Les règles du jeu.

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Installer face à Costa, mon cœur battait sous la surface calme que j’affichais. Ce dernier s’accouda à la table, entrelaçant ses doigts avec une aisance qui respirait l’assurance. Rocco lui, s'était installer derrière lui, les bras croisés, un mur inébranlable prêt à intervenir au moindre faux pas.

— Alors Carter, murmura Costa en faisant à présent tourner un jeton entre ses doigts. Vous voulez travailler pour moi. Mais pourquoi devrais-je vous faire confiance ?

Je souris légèrement, jouant mon rôle à la perfection.

— Parce que je suis doué dans ce que je fais et que vous avez besoin de gens compétents. Votre casino est une machine bien huilée, mais même les meilleures structures ont leurs failles. Je peux être un atout.

Lorenzo laissa échapper un rire bref, amusé par ma réponse. Il aimait les défis, les esprits vifs, cela se voyait. Je devais donc être à la hauteur.

— Et quelles sont ces failles, selon vous ?

Je me penchai légèrement en avant, baissant la voix pour capter toute son attention.

— Vos tables VIP sont infiltrées par des tricheurs mieux organisés que vous ne le pensez. Vous perdez 3 % de vos revenus annuels à cause de joueurs qui exploitent les erreurs des croupiers. Vous avez un schéma de blanchiment bien conçu, mais vulnérable aux audits imprévus. Et surtout… Vous avez des hommes en qui vous ne devriez pas avoir confiance.

Son sourire s’effaça légèrement. Il savait que j’avais raison. Il effleura la surface de la table du bout des doigts avant de me fixer intensément.

— Vous parlez bien. Trop bien. Ça me rend méfiant.

Je haussai les épaules en réponse.

— Un homme dans votre position a raison d’être méfiant. Mais moi, tout ce que je veux, c’est un emploi.

Un silence s’étira entre nous. Le patron me jaugeait, pesant chaque mot, chaque expression sur mon visage. Finalement, il hocha la tête lentement.

— Dîtes moi Carter… Pourquoi est-ce que je devrais vous faire confiance ?

J'esquissai un sourire discret mais maîtrisé.

— Parce que je suis celui qui peut vous éviter d’avoir à vous poser cette question. Vous avez besoin de quelqu’un comme moi. Pas juste un consultant. Un stratège.

Le silence s’étira entre nous, seulement interrompu par les bruits feutrés du casino. Lorenzo me scrutais avec une intensité presque suffocante, cherchant sans doute à percer mes véritables intentions. Mais dans ce jeu de regards et de manipulation, nous étions deux experts. Puis, lentement, il se redressa et fit un geste à Rocco.

— Donne-lui un verre.

Ce dernier hésita une fraction de seconde avant d’obéir. Le patron prit en main son propre verre de whisky et en prit une gorgée avant de me fixer à nouveau.

— Très bien, Carter. Vous avez toute mon attention. Montrez-moi ce que vous savais faire.

Je su à cet instant que j'avait franchi la première étape. Mais je savais aussi que ce n’était que le début du jeu. Je décidais d'adoptais une posture décontractée, bien que je sois parfaitement conscient du regard acéré que me lançait mon hôte. Je marchais sur un fil, à la frontière entre la méfiance et l’intérêt et je devais donc faire très attention. Costa lui, finit par me poser une question fort intéressante.

— Que cherchez-vous exactement en travaillant pour moi, monsieur Carter ?

Cette fois, je lui adressais un sourire énigmatique.

— Un challenge. Vous avez construit un empire avec intelligence, et je pense pouvoir contribuer à le rendre encore plus prospère.

Lorenzo appuya son coude sur l’accoudoir de sa chaise, se penchant légèrement en avant.

— Un homme comme vous aurait pu choisir n’importe quelle grande entreprise légitime. Pourquoi un casino ?

— Le monde de la finance est ennuyeux, répliquais-je en attrapant mon verre. J’aime l’adrénaline du risque. L’incertitude. Les stratégies qui se jouent en coulisses.

Je porta la boisson à mes lèvres sans quitter Lorenzo des yeux. Ce dernier sourit légèrement, appréciant visiblement la réponse mais restant sur ses gardes.

— Vous comprenez que ce n’est pas un simple casino, n’est-ce pas ? Il y a des règles différentes ici.

A sa tirade, j'haussai un sourcil, feignant l’innocence.

— Je ne suis pas du genre à me plaindre des règles. Tant qu’elles servent mes intérêts.

Un silence s’installa de nouveau, pesant, presque électrisant. Lorenzo observait chaque détail de mon comportement: mon calme, ma manière de masquer mes émotions, l’aisance avec laquelle je jouais ce rôle. Il détestait ne pas avoir le contrôle total sur son environnement, je le savais, ce n'était pas difficile à comprendre. Finalement, après de longues minutes de réflexion, le patron du casino déclara:

— Bien. Mais comprenez ceci, Carter: ici, la moindre erreur se paie comptant.

Il se leva et Rocco en fit de même. Avant de quitter la pièce, Costa me lança un dernier regard perçant.

— Ne me décevez pas, Carter. Vous n’aurez pas de seconde chance.

Je laissai échapper un souffle discret alors que la porte se refermait derrière eux. J’avais gagné cette manche mais ce n'était que la première de toutes celles qui suivraient ensuite.

Je me levai lentement de ma chaise, mes muscles tendus par l’adrénaline qui battait encore dans mes veines. Ce face-à-face avait été éprouvant. Pas à cause de la peur – je savais à quoi m’attendre – mais parce que j’avais senti toute la puissance que Costa dégageait. Cet homme n’était pas seulement dangereux, il était fascinant.

Lorsque je sortis du bureau à mon tour, l’atmosphère du casino me sembla plus lourde qu’à mon arrivée. Chaque regard posé sur moi devenait une menace potentielle, chaque murmure un jugement silencieux. Rocco, postait non loin de là, me suivit du regard, une expression indéchiffrable sur le visage. Une part de moi savait que je venais de mettre le pied dans un monde dont on ne ressortait pas indemne. Une autre savourait déjà le frisson du danger.

Le véritable défi allait commencer demain et je n'aurai de repos que lorsque cette mission serait terminée. Qui sait, cependant, combien de temps cela me prendrais. Ce qui était certain, c'est que je venais de me jeter dans la gueule du loup. Vouloir attirer de cette façon l'attention de Lorenzo Costa relevait du suicide et je n'étais plus si confiant. J'avais pourtant passé beaucoup de temps à imaginer cette entrevue mais tout avait été au delà de ce que j'avais pu penser. Son regard inquisiteur, cette aura dangereusement menaçante, le moindre de ses faits et gestes calculés, ses paroles à doubles tranchants, ses menaces à peine voilés... J'en avais presque perdu le souffle et je n'étais parvenu à le reprendre qu'en sortant du casino. Pourtant, je savais que même en rentrant chez moi, je devrais rester sur mes gardes.

A présent, je n'aurais plus aucun moment de répits. Pas tant que je n'avais pas gagner le jeu qui venait de débuter entre nous.

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