Nouvelle attaque

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Mercredi 19 septembre 2019 |Maison des Moons | 18h48

L’étau autour d’Addison se resserre de plus en plus. Les disparitions de Thomas et Jasmyn ont amplifié les suspicions des habitants à son égard. Les regards des gens dans la rue, dans les magasins, dans le voisinage, se font plus insistants, plus lourds de jugement. Tout ce qu’elle fait est désormais suivi. Mais ce qui la hante le plus, c’est le silence assourdissant de Timadie. Sa meilleure amie, sa confidente, celle sur qui elle pouvait toujours compter... Timadie s’est éloignée d’elle pour la laisser seule face à ce tourbillon de haine et de suspicion. Addison a essayé de l’appeler à de nombreuses reprises, mais ses appels reste sans réponse. Le lien qui les unissait s’est brisé en même temps que leur monde. Alors qu’Addison est assise seule dans le jardin, les rayons du soleil peinant à réchauffer l’atmosphère glaciale de ses pensées, elle reçoit un message. Son téléphone vibre sur la table en bois, et, machinalement, elle tend la main pour le saisir. Son visage s'illumine timidement lorsqu’elle voit le nom de Timadie s'afficher à l'écran.

Le message est court, froid, et sans préambule :

"On doit parler. Rejoins-moi au parc Rhody."

Addison reste un moment figée, les yeux rivés sur l’écran. Ses pensées se bousculent. Elle ne sait pas quoi en penser. Timadie a enfin daigné lui répondre après des semaines de silence, mais ce message lui laisse une sensation étrange, douloureuse. "On doit parler." Pas de formule amicale, pas de douceur dans le ton. Tout a changé entre les deux meilleures amies suite à la soirée de l'horreur. Après quelques secondes d’hésitation, elle se lève, attrape sa veste, et sort de la maison en silence. Sa mère n’approuverait pas cette rencontre, mais Lindsay est occupée à la station de police, à gérer les répercussions des disparitions récentes de l'affaire TLK. De toute façon, Addison n’a plus envie de rendre des comptes à qui que ce soit. Elle va rencontrer Timadie, afin de sauver leur amitié en pleine tourmente.

***

Mercredi 19 septembre 2019 |Le Parc Rhody | 19h22

Le parc est quasi vide quand elle y arrive. Le ciel est d’un gris lourd, annonciateur d'une averse imminente. Les arbres nus se balancent lentement au gré du vent, l’eau du lac reflète la lumière terne du jour. Addison se sent aussi morne que le décor qui l’entoure. Soudain, au loin, elle aperçoit Timadie, debout près du lac, les bras croisés, la jeune fille aux cheveux noirs cendrés reste stoïque. Elle est de dos, mais même à cette distance, Addison peut sentir la tension dans son corps, la froideur dans sa posture. Elle s’approche lentement, son angoisse s'amplifie. Timadie ne se retourne pas tout de suite, comme si elle ressentait une forme de résistance à la confrontation. Addison s'arrête à quelques mètres d'elle. Un silence pesant s'installe entre elles. Les mots sont difficiles à trouver.

— Tim'… commence Addison, sa voix faible et hésitante.

Timadie se retourne enfin, et dès que leurs regards se croisent, Addison voit la douleur dans les yeux de sa meilleure amie. Mais cette douleur est différente. Elle est mêlée de colère, de déception, d’une distance presque insurmontable.

— Pourquoi se voir ici ? on aurait pu se voir au Hilltop ou chez moi, demande Addison, en tentant de briser la glace.

Timadie serre les lèvres, son regard devient dur. Elle inspire profondément avant de répondre, la voix teintée d’une amertume qu’Addison n’a jamais entendue chez elle.

— Parce que je ne pouvais plus ignorer tout ça, Addison. J'ai essayé, mais je ne peux pas faire semblant. Pas après tout ce qui est arrivé.

Le cœur d’Addison se serre. Elle sent la confrontation qu’elle redoutait venir, et elle sait que ce moment pourrait sceller définitivement leur amitié.

— Qu’est-ce que tu veux dire ? demande Addison, bien qu’elle devine déjà la réponse.

Timadie se rapproche légèrement, les bras toujours croisés. Ses yeux sont fixés sur Addison, comme si elle cherchait des réponses dans son visage.

— Tout le monde à Ashlow parle de toi, même en dehors. Les gens pensent que tu es… complice de ce monstre. Et tu sais quoi ? Je ne sais plus quoi penser.

Ces mots frappent Addison comme un coup de poignard. Elle reste immobile, les lèvres entrouvertes, incapable de répliquer immédiatement.

— Comment.. comment tu peux dire ça ?! murmure-t-elle, la voix tremblante. Je suis ta meilleure amie, Tim'… tu sais que je ne ferais jamais ça. Tu me connais !

