Entre les lignes.

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Point de vue : Elijah.

Quelques jours après mes débuts à l’Antre d’Or, la routine commençait à se mettre en place. Je m’acquittais de mes tâches sans faire de vagues, observant, écoutant et analysant chaque détail. Ce soir-là, après mon service, je pris le chemin d’un petit café discret à l’écart du tumulte du centre. Une clochette tinta lorsque je poussai la porte. L’endroit était calme, seulement occupé par quelques clients dispersés. Je repérai rapidement la silhouette familière assise près de la baie vitrée.

Je m’approchai et pris place en face de l’homme, qui était vêtu d’un manteau sombre et feuilletait un journal mais je savais qu’il m’avait vu entrer bien avant que je ne m’assois.

— Alors ? Demanda-t-il sans lever les yeux.

Je retirai ma veste lentement, prenant le temps de formuler mes pensées.

— Le casino est bien structuré mais certaines failles existent. Il y a des mouvements d’argent non déclarés, probablement des transferts hors des circuits officiels. Lorenzo garde la main sur tout mais il écoute attentivement ce que lui rapporte son entourage, notamment son bras droit.

L’homme hocha la tête, prenant mentalement note de chaque information.

— Et Costa ?

Je marquai une pause.

— Intelligent et très méfiant. Il teste constamment ceux qui l’entourent. Moi également.

Son regard se fit plus perçant.

— Et toi ?

— Je tiens le coup.

Il posa son journal et me fixa plus fermement.

— Reste prudent, Elijah. Ces gens-là ne font pas de cadeaux. Ne baisse jamais ta garde.

— Je sais, répondis-je plus bas.

Un silence s’étira tandis qu’il finissait son café. Quelques banalités plus tard, il se leva pour partir, me laissant seul avec mes pensées et mes craintes bien enfouies. Assis au fond du café presque désert, je laissai mon regard errer sur les lumières vacillantes au-delà de la vitre. Le murmure des conversations lointaines se mêlait au cliquetis régulier des cuillères frappant la porcelaine. Pourtant, mon esprit était ailleurs, absorbé par les paroles de mon supérieur.

"Ne baisse jamais ta garde."

Comme si c’était si simple. Chaque minute passée à l’Antre d’Or était une partie d’échecs à haute tension. Je savais ce que j’avais à faire mais la prudence restait ma seule alliée. Et Lorenzo Costa… Il était bien plus intelligent et méthodique que je ne l’avais anticipé.

Je pris une gorgée de mon café tiède, le goût amer glissant sur ma langue et laissai mes pensées dériver vers lui. Chaque interaction avec lui était un jeu d’équilibre précaire. Il testait ma loyauté, je testais ses failles. Mais il était clair qu’il ne faisait confiance à personne et encore moins à un nouveau venu. Pourtant, il y avait autre chose. Une curiosité qu’il ne dissimulait qu’à moitié. Il m’observait de trop près et je ne pouvais ignorer cette sensation brûlante, cette impression qu’il creusait sous la surface, cherchant à percer mes secrets.

Je poussai un léger soupir, massant mes tempes du bout des doigts. Il fallait que je sois plus malin. Plus fluide. Si je voulais me rapprocher de mon patron, je devais anticiper ses mouvements, le surprendre avant qu’il ne me prenne en défaut. Ma main effleura machinalement mon poignet, là où se trouvait la montre discrète qui cachait un micro miniature. Aucune information capitale ne devait être révélée trop tôt, pas avant d’avoir établi un profil plus complet de l’organisation.

"Approche-le, mais pas trop vite."

Je le savais. Mais entre la prudence et le danger, il n’y avait qu’un pas. Et avec Lorenzo Costa, ce pas risquait de me coûter bien plus que je ne voulais l’admettre.

Je restai assis un moment après son départ, mes doigts jouant distraitement avec la anse de ma tasse vide. À l’extérieur, les lumières tamisées du café contrastaient avec l’agitation électrique de Las Venturas. Pourtant, même dans ce calme apparent, mon esprit tournait à plein régime.

Costa n’était pas un homme facile à approcher. Chaque mot, chaque geste comptait dans ce jeu dangereux où la moindre erreur pouvait me coûter bien plus que ma couverture. Il me testait. Je le sentais. Mais comment franchir cette barrière qu’il érigeait autour de lui ? L’observation était la clé. Apprendre ses habitudes, comprendre ce qui déclenchait sa méfiance ou au contraire, ce qui désarmait sa vigilance. Je devais être patient mais le temps jouait aussi contre moi.

