cca di li vermi su' manciatu tuttu
[Entre Catane et Taormine, 2208]
La mort a le visage d’une N-GE.
Elle jaillit de la BMW Gespenst Vantablack garée sur la falaise. Son corps d’amazone affutée découpe l’aube. Les rayons rasants la mer auréolent ses interminables boucles blanches. L’éclat des fusils d’assaut des hommes du clan Bianchi, postés en hauteur, profèrent de sinistres promesses dans son dos tandis qu’elle se coule sur le sentier sinueux vers la plage. Don Elmo Bianchi, le garant de cette négociation, la flanque.
Pieds dans le sable, Volpino réprime un frisson à cette vision quasi-mystique. Madone guerrière et Père tout-puissant, bras dessus, bras dessous, qui descendent vers lui et ses complices. Il se souvient du regard pétrifiant du parrain et de l’amusement chez l’N-GE, statue d’ivoire tutélaire, lorsqu’il a supplié, à genoux et à poil, pour mettre fin à cette guerre fratricide opposant son clan, les Arcuelo, aux Caponi.
Les cautions sont solides. Don Elmo y a veillé. Otages proches des deux côtés ; fouilles intégrale avant d’être conduits-là, par les Bianchi, sac sur la tête, dans cette crique déserte, à une éternité de Catane.
Un coup de coude de Berto le ramène aux petits graviers dans ses chaussures.
— C’est pas ce que tu voulais hein, Volpino ? Jouer dans la cour des grands ?
La voix taquine, quoiqu’anxieuse. Dix de ses gars s’alignent sur la rive. Personne n’en mène large. La configuration est propice à un piège, mais Volpino ravale ce commentaire. Des galets roulent sous sa semelle pour tromper ses nerfs. Impossible de se débiner, maintenant. Sa place de chef, il l’a arrachée avec les dents. Et parce qu’il n’a pas voulu partager le port de Midipolia avec les Caponi, il a dû requérir un puissant pour l’arbitrage. Gaspillage d’argent et de mains-d’œuvre, a-t-il fait valoir à Don Elmo.
Le vieux parrain a acquiescé, compréhensif, calculateur. Volpino n’est pas dupe. S’entre-tuer ou se faire avaler par la Stidda… L’arrangement du jour n’en est pas vraiment un. Ni le choix du lieu, ou de l’heure.
Arrivé à leur niveau, Don Elmo le salue à peine puis s’éloigne pour goûter la température de l’eau. Une subtile façon de prendre de la distance dans l’attente du dernier concerné – le seigneur Caponi. L’N-GE, face à Volpino, le gratifie d’un sourire torve, comme si elle riait encore du petit renard larmoyant Arculeo, mignon, futé et surtout obéissant venu supplier l’avant-veille.
Volpino se perd dans la contemplation de cette albinos génétiquement optimisée, attachée aux Bianchi. Cette N-GE conçue en cuve, du haut de gamme datant de la guerre sino-russe, possède cette beauté éthérée et cruelle propre à ceux qui n’appartiennent pas à notre monde. Elle semble presque juvénile, si gracile, mais sa sérénité laisse lire une autre vie ; une existence belliqueuse.
Tout va partir en vrille. Cette certitude se plante entre les côtes de Volpino.
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