ce gamin…

Avelilinélia partit chercher une couette et l’enfila au Héros. Assise sur la table à manger, elle ouvrit la bourse qu’il lui avait donné pour avoir combien de couronnes il avait bien pu gagner, mais elle y découvrit à l’intérieur un papier où il était inscrit en Oli’Ane imparfait que je ne me ferai pas le déshonneur de vous retranscrire aussi imparfaitement qu’il a été rédigé :

« Tiens Linélia, avec ça, va t’acheter de ravissants habits de filles comme tu rêves tant d’avoir comme me l’a dit Lelelitio !

PS : C’est aussi ta paye pour la fête de ma princesse, alors viens même si cela a été décalé à dans deux semaines puisqu’ils m’ont menti ! »

Avelilinélia bouda en apprenant que son secret de vouloir avoir de beaux habits a été révélé, puis gloussa de rire. Et dire qu’il y a moins de vingt-quatre heures avec une face austère et un regard meurtrier, il jurait d’exterminer les siens si elle perdait. Un menteur au grand cœur comme ce n’était pas possible.

En guise de remerciement, elle lui embrassa le front avant de partir s’allonger dans son propre lit, elle aussi n’avait pas grandement dormi.