Chapitre 1 : Soline - Comment tout à commencé
Le cri de mon frère me sortit du sommeil. Je détestais être réveillée comme ça. D'un bond je quittais la douceur de mes draps et vis Iram, mon jumeau. Assis par terre, sans doute tombé de son lit, il pointait du doigt la porte d'entrée de notre maison. Par réflexe, je pris immédiatement mon épée, posée à côté de mon lit, et observais ce qu'il me montrait : une silhouette encapuchonnée. Elle dut remarquer ma surprise car elle se mit à sourire. Je songeais à ce que le visiteur devait voir.
Probablement une jeune fille énervée, aux cheveux noirs et mèche rouge, des yeux rose pâle avec des reflets pourpre et clair, portant une chemise et un pantalon en toile.
Je me tournais vers mon frère. Ses cheveux marrons, où tronaient une unique mèche blanche, passaient devant ses yeux violets. Les ombres noires qui s'y reflétaient étaient teintées de peur.
Il portait ses habits préférés, en cuir de radacup, tachés encore une fois par l'une de ses peintures. Heureusement, la peau des batraciens était peu couteuse, l'abimer n'était donc pas un problème.
Que peut faire un intrus ici, dans notre coin perdu au milieu des royaumes ? Bah, peu importe, je vais le renvoyer d'où il vient.
Alors que je m'apprêtais à sauter sur l'ennemi, il leva les mains en signe de paix et enleva son capuchon, dévoilant sa couronne et ses yeux noisette. Il avait la peau pâle et les traits durs de son visage démontraient qu'il était plus âgé que nous.
- Bonjour gentes personnes, je me nomme Riham de Seran et je suis le prince du royaume des Hommes. Cela va faire deux mois que je vous recherche sans relâche. Il n'y a plus de temps à perdre, allons-y !
- Navré de vous décevoir, mais nous ne savons pas qui vous êtes et je n'ai aucune envie de partir avec un inconnu, répondis-je, sur la défensive. Qui plus est, un inconnu qui ne nous explique même pas ce qui l'amène ici !
Je préférais rester calme. Avec un peu de chance, il partirait de lui-même.
Allez, dégage...
- Je suis d'accord, ajouta mon frère.
- Comment ça, vous ne savez donc pas ce qui m'amène ici ? Eh bien laissez-moi vous expliquer...
- Il ne s'agit pas d'explication ! criai-je. Qui êtes-vous ? Comment nous avez-vous trouvés ? Comment savez-vous qui nous sommes ? Et pourquoi on vous écouterait, d'abord ! La dernière fois que des gens sont venus ici, ils ont emmené nos parents et on ne les a plus revus ! Déguerpissez immédiatement et ne revenez pas ! Oubliez comment on fait pour venir ici !
Je serrais mon épée plus fort et m'élançais sur le dénommé Riham. Il esquiva mon coup et m'attrapa le poignet, qu'il fit pivoter pour me faire une clé de bras.
Ouch ! Quel malade !
- Le monde court à sa perte, vous êtes nos seuls espoirs. Alors écoutez ce que j'ai à dire.
Terrifié, Iram n'osait pas bouger. Je le savais trop doux pour attaquer. Je me défendis quand même.
- J'ai encore moins envie de vous écouter maintenant !
Sans trop savoir ce que je faisais, mon pied se leva pour atteindre l'estomac de l'inconnu. Profitant que mon bras s'était libéré, je me relevais et courus me mettre devant mon frère. L'homme eut le souffle coupé et se pencha en avant.
- Tout va bien ? demanda Iram.
- Parfaitement.
J'eus un rire ironique.
- Désolé...
- C'est pas de ta faute Iram, cesse de culpabiliser tout le temps...
L'inconnu s'était remit du coup :
- Je vous en supplie... Laissez moi tout vous expliquer...
- Non. déclarais-je.
- Soline...
Je me tournais vers mon jumeau :
- Ne me dis pas que tu lui fais confiance ?
- Pas confiance mais l'écouter n'engage à rien...
Il me regarda droit dans les yeux. Aucun problème ne survenait jamais sur notre île, tout était toujours si calme. Rien ne nous empêchait de l'écouter et de refuser sa proposition. Je cédais face à la suplique muette de mon frère :
- Bien, dis-je, nous vous écoutons.
Il sembla un peu plus joyeux, il s'excusa auprès de mon frère. Puis, il commença son récit.
