Paris, bureau du commissaire Robinson, 22 Juillet 1978, 19h50

Le chef affichait son ravissement, moustache ostensiblement relevée, indice incontestable d'allégresse sotte, trônant sur son fauteuil pivotant. Bob Ginscry, Daland, Christophe, et tous les autres, dont Blanie, dessinaient un cercle béat autour du bureau. La tendance était à l'autosatisfaction. L'émotion de cette journée incroyable était oubliée, à moins, bien sûr, qu'elle ne fût la cause de ce remue-ménage.

— Silence, je vous prie, intima le Gros Gaston.

Les conversations se firent murmures, qui ruisselèrent sur le sol pour bientôt s'estomper.

— Messieurs, je vous informe, pour ceux qui l'ignoreraient encore, que Mme Securia a été transportée à la clinique de la Prétore. Selon la formule consacrée, ses jours ne sont pas en danger.

Son mari, lui, a été mis en sûreté par nos services. Les deux seront expédiés au Sunotorio dès que la blessure bénigne de Lara Runnert lui permettra de voyager dans un confort relatif. Bon débarras ! Ils ne nous manqueront pas. Nous n'avons pas forcément été très efficaces, mais nous nous en sortons par miracle.

Une voix s'éleva :

— Sait-on qui est à l'origine du coup ?

— C'est encore un peu tôt. Les corps des deux femmes et celui du tireur présumé n'ont pas pour l'heure permis une identification. Il s'est passé dans cet immeuble un étrange ravage, mais, et ce fut notre plus grande chance, ces malfrats se sont éliminés les uns les autres. En trente-cinq ans de boîte, je n'avais jamais vu ça...

Toujours est-il que la présence de Blanie sur les lieux, ainsi que notre protection du couple présidentiel, nous valent dès à présent les félicitations de notre hiérarchie.

Eh oui ! Ne riez pas ! Le simple fait que Securia s'en sorte sans une égratignure semble enchanter nos responsables ! Alors... Il est même probable que des promotions soient décrétées dans un avenir immédiat. Comprenne qui pourra...

Le Gros Gaston apprécia en gourmet la perplexité de son auditoire, avant de clore le sujet.

— Et maintenant, Messieurs, rendez-vous à la cantine où un pot va nous être servi.