Seconde 8
[contenu explicite en 3 parties : de Seconde 8 à Seconde 10]
When you put your arms around me,
I get a fever that's so hard to bear.
La musique s'éloigne, bruits de cuisine. Un couteau hache un fruit en morceaux. Une bouilloire siffle sur le gaz, comme dans l'ancien temps - mais on ne saurait dire quel siècle, quelle décennie. Ça remonte à longtemps et pourtant, c'est là, au présent : la bouilloire siffle, assourdissante.
– Il fait souvent ça, votre pote ?
– Tallulah ? Quoi donc ?
Le sifflement cesse. On verse l'eau dans des tasses.
– Mettre du jazz au lever du soleil en post-soirée, s'adosser torse nu au balcon de gens qu'il connaît même pas, laisser pendre sa tête en fermant les yeux comme s'il était un perso de film d'auteur, et puis... avoir la braguette ouverte avec vue sur son caleçon en coton blanc ? C'est un truc par chez vous ?
Raclement d'une chaise sur le plancher, les pieds se heurtent à la différence de niveau entre les lattes.
– Il est gay.
– Je vois pas trop le rapport entre son exhibitionnisme jazzeux sur mon balcon et sa sexualité...
– Moi non plus. Mais je sais pas quoi te répondre et j'ai pensé que cette info t'aiderait.
– Pas vraiment.
– Il est en philo.
– Ça ne m'oriente pas plus...
Un toussotement s'échappe d'une gorge blessée par la brûlure du thé.
– C'est pas toujours du jazz, tu sais. La semaine dernière, il écoutait plutôt du pop baroque. Lara Del Slay.
– Basile...
– Une tartine ?
– ... Bonne idée.
Une assiette est poussée sur le plan de travail qui écopera d'une nouvelle éraflure.
– Il est beau, nan ?
– Tallulah ?
– Hm.
On mastique un morceau de pain grillé : ça croustille au départ, puis l'humidité de la tartine au contact de la salive prend le dessus.
– Sans doute, je sais pas.
– Il doit l'être, pourtant, pour que tu te souviennes de son caleçon au point de venir m'en décrire la couleur et la matière.
– Hm.
– Hm.
– Y a du soleil...
– C'est l'été, Basile.
– Oui, c'est l'été.
– Je devrais aller lui parler ?
– Tu devrais aller lui parler.
Un claquement de vaisselle contre l'inox de l'évier. On ne mastique plus, quelqu'un sirote encore son thé tiède.
– Je vais aller lui parler.
– Fais-le avant que les autres se réveillent.
– Hm.
– Moi, je vais me doucher.
– Deuxième porte à gauche, tout droit, fond du couloir, porte de gauche.
– Suly, ta maison a pas bougé d'un poil depuis la dernière fois.
– Pas faux.
Fever ! 'Til you sizzle. Oh, what a lovely way to burn...
Le parquet grince, pas après pas, la musique se fait plus forte.
– T'ouvres souvent ton jean pour faire bronzer tes couilles ou c'est uniquement chez moi ?
What a lovely way to burn.
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