Retour sur la Fée : reprise de la compétition pour le trône de Sylvania
Faisons un retour en arrière de quatre mois, deux semaines après le départ du Héros.
Nous sommes quatre mois et trois semaines avant la destruction d’Octobre.
La Fée avait le regard vide, guettant par la fenêtre le « jardin » de Java-Aleim, espérant l’apercevoir, revenu de son voyage sanglant, pour lui dire s’il avait échoué ou réussi à obtenir vengeance. Mais dans tous les cas, il serait revenu.
Ses amis venaient la voir pour la féliciter avec des cadeaux et autres offrandes, mais mis-à-part quelques réjouissances de courtes durées, elle finissait toujours par soupirer et les congédier poliment.
La Fée avait espéré le retour durant ces deux semaines, espérant qu’il revienne pour son propre anniversaire. Il lui avait dit qu’il reviendrait pour qu’il le fête ensemble, mais le trois Jusiair était passé, date de la naissance du Héros, et il n’était toujours pas revenu.
Cela peut paraître égoïste, néanmoins, elle tenait à ce qu’il reste parce qu’elle avait besoin de lui. Bien sûr, elle appréciait sa compagnie te voulait son retour, mais sa présence lui apportait bien plus que du plaisir instantané : son franc parler, ses prises de position, sa volonté à aider autrui, sa bonne humeur dès qu’il était sorti du coaltar, leurs jeux, ses conseils… Tout cela l’aidait plus que jamais à avancer et à se dépasser. Bien plus qu’avant son arrivée fracassante.
Peut-être reviendrait-il de la même façon qu’il était arrivé ?
Une tornade d’ennui.
Cependant, la présence de celui que les gens de l’extérieur surnommaient avec malignité « Démons-Sans-Visage » lui a été salutaire.
Alors, positionnée sur le rebord de sa fenêtre, elle attendait le retour, miraculeux, de son preux chevalier servant pour l’aider à atteindre les derniers centimètres qui la séparerait de la royauté et de l’obtention de ses ailes.
« C’est un rêve égoïste, mais c’est le sien alors je l’aiderai à le réaliser tant que je serai là !» avait-il dit. Enfin, elle avait souvenir qu’il l’aidait mais elle ne se souvenait plus d’où. Elle savait juste que lors de l’un de ses réveils, elle avait entendu cette phrase qui lui avait fait chaud au cœur.
Mais n’ont-ils pas raison ?
Il avait vu, lors de la victoire du Héros face à cette princesse Grave des Basfonds, la tristesse du garçon lorsqu’il vint à sa rencontre et lui demanda de rendre ce royaume bien meilleur à vivre qu’il l’était actuellement. Le Héros aussi s’était rendu compte, voire était déjà au courant, de la stupidité du but de la Fée : diriger tout un royaume pour avoir des ailes. Nonobstant, n’avait-elle pas besogner jour et nuit pour justifier sa présence sur le trône le jour venu ? Elle avait sué sang et eau pour ne pas être une potiche écervelée malléable et contrôlée par les fils des ministres avides de pouvoir.
Peut-être était-ce en cette vue qu’il lui a suggéré de s’associer à la fée des Basfonds ?
Depuis son départ, elle avait acquis un certain capital sympathie à travers le royaume – en même temps, après les déclarations du Héros, la hargne de cette fée à le dépasser au point qu’il se retrouve à se défaire du sceau de restriction et l’affronte petit à petit au maximum de sa force sans pour autant se laisser faire…, il n’y avait aucune raison que cela ne se produise pas, surtout dans ce royaume où la puissance signifiait « tout » – qui faisait qu’elle pouvait se promener, désormais, librement dans la Haute-Ville et discuter avec la reine sans se cacher - elle imaginait bien que c’était elle, la seconde fée aptère que la reine supportait en secret.
La Fée comprit avec tous ces éléments pourquoi le Héros la trouvait admirable : elle possédait, pour elle, une force démesurée, une maîtrise de la magie qui la surpassait complètement, et un courage et une détermination qui n’avait nul autre égal, cette résolution, tous purent en être témoin puisque non seulement, elle s’était confrontée à un champion en tant que princesse et en ayant défendu son « frère » qui était mis à mal par le Héros. Elle avait même affronté, avec le Héros et ses amis, les fanatiques qui allaient attenter à sa vie.
Pouvait-elle en dire autant ?
- Donc c’était elle qui allait être mon substitut puisqu’elle a ce que je ne possède pas, n’est-ce pas ? dit la Fée à haute voix, le timbre fébrile, je comprends pourquoi tu étais si admirative à son égard…
La Fée fut interrompue par l’arrivée de sa mère Méa qui lui annonça la venue d’un émissaire.
- Un émissaire ? se réjouissait-elle.
Mais son visage redevint maussade en réfléchissant un peu.
Si c’était lui, elle l’aurait clairement dit…, se dit-elle.
La Fée se vêtit en tenue décente pour recevoir un invitée, mais pas assez pour qu’on remarque de princesse – aucune envie de faire d’efforts, la bougresse. Elle se rendit dans le salon pour voir ce fameux émissaire et découvrit le même homme qui lui avait annoncé le début des hostilités lors du commencement tournoi : le saint noble de la fratrie Gen, Coquigen.
- Bonjour, princesse-sans nom comme vous appelle vos amis.
- Bonjour, Monsieur Coquigen, lui répondit-elle.
