20 | Daryl le pâtissier
/!\ Attention, petite scène sexuelle.
« Château de la Duchesse, 7 route de la Chaponnière, commune de Pieuvrum. »
L’adresse soigneusement écrite à la main prenait guère de place sur la carte d’invitation. Il se tenait d’un air élégant entre deux allées de fleurs dont on distinguait, à leurs bouts, la photo d’un jeune couple. Daryl laissa son index se frotter contre le papier avec tendresse. Il suivait les lignes, les contournait et les traversait sans but. Il n’y avait rien d’atypique comme sa cousine lui avait dit, ou du moins, rien sur la feuille rigide ne lui laissait croire que quelque chose était anormal. Son regard se portait sur la tablette intégrée à la voiture où au milieu d’une carte pointant une zone verte se trouvait sa destination. Lui, un habitué des grandes villes, se rendait dans un patelin sans savoir s’il allait pouvoir poursuivre sa vie connectée. Il apportait avec lui de quoi se changer et se laver, quelques câbles indispensables, des batteries externes et son ordinateur portable ; Daryl avait peur de s’ennuyer.
Il attendait patiemment que sa tante Andrée, la mère de sa cousine Eléonore, le rejoigne. Celle-ci l’avait accueilli après son brevet, au sein de son foyer ; sa relation avec ses parents s’était dégradée au fil des années, principalement parce qu’ils, comme le reste de leur cellule familiale, ne comprenaient pas pourquoi il gardait contact avec Andrée et ses proches. Daryl ne connaissait pas les raisons. Il avait tout tenté mais rien n’avait fonctionné. Ils ne voulaient aucun compromis ni même mentionner ce qui les poussaient à rejeter une partie de leur clan. Andrée l’avait aidé à trouver un patron afin de faire un CAP en pâtisserie et l’avait soutenu jusqu’à ce qu’il prenne son envol à dix-huit ans. Daryl avait ouvert sa boutique à Lyon et avait eu un succès immédiat avec ses créations étonnantes. Sa tante arriva avec une autre personne qu’il ne reconnaissait pas. Sans un mot, il les aida à mettre leurs bagages dans le coffre et revint s’installer à l’avant. Andrée lui présenta son nouveau compagnon, Dierick. Le couple prit place à l’arrière du véhicule.
Durant le trajet, il garda un œil sur le dénommé Dierick. Il n’aimait pas cet homme et doutait qu’il était le « nouveau compagnon » d’Andrée puisque cette dernière préférait plus passer du temps avec les femmes qu’avec les hommes. Ou était-ce l’un des fantasmes étranges de sa tante ? Celle-ci avait une vie sexuelle active et aimait pimenter les choses. Elle avait des idées originales, un peu folles, qu’elle partageait à lui ou à sa fille de temps à temps comme pour avoir leur avis. Eléonore n’avait aucune gêne vis à vis de ça tandis que lui, célibataire bac +8, ne connaissait que les mouchoirs et les chaussettes, les vidéos peu réalistes et les histoires chaudes. Il ne s’occupait pas de sa vie amoureuse. Il laissait le temps au temps. Eléonore lui avait proposé de nombreuses fois des « speed-dating » avec divers membres de son cercle. Il avait toujours trouvé des excuses : trop de travail, un rendez-vous chez le médecin, trop fatigué. Daryl réalisa qu’avec le mariage qu’il n’allait pas pouvoir y échapper.
Le Château de la Duchesse le tira de ses pensées. Aussitôt qu’il eut fini de se garer, que sa tante entraina Dierick vers les jardins. Il secoua la tête se demandant ce qui pouvait bien l’exciter.
— Excusez-moi.
Il se tourna vers son interlocutrice. Une femme de 6 décennies habillée élagemment de l’uniforme de butler, similaire à celui des vassaux d’une certaine famille d’assassins dans Hunter x Hunter — voilà qu’il déraillait vers son obsession du moment —, se tenait devant lui.
— La Duchesse souhaite vous rencontrer immédiatement. Nous allons nous occuper de votre véhicule et vos affaires.
— La Duchesse ? bafouilla-t-il, confus.
— La Duchesse, votre belle-sœur. Suivez-moi.
Belle-sœur ? Perplexe, il suivit l’inconnue jusqu’aux portes du château. Ils pénétrèrent le hall, passèrent dans un couloir étroit, longèrent une allée de fenêtres jusqu’à une grande salle vide. La servante ne ralentit pas le pas. Elle l’emmena dans un véritable dédale sans jamais prononcer le moindre mot. Daryl se perdait avec toutes ces pièces. Il n’avait pas le temps de bien les observer. Ils croisèrent de nombreuses personnes dont des vassaux comme sa charmante guide, des invités qui adressèrent un signe de tête dans sa direction. Un escalier en colimaçon les accueillit pendant deux minutes. Un long couloir les mena jusqu’à un salon en forme d’hexagone où les attendait la Duchesse.
Il sursauta quand la porte se referma derrière lui. La Duchesse se révélait être la fiancée de sa cousine. Eléonore l’avait présenté comme étant son frère. Daryl était ému. La Duchesse était une belle femme à la chevelure de feu. Son regard était d’un vert si intense qu’il n’osait pas s’y perdre. À son grand étonnement, elle ne lui donna pas son nom. Il était coutume dans sa famille de ne pas se présenter à la belle-famille avant le mariage. Son aura effrayait Daryl. Clairement, il ne devait pas se la mettre à dos. La copine de sa cousine voulait simplement faire ample connaissance avant le début de la soirée.