Timadie détourne le regard, elle ne supporte plus de la regarder dans les yeux. Elle secoue la tête, visiblement déchirée entre la loyauté qu’elle ressent pour Addison et la peur qu’elle a absorbée à travers les rumeurs.

— Je pensais te connaître, dit-elle, sa voix brisée. Mais tout ça… cette fête, la mort de Sandy, et maintenant la disparition de Thomas et Jasmyn. Tout tourne autour de toi. Tu étais là, à chaque fois.

Addison sent une vague de désespoir l’envahir. Ses poings se serrent, ses émotions bouillonnant sous la surface.

— Je ne suis pas responsable de leur mort ! Je ne suis pas responsable de la disparition de Thomas et Jasmyn ! crie-t-elle, en montant sa voix d’un cran. La colère prend le dessus sur la douleur. Je suis aussi une victime dans cette histoire !

Timadie se retourne vivement vers elle, les yeux enflammés.

— C'est facile de dire ça, Addison ! Toi tu... tu respires encore ! Depuis que tout ça a commencé, tout tourne autour de toi. Tu as voulu attirer TLK à ta fête, et regarde ce qui s’est passé. Tu joues avec le feu, et maintenant tout le monde en paie les conséquences !

Addison recule légèrement, choquée par la violence des propos de Timadie. Elle cherche les mots pour répondre, mais tout est confus dans son esprit.

— J’ai fait ça pour notre meilleure amie. Je voulais l’attraper pour qu’il paie… pour qu’il paie ce qu’il a fait à Megan, à Cassie… !

— Et tu n’as pas pensé aux autres ? À nous ? À ce que ça pourrait nous coûter ? réplique Timadie, les larmes aux yeux. Tu t’es lancée dans ce plan sans réfléchir, sans penser aux conséquences. Et maintenant, regarde où on en est. Tu es suspectée, on a tous peur, et moi… moi, je ne te reconnais plus !

Le silence retombe lourdement entre elles. Addison reste figée, les larmes ne vont pas tarder à couler, mais elle les retient. Elle sent le poids de ses actions, de ses décisions, et de la colère de son amie. Timadie n’a pas totalement tort. Elle a voulu se venger, se battre contre TLK, mais à quel prix ?

— Alors quoi ? murmure Addison, la voix brisée. Tu me tournes le dos, c’est ça ? Tu me laisses tomber comme tout le monde ?

Timadie reste silencieuse un moment, son regard toujours détourné. Finalement, elle secoue doucement la tête.

— Je ne sais pas quoi croire, Addison. Mais je sais que je ne peux pas continuer comme ça.

Addison sent son cœur se briser un peu plus à chaque mot. Elle essaie de se rapprocher de Timadie, mais cette dernière recule légèrement, maintenant une distance entre elles.

— Peut-être qu'on a juste besoin de temps… de distance, dit Timadie, presque comme une excuse.

— Non, Tim'… s'il te plaît. Ne me fais pas ça. On peut surmonter ça !

— Pas cette fois. Désolé, Addison. Timadie lâche ces derniers mots, avant de se détourner complètement de sa meilleure amie.

— Tu étais partante, Timadie ! Ne l'oublie pas !

Sans répondre à Addison, Timadie s’éloigne. L'adolescente aux cheveux cendrés laisse derrière elle un vide écrasant dans le cœur d’Addison, celle-ci reste debout, figée, au bord de l’étang. Le vent froid lui mord les joues, mais elle ne le sent même pas. Les derniers mots de son amie résonnent encore dans sa tête, son esprit s' assombri. "Pas cette fois. Désolé Addison." Ces quelques mots suffisent à briser tout espoir. Sa meilleure amie ne croit plus en elle, tout comme la plupart des gens de cette ville. Elle est seule, totalement délaissée. Alors qu’elle fixe l’eau trouble devant elle, son téléphone vibre soudainement dans sa poche. Un sentiment de peur instinctif la saisit. TLK. Elle sort son téléphone d’une main tremblante et, comme elle l’avait deviné, l’écran affiche un numéro masqué. Un frisson glacé parcourt son échine. Sans attendre, elle accepte l’appel et porte le téléphone à son oreille. C’est lui, le tueur au masque de cire.

Bonsoir, Addison, murmure la voix déformée de TLK, calme, presque joyeuse, comme s’il prenait plaisir à cette conversation.

Addison ferme les yeux. Elle tente de contenir sa colère. Son corps tout entier est tendu, ses poings se serrent involontairement.

— Tu te crois vraiment dans un jeu, espèce de connard ? parle-t-elle d'une voix acerbe, tranchante. Tu tues pour de vrai. Ce n’est pas un scénario, c’est la réalité !

