Chapitre 11 : Le monstre à retoquer à la porte
Marvyn
***
Je m'avance vers sa direction et la prends dans mes bras. Subitement, elle se dérobe et fait « non » de la tête.
- Ne me touche pas, je ne te mérite pas. Je suis un monstre. Je... .
Ne supportant plus ces mots ignobles et rabaissant qui servent à la détruire, je place mes mains sur ses joues, lève sa tête et la force à me regarder dans les yeux.
- Retire ces mots de ta pensée.
- Comment... ?
Comprenant où elle veut en venir, je décide de laisser le fond de ma pensée traversée ma bouche sans limite.
- Elisa, écoute moi bien. Tu n'es pas un monstre, mais une humaine. Une femme qui essaye de se sortir bien que mal de ce que la vie lui inflige. À l'heure actuelle, tu devrais être à terre, mais tu es là, à tenir sous les coups. Tu te répètes que tu préfères la noirceur, mais depuis que tu es rentrée dans ma vie, j'ai pu voir la lumière qui habite en toi, et elle est bien plus lumineuse que tu ne le penses, ou que tu ne l'acceptes pas d'ailleurs. Je refuse de t'entendre dire ça alors que tu vaux bien mieux que ceux qui t'ont fait du mal.
« Le jour où tu m'as demandé si mes parents étaient d'accord pour que je t'héberge chez toi, je ne t'avais pas vraiment répondu. En réalité, je n'ai plus vraiment de contact avec eux. »
Ses larmes redoublent sous mes paroles.
- J'ai l'impression d'être seule, j'ai envie d'abandonner et de lâcher à tout jamais ce poids qui me pèse sous les épaules. J'y arrive plus, je... j'en ai marre de combattre contre moi-même, contre mes sentiments, mes émotions, mes peurs, mes traumas. Je crois que d'ici peu, je vais m'effondrer, mentalement que physiquement parlant.
Je recueille chacun de ses mots, bien qu'ils forment un enchaînement de coups de poignard au niveau de mon cœur. Je sens celui-ci saigner de plus en plus face à sa douleur, j'entends les larmes de mon âme raisonner face à sa souffrance, je suis transporté dans un flux d'impuissance extrême. Tout ce qu'elle ressent, je le ressens aussi. Ça me fait mal, au point où je me demande comment elle fait pour être encore là, à continuer à se battre.
Je rapproche mon visage du sien et implante mon regard du sien.
- Tu n'es plus seule, je suis là.
Une lueur de douceur passe dans ses pupilles, ma respiration se raccourcit face à l'intensité de ce qui se passe dans ses iris.
- Comment arrives-tu à être si... ?
Je déglutis face au changement de sa voix.
Elle est... .
- Si... ?
Son visage s'approche du mien. Son souffle chaud caresse ma peau. Je frisonne.
Comment peut-on résister à une femme comme elle ?
Un silence plane entre nous, ne laissant que nos pensées remplit l'air qui nous environne. Plus le contact visuel se prolonge, plus mon rythme cardiaque s'accélère. Mon regard se dépose sur sa bouche, j'avale difficilement ma salive, résistant à une douce tentation qui tiraille ma pensée. Lorsque ses iris rencontrent les miens, je remarque qu'elle se pince la lèvre inférieure. Une vague d'une bouffée de chaleur extrême traverse tout mon corps. Mon esprit est embrumé, m'empêchant d'avoir toute réflexion.
Bordel de merde, qu'est-ce qui m'arrive ?
Instinctivement, je réduis l'espace entre nous.
« Je ne peux pas. »
Je m'arrête, me rappelant ce qu'il s'est passé avant qu'elle ne s'endorme.
~
Elisa
Je suis au point de craquer. Je sais que je ne le devrais pas. Si je cède, ce désir, qui m'est totalement interdit, me mènera à ma perte. Mon cœur, inanimé, bat frénétiquement. Je peine à remplir correctement mes poumons d'air.
Je ne dois pas céder.
Je ne dois pas céder.
Je ne dois pas céder.
Depuis que cet homme sème le chaos entre mes convictions, mes obligations et enfin... mes désirs. Cette phrase tourne en boucle dans mon esprit depuis tout à l'heure.
Il suffit d'un geste, d'un mot et mes barrières s'effondrent.
- Moon, murmure Marvyn de sa voix grave et profonde.
Et puis merde.
***
Mes yeux s'ouvrent tout doucement. Je me rends compte que mon rêve n'est qu'un flash-back de cette nuit.
