Juillet 1809 : Wagram
Wagram a été une terrible victoire.
L'ennemi avait abandonné le champ de bataille, mais rien n'était réglé. La Grande Armée, épuisée par ces deux jours de combat, s'était révélée incapable de poursuivre l'ennemi.
Le bilan était plus meurtrier que celui d'Eylau.
L'Aigle se faisait Vautour.
Je me devais de le reconnaître. Je croyais en l'Empereur, je croyais en sa lutte et en sa victoire finale, je croyais en la justesse de son combat.
Je le croyais encore... Malgré l'Espagne... Malgré les morts et la boucherie...
La magie de l'Empereur, peut-être ?
La bataille de Wagram avait eu lieu du 5 au 6 juillet 1809, dans les vastes plaines de Marchfeld. Au nord, on voyait luire sous le soleil de l'été, le Danube. Alors, les plaines étaient couvertes de blé.
Après la bataille, il ne restait qu'un gigantesque champ labouré, plusieurs villages n'étaient que des ruines tant les bombardements furent intensifs.
L'Archiduc Charles d'Autriche-Teschen se mesurait à Napoléon Ier. 137 000 hommes et 415 pièces d'artillerie contre 165 000 hommes et 433 pièces d'artillerie.
Et moi, sous les tentes de l'infirmerie, je voyais le résultat des combats.
Je me sentais si inutile.
Le premier jour, les nôtres tombèrent par centaines. Ma tente fut envahie par les blessés et les mourants en si peu de temps.
Et lorsque nous apprîmes qui avait fusillé les Saxons de Bernadotte, un vent de colère s'empara de la Grande Armée. Le prince Eugène de Beauharnais, commandant de l'Armée d'Italie, avait fait tirer sur le régiment de Bernadotte...pour une histoire d'uniforme...
On avait confondu les uniformes des Saxons avec ceux des Autrichiens. Ils étaient blancs tous les deux. Ceci expliquait cela.
Comment expliquer l'erreur à des mourants ?
L'Empereur fit cesser les combats à la fin de ce premier jour meurtrier et ses grognards grondaient...
Et pourtant...
Elle était fière la Grande Armée, elle était forte et prête à tout endurer pour son Chef !
On avait construit des ponts sur le Danube pour faire traverser la Grande Armée. Bernadotte, Davout, Masséna, Oudinot, Marmont... Les grands généraux étaient là, auprès de l'Empereur et les soldats souffraient de la faim devant les feux de camp.
On avait peu de pain, peu d'eau. Le soldat napoléonien savait lutter avec le ventre vide et les pieds mouillés.
Il devait en être ainsi des légionnaires romains.
Sous les Aigles impériales, on avait foi en Lui. Envers et contre tout !
Moi-même, je me fondais dans la masse des fidèles.
J'étais moins jeune cependant. Quatre ans que je suivais l'Empereur, j'étais moins naïf.
Du moins, je le croyais !
Le lendemain fut une journée mémorable ! On contre-attaqua, on repoussa l'Autrichien, mais la nouvelle d'encerclement de l'Empereur raffermit les volontés.
Des blessés me suppliaient de leur permettre de reprendre le combat !
Une blessure à la tête n'empêchait pas de combattre ! Et un coup de sabre n'était rien face à la rage de tuer l'ennemi !
L'Aigle était encerclé ! L'Autrichien utilisait la stratégie d'Hannibal à Cannes, on encerclait l'Empereur et le Danube lui coupait toute retraite !
Masséna bloqua une partie de l'armée ennemie à Essling, ouvrant une porte à l'Aigle qui put prendre son envol, Mac Donald gagna son bâton de maréchal par ses prouesses en attaquant le centre autrichien à la tête de 8 000 hommes (27 bataillons), son second, le général de Lasalle mourut au combat. La Grande Batterie se mit à pilonner le champ de bataille.
On ne reconnaissait plus les ennemis des amis, on tombait pêle-mêle.
L'air était saturé de poudre et de fumée, on frappait au hasard de son sabre qui passait à son côté.
Quarante heures de combat suffirent à repousser l'ennemi.
Mais ce ne fut pas une victoire décisive !
" Assez de sang versé !", a dit l'Empereur, en arrêtant toute poursuite contre l'Autrichien en fuite.
Et Dieu ! Qu'il y eut de sang versé !
30 000 morts et blessés côté français, 40 000 côté autrichien.
Des jeunes avaient perdu leur vie dans la boue autrichienne, sous le beau ciel de juillet...
J'avais perdu des amis.
Avais-je déjà perdu mes illusions ?
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