Elle attend une réaction, une hésitation, quelque chose qui montrerait qu’il comprend la gravité de ses actes. Mais tout ce qu’elle reçoit en retour est un rire froid mécanique, qui lui glace le sang.

Ah, Addison… tu te prends vraiment trop au sérieux. Il rit encore, ses éclats de rire résonne comme des couteaux qui se plantent dans l'esprit déjà tortueux d'Addison. Je t’avais dit que tout ça n’était qu’un jeu. Un jeu auquel tu es l'actrice principale, que tu le veuilles ou non."

Elle sent la rage monter en elle, mais elle refuse de le laisser voir à quel point il la touche.

— Je ne suis pas ton jouet, grogne-t-elle.

Oh, mais si, tu l’es. Tout le monde autour de toi l’est. Cette ville est mon terrain de jeu désormais ! Un silence glacial s’installe, brisé par TLK lui-même, cette fois plus sombre, plus menaçant. Si tu veux des preuves, très chère Addison, tu ferais bien de te dépêcher. Parce que je vais m’attaquer à Dany et Maria Silver… chez eux.

La respiration d'Addison se coupe. Maria et Dany. Elle se redresse, reprend son souffle saccadé par l'angoisse.

— Tu mens, crache-t-elle, mais même en disant cela, elle sent la panique monter. Tu veux juste que je panique, que je me précipite sans réfléchir !

Tu peux choisir de ne pas me croire, répond TLK, un sourire évident dans sa voix. Mais si tu tiens à sauver cette chère Maria et ton ex Dany, tu ferais bien de te dépêcher. Je vais mettre fin à la lignée des SIlvers !

Addison reste un instant figée, partagée entre la peur et la colère. Mais elle ne peut pas prendre le risque de l’ignorer. Si Maria et Dany sont réellement en danger, elle doit agir.

— Tu ne les toucheras pas, promet-elle d’une voix basse.

TLK ne répond pas. Le silence est plus terrifiant que tout, puis l’appel se coupe brusquement. Addison n’hésite pas. Elle tourne les talons et se dirige vers sa voiture. Elle doit arriver chez les Silver avant que TLK ne frappe.

***

Mercredi 19 septembre 2019 |Le Parc Rhody | 20h02

Addison arrive en trombe devant la maison des Silver, freinant si brusquement que ses pneus crissent sur l’asphalte. Elle sort de la voiture presque avant que le moteur ne s’éteigne, sa respiration déjà saccadée, son cœur battant à tout rompre. L’air glacial de la nuit mord sa peau, mais elle n’y prête pas attention. Elle fixe la maison devant elle, ses fenêtres sombres et silencieuses, comme un avertissement muet. Quelque chose ne va pas. Elle pousse la grille sans réfléchir, le métal grinçant dans le silence de la nuit. Les lumières du porche sont éteintes, et il n’y a aucune voiture dans l’allée. Une sueur froide coule le long de son dos alors qu’elle monte les marches menant à la porte d’entrée. Ils doivent être là. Ils doivent être là. Elle frappe à la porte, une fois, deux fois, son poing rebondissant sur le bois.

— Dany ! Maria ! Ouvrez, c’est Addison ! crie-t-elle, sa voix tremblante d’une inquiétude palpable.

Rien. Pas un bruit ne lui répond. Le silence est si oppressant qu’elle entend son propre souffle devenir plus rapide, plus irrégulier. Elle frappe à nouveau, cette fois plus fort, presque en martelant la porte.

— Dany ! Maria ! hurle-t-elle.

Toujours aucune réponse. La panique commence à monter en elle, envahissant son esprit comme une vague sombre. Ils ne sont pas là. Elle tente désespérément d’ouvrir la porte, mais elle est verrouillée. Son esprit tourne à toute vitesse, cherchant une solution. Elle descend les marches à la hâte et fait le tour de la maison, ses chaussures crissant sur le gravier. Chaque fenêtre qu’elle passe est plongée dans l’obscurité. Elle jette un coup d’œil à l’intérieur, ses mains en visière sur les vitres pour percer l’obscurité, mais tout semble normal. Trop normal. Aucun signe de lutte, aucun désordre. Elle continue son inspection, ses pas devenant plus précipités, ses mains tremblant alors qu’elle cherche une porte de côté, une fenêtre ouverte, n’importe quoi. Mais la maison est fermée hermétiquement, et le silence à l’intérieur est presque assourdissant.

— Non, non, non… où êtes-vous ? murmure-t-elle pour elle-même, le désespoir montant en elle.

Addison revient à l’avant de la maison, ses jambes tremblant sous l’effet de l’adrénaline et de la peur. Elle sort son téléphone, ses mains moites glissant légèrement sur l’écran. Elle est sur le point d’appeler la police, mais avant qu’elle ne puisse composer le numéro, son téléphone vibre dans sa main. Elle baisse les yeux et voit ces mots qui lui donnent des frissons : Numéro masqué.

