Seconde 71
Un jour, avant de partir, laisse une note sur le bureau, un crayon, le chouchou de n'importe qui pourvu qu'il ne soit pas mauve, qu'il reste de toi une trace plus tangible que mon seul stylo sur le papier, moins passagère que le rouge si vite effacé dans mon cou ou la marque de ton talon sur mon paillasson. Demeure palpable à l'inverse de ce personnage flou de mon cœur ébaubi, émerveillé, cette ombre décalée.
Un jour, avant de partir, "avant qu'il n'y ait le monde", laisse une rature dans un creux de mon carnet - signe-le "moi" -, une tache d'huile d'olive sur le livre de Proust (une page abîmée pour nos lèvres descellées). Pose sur la commode un cattleya cueilli sur le chemin qui nous sépare et nous raccorde et je le ferai sécher sur notre cuillère qu'on enfourne au grand déjeuner.
Un jour, avant de partir, chante faux un vers qui te ressemble et je l'enregistrerai, c'est une pincée de fantaisie pour la postérité, une budapesterie de nos corps en fractale. Un jour, avant de partir, reste un peu, laisse un bout de toi, je le garderai là.
Pour E.
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