Redistribution des cartes
Le Héros récupéra ses bagages et partit à la sortie de Sylvania, là où l’attendait Seb’is. Manifestement, il n’avait pas été kidnappé par les Fanatiques mais s’était enfui à Vicenti pour y prendre de TRÈS longues vacances – les thèmes de ces dites vacances : prostitués, paris foireux, arnaques, prêteur sur gage, mise en prêt d’organes, chasseurs de primes… Néanmoins, il était revenu comme une fleur, dépouillé, et suppliant, mais sain et sauf. La reine n’en avait rien à faire, elle avait Sawyer comme taxi, autant pour elle que pour l’armée, donc c’est Sawyer qui enragea de le voir disparaître pendant aussi longtemps, et qu’il ne soit pas en danger. Il jura de lui faire payer.
Sûrement, cela sera lui qui le ramènera chez lui.
Préparant ses dernières affaires qu’il fit descendre, il fut fin prêt à partir.
La nuit était douce et rafraichissante. C’était au tour des créatures de la nuit de prendre possession de la nuit et de vivre leurs vies.
Passer dans les allées et rues de la Haute-Ville, voir les commerces et les habitations mais surtout leurs habitants, le rendait déjà quelque peu nostalgique. Il en avait vécu des événements en quelques mois, bien sûr qu’il en avait vécu depuis ces cinq dernières années, voire plus, depuis sa naissance regrettée, mais ce n’est pas comparable, le sentiment d’extase et de repos qu’il ressentait au plus profond de lui… c’était bien la première fois depuis qu’il devint le héros de la légende à la place de sa mère qu’il le ressentait, oui.
Il avait parcouru le monde – une petite surface tout de même – à la recherche de l’ennemi de l’humanité Féérique, allant de combats en combats sans jamais s’arrêter, sans jamais à comprendre les gens, sans jamais les connaître, de parfaits inconnus de passage qui se jouaient de lui, qu’il aidait sans reconnaissance, qui ont tenté de le tuer, qui ont eu cesse de le dénigrer et de le déshumaniser… Il y avait bien sûr des exceptions qui devaient se compter sur les doigts d’une haine, mais ce n’était pas comparable aux éclats de rire qu’il avait eu avec ces Féériques de Sylvania. Ils ne se prennent clairement pour de la merde, ils sont arrogants, fiers, hautains, vaniteux, snobs, méprisants, prétentieux, racistes… mais une fois qu’ils font tomber les masques, ils étaient des formidables personnes.
Chacune à sa manière et tout autant extravagante : Mina et son aigreur, son côté très dur et suspicieuse qui cachait sa sensibilité et son amour « pour les bonnes choses », le bras du droit du Héros comme il aimait à la surnommer, Lin ce faux elfe qui était une personne plus que gentille et sur qui on pouvait toujours compter, Marina cette fée rousse qui est plus que chiante, qui se pense super autoritaire mais qui n’a aucune autorité, mais qui pourtant avait des principes qu’elle savait faire valoir, Mana la némésis de la Fée qui était plutôt sympa quand on retire cet antagonisme et jalousie malsaines, Jacob le nelfe un homme de valeur prêt à tout pour aider ses amis même s’il n’est pas très robuste, Al-Ryanis un bon collègue et une personne marrante, Acamélia avec qui il n’a pas pu vivre sa « première expérience amoureuse » – ce n’était absolument pas le projet, mais soit, mentons – car des gens « malavisés » lui ont mis des bâtons dans les roue, mais surtout la Fée qui a été là du début à la fin de son séjour, avec qui il avait appris à connaître ce pays, avec qui il avait vécu les meilleurs moments de son existence depuis longtemps et qui a pu, le temps d’un instant, lu faire oublier cette quête morbide. Il la trouvait toujours autant stupide, mais son cœur semblait passer outre…
