18 | Cendre-y-on
Cendrillon admirait son reflet dans l’obscurité de la mansarde. Sa longue chevelure avait été raccourcie de quelques centimètres. Elle avait été tressée et mariée à un chouchou. Elle avait délaissé les robes encombrantes pour une tenue plus chaude et plus sobre. À la lueur d’un falot dont la lumière s’affaiblissait par manque de carburant, la silhouette familière de sa demi-sœur procura à Cendrillon l’envie d’éclater de rire. Anastasie n’avait pas encore ouvert les yeux. L’autre jeune femme se trouvait assise sur une chaise en bois, les bras et les jambes attachés, à moitié dénudée Cendrillon n’avait qu’une hâte : voir la peur fleurir dans le regard d’Anastasie, apprécier l’agonie de sa victime avant de l’achever.
Son père lui avait demandé de laisser Dame Trémaine tranquille lui promettant qu’il s’occuperait de son cas dès qu’il serait rentré. Il avait d’ailleurs fait parvenir une lettre à sa femme lui demandant de venir passer quelques jours avec lui, ce que la dame avait accepté. Cela laissait le champ libre à Cendrillon dont l’appétit pour le sang l’appelait. Javotte dormait dans sa chambre sous l’œil des domestiques. Ces derniers n’avaient aucun amour pour Dame Trémaine et ses pestes, rapportaient la moindre parole au Seigneur des lieux et son héritière.
Cendre-y-on était une région isolée même si son influence et ses produits tenaient le royaume par ses entrailles. Depuis la farce désagréable du prince héritier, malgré la bienveillance dissimulée, les relations entre la couronne et le duché s’étaient dégradées. Cendre-y-on existait en tant que province depuis la création du pays par le biais d’un accord entre les deux parties. Et cet accord avait été brisé par le futur régent. Le duc réunissait ses troupes, appelait ses vassaux et se mettait à réfléchir à des plans. Par ailleurs, d’autres régions se joignaient à lui pour renverser la couronne.
Cendrillon saisit une pince. Elle joua avec jusqu’à ce que sa demi-sœur par alliance se réveille. Avec lenteur, la jeune femme se leva de sa chaise pour se tourner vers sa victime, qui commençait seulement à comprendre ce qui se passait. Anastasie pâlit, se rappelant sûrement la mésaventure qui l’avait conduite dans cette position. Cendrillon vint à sa hauteur traînant une chaise d’une main et s’installa sur cette dernière en face.
Dans le silence, Cendrillon commença à retirer chacun des ongles de sa demi-sœur tout en lui jetant des regards moqueurs de temps à autre. Le rythme était ni trop lent ni trop rapide. Anastasie poussait des cris étouffés à cause du bâillon dans sa bouche. Puis, sa victime cracha le tissu par terre et se mit immédiatement une gifle. Cendrillon se contenta de fixer pendant trois longues minutes sa victime, l’observa gesticuler, gémir et plaider avec ses yeux larmoyants. La jeune femme reprit son œuvre en chauffant la pince à l’aide du bougie pendant quelques secondes avant de la placer sur diverses parties du visage d’Anastasie comme ses paupières, ses lèvres ou encore ses oreilles.
— Te souviens-tu du bal ? La fameuse farce du prince déchu ? lui demanda Cendrillon, délaissant la pince pour un couteau. Père était présent. Qu’il était fier de moi dans les habits angéliques de Dame Aragon ! Il portait un masque de cendres.
Anastasie écoutait à peine. Elle ne se souvenait pas d’avoir vu un tel individu au dernier bal. Elle se demandait pourquoi cela avait de l’importance. Cendrillon souriait comme une enfant enjouée, se délectant de ses gémissements plaintifs à chaque fois qu’elle pressait la lame de son couteau contre son visage. Cendrillon enfonça abruptement son couteau dans l’œil droit d’Anastasie. Le cri de cette dernière était comme de la musique pour ses oreilles. Elle retira la lame et saisit la pince. Elle plaça celle-ci sur l’orbe et tira d’un coup sec. Elle se pencha pour déposer l’organe dans un bocal d’eau, assis sur un plateau en bois.
Le clocher de leur hameau sonna. Cendrillon fit une moue, abandonnant ses outils de toture pour s’occuper des blessures de sa demi-sœur.
La porte de la mansarde s’ouvrit sur deux hommes imposants. Anastasie sentit le soulagement l’envahir un court instant. Lorsqu’elle voulut parler pour commander aux inconnus de la sauver, ces derniers pénétrèrent la pièce en traînant une chaise de condamnée. C’était un fauteuil d’acier d’où on glissait les bras et les jambes dans la geôle des lanières en cuir qu’on serrait jusqu’à quasiment couper la circulation du sang. Le bourreau coinçait la tête de la victime avec un casque qui descendait jusqu’à sous son menton. L’effroi la saisit.
— Dame Aragon va prendre soin de toi à partir de maintenant, souffla Cendrillon en se levant de sa chaise. J’aurai aimé te faire souffrir un peu plus ; hélas, je n’ai plus le temps.
La Marraine des Fées, l’illustre Dame Aragon, n’avait pas perdu de temps pour réclamer le prix accordé par le duc. Cendrillon soupira en observant les deux neveux de sa marraine emmener la prisonnière à leur tante avant de se rappeler qu’il restait encore Javotte.
Sauf que Cendrillon n’avait plus envie de jouer.
Elle se débarrassa sans effusion de sang de Javotte : Cendrillon engagea une troupe de mercenaires pour délivrer Javotte aux Cannibals du Nord contre une coquette somme.
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