La soirée
Addison décharge les sacs de la voiture, les bras chargés de provisions et de décorations. Le soleil de l'après-midi frappe fort, il illumine le jardin, où elle s'apprête à organiser la soirée de sa vie. Elle jette un coup d'œil à la piscine scintillante, le reflet du ciel bleu se mêle à l'eau claire. Pour un instant, tout est paisible, un peu trop normal. Pourtant, cette soirée n’a rien d’ordinaire. Ce n’est pas une fête, c’est un piège. Un piège tendu pour le tueur qui rôde dans encore dans la ville d'Ashlow. Elle traîne les sacs vers l’arrière du jardin. Alison est focalisé sur le plan qu’elle a conçu minutieusement. Les décorations, la piscine... chaque détail doit être parfait. Elle commence par dérouler les guirlandes lumineuses qu’elle a achetées plus tôt, les suspends autour de la piscine et le long de la clôture du jardin. Cette soirée doit ressembler à une fête, malgré la menace invisible qui pèse sur elle et ses invités.
Elle s’affaire en silence, ses gestes sont mécaniques. Alison attache les guirlandes aux arbres, les enroule autour des colonnes du patio. À chaque instant, elle s'arrête, tend l’oreille, elle sent cette sensation familière, oppressante. Quelque chose cloche, mais elle ne peut pas identifier quoi. Est-ce une ombre qui bouge derrière un arbre ? Un murmure étouffé ? Elle secoue la tête, essayant de se convaincre qu’elle se fait des idées. Pourtant, l’impression d’être observée persiste.
— Qui est là ?! Crie-t-elle, en se retournant de gauche à droite.
Mais personne ne répond. Addison inspire profondément. Elle s’efforce de calmer son esprit, se concentre sur les ballons qu’elle doit gonfler, des ballons aux couleurs vives, principalement roses et violets, comme Megan les aimait. Ses doigts tremblent légèrement alors qu’elle noue les ficelles et attache les ballons autour de la piscine. Elle regarde autour d’elle, le jardin qui se transforme en une scène parfaite pour une soirée en plein air.
Mais cette perfection est fragile, Addison le sait. Les décisions qu’elle prend sont calculé. Elle s’approche de la table en bois qu’elle a disposée près de la piscine, commence à y placer les petites bougies parfumées, leur flamme vacillante rappelle sa propre fragilité. Les senteurs de vanille et de lavande se diffusent lentement dans l’air, mais ne parviennent pas à apaiser son esprit en ébullition.
Soudain, un bruit derrière elle la fait sursauter. Elle se retourne brusquement, mais il n’y a rien. Seulement une légère brise qui agite les feuilles des arbres et fait claquer légèrement les guirlandes. Addison se passe une main sur le front, en essayant de chasser la tension qui monte en elle.
— C'est rien, pense-t-elle. Juste le vent.
Pourtant, son regard fouille les environs, elle s’attend presque à voir surgir quelqu’un de nulle part. Elle secoue la tête et retourne à son travail. Mais son esprit n’arrive pas à se calmer. La sensation de surveillance se fait plus insistante, plus lourde. Elle sent son souffle devenir court, son cœur s’accélère de manière incontrôlable. Les battements dans sa poitrine sont presque assourdissants. Le stress la submerge, et avant qu’elle ne puisse s’en rendre compte, une vague de panique la prend.
Addison se fige, elle est incapable de bouger, elle a les yeux écarquillés, ses mains tremblent. La jeune fille regarde autour d’elle, cherche inlassablement d’où vient cette sensation d’observation, mais il n’y a personne. Juste le jardin, paisible et silencieux, et pourtant elle est convaincue que quelqu’un la regarde. Que quelqu’un, quelque part, attend son moment.
Ses mains s’agrippent au bord de la table, ses jointures blanchissent sous la pression. Sa respiration devient saccadée, incontrôlable, ses poumons peinent à capter l’air. Elle ferme les yeux, puis se rappeler les exercices de respiration que sa mère lui a enseignés. Inspirer profondément. Expirer lentement. Une fois. Deux fois. Les battements frénétiques de son cœur ralentissent peu à peu, l’air entre correctement dans ses poumons. Elle rouvre les yeux, les doigts toujours crispés sur le bois. Elle inspire une dernière fois, plus calmement cette fois-ci. "Je vais bien," murmure-t-elle pour elle-même, même si une partie d’elle refuse d’y croire. Elle relâche doucement la table et passe une main dans ses cheveux pour se redonner contenance.
