22. Certains rêves se concrétisent, d’autre pas

9 minutes de lecture

Hugo

Je regarde le document qu’a posé Fabienne sur mon bureau et les caractéristiques du bien que nous venons de récupérer pour le mettre à la vente, et je me dis que j’ai les acheteurs potentiels rêvés pour une telle propriété. Je recherche leur contact et les appelle immédiatement.

— Bonjour Rachel, c’est Hugo, à l’agence. Vous seriez disponibles avec Mathieu cet après-midi pour une petite visite ? Je crois que j’ai LE bien pour vous !

— Tiens donc, le canon de l’agence ! Je suis disponible, oui, et je vais voir avec mon homme. Quelle heure vous arrange ?

— Vous ne voulez même pas savoir ce que je vais vous présenter ? demandé-je, surpris. Parce que la propriété que j’ai pour vous ne coche pas tous les critères, vous savez ?

— Et il manque quoi, au juste ? Dites-moi que c’est au centre-ville, dans les quartiers que j’ai demandés. Je sais que je suis chiante, mais c’est le seul critère que je ne veux pas mettre de côté. Avec le nombre de chambres, évidemment. Et les colombages. Oh, et le jardin !

Je souris car j’adore son enthousiasme et sa joie de vivre.

— Alors, c’est bien en centre-ville et il y a des colombages et un jardin. C’est déjà un bon départ ! Il n’y a malheureusement que trois chambres, mais… il y a un grenier. D’où on voit la mer ! Par contre, c’est un peu au-dessus du budget que vous m’aviez annoncé… mais on pourra négocier un peu avec le propriétaire si ça vous intéresse. On se retrouve là-bas à quinze heures, ça vous irait ?

— Parfait ! Oh, j’ai hâte, glousse-t-elle. Et pas seulement pour voir votre jolie bouille, Monsieur l’agent. Enfin, l’agent immobilier ! Merde, vous avez des menottes ? Je suis sûre qu’en flic, vous seriez canon ! Oh, il faut que je me calme, pardon, Hugo !

— Je vous envoie l’adresse et la photo des menottes par SMS, vous ne regretterez pas ! A tout à l’heure, Rachel.

Je raccroche, et me dis que je vais peut-être enfin réussir à la faire, cette première vente. Je me suis beaucoup concentré sur le dossier de la mairie et donc, c’est normal que je n’ai pas encore pu me consacrer beaucoup aux individuels, mais là, ça sent bon. Très bon, même. Pour assurer le coup, je me décide à y aller une heure à l’avance afin de faire un premier tour de la maison et m’assurer que le descriptif n’était pas trompeur. Et je suis rassuré, tout est bien comme dans les documents que m’a remis Fabienne. Aussi, quand le couple sonne, je suis prêt et confiant à leur faire visiter ce bien qui répond presque parfaitement à leurs attentes. Mais je me stoppe net quand la porte s’ouvre et que j’aperçois non seulement les deux tourtereaux, mais aussi Oriane, toute mignonne dans sa petite jupe rouge et son chemiser blanc. Mais qu’est-ce qu’elle fait là ?

— Bonjour. Je crois que je ne vais pas avoir assez de menottes, là, commencé-je avant de me fustiger intérieurement pour cette stupide blague qui va me mettre à dos Mathieu et Oriane, au moins.

— Oh non, Rach, pitié, dis-moi que tu ne lui as pas fait le coup du “Monsieur l’agent”, geint Oriane alors que son amie éclate de rire. Tu es terrible !

— Oh, ça va, faut bien rire dans la vie ! C’est pas parce que tu vis avec un mari coincé qu’on doit tous l’être !

— Pitié, sortez-moi de là, grommelle Mathieu, le sourire aux lèvres. Jolie maison, Monsieur l’agent aux menottes.

— Oui, désolé, j’aurais mieux fait de me taire, bougonné-je avant de reprendre mon sérieux. Vous savez ce qu’elle a de particulier, cette maison ?

— Dites-nous tout ! Enfin, tout ce qui pourrait faire craquer Rach, parce que j’ai déjà eu un coup de cœur en la voyant, moi.

— Elle a appartenu à un capitaine de navire au dix-huitième siècle qui y aurait dissimulé un trésor que personne n’a encore découvert ! N’est-ce pas formidable ? Il y a une plaque sur le côté de la maison qui en parle, vous pourrez aller la voir si vous ne l’avez pas repérée en venant. Suivez-moi, je vous fais faire un petit tour.