À dix-huit heures, la cérémonie commençait dans une salle de bal. La rangée droite était réservée au cercle d'Eléonore. Installée entre sa tante et Dierick, il écoutait les paroles échangées par les divers personnages qui s’adressaient à l’audience. Son regard balaya son environnement à de nombreuses reprises, s’arrêta parfois sur des personnes imposantes et contempla les photos des mariés entreposées dans la pièce. Andrée et Dierick n’arrêtaient de sourire d’un air laissant entendre qu’ils n’avaient pas juste « visité » les jardins.
Vers dix-neuf heures trente, tous les invités suivirent les serviteurs vers une immense salle où la soirée prend place. Daryl perdit de vue sa tante et son compagnon. Il regretta d’avoir laissé son portable dans sa chambre.
— Voilà donc l’éternel célibataire, déclara une voix masculine dans son dos.
Daryl se tourna vers son interlocuteur. C’était sans doute un proche à sa nouvelle belle-sœur : de taille impressionnante, des cheveux roux tombaient sur ses épaules et étincelaient un visage jeune marqué par une couleur dense. L’inconnu lui saisit le bras droit pour l’entraîner vers la piste de danse. Il se présenta comme Raahvrâk, comme étant l’un des frères de la femme de sa cousine.
Le regard de son partenaire était pénétrant. Il envoûtait Daryl. Celui-ci se laissait porter comme un pantin par l’imposant individu. Celui-ci s’y connaissait, ça se voyait. Ils se mêlaient à la foule, changeaient de position toutes les cinq minutes suivant le rythme de la musique, passaient près des mariées à plusieurs reprises et ne faisaient quasiment aucune pause. Vers vingt-et-une heure, Daryl obligea son compagnon à se diriger vers le buffet afin qu’il puisse se nourrir. Il regrettait de n’avoir pas pris de cours de danse avec sa tante quand celle-ci lui avait proposé. Raahvrâk attendit qu’il eut fini avant de l'entraîner une nouvelle sur la piste. Il appréciait leur proximité. Les deux hommes échangèrent des choses banales.
Daryl ne comprenait pas ce qu’il se passait. Lui qui pensait qu’il allait s'ennuyer s’amusait bien avec ce bel inconnu. Il ne pouvait pas détacher ses mains de l’autre. Il voulait rester dans ses bras. La chaleur montait dans tout son corps jusqu’aux joues. Raahvrâk lui adressait des sourires charmeurs, dévoilant de ravissantes dents acérées. L’esprit flou, cela ne le dérangeait pas. Il répondait, d'abord timidement, puis se laissa prendre au jeu. Son compagnon le poussa à quitter la salle de bal pour monter dans les chambres.
Il se rendit compte que ce n’était pas la sienne. Daryl s’assit sur le lit deux places observant son partenaire de danse se déshabiller sensuellement devant lui. Il dévoila un corps luisant et doté d’une longue queue noire, de cornes de couleurs sable et nuit ainsi qu’un énorme engin. Raahvrâk s’approcha tel un prédateur, lui saisit le menton et captura ses lèvres. Ce fut d’abord tendre et gentil puis au fil du temps cela devint sauvage et puissant. Daryl sentait son pénis durcir tandis que l’excitation montait. Il fut invité à se lever pour retirer ses vêtements.
Une fois nu, Daryl ne pouvait pas s’empêcher de se sentir gêné. Son corps n’était pas aussi impressionnant que celui de son partenaire. Vais-je vraiment baiser avec le premier venu ? songea-t-il, anxieux. Raahvrâk le sortit de ses pensées : il s’agenouilla pour prendre son sexe dans sa bouche et commença à le sucer. Daryl perdit pied à ce moment-là. Les gémissements de son compagnon l’excitèrent davantage et le poussèrent à éjaculer.
— Daryl… je savais que je te connaissais.. souffla Raahvrâk après s’être redressé pour lui faire face. Je m’en souviens maintenant : je t’ai dépouillé la dernière fois à Lyon. Tu as été un délicieux repas !
— R… repas ? bafouilla Daryl, perplexe.
— Mon apparence ne te fait pas tilter ? Ta cousine ne t’a rien dit ? s’étonna l’autre avant d’éclater de rire. Mon petit Daryl…
Ce dernier rougit. Il s’allongea sur le lit. Raahvrâk monta sur celui-ci et s’installa à côté de lui. Pendant quelques minutes, aucun des deux ne parla. Puis, Daryl décida de satisfaire son envie personnelle. Il se redressa. Il vint s’installer à califourchon sur son compagnon. Quelques coups de langue timides, quelques encouragements et le voilà parti. Au même moment, il se souvenait d’un soir particulier dans le vieux Lyon à écumer les bars à moitié ivre. Il se rappela d’avoir abordé un inconnu en lui déclarant qu’il était « la merveilleuse pâtisserie qu’il n’avait jamais goûté » et l’ébat qui avait suivi l’avait mis ko pendant une semaine.
Ses yeux écarquillèrent abruptement. Il réalisa que son partenaire était un incube et faisait partie d’une communauté dont très peu d’humains rentraient. L’épouse de sa cousine était sans doute une succube. Daryl n’eut pas le temps de réagir qu’un jet jaillit dans sa bouche. Il se retrouva sur le ventre avec les jambes écartées. Daryl gémissait. Il dégoulinait encore de crème. Il tremblait de plaisir. L’autre mouvait ses mains tel un expert, l’emmenait dans les profondeurs et il lui murmurait des choses. Rouge comme une tomate, son esprit déraillait.
Ce fut à ce moment-là que sa vision se troubla.
Que sa mémoire devint floue.
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