Ce n’est que son imagination. Elle a trop réfléchi à cette soirée, trop analysé les détails, les risques. Pourtant, la peur ne la quitte pas. Elle est bien là, tapie au fond d’elle, comme une bête sauvage prête à bondir au moindre signe de danger. Elle reprend son travail, cette fois plus vite, comme pour se prouver qu’elle est dans le contrôle total. Elle accroche les dernières guirlandes, ajuste les tables, place les boissons dans les glacières près de la piscine. La soirée doit être parfaite, pour elle, pour Megan, et pour ce tueur qu’elle espère attirer dans son piège.
— Il va venir, pense-t-elle avec certitude. Cet enfoiré va venir, et je serai putain de prête.
Alison termine les derniers ajustements, le jardin prend vie sous la lumière dorée du soleil couchant. Les guirlandes s’illuminent progressivement, et la piscine est plus calme que jamais. C'est enfin prêt. Addison contemple son œuvre, les guirlandes lumineuses scintille doucement à la tombée de la nuit, les ballons flottent légèrement au rythme de la brise, la piscine éclairée par les bougies parfumées, ça crée une atmosphère magique. Tout est exactement comme elle l’a imaginé.
— Parfait.
Pour la première fois depuis des jours, un sourire sincère de satisfaction étire ses lèvres. Ses petites touches reflètent l'anniversaire qu’elle avait voulu.
Elle se sent fière, euphorique d’avoir transformé cet espace en un lieu si accueillant, si festif... enfin en apparence. TLK, celui qui a pris la vie de Megan, menace encore la paix d’Ashlow. Addison prend une profonde inspiration et regarde une dernière fois autour d’elle. Oui, tout est prêt.
Satisfaite, elle décide qu’il est temps de se préparer. Il lui reste un peu de temps avant que les invités n’arrivent. Elle doit rentrer à l'intérieur, prendre une douche rapide, enfiler sa robe préférée, et surtout, se préparer mentalement à ce qui va arriver.
Alors qu’elle se dirige vers la maison, ses pieds foulent l'herbe fraîche, une étrange sensation s’empare d’elle. La même que celle qu'elle avait ressentie au supermarché. Une sueur froide parcourt sa colonne vertébrale. Elle jette un coup d'œil rapide par-dessus son épaule, mais tout est calme. Trop calme.
Addison accélère le pas, son souffle devient plus rapide, comme si son corps répondait à un danger qu’elle ne voit pas encore. Soudain, un craquement retentit derrière elle. Elle se retourne brusquement ! Ses yeux fouillent l'obscurité naissante du jardin, et c’est là qu’elle l'aperçoit. TLK, le tueur au masque de cire, se tient à l'ombre d’un arbre, une silhouette massive et menaçante, figée dans l'obscurité. Ses yeux, cachés derrière son masque effrayant, la fixent silencieusement.
L’horreur s’empare d’Addison. Son sang se glace instantanément, son corps se fige, incapable de réagir. Il est là. Devant elle, dans son propre jardin. Ce n’est pas possible, pense-t-elle. Tout se passe trop vite, trop brutalement. Son cœur bat si fort qu’elle peut l'entendre tambouriner dans ses tempes. Addison hurle, un cri primal, de terreur pure. Elle se retourne d’un coup pour courir vers la maison. Mais elle n’a pas le temps de faire plus de quelques pas. Elle sent une douleur aiguë à l’arrière de sa tête. TLK vient de l’attraper violemment par les cheveux. Elle trébuche et s’effondre sur l’herbe, ses mains tentent désespérément de se libérer de son emprise.
— Lâche-moi, sale monstre !
Avant qu'elle ne puisse se relever, un coup brutal s'abat sur sa tête. Un éclair de douleur intense traverse son crâne, tout devient flou. Le monde autour d’elle commence à tourner, se déformer. Elle essaie de se concentrer, mais la réalité lui échappe. Sa vision se brouille, ses pensées se dissolvent dans la douleur et le vertige. Elle est désorientée, vulnérable et complètement à la merci du tueur.
Addison tente de se redresser, mais ses membres ne répondent plus correctement. Elle n'a plus de forces. Ses jambes vacillent sous elle, et elle retombe lourdement sur le sol. Elle lève les yeux, ses paupières lourdes, et voit TLK se tenir au-dessus d’elle, un bras levé, une lame scintillante dans sa main. L’acier brillant capte la lumière des guirlandes.
Le tueur se penche légèrement, il prépare son geste final. Addison, malgré son état de semi-conscience, voit la lame se rapprocher de son abdomen. Un frisson de terreur la parcourt, mais elle est impuissante, prisonnière de son propre corps, incapable de se défendre.
Puis, tout bascule. Au moment où la lame touche presque sa peau, Addison cligne des yeux... et soudain, tout change.
