Chapitre 3
J'y suis arrivée. J'ai du mal à m'en persuader moi-même tellement c'est fou. Je suis non seulement assise sur mon siège de voiture en vie, mais toujours aussi vierge qu'une sainte. Tout aurait pu si mal finir pour moi.
Mes mains glissent sur le volant. Rien de très étonnant vu dans l'état où elles sont. En les regardant,on pourrait croire que c'est moi qui est été poignardée. Du coup,je conduis avec difficulté, et mes blessures physiques et morales ne m'aident pas du tout. Je fais ce que je peux pour ne pas penser mais c'est compliqué.
Je veux m'éloigner rapidement de ce qui ne sera plus jamais mon chez moi. Après plusieurs kilomètres, j'en viens encore à jeter des coups d'œils inquiets dans tous les rétroviseurs, ayant encore peur qu'il ne met poursuivi, mais il n'en est rien. C'est juste mon côté paranoïaque qui reste en alerte.
Je reste encore surprise que de si bon matin aucun voisin, aucun flic, ne soient intervenus et que je n'entende pas à la radio un avis de recherche à mon encontre pourvoie de fait : attaque à mains armées dans le quartier River, nous recherchons une voiture rouge métallisée...
Le temps s'égrène et la distance avec, et je reste choquée par ce qu'il s'est passé. Je n'ai même pas pris courage d'appeler les secours ou qui que se soit d'autres de manière volontaire, parce que je sais que ça ne va pas m'aider. Je vais devoir m'expliquer et réexpliquer les circonstances de l'agression et je ne veux pas revivre ça. Mais si ça se trouve, il est mort, et j'ai fait une "non assistance en personne en danger". Dans le cas contraire, il est peut-être toujours plié en deux, attendant qu'on lui vienne en aide. Enfait, je m'interroge mais je ne regrette rien. J'ai su sauver ma peau et mon intégrité. Le temps est venu pour moi de mener mon propre destin.
Garée devant les grands bâtiments qui vont partager les futures années de ma vie, j'observe de loin depuis tout juste deux minutes, des jeunes rentrer et sortir du grand portail. La majorité d'entre eux ont des cartons sous les bras,signent qu'eux aussi ont leur nouvelle vie qui commencent.
Extrêmement pressée, sans me poser plus de questions, je sors et m'engage pieds nus dans la cour de l'Université à la recherche de ma direction qui me mènera à ma chambre. Fatale erreur. Tout un tas de regards perçant se tournent vers moi. J'entends tous pleins de chuchotis qui me donnent l'impression de se prolonger jusque dans les couloirs.
- Vous avez vu celle là ?
- D'où elle vient ?
- Elle sort d'un film d'Halloween ou quoi ?
J'avoue que sur le coup que je ne comprends pas. En plus des rires de certains, je lis du dégoût et de l'horreur dans leurs yeux et comportements d'autres.
- On devrait appeler les flics.
À cette mention, je tente de déchiffrer le pourquoi. Je suis perdue et de plus en plus figée sur place. Si j'ai bien compris, c'est pour moi qu'ils faudraient qu'ils interviennent. Mais je viens à peine d'arriver! Je suis nouvelle! Je n'ai même pas encore pu m'intégrer à aucun groupe ou sororité ou même participé à une fête universitaire. C'est dire si j'ai fait du grabuge !
La nausée me revient bizarrement par grosses vagues. J'ai soudain froid et pourtant je sens de la sueur dans mon dos. Mon corps retremble de partout et il m'est très difficile de me contrôler. Je crois que je suis entrain de faire une nouvelle crise d'angoisse.
- ÇA SUFFIT! FOUTEZ-LUI LA PAIX! Trouvez lui une couverture de survie, des vêtements...n'importe quoi pour l'aider ou retournez à vos occupations. On résoudra ce mystère plus tard. Pas de président du campus, pas de maître de conférences ou de professeurs, pas de flics, personne...c'est pigé?
Je cherche la voix de celui qui a marqué son autorité ici. Finalement, pendant une fraction de seconde, je croise son regard. C'est le moment que choisit mon corps pour me lâcher. La chute est lourde mais je n'ai pas le temps d'y penser. Ce bleu océan m'a percuté plus fort. C'est devenu une évidence. J'ai envie de me noyer dedans. De plus si je vois bien, il a un corps à croquer et j'ai juste envie me raccrocher à l'idée que de revoir le mec à qui il appartient peut me sauver de mon passé. On rêve tous un jour de se faire sauver par un dieu divinement sexy.
Voilà, c'est le blackout.
Je ne sais pas ou je suis, ni avec qui et je sens comme une odeur de mâle autour de moi. Mes yeux papillonnent et j'entraperçois de la lumière comme si j'arrivai au bout d'un tunnel. Je me force à me réveiller et à me relever même si l'ensemble de mon corps me hurle qu'il ne faut pas, et me renvoie de nouveau des signaux de douleurs. À croire qu'il n'est plus bon qu'à ça.
- Holà doucement jeune fille!
Ce doux murmure est comme une douce caresse apaisante.
- Tu es en sécurité ici.
Je sens à travers le reste de mon brouillard qu'on me frotte légèrement la joue.
- Reposes-toi encore un peu, personne ne viendra te déranger. Gare à celui qui tenterait d'ouvrir cette porte.
Je vois enfin celui qui me force délicatement à me rallonger. J'ai bien du mal à remettre un nom sur son visage mais je suis sur de l'avoir déjà vu.
- Sa...salut !
Je dois calmer mes battements cardiaques parcequ'il est si canon que j'ai peur qu'ils les entendent.
- Salut !
- T'es qui ? Qu'est-ce qui s'est passé?
Il s'assoit prés de moi pour mieux passer son gant mouillé sur mon visage.
- À la première question je répondrai ton sauveur et à la deuxième, je ne sais pas trop. Enfait, tu as deux options à cette réponse. Une version dingue et une autre beaucoup moins mais néanmoins bizarre. Tu préfères laquelle ?
- C'est quoi ses questions/réponses ?! Tu me fais flipper là ?
- Bon, tu ne réponds pas alors je préfère ne pas trop tourner autour du pot parceque tu vas vite avoir des sons. Je vais donc répondre seul. Première fois que je te vois et je peux te dire que tu as fais une sacrée entrée remarquée. Première version, tu es arrivée et tu t'es évanouie, on ne c'est pas trop pourquoi, et je suis venue t'aider. Deuxième version qui colle mieux au moment : TU as déboulé ! TU avais du sang de la tête aux pieds avec une robe à moitié déchirée, TU étais sans chaussures et TU t'es évanouie devant tout le monde! JE t'ai ramassé pour pas que tu te fasses lyncher par les curieux. Mais putain, j'arrête de pas de me demander ce qui a pu t'arriver pour débarquer comme ça.
J'ai des flashbacks. Je me répète mentalement ce qu'il m'a dit, que j'étais pleine de sang, et que certains m'ont vu. Tout me reviens au fur et à mesure, tout. Y compris ce que j'avais en partie occulté : mon père, la tentative de viol, les coups, ma fuite. Je réalise, la honte m'écrase. Je me cache les yeux avec mon bras, puis estimant que ce n'est pas suffisant, je préfère m'enterrer sous les couvertures à défaut de trouver un trou plus profond. Mon Dieu, non, ce n'est pas possible! Je peux pas lui raconter ça.
Je constate à ma grande surprise que je suis nue et refais surface d'un coup avec colère.
- Où sont mes vêtements? Tu as osé me toucher!? Non mais je te croyais gentil, putain de merde!
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