Chapitre 5
- Aïden n'avait pas à t'appeler comme ça. Personne n'a le droit. Personne ne sait ce qui t'est arrivé et c'était mal te juger. Je suis sur que cet abruti de pote a juste voulu faire le malin devant moi. Tout ça parceque j'ai un meilleur feeling que lui niveau nana, me dit-il doucement.
Il me fait un petit bisou sur le front pour me réconforter et s'écarte à nouveau pour me regarder.
- Pote? soulignais-je en haussant les sourcils.
- Oui pote. Même si là, j'ai juste envie de l'étrangler.
J'essuie mon visage d'une de mes mains.
- Je ne préférais pas, soulignais-je en reniflant.
- Ne t'inquiète pas. C'est juste une envie, rassures-toi. Mais je vais quand même faire en sorte de lui remonter les bretelles. Je pensais qu'il avait compris qu'il ne devait pas t'emmerder.
- Tu n'as pas besoin de faire ça.
- Et pourquoi pas? s'agace-t-il.
- Parceque...parceque, dès que je franchirai cette porte, d'autres se chargeront d'en faire de même. En même tant...ça se comprend, c'est évident!
- Je ne suis pas de cet avis. Ils ne te connaissent pas.
- Mais toi non plus, explosais-je. Pourquoi tu m'aides?
Son côté trop gentil me fais disjoncter car je ne le mérite pas.
- Tu recommences à être sur les nerfs avec moi, c'est pas cool. Je l'ai vexé et il semble s'exaspérer face à mes réactions démesurées. Je vais te laisser, peut-être réaliseras-tu que je suis dans ton camp, merde!
Il ouvre le tiroir de son armoire et m'envoie un caleçon et une de ses chemises en plein visage. Puis claque la porte.
Je rumine sa sortie précipitée. Super! Je rencontre quelqu'un qui fait enfin un compte avec moi, et je fais tout péter en reine des connes. En fin de compte, je ne vaux pas mieux que son pote. Je me laisse tomber en arrière, dégouté, et observe son plafond blanc. J'ai trop de soucis à gérer dans ma tête et mon attirance n'en est que une de plus. N'empêche que je regrette mon comportement. Il ne méritait que je le malmène ainsi. Je respire et sens son parfum boisé partout dans la pièce. Il m'hypnotise.
Je regrette déjà les sensations de sécurité qu'il m'apportait quand il était là et me sens envahi par un sentiment de solitude. Je pousse un soupir et décide d'enfiler ce qu'il m'a donné pour me rapprocher au plus de lui. Au moins je ne suis presque plus nue.
Je prends les cachets qu'il m'a laissé et frictionne mes bras mal à l'aise. Je me lève, bien décider à regarder cette chambre un plus en détail. Je suis assez scotché de voir qu'elle est plutôt bien entretenue, chaque chose semble y avoir sa place. Les vêtements dans l'armoire sont pliés, les livres empilés...il m'a l'air d'être un jeune homme organisé.
En tout cas, je vois qu'il m'a l'air d'aimer tout autant que moi la littérature et cette idée me fait du bien car c'est bien pour étudier cette matière que je suis venue ici. Au moins on a un point commun, bien que ce ne soit peut être pour lui qu'un passe-temps.
Je regarde loin par la fenêtre et me demande si cet endroit est vraiment ce pour quoi j'aspirais depuis tout ce temps. Le doute m'envahit. Je n'ai pas encore rencontré beaucoup de gens mais déjà tout le monde me connais comme celle qui est arrivée complètement rouge sang. Personne n'a pu me louper avec mon spectacle d'entrée et ma "jolie" robe jaune. Je secoue ma tête, je dois arrêter de me flageller, je sors d'un putain d'enfer. Ma réputation est faite et il va falloir m'y faire. À commencer par m'excuser pour m'être emporté pour rien.
Je détourne mon attention et décide ne sachant quoi faire d'autre de m'asseoir à son bureau et d'emprunter un de ses livres.