— Espèce de… ! murmure-t-elle en décrochant immédiatement. Où sont-ils, espèce de monstre ?

Elle serre le téléphone si fort qu’elle a l’impression qu’il pourrait se briser, sa voix grondant d’une colère à peine contenue. De l’autre côté, le rire mécanique et froid de TLK résonne à travers le combiné, glaçant chaque nerf de son corps.

Oh, Addison, commence-t-il, sa voix monstrueuse et moqueuse. Tu es tellement prévisible. Courant là où je veux que tu ailles, comme une marionnette tirée par des fils.

Addison serre les dents, son corps tout entier tremblant de frustration et de rage.

— Arrête de jouer avec moi ! crache-t-elle. Où sont Dany et Maria ? Si tu leur as fait le moindre mal, je te retrouverai et je te tuerais !

Un silence oppressant s’installe pendant un moment, comme si TLK savourait son emprise sur elle. Puis, il reprend, son ton plus sombre cette fois.

Dany et Maria ne sont pas chez eux ! Mais, voyons, pourquoi te mentirais-je, Addison ? Je t’ai donné un indice. Si tu tiens tant à sauver Maria, tu sais où aller.

— Dis-le moi clairement, enfoiré ! hurle-t-elle, sa voix se brisant sous l’effet de l’émotion.

Un soupir moqueur s’échappe du téléphone, suivi d’une réponse qui la fait frissonner.

À l’hôpital d’Ashlow, bien sûr. Maria est une infirmière dévouée, après tout. Elle est là où je voulais qu'elle soit ! Elle ne pourra pas m’échapper ! Je vais l'étriper comme un putain de porcinet !

Les mots s’enfoncent dans son esprit comme des lames. L’hôpital. Maria est de garde. TLK savait exactement où frapper. Elle serre le téléphone contre son oreille, les larmes de frustration perlant au coin de ses yeux.

Petite merde ! Tu ne toucheras pas à Maria, grogne-t-elle entre ses dents, ses poings tremblant de rage.

Mais TLK éclate de rire, cette fois plus fort, plus menaçant.

Tu ne peux pas m’arrêter Addison. Mais je te laisse une chance. Dépêche-toi… avant qu’il ne soit trop tard ! Tic tac ! L'heure tourne !

Puis l’appel se coupe. Le silence qui suit est insupportable, résonnant dans ses oreilles comme un cri lointain. Elle reste immobile une fraction de seconde, le téléphone encore contre son oreille, avant de se ressaisir. Elle n’a pas de temps à perdre.

Addison fonce vers sa voiture. Ses jambes vacillent légèrement sous elle. Sa main tremblante saisit les clés, et elle démarre en trombe. Le moteur rugit alors qu’elle quitte l’allée des Silver à toute vitesse. Si TLK est réellement à l’hôpital… si Maria est sa prochaine cible… sa vision se brouille sous l’effet de l’angoisse, mais elle inspire profondément. Addison tente de se concentrer sur la route. Pas de temps à perdre. Elle dépasse tous les feux rouges sur son chemin, toutes les voitures qu'elle croise. Son esprit est envahi par des scénarios terrifiants : l’image de Maria ensanglantée, celle de TLK qui réussi à s’échapper dans les ténèbres de la nuit, en laissant derrière lui un sillage cauchemardesque.

— Tiens bon, Maria, murmure-t-elle pour elle-même, accélérant encore. Je vais arriver à temps. Je dois arriver à temps.

Les rues d’Ashlow défilent dans un flou, ses pensées se concentrent uniquement sur sa destination. Le trajet vers l’hôpital d’Ashlow est un cauchemar pour Addison. Ses mains agrippent le volant si fort que ses jointures blanchissent. Les rues sont désertes, éclairées seulement par les lampadaires dont la lumière vacille par endroits. Son esprit tourne à toute vitesse. Et si elle arrivait trop tard ? Et si TLK avait déjà frappé ? L’image de Maria, son visage figé dans une expression de peur, envahit ses pensées. Elle serre les dents et appuie sur l’accélérateur, elle ignore les limites de vitesse. Addison prend des risques, mais elle n’a pas d’autre choix. Les contours des maisons et des arbres disparaissent dans l’urgence de sa mission. Chaque secondes comptent. Et si il était déjà trop tard ? Non. Elle ne voulait pas penser au pire des scénarios. Le bâtiment de l’hôpital se dresse enfin devant elle, ses lumières blanches contrastent avec la noirceur de la nuit. Addison se gare en catastrophe. L'adolescente sort de la voiture sans même fermer la portière. Elle se précipite vers l’entrée principale, ses pas claquent fortement sur le sol en béton, l’adrénaline inonde tout son corps. TLK est ici, et il est prêt à frapper.