Elle est allongée, non pas dans l’herbe froide de son jardin, mais dans l’eau tiède de son bain. Elle inspire brusquement, le souffle coupé, ses yeux écarquillés de stupeur. Tout n’était qu’un cauchemar. Elle regarde autour d'elle, complètement désorientée. Le calme de la salle de bain l'entoure, les bougies allumées près de la baignoire projettent une lumière douce et rassurante. L'eau dans laquelle elle se trouve est encore chaude, ses muscles détendus malgré l'angoisse qui vient de l'envahir.
Addison pose une main tremblante sur son front, essuyant les gouttes d'eau mêlées à la sueur froide qui perlait sur sa peau. Sa respiration est toujours saccadée, son cœur battant la chamade. Elle a du mal à séparer la réalité de ce cauchemar si terrifiant et si réel. Elle ferme les yeux un instant. Elle tente de retrouver son calme. Mais même dans le silence de la salle de bain, l'image du masque de cire reste gravée dans son esprit, la lame brillant sous les guirlandes de son jardin. Et si ce n’était pas qu’un rêve ?
Pas le temps pour ça. Elle doit se préparer. La nuit approche, et la réalité est tout aussi dangereuse que ce qu'elle vient de vivre dans son esprit. Addison sort à peine de la salle de bain, encore sous l’effet du cauchemar qu’elle vient de vivre, quand son téléphone vibre sur le comptoir. Le bruit soudain dans la pièce silencieuse la fait sursauter. Elle attrape rapidement son iPhone, essuie une goutte d’eau qui glisse de ses cheveux encore humides. C’est Timadie. Le nom de sa meilleure amie s’affiche sur l’écran. Un bref soulagement se lit sur le visage Addison. Elle décroche sans hésiter.
— Allô ? Tim’ Ça y est tu es arrivée ? dit-elle, encore essoufflée.
— Adi' ! Oui je suis dans le . J'ai amené Dany avec moi… et, euh, il n’est pas seul. Il y a aussi Erica, Jasmyn, Charlotte, et… Thomas. La voix de Timadie est tendue.
Addison fronce les sourcils. Dany Silver, le demi-frère de Megan. Elle ne l’a pas revu depuis l’évènement de la vidéo meurtrière de Megan. Erica Bender, la petite nouvelle, Jasmyn Hill, la présidente du journal du lycée, et Charlotte Davies, présidente du club de théâtre. Et enfin, il y a l'indésirable Thomas Washington, le petit ami de Jasmyn. Tout ce petit groupe vient à peine d'arriver à l’improviste et semble déjà provoquer des tensions.
— Qu’est-ce que Thomas et Jasmyn font ici ? Ils ne sont pas les bienvenus !
— Ce n'est pas le problème là tout de suite ! C'est Dany et Thomas… ils sont en train de se chercher des noises. Sérieusement, je pense qu’ils vont en venir aux mains si tu ne descends pas tout de suite.
— Quoi ?
Addison sent une nouvelle vague de stress monter en elle. Elle se précipite dans sa chambre, tenant le téléphone contre son oreille. Elle n’a pas le temps de réfléchir aux détails de cette dispute.
— Ok, j’arrive tout de suite. Essaie de les retenir pendant que je m’habille !
Elle laisse tomber le téléphone sur son lit, et se précipite vers son armoire. Elle attrape une robe qu’elle avait prévue de porter pour la soirée. Un joli vêtement en velours bleu nuit qui s’accorde parfaitement à l’atmosphère lumineuse qu’elle a créée dans le jardin. Mais à cet instant, la dernière chose à laquelle elle pense est son apparence. Elle tire la robe rapidement sur elle et se précipite pour se coiffer, attache ses cheveux encore humides en un chignon lâche. Le reflet dans le miroir lui est étranger. Elle a le regard légèrement cerné par les émotions et la fatigue. Addison n’a pas de temps à perdre. Elle saisit ses chaussures, puis dévale les escaliers, le cœur battant déjà plus vite à l’idée de ce qu’elle va trouver dehors. Lorsqu'elle sort dans le jardin, la lumière des guirlandes et des bougies illumine doucement les visages de ses invités. Ils se tiennent en petits groupes, la tension palpable. Dany et Thomas se font face, les poings serrés. Dany, plus petit et plus mince que Thomas, est pourtant prêt à en découdre, tandis que Thomas, avec sa carrure imposante et sa mâchoire crispée, est visiblement sur le point d'exploser. Timadie, plantée entre eux, tente de maintenir une distance.
— Hé ! Ça suffit maintenant ! La voix d’Addison coupe l’air, claire et autoritaire. Tous se tournent vers elle en même temps.
Addison s’approche rapidement des deux garçons, son regard ferme, prête à intervenir physiquement s’il le faut. Dany, toujours tendu, détourne un instant les yeux, comme s’il avait perdu son élan à l’arrivée d’Addison. Thomas, de son côté, est toujours furieux, mais recule légèrement, sent qu’il ne gagnera rien en continuant cette querelle.
