41. Le rendez-vous des copines
Oriane
J’observe les filles depuis le bord de la plage et souris en constatant que Rachel semble s’éclater sur la bouée tractée. Je suis tellement dégoûtée d’avoir manqué ça que, rien que d’y penser, mon calme se fait à nouveau la malle. Des mois que je prépare l’enterrement de vie de jeune fille de ma meilleure amie, des mois que je rappelle à Louis que j’ai besoin qu’il gère Robin aujourd’hui et ce weekend, et cet abruti s’est fait la malle à sept heures ce matin, comme s’il était bien conscient que si je le prenais entre quatre yeux, j’aurais follement envie de le jeter depuis la petite terrasse de notre chambre. “Je suis désolé, Chérie, j’ai oublié et je ne peux pas décaler mes rendez-vous. D’ailleurs, je te laisse, mon RDV est arrivé”. Ben voyons…
J’ai l’impression que son seul objectif, en ce moment, c’est de me décevoir et de me faire monter dans les tours. Pourtant, je reste étrangement zen en sa présence depuis l’incident avec Robin, il y a quinze jours. Plus rien ne filtre devant mon fils, hors de question qu’il revive à nouveau ça. Je me contente d’être la parfaite petite épouse sous ses yeux, et je me demande si je ne devrais pas tenter de percer à Hollywood. Même Louis semble y croire, quand nous sommes tous les trois, et il est ravi de retrouver sa petite femme. Ça ne dure jamais bien longtemps. Dès que Robin est au lit, c’est soit un froid glacial, soit une nouvelle dispute brûlante, qui ne trouve aucune réconciliation sur l’oreiller. Plutôt mourir que de le satisfaire au lit, je lui fais payer ma frustration quotidienne en le frustrant sexuellement. Chacun ses armes.
Je m’installe sur une serviette et enlève ma robe pour profiter du soleil en attendant que les filles aient terminé l’activité. Je me plonge dans une romance tout sauf passionnante pour passer le temps. J’aurais mieux fait d’aller lire les avis sur le net avant de l’acheter, j’ai l’impression de perdre mon temps. Bon sang, j’ai la sensation que Louis m’a pourri tout mon weekend avant même qu’il ne commence et ça m’agace. Je n’arrive même pas à me concentrer sur ma lecture et tout ce qui ressort de mon arrivée. Deauville avec trois heures de retard, c’est la frustration d’avoir manqué les retrouvailles avec le groupe, le déjeuner entre filles et cette activité qui me tentait beaucoup après le défilé de Rachel sur la plage pour dégotter le maximum de capotes possible auprès des baigneurs.
— Tiens, salut, Miss Latex, gloussé-je quand elle se laisse finalement tomber à côté de moi. Alors, ce début d’EVJF ?
— Trop cool ! Il ne manquait que toi, ma Poule. Franchement, le parachute, c’était trop fort ! J’ai adoré ! Par contre, ton idée avec les capotes… du grand n’importe quoi ! rit-elle en me serrant contre elle. Tu as trouvé une solution pour Robin, alors ?
— Tu déconnes ! Bon sang, j’aurais tellement aimé te voir rouge de honte, bafouillant… Je suis dégoûtée d’avoir manqué ça, tu n’imagines même pas. Heureusement que Mel m’a envoyé des photos. T’aurais dû garder ton costume de capote sexy pour les activités, c’est dommage, me moqué-je. Robin est chez les parents de Louis, oui. Ils étaient ravis de l’accueillir, beaucoup moins de savoir que c’est pour que je vienne m’encanailler en EVJF avec ma meilleure amie. Si elles savaient ce que je te réserve, tiens !
— Heureusement qu’ils sont là ! Sinon, on aurait tout repoussé à une autre semaine. Sans toi, c’est pas pareil. Et tu vas faire pire que ce que tu avais déjà programmé ? Rassure-moi, ce n’est pas possible, si ?