Cependant, il ne fallait pas que se concentrer que sur les gens du Sanctuaire et de la Haute-Ville, le Héros n’a pas été élevé chez les cochons, mais surtout, il se rappelait d’où il venait, et savait quels gens étaient similaires à lui. Ce sont ces gens après tout qui lui ont donné, en premier, un nom pas péjoratif depuis qu’il était héros de la légende : « Nalo-vace », ou juste, Nalo, c’est mieux il pensait. Ces pauvres gens qui n’avaient rien, qui vivaient dans la crasse, la fiente et le sang, avec des meurtriers, des assassins, des violeurs, des psychopathes… ils arrivaient à garder le sourire grâce à leur propre héroïne Mala… non, Avelinélia. Le Héros ne voulait pas prononcer cette répétition stupide qui manquait de respect à sa lignée – la fée aptère des Basfonds l’avait remarqué ne lui a jamais rien dit, celui lui faisait un peu plaisir qu’il se préoccupe de ce genre de choses –, cette fée qu’il trouvait si brave, mais dont il ne fait pas oublier son fidèle compagnon, était l’astre qui rayonnait au-dessus de la misère de l’agglomération de ce pays, œuvrant pour la bonne vie de ces citoyens. Elle était, sans doute, la représentation parfaite de ce que les habitants attendent du héros de la légende, une totale ironie pour elle. Ironie qui s’ajoute à une autre puisqu’elle a eu en face d’elle, un homme qui était aux antipodes de ses valeurs, qui, pourtant, elle finit par comprendre et apprécier malgré les préconceptions qu’elle avait sur lui. Pareil pour le Héros qui la détesta au premier abord à cause de son adulation pour le héros de la légende mais finit par tant l’apprécier qu’il se laissât humilier à la face de tous pour sauver son honneur. S’il n’avait pas une promesse à tenir, sûrement qu’il aurait laissé gagner l’ « Héroïne des Basfonds de Sylvania ».
Être avec ces deux filles si différentes l’une de l’autre ne le laissait pas indifférent, juste penser à l’une d’entre elles emplissait son corps de sentiments qui lui étaient inconnus alors les deux. Oui, en définitif, il les aimait. Mais il n’aurait pas l’opportunité de choisir l’une d’entre elles car son destin ne lui permettait pas. S’il pouvait empêcher la naissance de la fée de la légende en tuant le Némésis au prix de sa vie pour que la Fée ne la devienne pas, alors il le ferait.
Désolé Avelinélia, c’est toi qui le mérites mais je dois le faire… pour que tu puisses vivre heureuse…
Les paysages du royaume de Sylvania lui manqueront, toutes ces choses qu’il avait vues et apprises, ces murailles fait dans cette carapace de cette tortue que la Fée avait nommé Lily, cette cuisine particulière constituée de nectar et de végétaux, cette architecture prenant place intégralement d’arbres et de pierres sans pour autant transformer déraciner les arbres et les transformer en petits bois, un urbanisme bien différent que chez les Hommes, ces soirées à se balader dans ces rues le rendant nostalgique d’une époque qu’il n’avait pas vécue avec le chant de la reine pour accompagner ces balades…
La reine…
Elle était au courant de son départ, mais ne l’avait pas retenu. Il savait qu’au fond d’elle, elle aurait voulu qu’il reste pour accomplir le vœu de sa défunte mère, qu’elle soit sa mère de remplacement, pourtant c’était impossible, elle le savait pertinemment. Comment pouvait-elle combattre ce Volonté qui lui avait laissé une marque indélébile sur la poitrine… et dans le cœur ? Ne l’arrêtait-elle pas parce qu’elle savait ce qu’il en courait d’être sur le chemin du Destin du héros de la légende ? Il lui avait fait comprendre à la dur.
Cette femme, le Héros l’aimait d’un profond amour incommensurable. Il aurait voulu passer plus de temps avec elle, cependant, elle avait ses obligations de reine et lui de champion… Se reverrait-il une fois destituée ? Pourquoi faire ? Elle ne comptait pas l’emmener avec elle en enfer.
Sa réflexion prit fin lorsqu’il un homme au teint chocolat et la chevelure blanche aux racines violettes dont les pointes se dirigeaient vers les cieux, ses yeux étaient d’un blanc nacré, cerné par de longues nuits blanches – sans doute pas causer par de longues nuits de travail ou d’études. Il portait des vêtements plutôt classieux, blanc et doré avec des mocassins allant de pair avec le reste de sa tenue. L’homme se tenait juste devant le cercle magique qui avait été effectué juste à l’entrée du royaume après la Forêt de l’Oubli juste à la frontière avec le territoire de la contrée de Kano.
Ça devait être celui qu’on nomme Seb’is.
- Étonné que je ne sois pas une fée, lui demanda le transporteur transspatial.
- Effectivement. Vous êtes quoi ?