— Qu’est-ce qui vous prend, tous les deux ?! demande Addison, en regardant Dany puis Thomas, sa voix grave.
C’est Thomas qui répond en premier, d’un ton hargneux : Ton petit copain là… il désigne Dany d’un mouvement de tête, il croit qu’il peut me parler comme il veut. Je ne me laisse pas marcher sur les pieds, que ce soit clair. Dany, toujours prêt à en découdre, répond avec colère.
— Il n'a rien à faire ici ! C'est lui le putain de meurtrier ! Il a tenté de violer ma sœur et maintenant il tué Megan !
— T'es complètement malade Dany ! Tu devrais aller te faire soigner ! Hurle la petite copine de Thomas.
— En tout cas Dany il a raison sur un point : vous n'êtes pas les bienvenus à ma soirée. Dégagez de chez moi !
— On ne comptait pas rester de toute façon. Allons-y Thomas.
— Maintenant que c’est réglé, on peut passer à autre chose ? propose-t-elle, essayant de relâcher la pression.
***
La musique résonne dans le jardin, des basses puissantes accompagnant le brouhaha des voix et des rires. Les invités, des étudiants du lycée pour la plupart, profitent de la soirée sans se douter des pensées qui tourmentent Addison. Tout semble parfait, comme une fête normale où l’on danse, boit et plaisante, le tout sous les guirlandes lumineuses et les ballons qui flottent doucement sous la brise nocturne. Pourtant, Addison n’arrive pas à se joindre à l’ambiance festive. Son regard, sombre et concentré, balaie continuellement la foule. Chaque visage, chaque geste, tout est passé au crible de son attention. Elle cherche TLK.
Il est quelque part, elle en est convaincue, et cette soirée n’est qu’un jeu de patience. Elle doit être prête. Le moindre faux pas pourrait lui coûter sa vie, ou celle de quelqu’un d’autre. Les rires et la bonne humeur autour d’elle lui paraissent lointains, presque irréels. Addison est tendue, ses doigts crispés sur le verre qu’elle tient sans vraiment en boire. Ses yeux passent d’une silhouette à l’autre, mais pour l’instant, rien d’inhabituel. Le tueur se cache bien. À ses côtés, Timadie essaie de la distraire. Elle, au contraire, semble avoir parfaitement embrassé l’esprit de la fête. Sa robe rouge éclatante tournoie à chaque fois qu’elle se déplace, et ses cheveux noirs brillent sous les lumières douces du jardin.
— Adi', ça va, relaxe. Regarde tout le monde, on est ici pour s’amuser ! dit Timadie avec un sourire, essayant d’alléger l’atmosphère tendue.
Mais Addison ne répond pas immédiatement. Ses yeux restent fixés sur un groupe d’invités un peu plus loin, comme si elle tentait de déceler quelque chose d’anormal. Quand enfin elle parle, sa voix est froide, tranchante.
— Je n’ai pas le temps pour ça, Timadie. Il est ici. Je le sais.
Timadie soupire, agacée. Elle attrape doucement le bras d’Addison pour attirer son attention.
— Adi’, il n’est pas ici, d’accord ? Regarde autour de toi, tout le monde s’amuse. Personne ne te regarde. Tu es parano. Tu devrais faire pareil et lâcher un peu prise.
Addison dégage son bras brusquement, son regard sombre et déterminé se plantant dans celui de Timadie.
— Parano ?! Megan est morte, Tim’. Tu te souviens d’elle, non ? Ou est-ce que tu l’as déjà oubliée avec tout ça ? répond-elle sèchement, le ton glacial.
Timadie se redresse, surprise par la brutalité des mots de son amie. Elle secoue la tête, essayant de garder son calme malgré la montée de la colère qui commence à la gagner.
— Bien sûr que je me souviens de Megan, Adi’. Mais tu te détruis toi-même avec cette obsession. Ça ne ramènera pas Megan. Ce soir, c’est ton anniversaire. Essaie juste de…
— C'est toi qui ne comprends pas ! coupe Addison, la voix de plus en plus agressive. Cette soirée n’a rien d’un foutu anniversaire ! On était d'accord non ?! Ce n'est pas une soirée d’anniversaire ! C’est un piège, pigé ?! Un piège pour attraper ce connard de tueur ! Alors, si tu veux faire la fête, vas-y. Mais moi, je me concentre sur ce qui est important.
Le visage de Timadie se durcit, sa patience s’effilochant rapidement. Elle croise les bras sur sa poitrine et plante ses yeux dans ceux d'Addison.
— Non mais tu t’écoutes parler, là ? T’es tellement obsédée par cette histoire, que te coupes de tout le monde. Moi y compris !
