Intégration.

6 minutes de lecture

Les jours qui suivirent furent un mélange d’observation, de calculs et d’adaptation. J'avais été recruté comme stratège financier, mais je savais que mon rôle ne s’arrêterait pas à des bilans comptables et des ajustements budgétaires. Ici, les chiffres cachaient des vérités plus sombres, des flux d’argent soigneusement maquillés pour échapper aux regards trop curieux.

Dès l’aube, j'étais plongé dans des dossiers épais, analysant des mouvements financiers qui semblaient anodins mais qui, sous mon regard d’expert, révélaient des transactions détournées et des comptes offshore bien trop garnis. J'étais là pour comprendre comment l’argent circulait… Et surtout, où il disparaissait.

Mon bureau, situé non loin de celui de mon patron, était spacieux mais impersonnel. Une large baie vitrée donnait sur la salle principale du casino, où les machines à sous clignotaient en permanence et où les croupiers maniaient les cartes avec une précision presque théâtrale.

Mes journées étaient rythmées par diverses tâches qui ne me laissaient que peu de répits. Entre autre, des vérifications comptables, épluchant les rapports financiers en recherchant des anomalies dans les comptes. Ou bien des échanges avec Rocco – Ce dernier, hostile, me testait sans cesse. Il me demandait d’expliquer des chiffres, de justifier des dépenses, comme s’il cherchait une faille dans mes compétences ou ma loyauté. Mais le pire rester les entrevues avec Lorenzo. Régulièrement, ce dernier passait me voir, s’appuyait contre mon bureau et m’observait en silence avant de me poser une question directe sur les finances. À chaque fois, j'avais la réponse et je voyais dans le regard du mafieux un intérêt croissant.

Chaque conversation avec Costa était une partie d’échecs où je devais jouer prudemment, ne rien révéler de mes véritables intentions.

Mais il y avait autre chose.

L’adrénaline.

Chaque nuit, lorsque je quittais mon bureau, j'avais cette drôle d’impression d’être épié. Et un soir, alors que je finissais une analyse sur une transaction douteuse, mon patron entra sans prévenir et s’appuya contre le chambranle de la porte.

— Tu travailles tard, Carter.

Je referma le dossier lentement.

— Je veux comprendre chaque détail avant de donner mon avis.

Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres.

— Et qu’est-ce que tu comprends jusqu’ici ?

J'hésitai un court instant. Devais-je mentir ou bien dire que je ne voyais rien d’anormal ? Je choisis finalement une demi-vérité.

— Que votre empire repose sur une gestion de précision. Rien ne dépasse. Rien n’est laissé au hasard.

Lorenzo me fixa un instant, puis hocha lentement la tête.

— Alors assure-toi que ça le reste.

Une question lancinante vient s'encrer dans ma tête alors que le mafieux se redressait. Était-ce un avertissement ou une invitation à entrer plus profondément dans l’engrenage ? Je n'eus pas vraiment le temps de m'épancher sur la question que mon patron me fit un signe de tête pour m'intimer de le suivre. Lâchant un discret soupir, je finis par lui emboitait le pas jusqu'à son bureau. La porte fut refermer lentement après mon arrivée, dans un grincement sinistre qui n'avait rien de rassurant.

Face à moi se tenait à présent un homme calculateur, prêt à écraser quiconque menaçait son empire. Une détermination sans faille qui aurait pu me faire frissonner si je ne savais pas garder un minimum mon sang-froid. Les pas de Lorenzo se firent entendre alors qu'il s'approchait d'un rangement, dont il ouvrit le premier tiroir. Ce dernier était rempli d'une dizaine, voir plus, de dossiers. Au vu de leurs épaisseurs, ils étaient plutôt bien fournis mais je n'eus pas le temps de m'attarder dessus.

— Regarde ça, dit Lorenzo en désignant une pile de dossiers. Ce sont des comptes. Ceux des gens qui me doivent des choses.

Je m'approchai et feuilleta les documents rapidement, mon cœur s’alourdissant. Chaque ligne représentait une vie brisée par la dette et la manipulation.

— Et ceux qui ne paient pas ? Demandais-je finalement, après de longues minutes de silence, jouant l’ingénuité.

Le mafieux me lança un regard glacial à m'en faire frissonner.

— Ils apprennent ce qu’il en coûte de défier Lorenzo Costa.

