Seconde 78
- Songe d'un mois d'été -
Shakespeare et l'inutile drame, la tragédie absurde puisqu'il faudrait nécessairement en saupoudrer les vies qu'on croit lisses et mornes, jusqu'à ce que n'advienne le coup de théâtre ; Shakespeare et le beau difforme, la grossière et dodue chimère, le monstre palpitant des cœurs ; Shakespeare, mon poète est mort, je l'ai dévoré et je vous le crache sans retenue. Lisez donc.
Cet été, j'écope d'un songe inverse : un rêve aux frusques calcinées. C'est un jour où les étoiles filantes fusent au plafond, grandioses percées, hydres-comètes dans le ciel, mais personne ne les attrape car l'effort deviendrait peine. Ça ressemble à s'y méprendre à un compte de faits : une conjugaison du verbe apprécier, un regard soûl langoureux, quelques fleurs dans les alvéoles et me voilà dans tes bras, à t'inspirer, chaparder ton souffle, savourer tes lèvres. La prescription est formelle : une dose tous les trois ou quatre jours à prendre soir et matin avec un grand verre d'eau. Je la respecte avec application en bon soldat de dramaturge, personnage second-Iole qui vole subrepticement sur ton aire aux aurores, protagoniste-métronome qui bat la cadence de sa pilule palliative avec précision jusqu'à l'inéluctable fin. Mais quelle faim le poète en son âme et inexpérience peut avoir de peau : je ne suis que des mesures qui se suivent, qui de suite goûte ma saveur capture ma plume, qui de suif d'homme sur mes doigts les emporte sur le papier, mais quid de toi ?
Shakespeare et le ridicule des regards à frire des compotes de mangues, des jus de fruits, des confitures de langues ; Shakespeare et la toile de fausse blancheur sur l'insipide trame ; Shakespeare, mon poète est mort, je l'ai dépecé et je vous présente ma chair disséquée, sans tact, sans pudeur. Relisez donc.
[Lakmé, Acte I : Blanche Dourga - Delibes]
[Le songe d'une nuit d'été, Op. 61, Acte II : Intermezzo - Mendelssohn]
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