Je pouffe et lui fais un clin d’œil en me levant pour saluer les autres filles. Mélanie, la sœur de Rachel, m’a aidée à préparer ce weekend et je dois avouer que nous avons toutes les deux eu droit à des EVJF terribles à cause de Rachel. Bon, le mien a été un peu particulier, il faut l’avouer. Louis et moi nous sommes mariés rapidement et Rach a préparé un weekend de dingue quelques mois après mon accouchement. Ma première séparation avec Robin. Elle m’a tellement fait boire que je me suis réveillée le dimanche matin avec la moitié de mes souvenirs de la nuit. Elle avait fait venir deux stripteaseurs dans la maison qu’elle avait louée, et j’ai eu un moment de panique en me réveillant au lit avec eux, Rachel à moitié étalée sur nous, totalement nue. Elle est folle, cette fille.
— Bon, on passe à la suite ? Je crois que j’ai grand besoin de me faire tripoter, moi, soufflé-je à ma meilleure amie en ramassant mes affaires.
— Tripoter ? Tu m’intéresses, là ! Je te suis, Cocotte !
— J’ai dit tripoter, moi ? Mon dieu, je frustre tellement Louis que je déraille !
Pas vraiment, en fait, mais la fin de l’après-midi est consacrée à des soins bien-être et j’ai eu l’occasion de rencontrer les masseurs du centre quand nous sommes venues faire du repérage avec Mélanie. Il y a trois hommes et j’avoue que le petit blond était mignon. Forcément Mel m’a grillée et me charrie depuis. Et moi… oui, je suis trop frustrée pour ne pas avoir pensé, ce matin en me préparant, que ses grandes mains aux doigts fins seraient des plus agréables sur mon corps.
— Elle a bien dit tripoter, et tu comprendras pourquoi quand on y sera ! intervient justement la sœur de Rachel en l’entraînant à sa suite.
Je ne sais pas ce que j’ai avec les blonds. C’est vrai, quoi, j’aurais clairement pu flasher sur le mec qui nous accueille. Châtain, des yeux presque noirs, une peau bronzée, un sourire charmeur, ça fait envie, et la future mariée est très réceptive à ses atouts, même si elle sautille partout depuis qu’elle a repéré la devanture du centre.
Nous sommes rapidement conduites dans des vestiaires et gagnons une pièce très zen, emmitouflées dans nos peignoirs tout doux, où un jacuzzi nous attend, ainsi qu’une bouteille de champagne. Sur la droite, des tables de massage sont installées en arc de cercle. Sept, comme le nombre que nous sommes, et les masseurs et masseuses nous y attendent.
— La future mariée choisit son masseur en premier les filles, rétorqué-je en poussant un peu Rachel.
— Ouais, enfin je te déconseille de choisir le blondinet, il a tapé dans l’œil d’Ori. Tu comprends pourquoi elle parlait de tripotage ? intervient Mel alors que les filles ricanent dans mon dos.
— Ah oui ? Tu fais dans le blond, maintenant ? J’aurais cru que les bruns à lunettes te plairaient plus ! Moi, en tout cas, je prends le costaud, là-bas.
Je rougis violemment, sentant mon visage s’échauffer, et détourne le regard alors que l’attention des filles se porte sur moi. Mariée depuis dix ans, j’ai longtemps été la seule femme casée de ce petit groupe qui, en plus de la cousine et la sœur de Rach, est composé d’amies du lycée. Nous sommes beaucoup moins en contact que ma meilleure amie et moi, mais Louis a toujours été un garçon convoité et je suis à peu près sûre que les Sacha, Laurie et Cécile ont craqué pour lui à l’époque. Si elles semblaient heureuses que je me case, elles ne se sont quand même pas gênées de me répéter inlassablement que nous étions jeunes, que nous avions largement le temps et que Louis et moi ne semblions pas vraiment faits l’un pour l’autre. Il faut dire que c’était plutôt surprenant pour elle, puisque lui et moi n’étions à leurs yeux que des amis.