Ce fut un moment de vérité pour moi. Cet homme, avec toute sa complexité, restait un criminel impitoyable. Pourtant, malgré tout, une partie de moi hésitait. Était-ce de la fascination ? De la pitié ? Ou pire encore, quelque chose que je ne voulais pas admettre ?

Ce soir là, je rentra chez moi un peu perturbé. Ma mission me paraissait maintenant plus complexe qu'il n'y paraissait au départ mais je m'étais bien trop investit jusqu'à maintenant, pour vouloir tout arrêter là.

Le lendemain, je me trouvais dans la salle de réunion attenante au bureau de Lorenzo, celle-ci étant plongée dans une ambiance feutrée. Une lumière tamisée émanait d’un lampadaire d’angle, projetant des ombres sur les murs recouverts de tableaux représentant des scènes de jeux et de luxe. Le mafieux s’adossait contre le bord de la table, une tasse de café noir à la main, m'observant alors que j'examinais quelques documents éparpillés devant moi.

— Le chiffre d'affaires du dernier trimestre est impressionnant, commençais-je, brisant le silence. Mais il y a des anomalies dans certaines transactions. Des fonds passent par des filiales qui n’ont aucune raison d’exister.

Lorenzo haussa un sourcil, intrigué mais visiblement pas surpris.

— Des filiales fictives, tu veux dire ? Demanda-t-il calmement, prenant une gorgée de son café.

— Exactement. Je suppose que c’est votre façon de brouiller les pistes, mais certaines de ces opérations attirent l’attention des services financiers. Si quelqu’un fouille, ça pourrait compliquer les choses.

Le mafieux posa sa tasse et croisa les bras, un sourire amusé sur les lèvres.

— Tu sais, j’apprécie ton regard analytique, Carter. Mais tu es dans mon monde maintenant. Ici, les règles ne sont pas les mêmes.

Je relevai les yeux de mes papiers, fixant mon patron.

— Je comprends ça. Mais même dans votre monde, un empire ne tient pas longtemps sur des fondations fragiles. Si vous voulez que tout ça dure, il faut être plus subtil.

Ce dernier me regarda longuement, pesant vraisemblablement mes mots.

— Tu es un homme intelligent, Elijah. Mais il y a une chose que tu dois comprendre: Dans ce jeu, tout est calculé. Chaque filiale, chaque transaction douteuse, chaque nom sur un papier a une raison d’être.

Il s’approcha de la table et s’appuya dessus, ses yeux perçant les miens.

— La subtilité, c’est de savoir jusqu’où on peut aller avant que quelqu’un ne remarque. Et si quelqu’un remarque, il faut s’assurer qu’il n’aille pas plus loin.

Je soutins son regard, un mélange de respect et de défiance dans les yeux.

— Vous jouez avec le feu, dit-je simplement.

Lorenzo esquissa un sourire en coin.

— C’est ce que je fais de mieux.

Le silence s’installa un instant, seulement brisé par le bourdonnement léger de la climatisation.

— Et toi, Carter ? Me demanda t-il soudainement. Tu dis vouloir protéger cet empire, mais qu’est-ce que tu cherches vraiment ici ?

Il avait le don pour me mettre en porte à faux. J'hésitais une fraction de seconde avant de répondre, choisissant soigneusement mes mots.

— Je cherche à comprendre comment tout ça fonctionne. À voir jusqu’où je peux aller, moi aussi.

Un sourire approbateur se dessina sur le visage du mafieux.

— Intéressant. Tu sais, tu pourrais aller loin, très loin, si tu continues à penser comme ça.

Je baissai les yeux sur les documents, essayant de cacher l’inconfort que ces paroles suscitaient en moi.

— On verra, murmura-t-il.

Lorenzo posa une main sur mon épaule, un geste à la fois amical et possessif.

— N’oublie pas, Carter: Dans ce jeu, les cartes que tu choisis de garder près de toi sont celles qui te sauveront… Ou qui te détruiront.

Je hochai la tête sans répondre. À cet instant, je réalisai à quel point je marchais sur une corde raide. Chaque conversation avec Lorenzo ressemblait à une partie d’échecs, où chaque mot et chaque geste comptaient. Mais ce qui me troublait le plus, c’était qu’une part de moi commençait à apprécier ce défi. Et c'était... Perturbant et effrayant à la fois.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Emma.Wilson ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0