Août 1855
Les jours passaient sous la chaleur lourde de l'été parisien.
Les jours passaient et la vie s'écoulait lentement.
Soeur Alexandrine parlait à tort et à travers.
François Rambert l'écoutait en se sentant mourir doucement.
Jusqu'à ce qu'un nom soit cité et réveille le vieux soldat.
" Le général russe, Ivan Bagration, a été porté disparu à la bataille de la Tchernaïa, le 16 août. Son régiment a été englouti dans les eaux de la rivière de la Tchernaïa et...
- Le général russe Ivan Bagration ?
- Oui, répondit la jeune religieuse, surprise par tant de véhémence.
- Porté disparu ?
- Il semblerait que lui et ses hommes aient disparu dans une rivière. La bataille a eu lieu à côté d'une rivière et aussi sur un pont, le pont Traktir. Il s'est en partie effondré.
- Ivan Bagration. Où est Soeur Clémence ?
- Elle est auprès de la Mère Supérieure.
- Allez me la chercher, ma soeur. J'ai besoin de lui parler.
- Mais...
- Je vous en prie."
Le vieux jardinier, malade et mourant, se redressa et saisit la main, blanche et diaphane, de la jeune nonnette.
" Par Dieu, je vous en supplie, ma soeur."
Soeur Alexandrine se troubla et se leva.
Soeur Clémence apparut quelques minutes plus tard, furieusement inquiète.
" Tu as demandé à me voir, François ? Tu vas mal ?"
François Rambert contempla la vieille femme debout devant lui, son voile blanc et ses rides dues à la tristesse.
Sa beauté encore présente, dans les yeux merveilleux et le port de tête royal.
" Ivan est porté disparu."
La religieuse ne comprit pas.
Tristement, elle hocha la tête et murmura :
" Oui, François. Il a disparu dans la Bérézina. Tu le sais.
- Non, ma douce. Il a disparu il y a quelques jours dans la Tchernaïa.
- Comment ça ?
- La bataille de la Tchernaïa, il y était, Emilie.
- Il y était !?"
Le soldat se redressa et donna le journal à la religieuse.
Elle lut l'article et jeta le journal sur le sol dans un geste de colère.
" IL EST MORT A LA BEREZINA !"
Rambert quitta son lit et vint saisir la femme dans ses bras.
" IL EST MORT A LA BEREZINA...
- Oui, Emilie.
- C'est ce que m'ont dit les courriers...
- Oui, je sais.
- C'est ce que je savais.
- Alors...
- Alors ma douce ?
- Ce fils de chien m'a menti ?"
François Rambert se mit à rire.
Puis une idée incroyable vint au vieux chirurgien de la Grande Armée.
" Et si nous allions retrouver Ivan ? Nous avons quelques mots à lui dire, tu ne crois pas, Emilie ?"
La grande comtesse russe, née de sang impérial, se dressa et ses yeux jetèrent des éclairs.
" J'allais te le proposer, François."
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