Je n'ai pas calculé le temps écoulé lorsqu'il refait son apparition, faute de l'avoir entendu entrer, surement trop absorbé par les propos que je lisais sur le deuil, totalement concernée par la question. Il est dit que selon Elisabeth Kübler-Ross, après la mort d'un être cher, le deuil d'une personne se compose de cinq étapes : déni, colère, marchandage, dépression, et acceptation. Sans aucun doute que mon cœur reste attaché entre la seconde et avant-dernière phase, ne sachant trop à quel niveau se fixer. Je renifle encore en pensant à ma mère. C'est trop dur.
Je sens une main se poser sur mon épaule ce qui me fait sursauter. J'essuie rapidement mon visage, espérant camoufler ma tristesse. Mais je sais qu'il m'a vue. Je le sens.
- Et, ça va?
- Oui, oui. Ça va aller.
- Ça n'a pas l'air!
Il voit juste. Je me retourne les yeux rougis. J'essuie mes yeux une nouvelle fois. De toute façon, il m'a grillé. Ça ne change plus rien qu'il me voye faire ça.
- As-tu pris tes cachets?
Toujours prévenant, il ne peut pas s'en empêcher et n'insiste pas sur le reste. J'aurais été à sa place, j'aurai surement voulu me foutre dehors et me laisser me débrouiller.
- Oui, merci... ils m'ont fait du bien.
Et c'est vrai. Je me sens bien mieux maintenant que tout à l'heure. J'ai juste le moral à un niveau un peu bas de l'échelle, s'il en existe une pour le mesurer.
Un ange passe, c'est bien ce qu'on dit quand un blanc s'installe non? Je vois bien qu'il hésite à en dire plus, ne sachant par quel bout me prendre.
- Ça te va plutôt bien les carreaux, remarque-t-il.
- Je m'excuse, c'est tout ce que j'arrive à répondre.
-Une vraie texane, dit-il avec un brin d'humour.
J'ai l'impression qu'il ne m'a pas entendu et voilà un brin de légèreté qu'il me tend comme une perche à me radoucir.
J'inspire profondément mais il ne manque pas de faire le truc qui achève de m'en empêcher. Il enlève son tee-shirt et s'allonge pied croisé sur le lit. Ce garçon brun et tatoué est en train de m'achever alors que je me croyais déjà foutu.
- Ferme la bouche, tu pleures plus, tu baves!
Je m'étonne.
- Pas du tout.
- Si.
- Non.
- Je te dis que si.
Je tente de regarder ailleurs mais mon corps refuse d'obéir. Il est fixé à ses abdos et à son tatouage.
- Je crois que je ne suis pas normale.
J'utilise cette confidence pour tenter de casser le moment. Il se frotte l'arrête du nez.
- Tu peux répéter s'il te plaît. Je crois que j'ai un souci avec mes oreilles.
- Je ne devrais pas me sentir aussi perdu. Tu me perturbes.
Après tout c'est vrai, pourquoi lui mentir. Je me sens plus bizarre en sa présence que quand il n'est pas là, mais j'aime qu'il soit avec moi.
- Je te quoi? Perturbe? Attends une minute, je ne sais pas ce que tu penses et ce qui te fais dire tout ça. Aurais-tu la gentillesse de m'aiguiller s'il te plait?
- Je ne sais pas.
Il ricane fortement devant ma réponse.
- Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle.
Je me sens confuse et idiote pour le coup de lui avoir sorti ses mots.
- C'est tout simple, tu préfères fuir que de me dire la vérité, tu rougis quand tu me vois, tu te mens à toi-même, tu...
- Je crois que j'ai compris. Merci...Mais tu te trompes.
Il se fourre le doigt dans l'œil s'il croit que je vais lui dire tout de suite qu'il me donne des palpitations alors que j'ai failli me faire violer. Je suis trop gênée qu'il arrive autant à lire en moi et on a un sujet bien plus sérieux à aborder.
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