Le ton de la dispute monte. Ce qui attire l'attention de quelques invités proches. Les regards se tournent vers les deux amies, mais Addison n'en a rien à faire.
— Tu sais quoi ? Si tu penses que je suis folle, t’as qu’à partir ! Je n’ai pas besoin de toi. Pas ce soir. La colère dans sa voix tranche l’air.
Le choc traverse le visage de Timadie. Elle ouvre la bouche pour répondre, mais aucun mot ne sort. Elle recule d’un pas, ses yeux trahissent à la fois sa tristesse et son incompréhension.
— Très bien. Sa voix est anormalement calme. Si c'est ce que tu veux, je vais te laisser toute seule. Bonne chance pour ton plan débile.
Sans un autre mot, Timadie se détourne, disparaît dans la foule avec rapidité. Addison reste plantée là, les poings serrés. Son esprit est trop focalisé sur la menace de TLK pour réellement saisir ce qu'elle vient de faire, ce qu’elle vient de dire à sa meilleure amie. Elle jette un rapide coup d’œil vers la fête, ignore les regards perplexes autour d’elle. Elle n’a pas le luxe de se préoccuper de ce que pensent les autres. Sa mission est plus importante que leur jugement, plus importante même que sa relation avec Timadie. C’est Megan qui compte. Et cette soirée n’est qu’une couverture pour retrouver et neutraliser TLK. Mais alors qu'elle se retourne pour reprendre sa place de surveillante, une vague de doute traverse son esprit. Et si Timadie avait raison ? Avant qu’elle puisse y réfléchir davantage, quelque chose attire son attention à l’autre bout du jardin. Une silhouette se faufile discrètement entre les invités. Un mouvement rapide, trop fluide pour être anodin. Le cœur d’Addison s'arrête presque. Il est là. Mais Addison se trompe : ce n’est pas TLK. La silhouette qu’elle a aperçue n’est qu’une des invités, Erica Bender, qui passe discrètement à travers la foule pour rejoindre un groupe d'amis. Addison pousse un soupir de frustration, son cœur bat toujours à toute allure, elle sent la tension qui la submerge. Ses nerfs sont à vif. Elle est sur le qui-vive, incapable de se détendre, incapable de lâcher prise.
— C'est ridicule, pense-t-elle en silence, en essuyant une goutte de sueur qui glisse sur son front. Ses pensées sont embrouillées, ses sens surchargés. La dispute avec Timadie la hante, mais elle ne peut pas se permettre d’y penser maintenant. Tout ce qu’elle veut, c’est piéger ce tueur. Mais chaque minute qui passe sans signe de lui fait grandir son impatience.
La fête, elle, continue de battre son plein autour d’elle. Des groupes dansent, rient, se chamaillent amicalement près de la piscine. Des éclats de voix s’élèvent, des verres s’entrechoquent. Tout est normal… trop normal pour Addison. C’est cette normalité qui la met sur les nerfs. Soudain, une main se pose doucement sur son épaule. Addison sursaute et se retourne brusquement, prête à se défendre.
— Hey, tout va bien, c’est moi.
C’est Dany. Il la regarde avec un sourire qui se veut rassurant, mais Addison peut lire la fatigue et la tristesse dans ses yeux. Il a remarqué son comportement nerveux depuis un moment.
— Tu as l'air tendue. Tu devrais te détendre, Adi'. Ce n’est pas bon de rester dans cet état toute la soirée. Il fait une pause, et ajoute plus doucement : Je sais que tout ça te pèse, que Megan te manque… mais tu ne peux pas tout porter sur tes épaules.
Addison serre les dents, ses émotions prêtes à exploser.
— Je n’ai pas le choix, Dany. Je ne peux pas simplement faire comme si tout allait bien, pas tant que… pas tant que ce monstre court toujours. Tu comprends ?
Dany reste silencieux un instant, observant Addison avec une intensité qu'elle n’avait jamais remarquée auparavant. Puis, il soupire et hoche la tête, visiblement partagé entre l’envie de la soutenir et la crainte qu’elle ne s’enfonce trop dans cette obsession.
— Je comprends, Adi', je comprends. Mais… tu ne peux pas te battre contre lui toute seule. Si jamais tu le trouves, qu’est-ce que tu vas faire ? Le défier toute seule ?
Elle détourne le regard, incapable de répondre. Dany a raison, elle le sait, mais l’admettre lui est impossible. Elle a l’impression de devoir prouver quelque chose — pour Megan, pour elle-même.
— C’est mon combat, murmure-t-elle. Personne d’autre ne peut le mener pour moi. Laisse-moi tranquille maintenant.
— Ok très bien.