Heureusement que mon téléphone a sonner.
J'allais entraver une des règles les plus importante.
Pour lui... .
La chaleur qui m'entoure est agréable. C'est à ce moment-là que je me rends compte que l'homme avec qui je cohabite à ses bras enroule autour de ma taille. Blotti contre lui, je sens son rythme cardiaque et son souffle réguliers, contrairement aux miennes qui deviennent affolées. Mon regard se pose sur ce fameux tatouage : « Yesterday's shadow is today's light ».
Cette phrase raisonne dans mon cœur.
~
Marvyn
Je me réveille subitement.
Fait chier !
Je me maudis intérieurement, regrettant amèrement de ne pas pouvoir terminer de me remémorer la soirée d'hier soir.
Foutu sonnerie.
La frustration revient en moi. C'est à ce moment-là que je sens des picotements situer sur mon tatouage au niveau de mon cou. Je baisse les yeux et remarque qu'Elisa en train d'admirer cette phrase qui m'est chère. Ma respiration devient courte, mon cœur s'affole et je contemple son visage.
Je ne pourrais jamais me lasser.
Ses yeux rencontrent les miens, la surprise se dessine dedans. Un sourire étire mes lèvres.
- Bien dormi, Moon ?
Un rictus apparaît sur sa bouche, illuminant son expression faciale.
- Je dois avouer que ça m'a manqué de pouvoir avoir un sommeil réparateur.
Mon cœur rate un battement face à son aveu. Je jette un coup d'œil vers le réveil.
- C'est sûr que se réveiller à quinze heures trente ne peut qu'être réparateur.
Elle bondit sur ses jambes, prenant un air effrayé.
- Tu as bien dit : «quinze heures trente » ?
Je fronce les sourcils.
- Oui. Pourquoi ?
- Putain ! Mon rendez-vous est dans vingt-cinq minutes !
Quel rendez-vous ?
Elle revient, cette nuit, blessée et pourtant, ça ne l'empêche pas d'aller quelque part plusieurs heures plus tard !
Cette femme est vraiment folle !
La voyant courir dans tous les sens, je me retiens de lui poser la question. Des objets tombent, d'autres se retrouve balancer au fond d'un placard, des portes se claques, d'autre s'ouvre, toute son agitation et sa panique forme un vacarme effarant.
Un sourire se dessine sur mes lèvres, amuser par ce côté de sa personnalité.
Celui qu'elle ne montre presque jamais.
Elle est un véritable mystère, celui qu'on ne rencontre qu'une fois dans sa vie, celui qui marque à jamais une conscience.
Celui que je ne pourrais jamais oublier.
- On se revois tout à l'heure, cris Elisa !
Puis la porte claque.
~
Elisa
Je cours vers ma voiture malgré la légère douleur qui picote dans les jambes.
Merde !
Comment j'ai fait pour dormir autant ?!
« Tu ne pourras jamais dormir correctement à partir du moment que tu ne sentiras pas en sécurité. »
Je démarre et allume ma playlist. Je sors de mon véhicule et regarde l'heure.
15h55.
J'y ai échappé belle.
Je rentre dans la boutique.
- Tu as l'air d'une folle qui a couru un marathon de cinquante kilomètres !
Je rigole face à son air ahuri.
- Bonjour Lean,
Elle me sourit d'un air amusé.
- Alors ? Je te fais quoi aujourd'hui ?
- Tu te rappelles du dessin que je voulais ?
Elle jette un coup d'œil vers sa tablette graphique et hoche la tête.
- J'aimerais y apporter une modification.
Ses épaules s'abaissent.
- Tu sais combien de temps, j'ai passé sur ton motif ?
- Oui, je sais, mais ça ne changera rien au travail que tu as fait. C'est juste une légère retouche.
Elle plonge son regard dans le mien et un combat visuel s'installe.
- Je te préviens, si tu me dis que tu préfères, au final, l'original, tu auras le droit à mes griffes.
Je glousse face à sa menace.
- Oui Lean.
Elle me passe sa tablette et je commence la modification. Une fois terminer, j'admire le résultat. Lean me le prend des mains et lorsque ses yeux se posent sur le nouveau motif, son visage s'illumine.
- Il est juste... .
- Parfait, complète Elisa.
Nos yeux se croissent et nous comprenons qu'il ne reste plus qu'une chose à faire :
Graver dans ma peau ce dessin maintenant symbolique.
***
- Merci beaucoup Lean de m'avoir laissé apporter des retouches de dernière minute !
