Acte XI : Rapprochement

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La BMW 760 Li blanche roulait lentement sur la petite rue qui menait à la plage. À son bord, le conducteur, un grand gaillard de près de deux mètres, aux épaules aussi larges que le dossier de son siège, était vêtu d’un costume noir et portait une cravate assortie. À l’arrière, l’un des deux passagers semblait cacher, dans un pantalon de treillis noir, des cuisses aussi musclées que ses bras qui martyrisaient les manches de son t-shirt gris foncé moulant. Sa coupe de cheveux ras évoquaient un passé militaire récent. À côté de lui, un homme d’une cinquantaine d’années aux cheveux grisonnants cachait ses yeux derrières des lunettes de soleil fines et portait un costume noir sur une chemise noire dont le col restait déboutonné. L’ancien militaire interrogea son patron.

— Vous êtes sûr que c’est une bonne idée, on n’a pas pris le temps de contre-vérifier l’information. Un type qui tombe d’on ne sait où, qui vous propose de piquer un gadget de science-fiction pour lui, ça ressemble à un piège.

— C’est vrai ce qu’il dit, patron, continua le chauffeur, vous y croyez, vous à ça ? Une armure volante invisible ?

— J’y vais, je vois de quoi il s’agit, et j’avise. Sans prendre de risque, répondit le quinquagénaire placidement. Vous deux, restez ici, attendez mon signal, au besoin.

La berline munichoise s’arrêta sur le bas côté, et l’homme en descendit, pour parcourir les derniers mètres, sur le sable, à pied. La plage était déserte, l’homme jeta un regard périphérique, des vagues qui se trouvaient devant lui aux dunes et aux rochers qui dissimulaient maintenant son véhicule.

Un ronronnement, se transformant bientôt en grondement, se fit entendre par-delà les dunes, lorsqu’un hélicoptère noir fit son apparition. L’engin tournoya trois puis quatre fois en l’air autour de l’homme qui fut bientôt entouré d’une colonne de sable, puis se posa. Quatre quidams sortirent de l’appareil qui reprit son vol, en position stationnaire, au-dessus du petit groupe, le protégeant ainsi des regards indiscrets. Les quatre individus étaient uniformément vêtus de noir de la tête aux pieds, portaient des sabres dont les lames se croisaient dans leur dos, et des cagoules et des lunettes de soleil leur évitant d’être incommodés par les particules tourbillonnantes. Alors que ses comparses prenaient la pause, surveillant autant que possible les alentours, l’un des ninjas s’avança vers l’homme venu à sa rencontre.

— Je vous remercie d’être venu, même si je vous ai un peu forcé la main. Je n’ai pas d’armure du futur à vous vendre, je vous ai menti, mais il fallait absolument que je vous voie. J’ai un marché à vous proposer.

Le quinquagénaire s’agaça :

— Qu’est-ce qui te dit que j’ai envie d’entendre ce que t’as à m’annoncer, espèce de clown ? Tu me fais perdre mon temps.

— Je sollicite votre aide.

— Je te connais pas, pourquoi je t’aiderais ?

— Qui dit marché, dit contre-partie. J’ai quelque chose à vous proposer en échange de votre coup de main.

— On ne se connaît pas. Si tu n’as pas cette armure, tu n’as rien à m’offrir.

— En êtes-vous si sûr ? Vous savez, j’ai eu de la chance de vous trouver. Et disons que votre profil m’a semblé intéressant. Alors, j’ai cherché à en savoir plus. Je sais ce que vous avez subi, et je sais ce que vous avez fait. Et je connais votre objectif.

— Putain t’es qui, toi ?

— Je suis quelqu’un qui aime à se renseigner sur les gens. Je suis quelqu’un qui aime à optimiser les actions pour un maximum de personnes, surtout pour moi-même. Je suis quelqu’un qui vous propose une solution au problème que vous traînez depuis près de vingt ans, maintenant… Alors, vous êtes preneur ?

— Va te faire foutre, connard, j’ai pas besoin de toi !

L’homme sortit un téléphone portable de la poche de sa veste noire, tapota sur l’écran quelques secondes et remit le l’appareil dans sa poche. À ce moment, un lance rocket fut actionné sur un rocher, derrière lui. La traînée de fumée suivant le projectile fonça tout droit sur l’hélicoptère, qui attendait toujours au-dessus du petit groupe. Alors que l’impact allait réduire la machine à une boule de feu, la fumée obliqua tout à coup à la verticale et repartit vers son point d’origine, pour exploser sur son tireur.

— Vous savez, j’ai, moi aussi, des arguments convaincants. Vous devriez reconsidérer mon offre, mon ami.

— Je t’ai dit d’aller de te faire foutre. Je ne sais pas ce que tu as fait avec mon missile, mais tu ne m’impressionnes pas. Tu vois la bagnole qui arrive, derrière moi. Je vais monter dedans et me casser, et je te déconseille de te foutre en travers de mon chemin.

La limousine blanche s’arrêta juste derrière l’homme en costume. Ses deux occupants, le chauffeur et l’ex-militaire en sortirent. Les trois ninjas qui surveillaient se regroupèrent alors autour de celui qui semblait être leur chef. D’un geste calme, contrastant avec l’atmosphère nerveuse qui s’installait, le chauffeur de la limousine sortit de sous sa veste un pistolet automatique qu’il pointa, bras tendu, vers le front du chef de la bande. Les trois autres ninjas s’armèrent aussitôt de leurs sabres, prêts à engager le combat. L’homme au treillis s’empara de deux poignards qu’il portait à la ceinture et se jeta sans tarder sur le ninja à sa portée. Celui-ci eut tout juste le temps d’esquiver l’attaque et frappa, en représailles, de sa lame qu’il portait à la main gauche. Le militaire, dans une roulade, parvint à bloquer le sabre de son couteau gauche, pivota en contre attaquant de sa lame droite bloquée à son tour par le sabre du ninja, puis, dans une envolée inattendue, fit jaillir une troisième lame de dessous sa chaussure, qu’il planta d’un coup de pied dans la gorge de son adversaire.