— Un capitaine ? Ok, Mat, je suis prête à la prendre si tu me promets de te déguiser en capitaine quand on baptisera chaque pièce, pouffe Rachel en se glissant sous le bras de son compagnon.

— Rach, un peu de tenue ! rit l’intéressé. On vous suit, Hugo.

— Oriane, tu aimes autant que ton amie ? demandé-je alors qu’elle m’emboite le pas vers le salon, suivie du couple qui s’extasie devant chaque détail qui attire leur attention.

— Oui, j’aime bien l’ambiance des lieux, et puis… ces maisons ont une histoire, une âme. Bien mieux qu’un pavillon neuf, me répond-elle en regardant partout sauf dans ma direction.

Nous faisons le tour de chaque pièce avant d’aller voir le petit jardin où nous nous arrêtons quelques instants.

— Alors, votre verdict ? N’ai-je pas trouvé la perle rare ?

— C’est vrai qu’elle est superbe ! J’aime beaucoup, il va falloir qu’on y réfléchisse sérieusement, mon Lapin !

— Combien au-dessus de notre budget ? m’interroge Mathieu. Parce qu’entre le mariage et la maison, cette année risque de faire pâlir notre banquier.

— Ah tout de suite, la question de l’argent, soupiré-je théâtralement. Moi, je vous vends du rêve et vous, vous me ramenez sur Terre… Alors, elle est à vingt mille au-dessus de votre budget, mais en négociant, on doit pouvoir descendre à dix mille. Vous pensez que ça irait ?

— Trop rêver rend le retour sur terre brutal, sourit Mathieu, mais, pour le coup… ça doit être envisageable.

— Est-ce que Louis l’a vue ? intervient Oriane. Elle n’a pas été surestimée par les propriétaires ?

— Non, je ne crois pas qu’il l’ait vue, mais je connais mon métier, une maison comme ça dans ce quartier, on ne trouvera pas moins cher. Mais si ça peut vous rassurer, je confirmerai avec lui dès ce soir.

Elle est gentille, avec son Louis. Elle croit qu’il n’y a que lui qui sait estimer le prix d’une maison ?

— Non, non, ce n’est pas ce que je voulais insinuer, je… Excuse-moi, Hugo, j’ai souvenir que Louis proposait un prix supérieur au marché aux propriétaires pour faire croire à de belles négociations, à une époque, du coup, je me demandais s’il jouait encore à ce jeu-là… Loin de moi l’idée de remettre en question tes compétences.

— Non, là, c’est le prix proposé par les proprios. Dès que j’ai eu l’annonce en mains, ce matin, j’ai appelé Rachel. C’est une opportunité sur laquelle il faut se positionner rapidement. Dès qu’elle paraîtra sur notre site Internet, on sera submergé de demandes.

— On va refaire un tour du propriétaire alors, souffle Rachel en attrapant la main de Mathieu. Vous nous attendez là ?

— Oui, mais ne commencez pas à inaugurer toutes les pièces, on n’a pas toute la soirée !

— Promis, nous serons sages ! rit-elle avant de faire un clin d’œil à Oriane et d’entraîner son compagnon avec elle.

— Pas dit qu’ils le soient, murmure la femme de mon patron à mes côtés. Elle ne l’appelle pas mon Lapin pour rien…

— C’est vrai qu’ils ont l’air bien chaud, mais ça serait frustrant de les entendre faire en haut alors que nous, en bas, on resterait tranquillement à les écouter. Enfin, sauf si tu aimes le risque, ajouté-je en souriant.

— Et qu’est-ce que tu suggères, alors ? Je me passerais bien d’un concerto des lapinous, personnellement…

— On recommence la scène du bisou et on essaie de déraper plus rapidement qu’eux ? la provoqué-je en l’observant.

— Oh mon dieu, Hugo, geint-elle en s’empourprant. J’avais espéré que tu ne remettrais jamais ce sujet sur le tapis. Je me sens tellement honteuse, quelle image tu dois avoir de moi !

— J’ai l’image d’une femme très belle et très séduisante qui ne dirait pas non à céder à mes charmes. Mais tu as raison, ça n’est pas une bonne idée.

— Je suis mariée, murmure-t-elle. Et c’est ton patron… Tu imagines ? Je… je ne devrais même pas y penser.

— Oui, c’est vrai… finis-je par dire après un court silence. C’est pour ça que je ne te dirai pas que j’ai beaucoup repensé à ce baiser que tu es venue me donner. Ce serait inconvenant de te dire qu’il m’a beaucoup fait fantasmer.

