Rudolf ne se posa pas de questions. Peu de choses encombraient son cerveau. Il n’y avait pas la place. Autrefois, il avait été humain, animé de sentiments et de désirs. Aujourd’hui ne lui restait plus qu’une certaine convoitise Obscurément, il savait devoir chercher des reliques et des démons… Cette idée le faisait avancer à travers les rues d’une ville étrange, encombrées de passants et de véhicules, sans s’attarder une seule seconde sur la vague de terreur qu’il soulevait parmi ceux qu’il croisait.

     C’est d’un mouvement négligé de sa hache, qu’il trancha le cou d’un jeune gaillard qui l’avait approché avec un « Waou ! Génial ton costume de zombie mec, tu l’as trouvé où ? » Le corps s’effondra à ses pieds sans qu’il ne lui prêtât la moindre attention. L’odeur d’un démon, forte, animale, l’obnubilait. « Reeelique…. », grinça-t-il de ses cordes vocales usées jusqu’à la trame. Traînant son arme ensanglantée derrière lui, il se lança dans une lente traque, car il ne progressait pas très vite, manquant de tonus et de stabilité.

     Un bruit lui parvint assourdi, mais il ne comprit pas de quoi il s’agissait. Un agent de police lui tirait dessus, faisant mouche presque à chaque fois, mais sans parvenir à le stopper. Rudolf ne lui jeta même pas un regard. « Reeelique… » coassa-t-il de nouveau. L’odeur le guidait toujours, mais ses sens déficients lui jouaient des tours et il n’était plus très sûr d’être sur la piste d’un démon.

     Perplexe, il s’arrêta, recevant une nouvelle salve de la part du policier qui suait à grosses gouttes sous son képi. « Reeelique. ? Fit-il en tournant la tête dans tous les sens… un mouvement qui lui était si peu naturel qu’il lui demandait une grande concentration. Il faillit en oublier ce qu’il cherchait., mais heureusement pour lui, les idées ne se succédaient pas assez vite dans sa tête pour l'encombrer.

     L’objet de sa quête était proche… il l’aperçut bientôt : un sceptre doré, le sceptre d’Abaddon, bien que Rudolf fût incapable de le nommer. Une main tendue en avant, il alla droit sur lui sans s’occuper du glaive qui le frappait encore et encore, le débitant en menus morceaux. La minuscule étincelle de conscience qui l’habitait lui fit murmure un dernier « Reeelique…. » plaintif, avant de s’éteindre totalement.

      Le sceptre passé dans sa ceinture, l’archange Michel poussa un soupir de satisfaction. Cette mission s’était déroulée bien plus facilement qu’il ne se l’était imaginé. Il se demandait si la brigade qu’il avait envoyée sur les traces des démons, avait eu le même succès que lui. Enfin, si les représentant de Hell étaient tous aussi pitoyables que celui qu’il venait d’abattre, il n’avait vraiment aucun souci à se faire. Sourire aux lèvres, il quitta le monde des hommes, chargé de la précieuse relique.