Coquigen était un homme gracieux, très éffeminé mais n’en restait pas moins masculin, ses habits étaient à l’image du soin qu’il apportait à son corps qui n’était pas dépourvu de muscles, juste qu’ils étaient plus fins que les guerriers de sa trempe. Vêtu d’un long costume à patte d’oie, boutonné de boutons d’argent et de mocassin d’érables, il était le plus classieux des nobles – d’où son titre d’ailleurs. Il était en charge des missives qu’envoyaient la royauté aux ordres nobles, mais surtout, était l’ambassadeur du royaume de Sylvania, malheureusement ce rôle lui a été « retiré » dès lors que la reine prenait tout en charge – en même temps, il n’avait pas la réputation de tenir sa langue. Alors à ses heures perdues, il était le styliste de la noblesse et de la royauté – par ailleurs, c’est lui qui a refusé de costumer convenablement le Héros lors de la parade.
- J’imagine que vous êtes venus m’annoncer le début de la reprise de la course pour le trône, dit la Fée.
- Exactement. Mais pas seulement.
Coquigen fouilla l’intérieur de son veston et en sortit, justement, une missive de sa poche et la lui tendit.
- Cela provient de la reine ? demanda la Fée.
- Absolument pas. Cela provient d’une mystérieuse qui détiendrait certains secrets vous concernez, vous et la reine, mais surtout la malédiction liée à votre ressemblance avec la Félonne.
- Sans déconner…, lâcha la Fée, je veux dire, je n’y crois pas. Qui est cette personne ?
- Elle préfère restez anonyme pour le moment, lui répondit le commissionnaire, lisez cette missive.
La Fée prit la lettre et l’observa dans les moindres recoins : propre, sans tâche, fait d’un excellent papier, scellé magiquement et avec de la cire. Il était indéniable que l’expéditeur de ce courrier provenait de la haute noblesse, peu de personnes n’avaient encore, dans son éducation, les bonnes tenues et les us et coutumes de la noblesse du Sanctuaire – même la reine n’y prêtait guère attention puisque se concentrant plus sur ce qui est pertinent que le paraître. La Fée, elle, comme ses congénères, bien que la reine Audisélia ne leur ait rien demandé à ce propos, savait comment procéder lorsqu’elles recevaient ce genre de lettre – recevoir une lettre pareille était rassurant dans une certain sens puisque la reine se fichait de ce genre de règle, il était certain que la personne qui vous envoyait ceci ne faisait pas partie de l’administration royale. Elle brisa les deux sceaux et déroula la missive. Sa lecture fut un peu longue, l’apparente étiquette qui ressortait de la lettre ne laissait pas présager que son auteur avait une écriture aussi peu soignée, surtout que l’encre rouge usée était nauséabond et avait dégoulinait de partout. Dans quelles conditions avait-elle pu être rédigée ?
Cependant, au fil de sa lecture, l’expression se fit de plus en plus changeant, passsant du plissement d’œil jusqu’aux yeux exorbités, avant de s’écrier d’une tremblante :
- Est-ce ce qu’il est écrit est vrai ?
- Pourquoi me le demander ? Je ne l’ai pas offerte, lui répondit le noble avec un sourire en coin, vous êtes la seule avec votre correspondant ou correspondante à être au courant du contenu de ce message.
- C’est impossible…, dit la Fée, désemparée, je n’en crois pas un mot.
La Fée déchira furieusement la feuille avant de la piétiner avec toute la rage qu’elle pouvait exprimer. C’était bien la première fois qu’elle se mettait dans une colère pareille, il n’y avait qu’avec son frère qu’elle se laissait voir dans un tel état.
- Ne parlez à personne que j’ai reçu une missive marquée d’un sceau, ordonna la Fée à Coquigen, ni à la reine, ni à mes parents, ni à personne d’autre, c’est clair ?
- On ne peut plus clair, hocha l’officiel, je vais alors me retirer et vous rappeler que la compétition reprend dans cinq jours.
Coquigen se leva, courba l’échine devant la Fée en faisant vibrer ses ailes avant de s’en aller.
La Fée avait les nerfs à vif, serrant les dents, le regard assassin.
- Vous… Reine…
Je ne sais pas ce qu’il y avait dans le contenu de cette lettre, cela avait l’air de vraiment la toucher.
À l’extérieur, Coquigen rentra rapidement chez lui, salua les gardes devant la porte de ses appartements, il accrocha son manteau sur son porte-manteau, ainsi que son chapeau, se leva les mains, regarda s’il n’y avait pas quelques sucreries à grignoter, sauta par-dessus le cadavre du vrai Coquigen, alluma deux, trois bougies, chercha un livre de cuisine ferma les rideaux et s’assoit sur ce qui semblait être le fauteuil fétiche de l’homme à qui il avait pris l’apparence. Il fit gigoter sa tête de gauche à droite en lisant cette ouvrage de cuisine, reprenant sa véritable apparence qui n’était nul autre que celle de Lucello Ficas.
Se léchant les canines il se demanda :
- N’aurais-je pas dû profiter de ce moment pour me mettre en avant ? Cela n’aurait pas paru guère suspect puisque tout le monde nous a vu ensemble. Ne soyons pas pressé, j’ai tout mon temps étant donné que le successeur de Moïra va avoir bien à faire avec elle. Je me demande d’ailleurs quelle tête, il fera en la revoyant. Rah, Second m’enverra des images.
Il posa ses pieds sur le corps de Coquigen dont il avait vidé le corps de toute sa substance, ne laissant que sa peau sur les os. Il feuilletait tranquillement ce livre pour savoir quelle recette adapter pour manger ce tas de peau. Ses goûts s’étaient affinés depuis le temps.
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