L'art des annotations

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Tout d'abord, félicitations mortels : si vous êtes arrivés jusque-là, c'est que vous n'avez pas peur d'affronter le courroux d'un écrivain insupportable sans cesse insatisfait. Et si en plus, vous avez décidé de vous farcir ce machin qui ne sera jamais publié et n'aura sans doute jamais aucun autre intérêt que sur le site où il a été publié, je ne saurais que trop vous conseiller d'aller chercher votre manne littéraire ailleurs, quand bien même il ne vous resterait plus qu'un recueil de fanfictions à l'eau-de-rose écrites par votre nièce de treize ans.

Mais si vous voulez rester, alors parlons de Scribay, ses œuvres, ses fonctionnalités, ses habitants, le temps que nous perdons dessus au lieu de sortir dehors tant que nos os ne seront pas désséchés dans la fosse commune la plus proche. Scribay, sans doute l'un des meilleurs réseaux sociaux pour auteurs, je n'aurais de cesse de le répéter, d'une part parce qu'il est moyennement hanté par le virus Wattpad grâce à l'âge vénérable de la plupart de ses utilisateurs, ensuite pour le fait qu'il permette de faire des découpages de plusieurs niveaux, d'employer différents parcours scénaristiques préconçus, ou encore d'annoter les fautes d'orthographe ou de style. Seulement, c'est bien le dernier point qui m'embête. Parce que le style, s'il est étudié voire théorisé, reste une notion subjective d'un auteur à l'autre.

Disons-le, bien souvent les annotations servent à relever des choses que l'auteur a... justement fait exprès de laisser. Prenons différents exemples : si vous voulez générer un in medias res important, vous n'expliquez pas tout de suite les différents éléments de votre récit ; il appartient alors au lecteur de deviner petit à petit de quoi il s'agit. Nul besoin, dès lors, de demander à ce qu'on nous explique de quoi il s'agit ; ce qui dans des œuvres "à la Herbert" poussant ce parti pris au maximum, peut dérouter, mais constitue une exigeance à avoir afin de ne pas freiner le récit pour expliquer en permanence des éléments en profusion.

Et puis, il y a ce désir de la phrase correcte. Aucune coupure à la place de la juxtaposition, aucun point juste avant un verbe, quand bien même cela pourrait renforcer une sensation d'impact et d'inattendu. Un procédé pourtant bien connu de certains auteurs d'Imaginaire, n'hésitant pas à mitrailler leur texte de distorsions du langage afin de le rendre plus direct et immersif contrairement à notre chère littérature orthodoxe.

Disons-le clairement : j'aime les annotations et je leur trouve une grande utilité afin de progresser en écriture ; chaque bribe de texte peut désormais être décoritquée afin de pouvoir analyser, même brièvement, ce qui va et ce qui ne va pas. Mais je me réserve le droit malgré les critiques de réguler la ponctuation si elle contribue à la sensation qu'elle génère pour moi, points-virgules, virgules et tirets pour simuler un flux de réflexions ininterrompu, contre constellation de points pour surligner la tension ou l'action ; du moment que ça ne devient pas un ressort systématique. Je m'autorise même à employer le langage familier au sein du texte, termes maladroits, répétitions ou omission du ne, s'il est narré à la première personne ou s'il s'agit de discours indirect libre. Le bon usage de la langue ne doit pas primer sur le naturel : pour la bonne raison qu'elle évolue, cette langue, et que le bon usage de demain risque d'être très différent de celui que nous nous inculquons aujourd'hui. Le texte qui fait vibrer le lecteur est certes celui intellectuel quand il recherche la réflexion, mais dès lors que nous cherchons à construire une fiction, et plus particulièrement si celle-ci doit prendre le lecteur émotionnellement, il doit avant tout faire parler le cœur, nous faire nous dire que dans le feu de l'action nous n'aurions pas parlé autrement. Ce qui n'empêche pas l'implicite, l'ellipse et le sous-entendu, bien au contraire.

Ainsi j'ai choisi d'opter pour ce genre de situations un style se rapprochant de l'oral, nécessitant un travail de respiration précis par la ponctuation, cherchant les mots qui nous viendraient le plus naturellement dans telle ou telle occasion. Je ne garantis pas d'y parvenir à tous les coups : "brindezingue" est typiquement le genre d'argot populaire que presque plus personne n'utilise, mais il exprime pour moi une notion bien plus dure et frontale que le simple terme "dingue" ou même "cinglé". C'est donc davantage sur des notions de musicalité, de concision et de vraisemblance que j'aimerais débattre de mes écrits comme de ceux des autres, plutôt que sur de simples conventions académiques.

Tout ça pour vous dire : allez-y doucement sur les annotations. Ne saturez pas un texte de critiques vis-à-vis du style, mais n'hésitez pas à faire une remarque quand un mot ou une expression semble totalement en décalage avec le reste de la phrase, du paragraphe ou du texte. Comme toute invention, il faut savoir l'utiliser avec parcimonie et s'interroger sur en quoi il peut être bénéfique à l'autre. Je me souviens d'un temps (mais alors pas) béni (du tout) où en bon Jean-Kévin Fait-des-Remarques, je relevais toutes les fautes d'orthographe de mes collègues wattpadiennes quand il n'y avait pas de fonctionnalité dédiée à ça et qu'elles auraient préféré que je m'intéresse au récit en lui-même plutôt que de passer ma vie à leur envoyer en commentaire une multitude de corrections qu'il faudrait des années pour connaître comme je les connaissais. Résultat : prises de bec, sarcasmes, grognements en tous genres. Il faut savoir garder en priorité le plus important et ce qui apportera le plus à l'autre avant de se quereller sur des choses beaucoup moins importantes...

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