Il lui lance un dernier regard, puis s’éloigne lentement pour retourner vers le reste du groupe. Addison le regarde partir, son esprit envahi de doutes. Elle serre les poings, son regard glisse de nouveau sur la foule d’invités qui s’amuse sans se douter du poids qu’elle porte sur ses épaules. Mais une part d’elle commence à se demander si elle n’est pas en train de tout gâcher. Et si le tueur ne venait jamais ? Juste au moment où elle commence à se poser cette question, un mouvement à la lisière du jardin capte de nouveau son attention. Cette fois, ce n’est pas une simple ombre fugace. Addison se fige, son souffle se coupant brusquement. Là, derrière les arbres, une silhouette se dessine, beaucoup plus menaçante que toutes celles qu’elle a vues jusqu’à présent. Son cœur s'accélère de nouveau. TLK ? Elle plisse les yeux, veut discerner les détails à travers les branches et la faible lumière. C’est comme si la figure s'était arrêtée, observant la fête de loin. Elle sent de nouveau cette sensation glacée dans sa colonne vertébrale. Il est là. Cette fois, c’est bien lui.
Addison prend une grande inspiration, l'adrénaline qui inonde son corps est incontrôlable. Elle ne peut pas rater sa chance. Mais que va-t-elle faire maintenant ? Addison fixe la silhouette dans l’ombre, persuadée d’avoir enfin repéré TLK. Elle se tend, prête à agir, mais alors que la figure s’avance dans la lumière des guirlandes, son estomac se noue de frustration. Ce n’est pas le tueur. Ce n’est que Sandy Price, la fille la plus populaire du lycée, accompagnée de son petit-ami, Steeve Cheng. Addison serre les poings. Sandy. Bien sûr. Elle aurait dû s’y attendre. La magnifique blonde a toujours eu un don pour se faire remarquer, et même ce soir, alors qu'Addison tente de tendre un piège mortel, Sandy se pavane comme si c’était sa propre fête. Tout en elle exsude confiance et arrogance. La voir ici, alors qu’elle n’a même pas été invitée, rend la situation encore plus insupportable. Addison avance d’un pas rapide vers eux, l’adrénaline toujours dans les veines, prête à les renvoyer sans ménagement.
— Qu’est-ce que vous faites ici, Sandy ? Vous n’êtes pas invitée. La voix d’Addison est sèche, tranchante, mais contrôlée.
Sandy la regarde de haut en bas, un sourire narquois étire ses lèvres, sans la moindre trace de gêne.
— Oh, allez, Addison, détends-toi un peu ! Tout le monde sait que je suis toujours la bienvenue à ce genre de fête. Regarde autour de toi, tout le monde est ravi de me voir.
Addison jette un coup d'œil autour d’elle et sent sa frustration grandir : plusieurs invités se retournent, excités à l'idée que Sandy Price soit là. Les regards se tournent vers elle, des murmures d’admiration et de curiosité circulant dans l'air. Un soupir de frustration monte en elle. Il est inutile d'essayer de la chasser, les invités sont déjà trop enthousiastes à l'idée de la présence de Sandy.
— Tu n’es pas la bienvenue, mais reste si ça te fait plaisir, lâche Addison, les mâchoires serrées, avant de tourner les talons. Mais reste en dehors de mon chemin.
Sandy la regarde partir avec un sourire satisfait. Elle ne répond rien, mais Addison sent le regard de la jeune fille dans son dos. Addison retourne à sa surveillance, son esprit désormais divisé. Elle essaie de se concentrer à nouveau sur l’éventuelle apparition de TLK, mais la présence de Sandy la distrait. Elle la voit, toujours avec son petit-ami Steeve, rire et attirer tous les regards sur eux, comme d’habitude.
— Il faut que je me concentre, se répète Addison en silence.
Mais peu de temps après, alors qu’elle jette un coup d'œil furtif en direction de la maison, quelque chose capte son attention. Sandy et Steeve sont en train de monter à l’étage, main dans la main. Son cœur s’accélère de nouveau, mais cette fois, pas à cause de la peur.
— Non... c’est hors de question espèce de petite conne, murmure-t-elle pour elle-même, les sourcils froncés.
Addison se précipite vers son domicile et les suit à l’intérieur de la maison. Elle grimpe les escaliers aussi vite et silencieusement que possible, de peur que Sandy et Steeve ne fassent quelque chose dans sa chambre, un endroit qu’elle considère comme sacré. Son souffle se fait plus court à mesure qu’elle s’approche de l’étage. Les rires discrets de Sandy et Steeve se font entendre à travers la porte entrouverte. Ils sont sur le point de franchir une limite qu’Addison ne tolérera pas. Elle atteint la porte de sa chambre, la main sur la poignée, prête à les interrompre… mais au moment où elle ouvre la porte, le cauchemar se matérialise devant ses yeux.
TLK est là.