Je donne un coup de coude à Rachel et lui intime de se taire. Je n’ai entièrement confiance qu’en elle et Mel. Pour le reste, mieux vaut éviter de trop se dévoiler, on ne sait jamais.
— Ce n’est pas parce qu’on est au régime qu’on ne peut pas regarder le menu, souris-je. Je vous laisse le blond, si vous voulez. Après tout, il reste des célibataires à caser dans le groupe.
Et puis, Rachel a potentiellement raison, le blond est mignon mais ne me fait pas tant d’effet que ça. En vérité, je ne dirais pas non à un brun à lunettes, là tout de suite. Du moins, à un en particulier.
Un massage étant un massage, homme ou femme, c’est un pur bonheur. Je me détends enfin complètement, oubliant enfin un peu Louis et cette ambiance pesante à la maison.
Je jette des coups d’œil à Rachel qui semble totalement détendue lorsqu’elle se glisse finalement dans le jacuzzi face à moi. Sa coupe de champagne vient cogner dans la mienne et elle m’adresse un sourire resplendissant.
— Ne te fatigue pas trop, ce soir, on sort. Et je te promets que tu n’auras pas un déguisement horrible !
— Tu as invité les masseurs avec nous ? Il faut que j’en profite, le mariage, c’est pour bientôt !
— Non, désolée, pas de masseurs, ce soir. On va dîner dans un restau chic, et ensuite… petite soirée au casino. Je suis un peu folle, mais aussi mariée, je ne vais pas trop me tenter non plus, surtout vu l’ambiance à la maison…
— Justement, c’est le moment de tout lâcher ! Tu te souviens du tien, d’enterrement de vie de jeune fille ? Je n’y suis pas allée à moitié, moi !
— Ne t’inquiète pas pour ça, comme cet après-midi avec les masseurs, tu vas pouvoir mater du toy boy tout le weekend, je te le garantis !
Rachel m’observe en silence un moment et je lui offre un sourire complice. Le repas de ce soir est un dîner spectacle d’une troupe de danseurs essentiellement masculins. J’ai vu quelques vidéos sur Internet, ils sont tous à tomber. Demain matin, nous ferons du jet ski avec des bombes atomiques, et ce sera son vocabulaire à elle, même si j’avoue que le patron de la boîte est vraiment canon. Et puis, je lui ferai oublier les mecs le temps d’une séance shopping, avant le clou du spectacle, demain soir. Oui, elle va voir du muscle et de la virilité tout le weekend, assurément. Comme elle aime. Si Mathieu est l’homme de sa vie, Rach est le genre de nana qui ne s’offusque pas de voir son mec mater ailleurs, tout simplement parce qu’elle a toujours les yeux grands ouverts pour de jolies fesses musclées.
— Est-ce que tu douterais de moi ? ajouté-je, suspicieuse.
— Non, non. J’ai hâte de voir tous ces beaux mâles. Et peut-être qu’il y en aura un qui te fera oublier un peu ton con de mari.
— Un weekend avec les copines devrait me permettre de mettre de côté tout le reste. Pour les mecs, crois-moi, je n’ai pas passé une journée complète ici avec Mel sans déjà faire du repérage, ris-je. Mais ça restera de l’observation de loin…
— Merci en tout cas, ma Puce. Tu sais que je t’aime ? Tu as vraiment pensé à tout et j’adore. Je m’amuse comme une folle.
— Si seulement tu m’avais déclaré ta flamme y a dix ans, j’aurais peut-être hésité et nous serions mariées et heureuses, toi et moi, gloussé-je en nous resservant du champagne. A ta santé, future mariée. Et n’oublie pas que tu m’as suffisamment ridiculisée pendant mon EVJF pour que je cherche à me venger encore… Trois jours de weekend, ça me laisse largement le temps de t’en faire baver !
Rachel grimace et moi j’éclate de rire, ravie de la faire un peu stresser. Oui, je sens que je vais vraiment adorer ce weekend. Louis est bien loin dans mon esprit, je lâche prise et ça fait un bien fou.
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