Je repensai à la nuit précédente. Mon patron m’avait emmené avec lui pour récupérer une dette. Une simple démonstration brutale de pouvoir et de ce qu’il était prêt à faire pour maintenir son contrôle. Mais c'était également un avertissement à peine voilé. Il avait cherché à tester mes limites, à voir si j’étais assez solide. Il voulait voir jusqu’où j’étais prêt à aller, jusqu’où je pouvais encaisser sans flancher. J’avais tenu bon mais je savais qu’il ne s’arrêterait pas là. Je savais qu’il n’était pas encore convaincu. Pas entièrement.

Ma priorité, désormais, était de me rendre indispensable. Si je voulais me rapprocher de lui, je devais prouver que j’étais plus qu’un simple employé. Quelqu’un sur qui il pouvait compter.

Un léger soupir m’échappa alors que je me redressai. Je ne pouvais pas rester ici plus longtemps. Plus je traînais, plus je risquais d’attirer l’attention. Je me levai finalement, laissant quelques pièces sur la table et quittai le café, les lumières criardes du Strip illuminant l’obscurité. L’air nocturne me frappa au visage, glacé et vif, mais mon esprit restait embrouillé.

Garde la tête froide, Elijah. Ce n’était qu’un jeu. Un jeu dangereux où chaque erreur pouvait être fatale mais j’étais prêt à aller jusqu’au bout. Je n'avais d'autres choix. Demain, je devrais trouver un moyen d’avancer. Un faux pas et tout s’écroulerait mais si je jouais bien mes cartes… Peut-être pourrais-je enfin percer l’armure de Lorenzo.

Le lendemain, je poussai la porte de l’Antre d’Or avec un plan risqué en tête. Depuis plusieurs jours, j’observais les habitudes des clients, les dynamiques des tables et une idée avait germé. Si je voulais m’imposer dans l’entourage de Costa, je devais prouver que j’avais plus à offrir qu’un simple œil attentif.

La salle principale vibrait d’une énergie fébrile. Des rires feutrés, le tintement des jetons, le bruissement des billets qui changeaient de mains. J’aimais cette tension sous-jacente, cette impression que tout pouvait basculer d’un instant à l’autre mais aujourd’hui, je n’étais pas là pour contempler.

Je traversai la foule et me dirigeai vers la mezzanine où Lorenzo supervisait les opérations. Il était là, impeccablement vêtu, un éternel verre de whisky posé à portée de main. À ses côtés se tenait Rocco, fidèle et menaçant, observant la salle comme un prédateur guetterait sa proie.

— Carter, lança Lorenzo en m’apercevant, sa voix aussi tranchante que son regard. Tu as quelque chose pour moi ?

Je pris une inspiration discrète avant de m’approcher.

— Une idée pour augmenter vos recettes, répondis-je, adoptant un ton neutre. Un tournoi de poker clandestin, sur invitation uniquement.

Son intérêt s’éveilla, perceptible dans la manière dont il se redressa légèrement.

— Explique-moi.

Je posai les bases rapidement.

— Des mises élevées, aucun plafond. Vous sélectionnez vos joueurs : des habitués fortunés et quelques nouveaux visages prometteurs. L’exclusivité attire toujours. Si on alimente les rumeurs, l’attrait du mystère fera le reste.

Costa fit tourner lentement son verre entre ses doigts, silencieux. Quant à moi, je continuai, mesurant chacun de mes mots.

— Ce genre de tournoi pousse les joueurs à dépenser sans compter, à chercher à prouver qu’ils dominent les autres. Vous maîtrisez les conditions, les gains et surtout… Les pertes.

Un sourire lent, presque carnassier, se dessina sur ses lèvres.

— Intéressant. Et pourquoi penses-tu que ça marcherait ?

Je soutins son regard.

— Parce que l’Antre d’Or ne se contente pas d’être un casino. C’est un symbole. Vous offrez plus qu’un jeu : une expérience. Et les hommes riches paient cher pour se sentir invincibles.

Le silence s’étira. J’attendais son verdict, sachant que je venais de poser mes cartes sur la table.

— Tu prends des risques Carter, murmura-t-il enfin.

— Rien que vous ne puissiez gérer, rétorquai-je avec un léger sourire.

Mon patron échangea un regard rapide avec Rocco, puis reporta son attention sur moi.

— Organise-le, tu as carte blanche. Mais si tu te plantes…

Il ne termina pas sa phrase, il n’en avait pas besoin.

— Je ne me planterai pas.

Je pivotai pour quitter la mezzanine, un mélange d’adrénaline et de tension crispant mes épaules. J’avais gagné un peu plus de sa confiance mais je savais aussi qu’à la moindre erreur, il ne me le pardonnerait pas.

Le jeu venait de prendre un tout autre niveau.


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Bien le bonsoir !

Un nouveau chapitre de posté, n'hésitez pas à me donner vos avis =)

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