Sandy est au pied du lit, un sourire coquin encore sur les lèvres. Mais ce sourire s'efface instantanément quand TLK, avec son masque de cire effrayant et son costume macabre, apparaît derrière elle. Dans une fraction de seconde, sa lame brille sous la lumière tamisée de la chambre, et avant même qu’Addison ne puisse crier, il enfonce son couteau profondément dans la gorge de Sandy.
Le temps s’arrête.
Addison, figée dans l’horreur la plus absolue, est incapable de bouger, de réagir. Ses yeux sont grands ouverts, son souffle coupé, alors que le sang jaillit de la gorge de Sandy, éclaboussent les murs, le sol, et même le visage de Steeve, qui reste lui aussi paralysé par la scène horrifique. Sandy s’effondre, son corps inerte tombe au sol dans un bruit sourd, un gémissement à peine audible s’échappe de ses lèvres tandis que sa vie la quitte en quelques secondes. TLK se tourne ensuite vers Steeve, qui pousse un cri désespéré. Mais il est trop tard. Le tueur se précipite sur lui avec une rapidité déconcertante et, avant que Steeve ne puisse faire le moindre geste pour se défendre, TLK plonge son couteau dans son abdomen, encore et encore. Les coups sont brutaux, inhumains, ils résonnent dans l’esprit d’Addison comme des coups de tonnerre. Le sang éclabousse toute sa chambre, du sol au plafond.
Addison porte la main à sa bouche, étouffe un hurlement de terreur. Des larmes montent dans ses yeux, sa vision se brouille alors qu’elle est témoin de la mort atroce de Steeve. Elle veut courir, elle veut hurler, mais elle est pétrifiée, comme si son corps refusait d’obéir. Ses jambes ne bougent plus, son souffle est bloqué dans sa gorge, et tout ce qu’elle peut faire, c’est regarder, impuissante, alors que le massacre se déroule devant elle. Lorsque TLK retire enfin sa lame du corps mutilé de Steeve, il se redresse lentement. Le silence qui suit est plus terrifiant que le bruit des coups. Addison ne peut détourner les yeux du sang qui dégouline de l'arme, du masque de cire maculé de rouge. Puis, sans un mot, TLK se tourne vers elle.
Il s’approche, doucement, dans la pièce comme une menace silencieuse. Lorsqu’il passe à côté d’Addison, il frôle son épaule. Elle retient son souffle, son corps tremble de partout. Elle est sûre que c’est la fin, mais au lieu de l’attaquer, TLK murmure de sa voix transformée, grave, froide et monstrueuse :
— "Ça ne fait que commencer."
Il s’éloigne ensuite, son costume maculé du sang de Sandy et Steeve, comme si rien ne s’était passé. Il descend les escaliers, traverse la maison, invisible aux yeux des invités qui continuent de faire la fête en bas, alors qu'ils ignorent tout de l’horreur qui vient de se dérouler à l’étage. Addison reste figée. Puis, après quelques secondes de silence complet, un hurlement déchirant s'échappe de sa gorge. Le DJ arrête soudainement la musique, et le jardin tout entier sombre dans un silence glacial. Seul le bruit des minis vagues de la piscine sont audibles. Les invités se tournent vers la maison, confus, avant que la panique ne commence à se répandre parmi eux. Mais Addison, toujours sur place, les yeux remplis de larmes, reste paralysée, détruite par ce qu’elle vient de voir.
La "soirée" qui avait commencé dans l'excitation et les rires se transforme en cauchemar absolu. Le hurlement d'Addison résonne encore dans les airs lorsque, comme un signal silencieux, des cris commencent à fuser de toutes parts. Les invités, d'abord confus par l'arrêt brutal de la musique et l'atmosphère pesante qui s'est soudainement installée, réalisent que quelque chose d'horrible vient de se produire. La panique se répand comme une traînée de poudre. Des groupes d'adolescents commencent à courir dans tous les sens, ils quittent la maison et le jardin sans vraiment comprendre ce qu’il se passe.
Addison est toujours dans sa chambre, accroupie près du corps sans vie de Sandy, tremblante, les yeux fixés sur le sol. Ses jambes refusent de bouger, ses mains serrées contre sa bouche pour étouffer ses sanglots. Elle est piégée dans son propre corps, paralysée par l'horreur qu'elle vient de vivre. Elle essaie de comprendre comment tout cela a pu arriver si vite, comment TLK a pu frapper aussi violemment alors qu'elle pensait être prête. Tout autour d'elle semble irréel, presque comme si elle était encore dans un cauchemar. Les sirènes de police retentissent au loin. Les invités, en proie à la panique, se bousculent pour fuir la maison d'Addison, certains trébuchent dans le jardin illuminé, d'autres hurlent et pleurent à la vue de la scène chaotique. Le jardin, qui était si joliment décoré quelques heures plus tôt, est maintenant un champ de désordre et de confusion. Les guirlandes sont tombées, les ballons flottent à moitié dégonflés, des verres et des bouteilles jonchent le sol. L’anniversaire de rêve est devenu un enfer.
