— Maman, enfin tu es là !

Une silhouette élégante et noble se dresse devant moi. Après un moment d’hésitation, je réalise que c’est Naà qui est là, en face de moi.

— Naà, c’est toi ? Que t’est-il arrivé ? Que tu es beau, mon chéri. J’ai peine à te reconnaître.

Un tourbillon de questions envahit mon esprit, mais je reste figée devant lui, ébahie. Mon étonnement doit transparaître, car Naà éclate soudain de rire, allégeant l’ambiance. Je ris à mon tour, partagée entre joie et excitation, sans pouvoir distinguer laquelle prédomine.

— Bonjour maman, me dit-il, avec un sourire sur ces lèvres, oui c’est bien moi. Désolé de t’avoir causé tant de souci, mais je n’ai pas pu faire autrement. Quand je suis devenu votre enfant, à papa et à toi, mon destin était déjà tout tracé, bien avant ma naissance. Tu m’as toujours dit que tu avais eu des problèmes pour tomber enceinte et c’est aussi pour cela que tu n’as pas pu avoir un autre enfant. Maintenant je sais qu’ils m’ont offert cette opportunité de te rencontrer, car ton destin est lié à moi. Je comprends aussi le comportement de papa. Ne t’inquiète pas pour lui, il n’est pas malheureux. Il n’avait qu’un rôle secondaire parmi nous. Il fallait qu’il disparaisse de nos vies pour que nous puissions continuer notre chemin ensemble. Surtout ne lui en veux pas.

— Ton père ? Non ne t’inquiète pas, j’ai fait la paix avec lui. Je le comprends et j’ai accepté sa décision. Je me sens beaucoup mieux depuis qu’il est parti. Par contre, tu es sérieux quand tu m’annonces que nous devons faire ce chemin ensemble ? Dis-moi, quel chemin ? Quand ? Comment ? Et pourquoi ?

— Doucement maman, écoute-moi. Il faut que tu me laisses te raconter.

— D’accord ! Mais je suis inquiète. Es-tu sûr de toi ?

— Fais-moi confiance, s’il te plaît.

— OK, je t’écoute, lui répondis-je après quelques secondes de réflexion. De toute manière, je n’ai plus rien à perdre, n’est-ce pas ?

— Au contraire maman, nous avons tout à gagner. Nous avons une mission dans un autre monde et j’ai besoin de toi pour la mener à bien. Cette mission est de sauver ce monde-là. Je ne sais pas encore comment, ni pourquoi, mais ce que je sais, c’est que tu seras à mes côtés.

— Du moment que je suis près de toi, plus rien n’a d’importance. Lui répondis-je plus sereinement.

— Tu dois savoir que dans cet autre monde, qui est le mien et pas le tien, ils m’attendent depuis longtemps. Dans cet autre monde, j’ai une autre maman. Ma vraie maman.

À l’entente de ces révélations, une douleur aiguë transperce mon cœur. Perdue, je m’effondre, submergée par une souffrance si intense qu’elle m’ôte toute raison.

— Non ! Je me mets à hurler, à genoux, les mains sur mes oreilles. La douleur est trop forte.

Naà s’approche de moi, me relève et m’étreint affectueusement.

— Maman calme-toi, tu seras toujours dans mon cœur et tout près de moi. Il faut que tu me fasses confiance quand on passera de l’autre côté.

— Jobià, je vous avais demandé de bien l’écouter. La réussite de la mission ne se fera pas sans vous, me sermonne Monsieur Pic. Pour toutes questions, je vous apporterai du mieux possible, les réponses que vous attendez. On fera ça plus tard.

— Maman je dois y aller. J’ai quelques petites choses à faire avant notre départ. Bisous maman, et à bientôt. Puis pour conclure, il m’annonce : Je t’aime maman.

Naà se recule lentement. Je lui prends les mains et l’admire tendrement. Qu’il est grand mon petit homme, pensais-je. Il me reprend dans ses bras et m’étreint longuement avant de disparaître définitivement. Soudain, un froid glacial me traverse de part en part. Je n’arrive plus à parler. Tout s’est figé et tout redevient sombre autour de moi, comme auparavant.