- Un ecapse. Ne cherche pas, tu ne risques pas d’en avoir croisé beaucoup. Ils sont non seulement beaucoup recherchés pour nos pouvoirs mais en plus, nous sommes de nature insaisissables… Enfin, ceux avec qui je vivais avant que la reine me propose « une offre que je ne pouvais refuser ».
Toujours propres à elle-même malgré les époques, celle-ci.
- Tu as toutes tes affaires ? lui demanda le transporteur transspatial.
- Oui.
- Alors dis-moi ta destination et le cercle t’y emmènera.
- Vicenti.
- C’est d’accord.
Alors que Seb’is préparait le cercle, quelqu’un cria après le Héros, il se retourna et vit Avelilinélia, essoufflée. Le cœur du Héros fit un bond dans sa poitrine, il ne savait s’il devait s’en réjouir ou s’en inquiéter, mais… il était content qu’elle soit là pour son départ.
- Pourquoi t’es venue ? s’étonna le Héros cachant sa joie, et en plus, comment tu sais que je suis là ?
- C’est la reine qui m’a envoyé un message télépathique, lui répondit-elle à bout de souffle, pourquoi tu pars aussi soudainement ? On n’a même pas eu le temps de te remercier comme il se doit !
- Vous en avez déjà fait plus que vous ne pouvez le croire, et même si pour vous ça n’est rien, pour moi, ça compte.
- Oui, mais tu n’as pas besoin de partir le jour même. Qu’est-ce qu’il y a d’aussi urgent ?
- Combattre le Némésis, dit-il simplement en souriant, mais plus complètement avec le même but qu’au départ.
- Comment ça ?
- On pourrait croire que ce séjour à Sylvania ne m’a pas apporté grand-chose, mais vous m’avez donné la ferme conviction que je devais le combattre seul. Pour votre bien. Mon envie de détruire le monde s’est amoindrie car je me suis souvenu qu’il y avait des gens auquel je tiens et que vous méritez de vivre. Peut-être je ne pourrai pas recolorer le ciel mais au moins, vous n’aurez plus à craindre de la destruction du monde par le Maléfique et son envoyé.
- Mais aucun de vous n’a pu le faire, malgré toute la force que vous aviez…
- Pourtant, je vais devoir le faire puisque je suis le dernier héros de la légende.
- Qu’est-ce que tu veux dire ?
- J’ai dans l’espoir que si j’échoue, avec le combat que nous avons eu et les convictions que tu m’as montrées, la Volonté t’ira et que tu deviendras la plus grande héroïne parmi nous tous. Mais le Destin du héros ne m’indique rien alors, je prierai le Seigneur s’il m’arrive quelque chose que tu deviennes l’héroïne car…
- Tu veux dire qu’il faut que tu meures pour que je devienne l’héroïne de la légende ?
- Ou que je devienne un Némésis, voire un rang en-dessous. Je ne sais pas si c’est aussi réjouissant.
Seb’is indiqua que le portail était prêt.
- Bon, je crois qu’il est temps pour nous de nous quitter.
- Mais, même après tout ce qu’on a vécu, tu n’as pas envie de rester ?
Il se stoppa puis afficha un visage avec un sourire rempli de tristesse et de chagrin.
- Malgré toute la joie que vous m’avez apportée, j’arrive pas à oublier ceux que j’ai perdus. J’arrive pas à me résoudre à vivre. Je suis désolé, Linélia.
Le Héros entra dans le cercle, Avelilinélia tenta de le rattraper, il s’engouffra dans à l’intérieur du cercle de téléportation, elle essaya tant bien que mal de le rattraper mais alors qu’elle tenta de voler, elle trébucha et allait s’écraser par terre mais le Héros la réceptionna au dernier moment.
- Finalement, tu es aussi maladroite que ma princesse ! rit doucement le Héros.
- Je sais que si tu pars, tu ne reviendras pas…
- Il faut pas être aussi défaitiste, sourit-il, surtout que je te trouve…
Tous les deux se regardent, c’est comme si le temps était en suspens.
- Je trouve que tu es la personne la plus brave que j’ai jamais croisé de toute ma vie, alors perds pas ton temps à me poursuivre et va faire ce que tu fais de mieux, héroïne de Sylvania : aider les autres. Prends-le comme venant le héros de la légende puisque tu l’admires tant.