Quelques minutes plus tard, une voiture de police se gare devant la maison, gyrophares allumés. Le shérif Lindsay Moon, la mère d'Addison, descend précipitamment de son véhicule, son visage marqué par l'urgence et l'inquiétude. Elle est suivie de plusieurs officiers qui s’éparpillent immédiatement dans la maison et le jardin. Le shérif Moon, dans son uniforme impeccable, se fraye un chemin à travers la foule d’adolescents en larmes, pour comprendre ce qui s’est passé ici. Lindsay reste un instant figée sur le pas de la porte. La scène qui s'offre à elle est d'une incompréhension totale. Elle voit d’abord les décorations d’anniversaire – guirlandes lumineuses, ballons flottants, tables éparpillées – une vision discordante avec le chaos qui règne. C'est comme si deux réalités s'étaient superposées, la fête et le cauchemar. Son regard passe du jardin en désordre à l'intérieur de la maison, où des adolescents hagards sortent, blessés, terrifiés.
— Qu’est-ce que… ? murmure-t-elle pour elle-même, en marchant vers le jardin, abasourdie.
Son instinct de mère et de shérif entre en conflit. La panique commence à poindre en elle, mais elle la repousse, garde le contrôle. Elle appelle un des officiers pour lui donner des instructions, mais son esprit est déjà ailleurs. Où est Addison ? Lindsay traverse rapidement le jardin, son regard inquiet cherche désespérément sa fille. Lorsqu'elle aperçoit l'entrée de la maison, elle se précipite à l'intérieur. En montant les escaliers, elle entend encore des murmures paniqués, des jeunes qui parlent entre eux sans trop comprendre la portée de ce qui vient de se passer. Puis, elle atteint la chambre.
La vue qui l'attend la frappe de plein fouet. Là, au sol, dans une mare de sang, Sandy Price gît, la gorge tranchée, son visage encore marqué par l'effroi de ses derniers instants. Steeve Cheng est à ses côtés, son corps transpercé de multiples coups de couteau. Le sang macule les murs, le sol, le plafond. L'odeur du métal emplit l’air. Lindsay se fige, incapable de détourner le regard de cette scène d'horreur. Sa propre maison, un lieu qui était censé être sûr, devenu une scène de crime effroyable. Mais ce n'est pas tout. À quelques pas des corps, Lindsay retrouve Addison, sa fille, recroquevillée contre le mur, son visage pâle, ses yeux grands ouverts, figés dans un état de choc. Addison ne bouge pas, ne parle pas. Elle est là, silencieuse, détruite psychologiquement par ce qu’elle vient de voir.
— Addison ! Lindsay se précipite vers elle, térrifée à la vue de sa fille dans un tel état. Elle s’accroupit devant elle, attrape ses épaules délicatement, en essayant de capter son attention.
— Addison, c’est moi… c’est maman. Sa voix est douce, mais empreinte de panique.
Addison ne répond pas. Ses yeux, vides, ne reconnaissent pas la présence de sa mère. Elle est enfermée dans son propre cauchemar, revit en boucle la scène d'horreur qu'elle vient de subir. Lindsay sent une vague de désespoir monter en elle. Elle a vu des choses terribles dans son métier de shérif, mais rien ne l'a préparée à voir sa propre fille dans cet état. Elle pose sa main contre la joue d'Addison, les larmes menacent de couler, mais elle doit rester forte, pour elle, pour sa fille.
— Addison, écoute-moi… Je suis là maintenant. Ça va aller. Tu es en sécurité.
Addison ne bouge toujours pas, ses yeux fixés dans le vide. Lindsay serre sa fille dans ses bras, tente de la ramener à la réalité, mais ce qu'Addison a vu ne s’effacera jamais. Le traumatisme est profond. Les officiers de police commencent à sécuriser la scène de crime, mais Lindsay reste avec sa fille, lui murmure des paroles rassurantes, même si au fond d'elle, elle sait que rien ne sera plus jamais pareil. TLK a frappé encore une fois, et cette fois, il a brisé quelque chose de plus que des vies. Il a brisé sa famille. Lindsay regarde autour d’elle, ses pensées brouillées par le chagrin et la colère. TLK est toujours là, quelque part, tapi dans l’ombre. Mais à cet instant précis, elle n’est plus seulement un shérif. Elle est une mère qui a vu sa fille être détruite de l’intérieur.
Et elle le retrouvera. Coûte que coûte.
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