06. Le stripteaser est dans la boîte
Hugo
Mais pourquoi ai-je accepté de venir à ce spectacle ? Certes, je dois être un des seuls mecs présents ce soir au milieu d’une nuée de femmes qui sont venues pour s’exciter, mais elles ne sont pas venues pour moi. Et mon coloc m’a demandé de rester dans un recoin sur la mezzanine afin de ne pas déranger toutes les spectatrices qui sont là pour l’admirer. J’essaie de me faire discret et me dis que c’est vraiment étrange de me retrouver ici, surplombant la scène où s’enchaînent les types qui font le show ce soir. Je commence à bien les connaître mais les voir faire leur show est vraiment différent de ce dont j’ai l’habitude.
Mon coloc qui ne passe que plus tard dans la soirée vient me rejoindre. Il est encore en tenue classique de ville et j’ai hâte de voir le costume qu’il s’est choisi pour ce soir.
— Salut David. Tu vois, je suis venu ! Je te jure, les choses que tu me fais faire ! dis-je alors qu’il me serre dans ses bras.
— Allez, fais pas ta mijorée, c’est sympa de regarder les gars faire leur show, non ? Moi, ça m’inspire.
— Tu veux dire que tu es juste bon à copier platement ce que eux font avec inspiration ? me moqué-je. Et je dois dire que ton costume est un peu décevant. C’est moi qui suis agent immobilier, pas toi, voyons !
— Arrête de critiquer, Ronchonchon ! Ce n’est pas le costume qu’elles matent, mais ce qu’il y a en dessous. Et là-dessous… ça envoie du lourd !
Le pire, c’est qu’il a raison. David, au-delà d’être mon colocataire, est aussi mon meilleur ami et nous avons fait de nombreuses folies ensemble. Je l’ai déjà vu à plusieurs reprises en très petite tenue et il entretient son corps merveilleusement. Je prends exemple sur lui, d’ailleurs, car les exercices qu’il s’impose sont particulièrement efficaces non seulement pour se maintenir en forme mais surtout pour se construire un corps musclé et bien proportionné. Tout un art d’être beau et sexy !
— Tu as besoin que je vienne avec toi en coulisses pour te préparer ou tu vas t’en sortir sans moi ? Je me sens un peu… mal à l’aise d’être ici, j’avoue. Même si sur la mezzanine, il y a peu de risques que je sois importuné, ça ne me dérangerait pas de venir te donner un coup de main.
— Non, non, non, ne bouge pas d’ici. Il faut que tu mates le petit nouveau qui vient de débarquer. Il paraît qu’il envoie du lourd, ça me donne envie de le faire chuter dans les escaliers, il va me piquer tous mes pourboires, ricane-t-il.
— Ça m'étonnerait. Tu as vu ton petit cul ? Elles vont adorer car on ne fait rien de mieux ! Tu me feras signe quand tu seras sur scène ? Cela me ferait beaucoup rire qu’elles te croient gay, Dev !
— C’est moi qui vais croire que tu as des vues sur moi, fais gaffe, Mec !
— T’inquiète, même si je suis un peu en manque en ce moment, je sais me tenir !
Il rit et s’éclipse pour aller se changer en coulisses. Je reporte mon attention sur le show et j’avoue que celui qui passe actuellement a certes un superbe outil de travail, avec de jolis pectoraux, mais son show manque de finesse. Ça fait juste mannequin qui cherche à faire croire qu’il est artiste, mais ça laisse un peu sur sa faim. Et les spectatrices le ressentent car même si elles ne se privent pas de le toucher, l’excitation n’a pas l’air vraiment au rendez-vous et les applaudissements à la fin ne sont pas très nourris.
