Acte I

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Plusieurs années plus tard,

La cloche de la ville sonne. Je regarde le ciel. Bleu, dégagé, comme d'habitude. Des oiseaux passent au-dessus de moi, comme si une brèche dans le ciel s’était ouverte nous permettant de voir un autre monde inaccessible. Depuis toujours, ma survie dépend de larcins en tout genre. Il y a quelques années un accident m’est arrivé et suite à cela j’ai décidé d’aider les plus pauvres afin qu’ils n’aient à subir la même douleur que moi.

Les opulentes demeures de la ville riche débordent de richesses inutiles tandis que, dans l’ombre, des âmes affamées tendent des mains vides. Alors, je prends aux nantis non par avidité, mais par nécessité, et je redistribue ce que je leur arrache à ceux que la vie a oubliés. Mon arme : des grenades et des pistolets fabriqués par moi-même. J’en dispose de plusieurs sortes avec des explosifs, de la lumière, de la gomme ou de la poudre de couleur. Aujourd’hui je vise une des familles les plus fortunées de la cité. Le bâtiment est assez grand, on pourrait l’assimiler à une maison de maître, avec de nombreux gardes et des murs immenses protégeant la propriété. À environ une dizaine de mètres d’un de ces murs, une épaisse forêt pousse depuis des générations.

La nuit tombée, dissimulé parmi les branches de ces arbres âgés pour certains, je patiente jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucun son ni geste. Dès que je suis certain que tous les membres de la maison dorment, je me lance. Je suis ici sur le rempart. La branche sur laquelle je suis perché tremble légèrement sans émettre aucun son. Il n'y a aucune garde en vue, et j'aperçois une longue tige de lierre qui se développe du côté intérieur, à quelques pas de ma position. En m'abaissant, je me joins au lierre et descends silencieusement. Une fois arrivé sur place, je vérifie que je suis toujours seul avant de me rendre au cellier. Il est situé de l'autre côté du bâtiment, je m'efforce donc de faire le tour aussi discrètement que possible. Alors que je passe devant le premier flanc du bâtiment, je remarque un garde qui n'a pas encore tourné son regard vers moi. Sans tarder, je saisis mon pistolet, choisis la gomme pour un simple assommage et tire. Il est touché à la tête par le tir, s'effondre et je poursuis ma route. Devant la porte, je l'ouvre délicatement et elle pivote sur ses charnières - un malheureux a négligé de la fermer - .

Je me faufile à l’intérieur et là un spectacle magnifique s’offre à moi. Des miches de pain dorées, des légumes et des fruits frais, de la viande, du poisson et des œufs à profusion. Je commence à mettre le maximum de tout lorsque j’entends une voix.

“N’as tu pas honte de voler tu sais très bien que plus personne ne meurt de faim depuis des années.” C’est encore dans ma tête. Mon frère qui me sermonne. Mes camarades sont morts il y a des années dû à une expérience qui a mal tourné par ma faute. Depuis lors, il hante mes pensées ainsi que mes camarades. Les autres entament immédiatement leurs terribles chuchotements qui ne cessent jamais. Je secoue la tête pour les faire partir puis lui ordonne de se taire. Comme cela ne s’arrête pas, je reprends mon sac et sors dans un bruit infernal. Cette situation a inévitablement entraîné l'arrivée de tous les gardes de la propriété, mais étant profondément en colère et avec ma tête tambourinant, je sors mes grenades, mon pistolet et lance la première grenade de lumière.

L’éclat est tel que les gardes en sont aveuglés, tranquillement, je me glisse derrière eux tandis qu’ils tentent de voir une quelconque ombre malgré leurs yeux éblouis. Pendant quelques secondes, je les regarde, ces hommes et ces femmes qui ont dédié leur vie à protéger ce domaine, puis porte la main à ma ceinture, saisis une grenade explosive et la lance. Les plus proches de moi tombent, tandis que les autres, plus loin, déterminent ma position et, me voyant enfin, m’attaquent de front. Je sors à présent mon pistolet et tire. Un coup, deux coups, trois coups, tous les touchent. Lorsque je remonte sur le mur, l’herbe est jonchée de leur sang. Je redescends du côté bourg, traverse le pont qui sépare les quartiers riches et des quartiers pauvres et m'enfonce dans les tréfonds de la cité.

À mesure que je progresse vers notre ancienne planque qui me sert aujourd'hui de résidence, les voix se taisent une à une. J’ouvre la vieille porte à vitraux et entre dans l’univers poussiéreux dans lequel je vis. Je pose le sac de vivres à terre, allume le vieux phonographe et lance ma musique préférée. Dans un coin de la pièce, se trouve un vieux fauteuil vert écaillé où mainte et mainte personnes se sont assises. Je m’en approche en chantonnant et m’affale dedans. Je ferme les yeux et la journée repasse dans ma tête. La belle maison, les gardes, la nourriture à foison, le combat puis la fuite. Pour la première fois depuis longtemps, je sens la solitude et la fatigue s’emparer de tout mon être. Mon esprit vagabondant, je finis par m’endormir avec la musique toujours à fond.

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