Chapitre 6- partie 1

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Kate remonta les escaliers à pas de loup, le ventre plein, la tête vidée. Elle était finalement parvenue à se faire une idée approximative de l’endroit dans lequel elle se trouvait.

Bâtisse gigantesque, et pourtant si accueillante.

Le petit déjeuner s’était fait dans le calme, malgré la curiosité intarissable de Jimmy,qui la harcelait sans cesse de questions plus incongrues les unes que les autres. Piotr et Meredith avaient bien tenté de le calmer, mais Kate ne put s’empêcher de sentir qu’au fond, eux aussi mourraient d’envie de la soumettre à un tel interrogatoire. C’était compréhensible, elle venait troubler leur quotidien de manière définitive ; elle aurait agi de même. D’un pas lent, elle avançait dans le couloir jusqu’à sa chambre, prenait le temps de sentir le parquet grincer sous ses pieds. Le soufflement du vent, pareil à une respiration, faisait trembler bruyamment les vitres. Une pâle clarté s’infiltrait dans le couloir, l’éclairant de sa lumière froide. Kate s’arrêta pour contempler encore une fois le paysage au dehors, irréel. Elle aurait dû ressentir une forme de désespoir face à cette immensité immaculée, vierge de toute trace de modernité, et pourtant…

Un sentiment étrange l’envahit.

Un sentiment de plénitude.

Elle était là où elle devait être.

Kate resta ainsi encore quelques instants, puis se remit en route, passant devant d’innombrables portes desquelles ne s’échappaient qu’un lourd silence. Tant de chambres et si peu de clientèle… Elle se demanda quand était la dernière fois que l’hôtel avait été plein, s’il ne l'avait été un jours. Quel lieu étrange.

Kate repéra rapidement la porte de sa chambre, la seule qu’elle ait vu jusque maintenant.

Faisant tourner la clé dans la serrure, elle entra. Encore une fois, elle ne put s’empêcher d’admirer la décoration de la pièce. Chaque objet disposé attirait sa curiosité, doté d’attraits artistiques, scientifiques ou littéraires.

« Grand-père aurait adoré », songea-t-elle amèrement.

Elle se dirigea vers sa malle en piteux état, l’ouvrant précautionneusement afin de ne pas abimer les charnières. Elle en sortit une robe, une de ses plus aisées à enfiler seule, et se changea, non sans effort.

Une fois terminée, elle s’allongea sur son lit, pantelante, les bras en crois, soupirant de soulagement.

« Mon dieu… » soupira-t-elle en riant. Oh qu’elles étaient loin les bonnes de Londres. Elle aurait même envie de revoir sa gouvernante , tiens ! Pauvre Mrs Burrows, ça ne devait certainement pas être facile de devoir gérer l’une des plus grandes résidences de la ville !

Un poids se forma sur sa poitrine. Elle ne l’avait pas vue depuis les funérailles. C’était elle qui s'était occupée de toutes les démarches administratives, Kate étant encore mineure. Même au moment de son départ pour le Groenland, c’est avec contrecœur qu’elle n’avait pu l’accompagner. C’était William, le chauffeur de la voiture de Grand-Père, qui lui avait dit au revoir pour la dernière fois… Et elle l’avait à peine regardé lorsque le train avait quitté la gare.

Elle se mordit la lèvre inférieure. Oh comme elle s’en voulait.

C’est à peine si elle avait parlé à aucun des domestiques ! Avait-elle seulement pris le temps de savoir ce qu’il allait advenir d’eux ? Non, évidemment !

Il faudrait qu’elle en touche un mot à Emmelia. Elle devait certainement être au courant de ce genre d’affaires. Plus qu’elle, en tous les cas.

Elle se redressa sur son séant, et son regard retourna se poser sur sa malle encore pleine. Lentement, elle se redressa et attrapa une pile de vêtements qu’elle rangea consciencieusement dans la commode, puis s’agenouilla devant la valise pour sortir ses quelques effets :

Une brosse au manche d’ivoire, ses recueils de poésie, un livre de partitions et le testament de Grand-Père. Elle s’apprêtait à se baisser pour l’attraper quand sa porte s’ouvrit en grand.

Jimmy, fier comme un coq, se tenait dans l’embrasure, un air malin sur le visage :

« Kate ! Kate ! Tu viens jouer avec moi ? »

« Hein, mais... Jimmy, je dois organiser mes affaires ! »

Le petit garçon jetta un coup d'oeil à la valise ouverte, puis se retourna vers Kate un sourire malicieux sur le visage :

« Pourquoi, tu comptes repartir bientôt ? »

Kate esquissa un sourire, et reposa les yeux sur le testament. Il était trop tôt pour se réinfliger ça.

« À quoi veux-tu jouer ? »

L’enfant exulta de joie et l’entraina à sa suite.

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