— Ce serait également très inconvenant de te dire que j’y pense aussi… et que ça me retourne le cerveau.

Je l’observe alors qu’on entend monter Rachel et Mathieu au deuxième étage, s’éloignant encore un peu plus de nous. Que veut-elle dire quand elle dit que je lui retourne le cerveau ? C’est en bien ou c’est en mal ? Je fais un pas vers elle et m’approche afin de mieux respirer son parfum. Elle se mordille la lèvre inférieure et je trouve ça trop craquant. J’ai une envie folle de passer mes mains sous sa petite jupe et sentir ses fesses sous mes mains. Ou glisser mes doigts dans son chemisier pour découvrir sa poitrine. Mon souffle s’accélère un peu et mon excitation se renforce quand je pose ma main sur son bras et que je la sens frissonner.

— Je ne pense pas qu’au bisou, moi, mais à tous les possibles qu’il y a derrière, soufflé-je en faisant un nouveau pas vers elle qui me permet de me tenir juste devant cette femme que je désire tant.

— Les possibles ? Quel genre de possibles, au juste ? Je crois… Je crois que j’aimerais savoir, même si je suis consciente qu’on ne devrait pas…

J’hésite un instant à préciser mes pensées et me demande si c’est bien raisonnable, mais je ne peux résister à ses yeux presque suppliants et à son corps qui vient se coller contre le mien. Mon cerveau se disjoncte totalement et je l’enlace pour pouvoir chuchoter à son oreille.

— Nous retrouver tous les deux, loin de tout, juste toi et moi, et partager un baiser qui ne s’arrête pas. Te déshabiller et découvrir les merveilles que tu caches sous tes vêtements.

Je ne résiste pas à la tentation et pose ma main sur le tissu qui recouvre son sein et que je sens libre de tout soutien.

— Tu vois, que des choses vraiment pas raisonnables, soufflé-je à son oreille.

— Je crois que si je n’étais pas raisonnable, j’en aurais très envie… Non, la vérité, c’est que j’en ai envie. Si la situation était différente, je serais sans doute déjà en train de te supplier de m’emmener loin, chuchote-t-elle, sa joue contre la mienne.

Wow, elle ne m’aide pas à me calmer, là. Je me demande où sont Rachel et son amoureux et s’ils sont dans une situation aussi excitante que la nôtre.

— Je suis libre, moi. Un mot de ta part et je réalise tes envies. Toutes tes envies.

Je ponctue ma phrase d’une pression bien appuyée sur ses fesses qui font qu’elle se love tout contre moi et pousse un petit gémissement qui augure d’une étreinte potentiellement très excitante si elle est aussi expressive. Mais malheureusement pour moi, je crois que je suis allé trop loin, trop vite, car elle finit par me repousser assez vigoureusement.

— Je ne peux pas, je suis désolée, je… je dois penser à Robin. Je n’ai pas le droit de briser son environnement familial… Tu comprends ? Pardon, Hugo, soupire-t-elle en rentrant dans la maison.

— Attends, Oriane, dis-je en la retenant par le bras. C’est moi qui suis désolé de te mettre dans une telle position, je ne devrais pas et il faudrait que je te respecte plus que ça. Sache que je te comprends parfaitement et qu’à ta place, je ferais pareil. Cela ne veut pas dire que si la situation venait à changer… enfin, je suis là. Je… je n’envisage rien d’autre avec personne pour le moment.

— Merci, Hugo, sourit-elle tristement avant de poser ses lèvres au coin des miennes.

— Il n’y a pas à me remercier, c’est normal. Je veux bien être aussi l’ami à qui tu te confies, si tu en as besoin. Tous les rôles me vont quand il s’agit de toi, surtout si celui dont je rêve est inaccessible.

Elle m’adresse un nouveau sourire avant de vraiment entrer dans la maison cette fois. Je reste de mon côté un peu dans le jardin pour reprendre mes esprits. Je suis fou de m’ouvrir comme ça à une femme mariée que je connais à peine. Je prends des risques aussi bien professionnels que vis-à-vis d’elle personnellement. Je ne veux pas perdre mon job, c’est certain, mais surtout, je ne veux pas briser sa famille et être la cause d’une crise dans son couple et avec son enfant. Il faut que je me fasse une raison, Oriane est un territoire interdit, un rêve inaccessible. Il faut que j’abandonne et que je la laisse tranquille, sinon, je risque de le regretter énormément. C’est peut-être la bonne personne, celle qui me convient, mais ce n’est ni le bon moment, ni le bon endroit. Dans une prochaine vie, peut-être ?

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0