— Tiens bon, Maria ! crie-t-elle pour elle-même, sa voix tremble d’émotion. Je ne vais pas te laisser tomber.

***

Mercredi 19 septembre 2019 |Ashlow Hospital | 21h32

Addison pousse les portes automatiques, et l’air chaud de l’hôpital la frappe immédiatement, contrastant avec la froideur extérieure. Le hall est presque vide, à l’exception de quelques patients assis dans la salle d’attente et d’une réceptionniste qui tape distraitement sur son clavier. L’endroit est étrangement calme, les bruits feutrés des pas et des machines médicales créant une ambiance presque irréelle. Elle avance rapidement, son regard fouillant chaque recoin du hall. Où est Maria ? Elle n’a aucune idée de l’endroit où chercher. Son cœur bat à tout rompre alors qu’elle traverse les couloirs, ses chaussures résonnant contre le sol brillant. L’écho de ses pas semble amplifier sa panique. Addison s’arrête un instant, son souffle lui échappe. Elle reprend sa respiration, puis se dirige vers une infirmière qui sort d’une salle en ajustant ses gants.

— Excusez-moi, Maria Silver, dans quel service se trouve-t-elle ?!

L’infirmière, visiblement épuisée, la regarde avec une légère confusion.

— Maria ? Elle travaille dans l’aile est, service de soins de nuit.

— Ok ! Appelez la police tout de suite ! Le tueur est ici !

Addison n’attend pas une seconde de plus. Elle se précipite dans la direction indiquée, ignorant les regards curieux du personnel et des quelques patients qu’elle croise. Son cœur est sur le point d'exploser dans sa poitrine, et elle sent son souffle devenir plus court à mesure qu’elle avance. Elle doit trouver Maria avant TLK.

Après une course éfrenée, Addison atteint finalement le service de nuit. Le couloir est faiblement éclairé, l’atmosphère silencieuse à l’exception des bips réguliers des moniteurs dans les chambres adjacentes. L’endroit est presque désert. Ses yeux balayent frénétiquement les environs jusqu’à ce qu’elle aperçoive une silhouette familière. Maria est là, elle marche tranquillement dans le couloir, tenant plusieurs dossiers contre sa poitrine. Elle est absorbée par ses tâches, complètement inconsciente du danger imminent qui plane sur elle. Addison sent une vague de soulagement l’envahir, mais elle est rapidement remplacée par une panique encore plus grande. TLK peut être n’importe où.

— Maria ! hurle Addison, sa voix brisant le silence pesant du couloir.

Maria s’arrête net et se retourne, surprise par cette intrusion soudaine. Elle fronce les sourcils en reconnaissant Addison, visiblement confuse.

— Addison ? Mais que fais-tu ici ? demande-t-elle, sa voix calme, mais teintée de curiosité. Elle regarde autour d’elle, comme si elle cherchait une explication à cette urgence.

Addison s’approche rapidement, haletante, ses yeux fouillant chaque recoin du couloir comme si le tueur allait surgir à tout moment.

— Tu es en danger… dit-elle entre deux respirations. TLK… il veut te tuer !

Maria reste figée un instant, ses yeux s’écarquillent légèrement à ces mots. Mais elle ne comprend pas tout de suite l’ampleur de la situation.

— TLK ? Le tueur... de ma fille ? Elle secoue la tête, incrédule.

Addison s’approche encore, presque désespérée, et attrape le bras de Maria, l’obligeant à la regarder dans les yeux.

— Écoute-moi ! Il sait que tu es ici ! Il m’a appelée, il m’a dit qu’il viendrait pour toi !

Le ton d’Addison, paniqué et suppliant, atteint enfin Maria. Elle regarde autour d’elle, sa propre inquiétude commençant à poindre. Mais avant qu’elle ne puisse répondre, un bruit lointain attire leur attention. Un claquement. C’est discret, imperceptible, mais dans le silence du couloir, cela résonne comme un avertissement sinistre. Addison se fige, ses yeux se tournent vers le bout du couloir, là où les lumières vacillent légèrement. Et c’est là qu’elle le voit. Une silhouette sombre émerge de l’ombre, lentement, délibérément. Un frisson glacial parcourt le corps d’Addison alors que la silhouette avance, le masque de cire de TLK brillent faiblement sous la lumière artificielle. Il tient une lame dans sa main, luisante et menaçante. Maria porte une main à sa bouche, le souffle coupé, ses yeux écarquillés d’horreur.

— Non… murmure Addison, son cœur se serrant.