Un rictus apparaît sur ses lèvres.
- Avec plaisir Elisa. À une prochaine.
- Oui.
***
Arrivée devant notre appartement, mon cœur commence à battre à vive allure.
J'appréhende sa réaction.
Je prends une grande inspiration, ouvre la porte et rentre chez nous. Marvyn apparaît dans mon champ de vision et me pointe du doigt.
- Il est vingt heures Elisa ! Qu'est-ce que t'as foutu pendant tout ce temps !
- Je me suis promené, j'ai pris l'air, je me suis fait plaisir. Et surtout, j'ai fait ça... .
J'enlève le pansement qui parcourt toute ma clavicule et dévoile le tatouage encré dans ma peau.
~
Marvyn
Des petites roses parsèment sa clavicule. Des lettres, puis des mots et enfin une phrase prends forme sous mes yeux.
« Between yesterday and today, this soul has turned my whole world upside down. »
Entre hier et aujourd'hui, cette âme a bouleversé tout mon univers.
Mon rythme cardiaque s'accélère.
- Pourquoi, demande Marvyn dans un souffle ?
L'indifférence prend place sur son visage.
- Parce que j'en avais envie, déclare Elisa en osant les épaules.
Non.
Pas ce masque.
- Et je peux avoir une réponse, de toi et non du rôle que tu joues ?
Ses yeux s'agrandissent sous la surprise.
- Je... .
~
Elisa
Il a réussi à percevoir les fissures de ce masque.
Il a réussi à voir la personne que je suis, et non celle que je joue.
Il... .
~
Marvyn
Elle reste silencieuse. Les larmes d'impuissance me montent aux yeux.
J'en ai marre.
J'en peux plus.
Ma gorge se dessèche, et sans que je peux la retenir, une larme se déverse. Son regard se brise, elle serre ses poings et contracte sa mâchoire.
- Je ne voulais pas te blesser Marvyn.
Je suis incapable de parler, la douleur physique n'est que l'écho de ma souffrance émotionnel.
Je me sens impuissant, face au mur qu'elle dresse devant moi.
Elle prend une grande inspiration et implante ses iris dans les miens.
- Si j'ai tatoué cette phrase, c'est parce qu'elle m'est symbolique. C'est ma manière silencieuse de te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi.
Ma gorge se desserre, mon âme s'apaise et ma respiration devient, à présent, courte.
Je m'apprête à prendre la parole lorsqu'elle me devance :
- Je détestais le rire, je fuyais les personnes lumineuses, je croyais que mon cœur était mort. Sauf que malgré moi, tu as réussi à me faire goûter à la joie sans que mes traumas ne reviennent à la surface, tu as réussi à faire en sorte que t'as compagnie me soit... nécessaire. Et tu as réanimé mon cœur en devenant son point d'ancrage. Je ne voulais pas t'approcher pour ce que tu propageais. Pourtant... il y a bien une chose que j'accepte d'admettre.
Elle prend une légère pose avant de prononcer :
- Bien que ma raison s'entête à se dire le contraire, tu me troubles bien plus que je ne le voudrais.
Son aveu me coupe le souffle. Je n'arrive plus à parler ni à pensées. Sans m'en rendre compte, je m'approche d'elle et la prends dans mes bras. Une douce chaleur enveloppe mon âme.
C'est à ce moment-là que je réalise que cette femme a pris mon cœur sans que je ne m'en rende compte. Je comprends, à présent pourquoi j'ai tout fait pour l'aider bien qu'elle me rejetait sans cesse, que malgré ma répugnance pour la violence, je n'avais pas hésité une seconde pour la venger des attouchements sexuelles qu'elle à subit d'Alonzo. J'aurais pu abandonner face à ses barrières, mais je ne l'ai pas fait, j'ai persévéré.
Depuis que cette femme est rentrée dans ma vie, elle m'a poussé au-delà des limites que je croyais irremplaçables. Toutes mes pensées, mon instinct, mon comportement, ma raison, mon cœur et mon âme étaient guidés par un sentiment que j'ignorais et, qui pourtant, grandissait en moi.
« Le jour où tu tomberas véritablement amoureux, c'est lorsqu'une femme te mettra à ses pieds et que tu seras prêt à brûler le monde entier pour la garder auprès de toi. »
Je suis tombé pour elle.
Ses bras s'enroulent autour de moi et je sens sa tête se poser sur mon torse. De notre proximité, je perçois les battements irréguliers de son cœur.