Alors que les deux négociateurs et le conducteur n’avaient toujours pas bougé d’un cheveu, les deux autres gardes du corps de l’hélicoptère se ruèrent vers le militaire. Ce fut alors un festival chorégraphique, tout en vivacité, en souplesse, et, pourtant, tout en violence, qui se déroula devant les trois hommes impassibles qui ne se quittaient pas des yeux. De son hélicoptère, le pilote distingua mal, dans le nuage de poussières qu’il soulevait, l’issue du combat qui vit la victoire nette et sans bavure du militaire sur les deux ninjas.

L’homme au costume reprit le fil de la conversation avec celui qui se retrouvait tout à coup bien seul.

— Alors, toujours décidé à me mettre des bâtons dans les roues ?

L’autre ne se départait pas de son calme, malgré la situation qui avait tourné en sa défaveur.

— Je vous ai dit que j’avais un marché à vous proposer, vous avez un objet dont j’ai besoin. Pas définitivement, j’aimerais vous l’emprunter. Vous n’aurez pas à le regretter, je vous assure.

— Vous me fatiguez. Marc, démarre la voiture. Serge, débarrasse-moi de ce gusse.

Marc, le chauffeur, rengaina son automatique et s’en retourna vers la BMW, qui fit demi-tour pour se remettre dans le sens de la marche.

D’un pas décidé, Serge, le militaire, s’approcha du dernier ninja encore debout. Alors qu’il s’apprêtait à s’installer à l’arrière de la berline, l’homme au costume se retourna et vit son homme de main faire un bond en arrière, comme s’il venait d’être catapulté. Surgissant de nulle part, une silhouette à l’allure féminine apparut dans une combinaison moulante. La guerrière se rua sur Serge et lui asséna un violent coup de pied au menton alors qu’il tentait péniblement de se relever. Ce dernier coup le laissa au sol, sans réaction. À cet instant, Marc s’extirpa de la limousine et dégaina son automatique. Il s’apprêta à faire feu, lorsque, aussi soudainement qu’elle était apparue, l’inconnue se volatilisa dans un nuage de poussière. Elle reparut une fraction de seconde plus tard, à trente mètres de là, juste derrière le gorille en costume, qu’elle frappa d’un coup de pied retombant sur le côté de la cuisse. Ce dernier, grimaçant de douleur, tomba genou à terre. Il trouva la force de pointer son arme sur celle qui venait de l’agresser, mais, dans une forme de salto arrière, elle le désarma du pied gauche, et, atterrissant dans un équilibre parfait, acheva son mouvement d’un coup de pied de face dans le torse du conducteur qui s’écroula, le souffle coupé.

Serge venait de se relever, reprenant ses esprits doucement. Voyant son collègue en mauvaise posture, il dégaina le couteau qui lui restait et le lança sans hésitation vers celle qui les avait vaincus. Cette dernière, de nouveau, disparut dans une nuée de sable, alors que la lame volait désormais sans but à atteindre. La femme invisible reparut à côté de Serge et le frappa de ses deux paumes de main sous la boîte crânienne, derrière les oreilles. L’effet fut immédiat, Serge, victime d’un KO imparable, s’effondra sur le sable. Celle qui avait, à elle seule, anéanti la garde rapprochée de l’homme au costume prit son envol, et, à vingt mètre au-dessus du sol, disparut de nouveau, comme par enchantement.

- Pas d’armure du futur, hein, ironisa l’homme en costume. De la science-fiction, une armure qui permet de s’envoler et de devenir invisible…

- Je n’ai jamais dit qu’elle n’existait pas, répondit le chef des ninjas. Simplement qu’elle n’est pas à vendre. Mais vous avez, vous aussi, un objet digne d’une bande dessinée futuriste. C’est ce qui m’intéresse.

- Alors intéresse-toi à ça, connard.

Le quinquagénaire reprit son téléphone portable, exécuta une manipulation rapide sur l’écran, et rangea le téléphone dans sa poche. Au même instant, le coffre de la voiture blanche s’ouvrit en grand, un plateau se souleva, portant une sorte de canon argenté sur un pied multi-articulé qui se déplia pour pointer vers l’hélicoptère, toujours en vol stationnaire au-dessus du dernier ninja encore debout. Sans délai, l’appareil se mit à trembler sans que son pilote n’eût rien pu faire, le ninja fut emporté par une force invisible à proximité de la limousine à l’instant précis où l’hélicoptère se désintégra en un gigantesque feu d’artifice. La guerrière reparut instantanément aux côtés du ninja qui faisait face à l’homme costumé. Alors qu’elle ôta sa cagoule, dévoilant son visage bordé d’une chevelure blond platine, le ninja fit la présentation.

- Cette jeune femme, répondant au doux prénom de Nathalie, est l’un de mes meilleurs arguments pour vous convaincre de marcher avec moi. L’autre, c’est que je vous offre l’homme par qui tout a commencé, Monsieur Franklin. Nous avons tous les trois une bonne raison d’en vouloir à celui qui est à l’origine de la mort de votre frère. Alliez-vous à moi, et votre désintégrateur vous permettra d’amorcer votre vengeance.

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