TLK s’arrête un instant, sa tête s'incline légèrement, il observe les deux femmes comme un prédateur qui jauge ses proies. Puis, d’un mouvement soudain, il commence à marcher rapidement vers elles.

— Cours, Maria ! hurle Addison, son instinct de survie prenant le dessus.

Maria, encore choquée, reste figée un instant avant qu’Addison ne la tire violemment par le bras, l’entraînant avec elle à travers le couloir. Les deux femmes courent, alors que le tueur les poursuit d’un pas rapide et implacable. TLK ne laisse jamais ses proies s’échapper. Addison continue de tirer Maria par le bras à travers les couloirs de l’hôpital. Les pas de TLK, réguliers, implacables, menaçants, s’approchent de plus en plus. La peur se mêle à l’adrénaline et poussent Addison à courir plus vite, à penser plus vite. Elle ne peut pas le laisser les atteindre. Pas cette fois. Pas Maria.

— Par ici ! crie Addison, qui repère une intersection dans le couloir. Elle tire brusquement Maria à gauche. Elles manquent de trébucher, leurs chaussures glissent sur le sol javelisé.

Maria, encore sous le choc, halète bruyamment.

— C’est… c’est vraiment lui ? parvient-elle à balbutier.

— Oui, et il va nous tuer toutes les deux si on ne lui échappe pas ! répond Addison, sa voix tremblant d’émotion.

Elles atteignent une porte marquée Personnel uniquement. Addison, sans réfléchir, l’ouvre d’un coup d’épaule, tire encore Maria à l’intérieur. Elles se retrouvent dans une petite pièce de stockage remplie d’étagères métalliques, de médicaments et de fournitures médicales. Addison pousse Maria derrière une rangée d’étagères et referme doucement la porte derrière elles.

— Reste ici, murmure Addison, le souffle court. Je vais essayer de l’éloigner.

Maria attrape son bras, son regard empli d’une peur viscérale.

— Non, Addison ! Il te tuera ! On doit rester ensemble, attendre la police ou—

— La police arrive, mais elle ne sera pas là pas à temps. Addison coupe Maria, sa voix alimentée d’une rage froide. C’est moi qu’il veut. Si je peux le distraire, tu auras une chance de t’en sortir.

Maria ouvre la bouche pour protester, mais Addison l'ignore. L'adolescente se dégage de son emprise et retourne lentement vers la porte. Elle jette un dernier regard à Maria, qui est maintenant recroquevillée derrière une étagère, avant de sortir dans le couloir. Le couloir est plongé dans un silence oppressant. Addison avance prudemment, son cœur bat si fort qu’elle a l’impression qu’il pourrait attirer TLK vers elle. Les bruits dans l’hôpital amplifient sa paranoïa. Où est-il ? Soudain, un bruit sourd résonne derrière elle. Elle se retourne brusquement et voit la silhouette massive de TLK au bout du couloir. Son masque de cire scintille sous les lumières fluorescentes, et dans sa main, la lame est prête à frapper.

Addison inspire profondément. Elle rassemble tout son courage. Elle ne peut pas fuir éternellement. Il est temps de faire face.

— Hé ! hurle-t-elle, sa voix brisant le silence. C’est moi que tu veux, non ? Je suis là !

TLK s’arrête, incline légèrement la tête comme un animal curieux. Puis, lentement, il commence à avancer vers elle, ses pas lourds résonne dans l’espace clos. Addison recule, ses yeux fouillent frénétiquement le couloir à la recherche d’une arme, d’un objet, de quoi que ce soit pour se défendre. Elle aperçoit un chariot médical abandonné près d’un mur et s’en précipite. Elle saisit une longue barre métallique utilisée pour ajuster les rideaux. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est mieux que rien.

— Tu veux jouer fils de pute ? Alors viens ! crie-t-elle, brandissant la barre.

TLK accélère soudainement, il fonce vers elle avec une rapidité effrayante. Addison a à peine le temps de lever son arme improvisée pour parer son attaque. Sa lame claque contre la barre, envoyant un écho métallique à travers le couloir. Le choc de l’impact la fait vaciller, mais elle tient bon.

— C’est tout ce que t’as sale branleur ? lance-t-elle, tentant de cacher la peur dans sa voix.

TLK ne répond pas. Il attaque à nouveau, il manie sa lame avec une précision mortelle. Addison recule et utilise la barre pour bloquer les coups, mais les impacts qui résonnent dans ses bras, la rapproche dangereusement de l’épuisement. Elle finit par trébucher, tombe lourdement sur le dos. La barre roule hors de sa portée, et TLK se tient maintenant au-dessus d’elle, sa silhouette massive cache la lumière. Il lève sa lame, prêt à porter le coup fatal. C’est à ce moment qu’Addison aperçoit une petite boîte sur le mur à sa droite. L’alarme incendie. Elle tend la main désespérément, ses doigts effleurent la poignée rouge.