«...tu me troubles bien plus que je ne le voudrais. »
Un sourire élargit mes lèvres. Aucun de nous deux bougeons, jusqu'à qu'une sonnerie de se fait entendre.
Putain !
Je me détache à contrecœur d'elle et me dirige vers mon téléphone, je décroche et je tombe sur une voix épurée.
- Marvyn !
- Oui ?
- C'est Victor. Il faut que tu viennes à l'hôpital. Tout de suite !
Sa panique m'imprègne soudainement.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- C'est Alonzo.
Mes muscles se tendent violemment sous ce nom.
Faite, qu'ils n'ont pas découvert ce que j'ai fait.
- Dis-moi en plus !
- Il a pété un plomb ! Il... il...
À bout de nerfs, je me retiens de lui crier d'arrêter de tourner autour du pot.
- Il a fait quoi !
- Il s'est attaqué à ton petit frère. Le pronostic vital de Rio est engagé.
Mon téléphone tombe par terre en même temps que j'ai l'impression d'être pris dans un ouragan de ténèbres. La panique ne fait que de s'accentuer. Ma raison prend le dessus et je pars directement mettre mes chaussures. Une fois fait, je sors de l'appartement et rentre dans ma voiture. Alors que je m'apprêtais à partir, la porte du côté passager s'ouvre et Elisa s'installe.
- Tu ne pensais comme même pas que tu allais partir sans moi.
Mon cœur rate un battement, malgré les tourments qui sont en train de se déchaîner à l'intérieur de moi.
- Jamais, Moon.
Je démarre, roulant au-dessus des vitesses réglementaires, cette phrase tourne en boucle dans ma tête :
« Le pronostic vital de Rio est engagé. »
Je vais le tuer.
Il s'est attaqué à Elisa. Maintenait, c'est Rio qui subit les conséquences de sa perversité.
Qui sera le prochain ?
Il n'y en aura pas, souffle la voix dans sa tête avec détermination.
Une fois arriver, nous sortons du véhicule et claquons en même temps les portières. Je commence à courir, me dirigeant directement vers le couloir que Victor vient de m'envoyer. Les personnes défilent autour de moi, les portes passent une à une, laissant une chaîne de noms que je connais, depuis bien longtemps, par cœur. Après, je ne sais combien de temps à courir, je me retrouve enfin face à mon ami.
- Il est où ce connard ?
- Au poste de police.
- Je peux aller voir Rio ?
- Non. Le personnel nous a juste dit qu'il souhaitait te voir.
Je jette un regard à Elisa.
- J'ai un appel à passer. S'il se passe quoi que ce soit que tu souhaites que je sois tenu au courant, je suis juste dehors.
~
Elisa
Marvyn et Victor hochent la tête. Je me retourne, leur tournant, ainsi, le dos et part vers l'extérieur du bâtiment. L'air froid, gifle ma peau. Un vif frisson parcourt mon corps. Je sors mon portable et appel Tyanna.
- Bonjour ?
- Tyanna, c'est Elisa.
- Ohhh, comment vas-tu ! ?
- J'aurais aimé te dire bien, mais ce serait te mentir.
- Qu'est-ce qui se passe ?
Son ton est devenu sérieux.
- J'aurai besoin que tu me mets sous silence Alonzo Rann.
- Motif ?
- Agression physique sur mineur et attouchements sexuels.
Le son de touche tapé s'enchaîne. J'entends une porte s'ouvre puis se ferme.
- Je vois Madame Lias. J'ai un créneau libre dans une semaine et demie. Cela vous va ?
- Ça sera parfait.
- Très bien, je vous souhaite une très bonne fin de soirée.
- Merci à vous aussi.
Sur ces mots, je décroche. Je passe une main dans mes cheveux quand j'aperçois Victor courir vers ma direction.
- Elisa !
- Oui ?
- Il faut que tu viennes ! Marvyn est devenu totalement incontrôlable !
Je ne cherche pas à comprendre plus de la situation et le suis.
Il perd jamais le contrôle normalement.
C'est que ce salop à du partir beaucoup trop loin.
Je me retrouve face à un homme détruit. Il abat un coup-de-poing contre le mur en hurlant. C'est à ce moment-là que je comprends, que cette fois-ci, c'est à moi d'être l'épaule dont il a besoin.
- Marvyn, arrêt, cris Ryan !
Je me retourne vers ses deux amis et les toises.