La responsable de la boîte annonce le prochain et je comprends qu’il s’agit du petit nouveau dont parlait David juste avant. Il arbore un costume de cowboy et c’est vrai qu’il a un petit truc en plus. Il est sensuel et avec là-aussi une superbe musculature. Quand il s’amuse à faire du rodéo sur ses proies parmi les spectatrices, les cris fusent et l’ensemble est divertissant, même pour moi qui ne suis pourtant pas attiré par les mecs. En tout cas, vu son succès, il en profite, prend son temps pour faire le tour des canapés rouges qui entourent la scène et ne retourne en coulisses qu’une fois totalement déshabillé, vêtu d’une simple coque autour de ses attributs masculins, sous les vivas des dames. David a raison, il va y avoir de la concurrence avec lui !
Quand c’est au tour de mon colocataire d’entrer en scène, je m’approche un peu plus de la rambarde vitrée afin de ne pas rater une miette du spectacle. Et je ne suis pas déçu car David assure avec son costume de pirate. Et il est vraiment fort avec le crochet qu’il a glissé à sa main pour attirer les spectatrices contre lui. Elles sont déchaînées, les mains se frottent sur lui et ça n’en reste pas là. J’en vois qui n’hésitent pas à mettre la langue et qui se jettent sur lui, obligeant le service d’ordre à intervenir. Mon ami est comme un coq en pâte alors que ses habits disparaissent au fur et à mesure de la musique. Il a autant de succès que Jack Sparrow et le coquin s’amuse à exciter toutes ces femmes venues s’amuser. Quand il fait une petite pirouette pour se dégager d’une groupie un peu trop entreprenante, il se tourne vers moi et souffle un baiser dans ma direction, ce qui me fait éclater de rire et je me joins à la foule pour exprimer ma satisfaction suite à cette magnifique prestation.
Je descends et me dirige vers les coulisses dans lesquelles je pénètre sans difficulté une fois que l’agent de sécurité me reconnaît, un peu surpris de me voir alors que ni moi, ni David, n'avons prévenu de ma venue. Je trouve mon coloc en train de se rhabiller et il m’accueille torse nu.
— Eh bien, quel succès ! Tu es la vraie star de cette boîte, le clou du spectacle ! Je crois qu’à cause de toi, beaucoup de petites culottes ont été ruinées ce soir ! Bravo !
— Je te jure, j’aimerais avoir des rayons X pour pouvoir compter le nombre de culottes que j’ai pulvérisées, ricane-t-il. T’en as pensé quoi, toi ?
— Eh bien, c’était presque parfait. Tu aurais pu encore plus jouer du crochet à la fin, quand il ne te restait que ça, mais sinon, franchement, tu assures ! Le petit nouveau ne t’arrive pas encore à la cheville !
— Tu crois ? Je prends ça à la rigolade, mais bon, chaque nouveau gars, c’est de la concurrence supplémentaire… et ça change du vieux Emmanuel qu’il remplace, avoue !
— Ah oui, c’est évident ! ris-je. Je t’attends pour rentrer ou tu as un rencard, ce soir ? J’ai vu certaines qui te mettaient des petits papiers avec leurs billets dans ta culotte, tu vas conclure ?
— Carrément que je vais conclure, mon pote ! Viens avec moi, y a du choix, tu pourras te trouver une belle petite nana, il n’y a que ta concurrence que j’accepte !
Je suis content de voir qu’il est enfin passé à autre chose et qu’il ne pense plus trop à son ex. Après, c’est peut-être seulement des paroles et il n’est pas encore prêt à concrétiser avec une autre. Le meilleur moyen de le savoir, c’est de l'accompagner…
— Ce n’est pas le moment de faire une nuit blanche, pour moi. Tu sais bien que je commence mon nouveau boulot demain matin, il faut que je sois en forme.
— Oh arrête, un petit coup vite fait et tu dormiras comme un bébé !
— Tu sais bien qu’avec moi, ce n’est pas vite fait, bien fait ! J’ai besoin de prendre mon temps, de m’occuper de ma partenaire, de la faire jouir. Surtout la première nuit. Et je ne baise pas sans sentiment, moi. Je ne suis pas un queutard, voyons !