Il y a un an environ, Tonn, créature des Enfers, avait ressurgi des tréfonds du volcan qui le gardait prisonnier. Il avait élu domicile là-bas et avait rebaptisé l'endroit "Les Terres Sombres". Tout ceux qui s'en approchaient mourraient. Cela rendait obligatoire l'utilisation de moyens de transports magiques, pour marchander comme pour le tourisme. Le pire, était que les Terres Sombres bordaient notre maison. Par delà la petite mer qui entourait notre île, les créatures les plus perfides, sanguinaires et horribles de tous les Mondes grouillaient. Notre bâtisse était protégée par les sorts d'illusions laissés par nos parents avant leur mort. Mais Tonn voulait conquérir le Monde, les Mondes. Et pour ça, il préparait son armée dans son royaume. Riham avait passé un temps fou à nous chercher, reprenant espoir à chaque miniscule trace de notre existence.
- Mes parents m'avaient parlé de vos parents, alors, quand j'ai vu la prophétie, j'ai tout de suite pensée à vous. Je veux dire, les archives du château sont fournies...
- Attends, demanda mon frère, quelle prophétie ?
- Vos parents... Le château... Vous n'avez pas menti ? Vous êtes vraiment le prince ?
- Oui.
Il semblait fier mais je me mis à rire :
- Et pourquoi on vous croirait ?
Il me montra sa main gauche. Sur son annulaire se trouvait une chevalière gravé d'un S, symbole de royauté (d'après ce que nous avaient appris papa et maman).
- Mouais... Et cette prophétie ?
- Je l'ai trouvé aux confins de la bibliothèque du château, attendez... Ah, la voici !
Il extirpa de sa sacoche un vieux parchemin, froissé par les âges, où des lettres tracées avec de l'encre noire apparaissaient. Il était écrit :
"Bientôt l'Orage reviendra
Et pendant que le Tonnerre retentira
Les uniques forgeront
Le collier de Galéon
Accompagné du Premier
Ils ne pourront vivre en paix qu'une fois le Mal achevé"
- C'est intéressant, dis-je, mais en quoi cela nous concerne ?
- Qui est le Premier ? demanda Iram timidement.
- Cela vous concerne car le texte parle d'uniques et les légendes à vos sujets parlent de votre arbre généalogique. Vous avez de la famille humaine, mais aussi elfique, magique et nanique. Personne n'est comme vous. La prophétie parle donc de vous. Ai-je bon ?
Iram approuva et je me renfrognais. Riham reprit :
- Le Premier je ne sais pas de qui il s'agit. À mon tour de vous questionner : qui est Galéon ?
N'étant pas douée en explications, je laissais Iram faire :
- Galéon est un de nos tout premiers ancêtres. On disait que c'était l'égal des Dieux et qu'il possédait moults pouvoirs divins. Il est connu pour avoir combattu deux des vaisseaux de la Mort. Il aurait voyagé à travers tous les royaumes pour prendre un symbole de chaque royaume et il les aurait transformés en collier magique. C'est tout ce que nous savons de lui.
- J'ai une autre question. dis-je. Qui est représenté par "l'Orage" et par "le Tonnerre" ?
- Il s'agit de Tonn. Il peut maitriser les éclairs et faire gronder le tonnerre. répondit Riham. Acceptez-vous maintenant de venir nous aider ?
- Pour résumer : vous souhaitez, dans l'espoir de sauver notre monde, envoyer deux enfants sans expérience, seuls et sans défense en plein territoire ennemi. C'est ça ?
Riham m'observa un instant.
- Pas tout à fait. Je ne me le pardonnerais jamais de vous laisser partir seuls. Vous serez accompagnés par des amis et moi-même.
- Donc, précisa mon frère, accompagnés et sans défense en plein territoire hostile. C'est mieux ?
- Oui. Mais attention, vu d'ici, le chemin semble simple. Malgré ça, Tonn a protégé son territoire d'une barrière très dure à forcer. Le temps que nous allions à Seran pour retrouver mes compagnons, il l'aura améliorée et on ne pourra plus passer. Il n'existe qu'un seul passage qui permet d'aller dans les Terres Sombres : le Détroit de Puit-Sans-Magie.
- N'est-ce pas l'endroit le plus dangereux de tous les royaumes ? demandais-je.
- En effet, c'est exactement ça.
Je réfléchis un moment et échangeais un regard entendu avec mon frère :
- Voyager dans un monde inconnu, rivaliser avec des ennemis d'une puissance incroyable, risquer notre peau pour sauver de parfaits inconnus... Mais vous êtes fou !