La présence lumineuse de Naà avait illuminé cet espace auparavant sans forme et sombre. Mais depuis qu’il est parti, la morosité, le froid et l’hostilité ont repris leurs droits. Je suis engourdie, ne ressentant que le vide intérieur. C’est comme si je me noyais, une pression insoutenable sur ma poitrine, jusqu’à ce que la douleur me tire de mon sommeil, me faisant crier et transpirer dans mon lit.

Naà et Monsieur Pic la regardent reprendre lentement ses esprits.

— Laisse-la se reposer un peu, nous la rappellerons plus tard, quand ça sera le moment, rétorque Naà à Monsieur Pic. Elle est solide, mais là, entendre toutes ces vérités, ont fini par l’ébranler. Il faut qu’elle digère toutes ces informations. Mais je crois que c’est bon maintenant, même si elle a mis du temps pour arriver jusqu’à nous, elle est prête à nous suivre. Vas-y, rejoins-la, réponds à toutes ses questions et retrouvons-nous bientôt. Il faut que je peaufine les derniers évènements. Adieu mon ami.

Je me réveille en pleurs, comme groggy. Qu’est-ce que je fais là. Après quelques secondes, je me remémore le rêve. Enfin ! Je l’ai retrouvé et il va falloir que je le suive dans sa quête. C’est une histoire abracadabrantesque, mais je me sens vivante à nouveau. La prochaine fois qu’il me contacte, je serai forte puisqu’il m’a promis d’être à mes côtés. Je le crois et je lui fais confiance.

…

— Je suis prête mon chéri, viens me chercher, dis-je à haute voix, certainement pour me convaincre que tout cela est bien réel.

…

— Jobià, ma chère amie, peux-tu me rejoindre maintenant, s’il te plaît ? Monsieur Pic est en attente de sa venue. Chère amie, es-tu là ? Je sais que je dois te laisser un moment pour réfléchir, mais aujourd’hui il est temps de rejoindre Naà.

…

Je suis dans ma chambre et j’ai hâte de retrouver Naà. Je jette un dernier regard à ma maison, là où tout a commencé et sans regret, je retourne à l’hôpital près de mon fils. Comme ça, les médecins prendront soin de mon corps. Comme je vais entrer dans un sommeil paradoxal moi aussi, j’ai décidé de m’endormir tout près de mon enfant. Encore une énigme pour ces docteurs ! Mais une nouvelle aventure m’attend et je suis impatiente de la vivre.

Monsieur Pic m’avait expliqué auparavant que Naà avait reçu ce message de l’au-delà lui expliquant que dans un monde parallèle, il devait sauver le monde. Naà n’avait pas été surpris, car au fond de lui, il le savait. Mais il ne pouvait pas partir sans moi, car dès sa naissance, nous étions liés à jamais. Ces années passées sur Terre avec nous, le préservait d’un ennemi redoutable.

— Il a besoin de toi à ses côtés pour mener à bien cette quête. Jobià, tu vas devoir t’intégrer sans compromis et accepter de ne plus revenir dans le monde réel, sous peine de perdre la vie tous les deux. Lorsque tu comprendras quel rôle tu vas jouer dans cette histoire, quand tu l’auras rejoint dans cet autre monde, tu oublieras ta vie d’aujourd’hui. Si tu n’acceptes pas, si tu ne te sacrifies pas, il est certain que toi et Naà ne reviendrez jamais de ce monde irréel. Acceptes-tu la mission qui t’est donnée ?

— Oui je l’accepte en mon âme et conscience. Je suis à l’hôpital avec Naà. Je suis assise sur le fauteuil comme chaque jour. Je ne fais rien pour attirer l’attention. Je suis sûre que, même si les médecins ne vont pas comprendre ce qu’il se passe, ils prendront soin de moi. Je suis prête. Emmène-moi près de mon fils, même si c’est la dernière fois que je le nomme ainsi. Pour moi le principal c’est d’être près de lui. J’arrive Naà, à tout de suite !

— Allons-y, Jobià et bienvenue dans cette aventure…

Ce que Jobià ne sait pas encore, c’est que dans cet autre monde, elle jouera un rôle prépondérant dans la vie de Naà et sera toujours à ces côtés.