— Wow, t’es en train d’insinuer que je ne les fais pas jouir ? T’es malade ou quoi ? Rien de mieux que d’entendre une femme jouir, bon dieu ! s’extasie-t-il. Et les sentiments, c’est bien, mais bon, éteindre le cerveau, ça ne fait pas de mal de temps en temps.
— Ecoute, je veux bien venir prendre un verre avec vous, mais juste pour t’aider à attirer les jolies filles, d’accord ? Et après, comme ça, tu fais ton choix et moi, je vais me coucher.
— Comme tu veux, mon Lapin. Si t’as décidé d’avoir une nuit chiante, grand bien te fasse, ça me laisse plus de nanas, à moi.
— Il faut bien que je gagne ma vie avec un vrai boulot. Les shows, c’est bien, mais ça ne suffit pas à se nourrir, si ?
— Sans doute pas, quoique… je ferais plus de soirées ici si je ne bossais pas à côté. Si je les laissais me tripoter davantage, je suis sûr que je pourrais me faire un max sur les shows.
— Tu devrais te mettre à faire des shows privés, ça paie bien, ça. Et au moins, elles sont moins nombreuses à te coller la main au sac ! Tu finis de te préparer et on se retrouve au bar de la boîte ou à celui en face ?
— En face, autant éviter de payer nos propres salaires, et éloigner ces donzelles des autres danseurs. Je me dépêche.
Je sors prendre l’air pour l’attendre et repère vite à travers la vitrine du bar la tablée de femmes installées dans l’attente de mon ami. Vu leurs âges, on ne doit pas être sur un enterrement de vie de jeune fille. Je crois qu’on est plus sur l’anniversaire entre copines d’une d’entre elles qui doit fêter ses quarante ou ses cinquante ans. Je ne sais pas si David va y trouver son bonheur, mais c’est avec plein de bonne humeur qu’il m’accompagne et que nous entrons dans le bar, où nous sommes accueillis par des applaudissements. Mon ami en profite et salue plusieurs fois avant de lâchement me quitter pour aller s’installer entre deux blondes sulfureuses aux poitrines plus qu’avantageuses. Je me retrouve en bout de table auprès d’une dame qui pourrait presque être ma mère et qui a l’air de s’ennuyer ferme durant cette soirée. Nous sympathisons et échangeons agréablement pendant un petit moment. Elle profite même de ce que je me lève pour partir pour s’échapper avec moi.
— Je suppose que si je vous invite à prendre un verre chez moi, vous allez refuser poliment, me dit-elle en tentant néanmoins sa chance.
Je suis presque tenté de lui dire oui tellement je suis en manque et surtout, en sachant que ce ne serait que pour le plaisir d’une nuit, mais je ne me vois pas terminer la nuit dans les bras d’une femme mature comme elle. Elle a beau être sympathique et séduisante dans son petit tailleur et son haut très chic, je n’ai pas menti quand j’ai dit à David qu’il me fallait des sentiments pour coucher avec une nana. Au moins, un minimum.
— En effet, ce ne serait pas une bonne idée. Peut-être une autre fois, qui sait ? Bonne nuit, Géraldine. Merci pour la compagnie ce soir.
— Bonne nuit. Je garderai le fouet et les menottes au chaud si vous changez d’avis.
En entendant ces dernières paroles, je me dis que j’ai bien fait d’écouter mon instinct et je m’éloigne rapidement pour reprendre ma voiture et retrouver l’appartement que je partage avec David, en centre-ville d’Honfleur. La soirée n’a pas été déplaisante et me retrouver comme spectateur a été instructif. Il faudra que j’échange avec David, mais je suis sûr que l’on peut faire quelque chose de cette mezzanine plutôt que de l’ignorer comme ça, quand on fait un show. En attendant, il faut que je me couche tôt. Demain, je vais rencontrer mes nouveaux collègues !
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