- Soline... me chuchota Iram. On ne peut pas les laisser mourir...
- Si on peut ! rétorquais-je. Ils ont tué papa et maman ! Et maintenant que Tonn revient, ils veulent envoyer leurs enfant au casse-pipe ! C'est une honte !
- J'ai conscience... commença Riham.
- Non ! Vous ne savez pas ! Vous ne savez pas ce que c'est de voir des gens débarquer, emmener vos parents et ne plus jamais avoir de nouvelles de la part de qui que se soit !
- Non, mais...
- Vous ne savez pas ce que c'est d'attendre, heure après heure, jour après jour, jusqu'à comprendre la fatalité : ils sont morts ! Vous ne savez pas !
- Non ! s'emporta-t-il. Je ne sais pas ! La seule chose que moi je sais, c'est que mon royaume, et ceux que j'aime par conséquent, vont mourir si je ne fais rien pour les aider ! Et là, si vous ne m'aidez pas, je saurai ce que vous ressentez. Si c'est vraiment ce que vous souhaitez, au revoir !
Il remit son capuchon et s'apprêtait à quitter la place. Iram, qui était resté silencieux tout le long de la dispute me regarda :
- Soline...
Quel crétin ! Je me sentais coupable maintenant. Mais je devais tenir.
- Non, Iram. Je refuse de souffrir pour des inconnus. Papa et maman sont morts pour nous, ce n'est pas pour que l'on fasse pareil.
- Mais...
- Pas de mais !
- Soline, père et mère veulent... voulaient que l'on pense à son prochain... Tu te rappelles ?
- Non.
- S'il te plaît.
- Iram, on va mourir.
- Pas forcément... Je veux voir le monde, même si c'est la dernière chose que je dois voir.
- Et si c'est un piège ? Qu'il fait partie de la bande de... Tonn ?
- Tu sais quand quelqu'un te ment, tu sais qu'il est sincère.
Je soupirais.
Ce qu'il peut me faire culpabiliser...
Je me tournait vers Riham:
- C'est bon, on va le faire...
- À la bonne heure ! dit le prince en se retournant, un sourire aux lèvres. Mais trêve d’atermoiements ! Il faut préparer vos bagages.
Je pris une mallette quasi-sans-fond, rare souvenir de mes parents. Ils me l'avaient ramené de... Trudensil, il me semble ? Bref, lors d'un voyage dans un autre Monde. J'entrepris de faire le tour de la maisonnée en emportant que le strict minimum : vêtements, mon arme, des soins et un peu d'eau et de nourriture. Iram en fit autant.
Au moment de dire au revoir à Sekram, notre Corchat, je sentis une profonde tristesse. Impossible de le laisser seul. Je caressais son corps de chat et titillais ses ailes de corbeau. Décidée, je le glissais imperctiblement dans la valise.
J'en profitais pour graver chaque pièce de notre maison dans ma mémoire, car je me doutais que je ne la reverrai pas de si tôt. Les lits et leurs draps blancs, les murs couverts de nos graffitis et de nos photos. Le salon, avec son amas de coussins éparpillés un peu partout...
Je fis le tour du jardin. L'île étant de taille moyenne, nous avions un verger, emplit de fruits de toutes sortes, de graines ramenées des quatre coins des Mondes. Et son petit lac, dans lequel nous nagions, lors des chaudes journées...
Je rejoignit Riham en retenant mes larmes. Iram finit son tour et vint nous voir. Il prit ma main et je serais la sienne avec force.
- Tout va bien se passer... murmurais-je, plus pour moi que pour lui.
- Je l'espère...
Pendant ce temps, Riham posa un cercle de fer, assez grand pour faire passer un corps à travers, et prononça d'étranges paroles. Aussitôt, le cercle se mit à briller de plus en plus fort. Une Porte-à-Monde portative. Impressionnant. Riham nous adressa un sourire :
- Allez-y, je vous en prie...
Iram hésita. Je pris les devant et entrais dans le cercle. Je sentis une agréable chaleur se répandre autour de moi. Ma tête tournait et je pensais être en train de voler. Je voyais flou, des tâches de lumières entravaient ma vision. Enfin, mes pieds retrouvèrent le sol dans le royaume de Riham. Les fameux mages étaient là. Ils me saluèrent et, à ce moment précis, je m'étais dit :
"L'aventure commence !"
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