- Mais non, c’est pas cela…
Il lui attrape le menton et approche ses lèvres de son front et le lui embrasse.
- Je te rends ton bisou. Allez, cette fois, on se dit adieu… ou avec un peu d’espoir, on se dit au revoir, lui dit le Héros en lui faisant un clin d’œil.
Cette fois-ci, le Héros rentre dans le cercle de téléportation. La fée se tient le cœur, serrant les dents, et lui crie en Franca :
- Ne renonce pas à ta vie !
Le Héros se tourne vers elle, un sourire pincé et le regard désolé avant de disparaître sous les yeux incrédule de la fée aptère des Basfonds. Elle serra les dents et frappa le sol en criant son amertume.
À Vicenti, à peine avait-il atterri que le Héros se fit harponner au sens figuré comme au sens propre par une troupe de policiers de la ville. Tous le mirent en joue avec des armes semi-automatiques, des fusils laser, des lance-roquettes, des soldats qui installaient des mines à fragmentation, des claymores laser, d’autres policiers étaient positionnés, dans des immeubles, équipés de fusil de précision haut de gamme, en attendant la venue du commissaire de police. Celui-ci arriva dans un 4X4 de la marque Gear-O et descendit dans un smoking blanc nacré sur un hoverboard à roulette pour que ses mocassins tout neuf ne touchent pas le sol, il s’accroupit et saisit le visage du Héros en affichant un rictus sadique.
- Bon retour à Vicenti, Démon-Sans-Visage.
Pendant ce temps, alors que des magistrats et de nouveaux juges étaient élus maintenant que les fanatiques avaient été jeté en prison, personne ne se préoccupait des pièces à conviction qui se trouvait dans les locaux de la police militaire, ce qui permit à un mystérieux individu de s’infiltrer en son sein en assassinant tous les gêneurs qui croisaient sa route puis de se saisir de la lame vampire. Il la fixa et la retourna dans tous les sens vérifiant bien qu’il ne s’était pas trompé.
- Espérons que cela suffira à la réveiller complètement.
Il repartit avec l’objet de larcin en laissant tomber des mille pattes.
La raison pour laquelle la reine n’était pas venue au départ de celui qu’elle appelait tendrement « son fils » était qu’elle devait régler une histoire dans les Limbes. Elle prit l’ascenseur royal et descendit jusqu’à l’étage inférieur de cette prison souterraine, elle traversa le couloir qui l’entourait de tous les Fanatiques puis arriva à une cellule spéciale, elle avait droit à une antichambre avant qu’on puisse s’y engouffrer et le moyen d’y entrer n’était pas une clé mais une série de glyphes et une phrase spécifique. Une fois réalisée, elle entra dans l’antichambre, deux gardes impériaux fait de fer la fixèrent avant de lui céder le passage, elle entra dans la cellule où se trouvait une fée avec six paires d’ailes, une longue chevelure noire avec quelques cheveux blancs qui s’étendait jusqu’au sol, attachée de toute part jusqu’au bout des doigts pour qu’aucun ne rentre en contact avec les autres, elle était suspendue par ces chaines et des mailles de ces dites-chaines lui traversaient le corps que cela soit sur les bras et sur le ventre pour qu’elle ne puisse en aucun cas s’échapper. La reine Audisélia s’envola pour lui faire face et lui saisit le cou pour la regarder droit dans les yeux, malheureusement, les yeux de la prisonnier étaient clos, les paupières cousues.
- Depuis combien d’années ne nous nous sommes pas vues toutes les deux ? lui demanda la femme aux yeux cousus.
- Pour moi, il ne s’est pas passez de temps à mon goût. Surtout si c’est pour rendre visite à une mère spriggan.
Les choses se mettaient en place pour la conclusion de la légende du Héros et la Fée mais ce qu’aucun des protagonistes ne savaient, c’était le tournant dramatique qu’allait prendre leur vie à cause d’un seul choix de l’un d’entre eux : le choix du Héros à persister à mourir.
Quel choix feras-tu le jour fatidique, à la croisée des chemins, mon jeune enfant, toi le dernier de notre lignée factice ? Choisiras-tu la destruction de notre monde ou son renouveau ? Ou seras-tu le dernier d’entre nous à échouer ?
En attendant, notre destin continue à avancer sans s’arrêter vers notre inéluctable… revanche.
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