— Pas cette fois, enculé.

Elle tire violemment la poignée. L’alarme incendie se déclenche instantanément, à travers tout l’hôpital. Les lumières clignotent en rouge, et le bruit assourdissant désoriente TLK pendant une fraction de seconde. Addison en profite. Elle roule sur le côté et se relève rapidement, saisit un extincteur accroché au mur. Sans hésiter, elle le pointe vers TLK et appuie sur la poignée. Une épaisse mousse blanche jaillit et frappe le tueur en plein visage, recouvre son masque de cire. TLK recule, visiblement désorienté. Addison ne perd pas une seconde. Elle saisit l’extincteur et le balance de toutes ses forces contre lui. Le coup est violent, et TLK titube en arrière, il lâche presque sa lame.

Mais au moment où Addison croit avoir pris l’avantage, il se redresse, comme s’il n’avait rien ressenti. Son masque est fissuré, mais il reste debout, son regard invisible fixé sur elle. Puis, dans un mouvement rapide et imprévisible, il se retourne et disparaît dans l’ombre.

— Reviens, espèce de lâche ! hurle Addison, mais il est déjà parti.

Addison revient en courant dans la salle de stockage où elle avait laissé Maria. Cette dernière est encore là, recroquevillée, ses yeux remplis de peur.

— Il est parti, dit Addison, essoufflée mais soulagée. Je… je l’ai fait fuir.

Maria se redresse lentement, son corps tremble.

— Addison… tu l’as affronté seule ? demande-t-elle, incrédule.

— Je n’avais pas le choix. Addison regarde Maria dans les yeux, sa voix plus douce maintenant. Il ne t’a pas eue et moi non plus. C’est tout ce qui compte.

Maria secoue la tête, des larmes silencieuses coulent sur ses joues.

— C’est un monstre… murmure-t-elle.

— Oui, répond Addison, son regard se durcissant. Mais il peut être battu. Et je vais m’assurer d'y arriver la prochaine fois.

***

Mercredi 19 septembre 2019 |Ashlow Hospital | 22h15

Les deux femmes restent là un moment. Elles respirent difficilement, le hurlement de l’alarme incendie continue de résonner dans l'entièreté de l’hôpital. TLK s’est volatisé à nouveau, mais Addison sent qu’elle a marqué un point. Cette fois, elle ne s’est pas contentée de survivre. Elle a riposté. Mais la partie est loin d’être terminée. TLK reviendra. Les sirènes de la police et des ambulances crée une cacophonie qui contraste avec le calme oppressant de la scène quelques instants plus tôt. Des gyrophares rouges et bleus illuminent l’entrée principale et les murs blancs du bâtiment. Addison et Maria sont assises à l’arrière de deux ambulances stationnées devant l’hôpital, enveloppées dans des couvertures chauffantes.

Addison fixe le sol, ses mains tremblent davantage malgré la chaleur de la couverture autour de ses épaules. Sa respiration est saccadée, son esprit brouillé par le choc et l’adrénaline qui n’est toujours pas retombée. À côté d’elle, Maria serre la tasse de thé qu’un ambulancier lui a donnée, ses yeux fixent un point invisible devant elle. Les deux femmes partagent un silence chargé d’émotion, mais aucun mot ne semble pouvoir briser la tension. Un groupe d’officiers de police, armés et en tenue, entre et sort de l’hôpital. Ils fouillent les lieux méthodiquement à la recherche de TLK, mais Addison sait déjà qu’ils ne trouveront rien. Il s'est volatilisé comme un fantôme. Encore une fois. Soudain, une voix familière se fait entendre au loin, portée par une colère à peine contenue.

— Addison ! Où est ma fille ?

Addison lève les yeux, et son cœur se serre en voyant sa mère, Lindsay Moon, arriver sur les lieux. Toujours en uniforme de shérif, Lindsay fend la foule de policiers et de personnels médicaux avec une détermination glaciale. Son regard désespéré à la recherche sa fille. Lorsqu’elle aperçoit Addison, son visage passe brièvement de la colère au soulagement avant de se durcir à nouveau.

— Addison ! Lindsay s’avance rapidement vers elle, ignorant les regards des ambulanciers. Qu’est-ce que tu faisais ici ? Pourquoi n’es-tu pas restée à la maison ?

Addison inspire profondément, sachant que ce moment allait arriver. Elle se redresse légèrement sur le bord de l’ambulance, serrant sa couverture autour d’elle comme un bouclier.

— Maman, je peux tout t’expliquer.

Mais Lindsay, déjà au bord de l’explosion, ne lui laisse pas le temps.