- Vous ! Fermez votre putain de gueule ! Vous ne voyez pas que vous êtes plus en train de l'enfoncer, plus qu'autre chose ?! Maintenant, plus personne ne parle, plus personne ne fait un geste en son égard, plus personne ne m'interrompt. J'espère avoir été bien clair.
Ma voix est cinglante, mon regard glacial. Mon être ne supporte pas de le voir dans cet état. Ils déglutissent tous, sans la moindre exception.
Je n'ai pas le choix, sinon ils vont empirer la situation.
Je marche lentement vers Marvyn. Un bruit soudain se fait entendre et le grand frère de Rio fait volte-face.
Putain de merde ! Ryan ! Tu ne peux pas faire attention !
Il ne me suffisait pas d'écouter la direction du son pour savoir que cela venait de lui. Je me reconcentre sur l'homme en face de moi. Son regard est sombre, la haine danse sur son visage, ses veines se font distinctes de sa peau et ses phalanges sont ensanglantées.
Je sens mon cœur se serrer.
Pas lui.
Je vous en supplie, faite qu'il ne sombre pas.
- Qu'est-ce que tu veux ?
Sa voix est sèche. Les larmes me montent, mais je les retiens.
Sois forte.
Pour lui.
- Déverse tout ce que tu as en toi. C'est tout ce que je veux pour toi, Marvyn.
Je ressens la surprise générale face à mes paroles. Il faut être folle pour demander à quelqu'un dont la rage s'anime de la déverser sur soi.
Mais je ne peux pas le laisser comme ça.
Il n'hésite pas une seconde, me faisant comprendre que c'est la chose dont il avait besoin. Son poing fend l'air et s'apprête à me faire mal quand je bloque son coup. À partir de ce moment-là, une danse se dessine sous les yeux des autres. Son pied balaye ma jambe droite, je grimace. Je m'accroche à lui, enroule mes pieds autour de sa tête et le fait chuter en arrière. Mon dos claque contre le sol, je mords ma langue pour ne pas montrer la moindre faiblesse. Il se retourne et au même moment, j'essaye de le projeter en arrière. Il attrape ma cheville et me rapproche de lui. Sa main empoigne mes deux poignets et il les compresse avec force. Un gémissement de douleur s'échappe de ma bouche.
Merde !
De mon genou, je lui assène un coup de toutes mes forces. Je le vois contracter sa mâchoire. Je profite de ce moment de faiblesse pour nous faire basculer. Me trouvant, à présent, en califourchon sur lui, je prends son visage, d'une main et le force à me regarder droit dans les yeux.
- Je t'ai dit de faire ressortir tout ce que tu ressentais, pas de me tuer, Marvyn.
À ma grande surprise, le de ma voix est le mélange d'humour, de légèreté et de douceur.
Il me dévisage longuement.
- Elisa ?
- En chair et en os.
Un sourire aborde mes lèvres.
Il se redresse tout d'un coup en s'exclamant :
- Elisa !
- Oui.
Il m'examine du regard.
- Je ne t'ai pas fait du mal ?
- Ne t'inquiète pas, je vais bien.
- Pourquoi ?
- De quoi ?
- Pourquoi tu m'as laissé me déchaîner sur moi ? J'aurai pu te blesser.
- Contrairement aux autres qui te disaient de te calmer, je savais que cela t'enfonçait plus qu'autre chose. J'avais compris que la seule chose qui te libérerait du tourment qui s'acharnait sur toi été de te laisser la déverser sans limite pour te soulager. Pour ce qui est de me blesser, je contrôlais parfaitement la situation et j'ai arrêté le combat quand je vu que tu t'étais déchargé de ce qui te pesait sur la conscience.
Le silence s'installe. Les personnes qui nous entourent, nous observent, totalement hypnotiser par la scène qui se déroule sous leurs yeux.
- Moon... .
Je ne le lâche pas des yeux et attends la suite de sa phrase.
- Tu es... .
- Je suis ?
Il s'approche de moi et m'enlace. Je me laisse emporter, ne résistant pas à ce contact physique. Il avance sa bouche de façon à ce qu'elle se trouve à proximité de mon oreille et me murmure :
- Tu es juste exceptionnel.
Mon souffle se raccourcit, mon rythme cardiaque s'accélère et un long frison parcourt le long de mon corps.
Il va finir par me rendre folle avec ses mots !
Folle de lui, tu veux dire, chuchote la petite voix dans sa tête.
Cette phrase me trouble bien plus que je ne le suis actuellement.
Folle de lui ? Non impossible.
