1. Armurerie
Le changement d'une ère vers une nouvelle, le passage inévitable d'un monde lorsqu'il est vivant, parfois nous le refusons, parfois nous l'accompagnons. Souvent nous œuvrons nous-même à invoquer cette période de transition, comme un rituel inconscient. Il arrive que le changement soit insoupçonné car certaines composantes restent immuables, incorruptibles aux gens qui les possèdent et aux siècles qui s'écoulent. Mais quand nous nous rendons compte que des rouages se mettent en branle, il est déjà trop tard, le changement débute son office et nous ne pouvons qu'être spectateur ou accompagnateur.
Une ère est un long morceau d'histoire placé sous la domination d'une espèce. Autrefois s'étendait l'ère Primordiale pendant laquelle vivaient des animaux fabuleux, des animaux géants, des animaux Mythiques. Et les humains du monde les regardaient avec divination, avec toutes leurs croyances, mais étaient trop faibles pour interférer avec ces dieux ; et de ce fait les animaux Mythiques interagissaient peu avec eux car trop souvent inintéressants.
Puis lorsque l’ère Primordiale était bien avancée, les premiers dragonniers, qui ne souffraient pas de la vieillesse, arrivèrent dans le monde. Je ne vous raconterai pas la légende très ancienne et très controversée qui raconte leur venue au monde selon la volonté de Glafina, la plus puissante des Mythiques, mais ici commençait un profond changement. Au début de leur éveil, ils n’étaient pas nombreux mais possédaient de très grands talents et apprenaient très vite. L’un d’entre eux, qui portait le nom de Erog le forgeron, façonna un jour une grande masse d’arme pour le géant Garami, et cette arme pesait plusieurs dizaines de tonnes, et parsemée d'une infinité de perles et de joyaux finement taillés. Et lorsqu’il la reçut, Garami l'aimât beaucoup et ne se battit plus qu’avec elle. Face à l'engouement du géant, d’autres dragonniers se mirent à confectionner des présents de prestiges pour presque tous les animaux géants d'alors. Une armure faite des matériaux les plus résistants et parsemées d’innombrables pierres précieuses fut offerte à Glafina l'oie de Glace, des griffes forgées avec des essences de lumières, de vents et de roches allèrent à Filanor l'oiseau de Foudre, et bien d’autres objets furent façonnés et offerts dans la joie et la bienveillance. Mais rien ne fut accordé à Saverg le Serpent de Feu ni même ouvragé, car à plusieurs reprises et par des chemins détournés il avait tenté de nuire aux dragonniers. Car bien que ne souffrant pas de la vieillesse, ils pouvaient mourir à la suite de mauvais coups.
Saverg, qui avait peur du changement, voyait dans les yeux pleins d'envie des dragonniers une manace indéfectible. Aussi il désira plus que tout au monde posséder la grande masse d’arme de Garami car elle était synonyme de puissance, et son évocation faisait trembler de terreur ses gens qui formaient un bestiaire de l'horreur : des serpents, des dragons de feu et de foudre, des araignées, des loups ou encore des cloportes de douze pieds. Il s’imaginait déjà posséder cette arme et devenir si puissant qu’il deviendrait maître de toutes choses ; il s'imaginait indétrônable et soumettant le monde entier à sa terreur, dans l'intangibilité de la nuit. Saverg était ainsi, il jalousait ce qu’il n’avait pas et se mettait à le désirer ardemment.
Ce n'était pas à lui de subir le changement, c'était à lui de l'imposer.
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