— M’expliquer quoi, Addison ? Pourquoi tu te trouves sur une scène de crime ? Pourquoi tu es mêlée à cette histoire, encore une fois ?

Les mots sont tranchants, et Addison se sent immédiatement sur la défensive. Elle serre les poings, mais tente de garder son calme.

— J’étais ici pour sauver Maria !

Lindsay s’arrête net, ses sourcils se fronçant profondément.

— Sauver Maria ? De quoi tu parles ? demande-t-elle, sa voix tremblant légèrement sous le poids de l’inquiétude.

Addison se redresse complètement, croisant le regard de sa mère.

— De TLK. Il était là, maman. Je l’ai vu. Il était là pour tuer Maria.

— Et comment diable savais-tu qu’il allait venir ici ?

C’est à cet instant qu’Addison sait qu’elle ne peut plus garder son secret. Elle inspire profondément, rassemblant tout son courage, avant de répondre, sa voix hésitante.

— Parce qu’il… il m’a appelée.

Les yeux de Lindsay s’écarquillent sous l’effet de la surprise.

— Il t'a quoi ?!

— Il m’a appelée, maman. Pas seulement ce soir. Il m’appelle depuis des jours. Il m’envoie des messages aussi. Il me dit où il va frapper, il… il joue avec moi.

Le silence qui suit est lourd, brisé seulement par le bourdonnement des radios des policiers et les voix lointaines des ambulanciers. Lindsay fixe Addison, ses yeux brillant d’un mélange de choc, de peur et de colère.

— Tu veux dire que ce… ce monstre t’appelle depuis des jours et tu ne m’as rien dit ? Sa voix monte d’un cran, une tempête d’émotions qui gronde en elle. Pourquoi tu as gardé ça pour toi, Addison ?!

Addison recule légèrement, comme si les mots de sa mère étaient autant de coups.

— Je… je ne savais pas quoi faire ! proteste-t-elle, la voix brisée. Je pensais que je pouvais le gérer, que si je l’écoutais, je pourrais l’arrêter. Je voulais protéger tout le monde, maman !

Lindsay secoue la tête, incrédule.

— Protéger tout le monde ? Addison, tu es une adolescente, pas une policière ! Tu as caché des informations vitales sur un tueur en série ! Je pourrais t'arrêter tout de suite pour entrave à la justice, tu en es consciente ?

Les larmes montent aux yeux d’Addison, mais elle refuse de les laisser couler.

— Parce que personne d’autre ne fait rien ! hurle-t-elle soudain, sa voix pleine de frustration et de douleur. Tu es la shérif, maman, et pourtant il est toujours dehors, toujours en train de tuer ! Je ne pouvais pas rester là, assise, à ne rien faire !

Les mots frappent Lindsay de plein fouet. Elle recule légèrement, sa colère monte face à la réalité brutale des sentiments de sa fille.

— Addison… murmure-t-elle, mais Addison ne s’arrête pas.

— Megan est morte, Sandy est morte, Steeve est mort, et maintenant Thomas et Jasmyn ont disparu putain ! Je ne pouvais pas les sauver, maman. Mais je pouvais sauver Maria ce soir. Et c’est ce que j’ai fait.

Le silence retombe, lourd et oppressant. Lindsay reste immobile, les lèvres pincées, les poings serrés le long de son corps. Elle regarde sa fille, cette adolescente qu’elle a élevée, mais qui semble avoir grandi trop vite, brisée par un monde qu’elle ne devrait même pas comprendre. Finalement, elle inspire profondément, passant une main sur son visage comme pour chasser la tension.

— Tu aurais dû venir me voir dès le début, dit-elle, sa voix plus basse mais toujours ferme. Je suis ta mère, Addison. Et plus que ça, je suis la shérif de cette ville. Tu ne peux pas affronter TLK seule.

Addison baisse la tête, serrant sa couverture contre elle.

— Je ne voulais pas te mettre en danger, murmure-t-elle.

Lindsay s’accroupit devant elle, posant une main ferme mais douce sur son genou.

— C’est mon travail de me mettre en danger. Pas le tien.

Les larmes qu’Addison retenait coulent enfin, elles sont silencieuses, des sillons brillants se forment sur ses joues. Lindsay la prend dans ses bras, serre sa fille contre elle.

— Je te protégerai, Addie. Je te le promets. Mais à partir de maintenant, tu dois me dire tout ce que tu sais. Tout. Je ne veux plus de secrets entre nous.

Addison hoche la tête contre l’épaule de sa mère, un mélange de soulagement et de culpabilité l’envahit. Elle a franchi une ligne en cachant ces informations, mais pour la première fois depuis longtemps, elle se sent moins seule dans ce combat.

— Je te dirai tout, dit-elle. Je te le promets.

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