Mai 1810 : Fuentes

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Trois jours de combat dans les fumées et l'odeur de la poudre. On ne distinguait rien dans cette atmosphère de fin du monde.

Je m'évertuais à sauver le maximum d'hommes. Mais la poudre noire faisait son office.

Si le blessé ne mourait pas du choc traumatique, de l'hémorragie, il mourait à coup sûr de l'infection. La gangrène noircissait les plaies et la fièvre avait raison des blessés.

Et par Dieu ! Les blessés étaient si nombreux et les morts s'accumulaient.

Dominique-Jean Larrey, chirurgien en chef de la Garde Impériale et inspecteur général du service de santé militaire, avait été nommé Baron d'Empire sur le champ de bataille de Wagram.

Mon supérieur passait souvent pour inspecter mes tentes.

Je prenais de l'importance au sein de ce service médical. J'étais chirurgien aide-major et si ma carrière se poursuivait bien, je deviendrais chirurgien-major, l'équivalent d'un chef de bataillon.

Orgueilleux comme je l'étais alors, j'exigeais de mes patients qu'ils m'appellent capitaine.

Larrey tapait sur mon épaule et discutait mes choix.

" Là, tu vois ! Son intestin est touché. S'il ne meurt pas d'une hémorragie, il aura une infection à cause des viscères abdominaux. Que vas-tu faire de lui ?"

Lui ?

Un jeune soldat qui nous examinait avec crainte, la douleur prenant le pas peu à peu sur la raison. Je connaissais ça maintenant, j'étais aguerri.

Je cherchais les yeux du blessé et répondais sans faillir :

" Un bandage et cela suffira pour lui. AU SUIVANT !"

Larrey approuvait.

" As-tu lu ma thèse ? J'ai écrit une "Dissertation sur les amputations des membres à la suite des coups de feu", qui a eu son petit succès.

- Non, je ne l'ai pas lue.

- Un ramassis de stupidités, je te le dis. N'ampute pas si souvent ! Il faut conserver des soldats encore valides !

- Oui, monsieur."

Oui, mais la poudre ?

La bataille de Fuentes se déroula au Portugal. A la poudre s'ajoutait la sueur. Ici, les hommes manquaient d'eau.

Le maréchal Masséna était à la tête de l'Armée du Portugal et les troupes françaises retrouvaient un vieil ennemi dont elles rêvaient de découdre : WELLINGTON !

Les deux armées campaient face à face. 45 000 hommes et 38 canons français et 34 000 Anglo-Portugais avec 48 canons.

Ceci expliquait le bombardement continu que subissait le champ de bataille. On ne reconnaissait plus les amis des ennemis. Un bataillon allié, le bataillon hanovrien, fut décimé par l'armée française.

Ce n'était qu'un brouillard !

Masséna avait renvoyé Ney, pour mésentente et les cris de rage des deux maréchaux avaient échauffé les hommes.

Les grognards râlaient de soif, de colère et de peur.

On se battait le jour et la nuit.

Les obus jetaient des lumières explosives sur le terrain, on se faufilait entre les trous pour attaquer l'autre.

Le paysage se transformait sous nos yeux.

Cela devait ressembler à l'Enfer de Dante.

Il me vient parfois des souvenirs de cette bataille irréelle.

Les silhouettes des cavaliers du général Lepic qui tournaient en rond sur le champ de bataille.

On recherchait le maréchal Bessières pour donner des ordres clair d'attaque.

Masséna, majestueux et superbe, manoeuvra l'Armée avec brio, pour conclure sur un demi-échec.

On se replia. On avait sauvé la garnison d'Alméida, occupée par les Anglais.

Wellington avait perdu sa position. Il n'avait perdu que peu d'hommes dans cette folie.

Masséna fut exilé après cette bataille sans victoire, il était suspendu de ses fonctions. Bessières fut vertement repris par Marmont, qui le menaça de le virer également.

Les maréchaux se déchiraient devant les grognards debout, en attente du départ.

Je n'ai pas oublié les nouvelles.

L'Empereur Napoléon, marié depuis avril à Marie-Louise d'Autriche, avait bien d'autres soucis en tête que sa Grande Armée.

Ce fut peut-être ce qui le perdit ce jour-là...

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