Ça doit être mon imagination qui me joue encore des tours.
- Merci, Moon. Je ne sais pas comment j'aurais fait si tu n'étais pas intervenue.
Je ferme les yeux, laissant la saveur si bienfaisante de ses mots s'imprégner en moi. Il resserre son emprise. Son odeur corporelle embrume mon esprit. Je laisse ses instants dans ses bras pour lâcher prise et savourer entièrement ce moment qui s'offre à nous.
- Hmm hmm.
Je me sépare de Marvyn et me retourne vers l'origine de la voix.
Un médecin.
Je me lève et aide mon coloc à se relever à son tour.
- Excusez-moi de vous interrompre cependant, nous avons des nouvelles à propos de Rio Luiciani.
Je sens une main prendre la mienne, entrelacer nos doigts et la serrer doucement. Je réponds à sa détresse silencieuse en caressant sa peau. Des picotements au niveau de ma nuque me fait comprendre qu'il est actuellement en train de me regarder. Je me concentre sur l'expression faciale de la personne en face de nous et comprends ce qui va se passer.
Non.
Tout sauf ça.
- Dites-moi.
- Après plusieurs examens, j'ai le regret de vous informer que la vie de votre petit frère se trouve à présent entre la vie et la mort.
Il augmente la pression au niveau de nos mains, tout en fessant attention que cela ne me fasse pas mal.
- Je peux savoir quel est le pourcentage de chance pour qu'il se rétablisse ?
Le regard du médecin s'attriste.
- Nous ne pouvons pas exactement en juger, mais une chose est sûre, c'est que tout peut basculer du jour au lendemain.
Il hoche lentement la tête.
- Je vous tiendrais au courant de la moindre évolution de son état de santé.
Il pose la main sur l'épaule de Marvyn et le regarde droit dans les yeux.
- Nous ferrons tout ce qui en notre pouvoir pour le soigner, Monsieur Luciani.
- Merci, à vous, déclare Elisa.
Je sais qu'en ce moment même, il est incapable de parler. Le médecin part et je me retourne vers l'homme qui se trouve en face de moi.
~
Marvyn
Mes jambes me lâchent. Je m'effondre par terre. Ma gorge est sèche, ma respiration saccader et mes larmes coulent abondamment sur mon visage.
Tout sauf ça.
Je me suis battu toute ma vie pour qu'ils ne subissent pas ce que j'ai vécu. Je... m'était promis de les protéger coûte que coûte de ce que mes parents pouvaient leur faire. Et au final, celui qui a mis Rio dans un état critique était l'être le plus proche de mon entourage.
Pourquoi la vie est si cruelle ?
Pourquoi il est venu dans ma vie ?
Pourquoi j'ai envoyé mes frères là-bas ?
Et qu'est-ce que ses parents foutaient à ce moment-là ?
Des mains se posent sur mon visage. Je lève la tête et rencontre le regard d'Elisa. De son pouce, elle essuie mes larmes qui traversent ma peau.
- Je suis là, tu n'es pas tout seul.
***
Cinq heures plus tard.
Ma tête posée contre sa cuisse, ses doigts parcourt mes cheveux, me fessant des papouilles. Ce seul contact me permet de rester calme.
Et de ne pas péter un plomb comme tout à l'heure.
La fatigue se fait de plus en plus sentir, mes paupières deviennent lourdent. Son geste ne m'aide pas, accélérant ma route vers le monde du sommeil.
- Marvyn.
Sa voix est douce, les battements de mon cœur deviennent irréguliers.
- Hmm ?
- L'équipe médicale est là.
Je me relève dans un bond, espérant de tout mon être entier qu'ils sont venus pour m'annoncer une bonne nouvelle. Mains lorsque je rencontre le regard d'une infirmière, je sens mon cœur se fissurer.
Non.
Par pitié.
J'ai mal. Je serre la main d'Elisa, me tenant au dernier fil d'espoir que la vie m'offre. Elle recommence à caresser ma peau, ce qui a pour effet de me calmer.
- Monsieur Luciani, je vous conseil de vous asseoir.
Je m'exécute, Elisa s'installe à côté de moi et je la remercie de toute mon âme de ne pas me laisser seul dans cette épreuve.
- Tout d'abord, je souhaiterais vous dire que nous avons tout fait en notre possible pour sortir Rio de l'état critique auquel il se trouvait. Malheureusement, son cœur n'a pas supporté l'opération. Je suis dans le regret de vous annoncer que votre frère est décédé.
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