65. Les câlins de la témoin
Oriane
Le superbe manoir que Mathieu et Rachel ont loué nous accueille sous un doux soleil et une brise agréable. C’est ici que Louis et moi avons célébré notre mariage il y a dix ans, en plus petit comité. Il faut dire que les lieux n’étaient pas aussi portés sur les réceptions, à l’époque. Aujourd’hui, en plus de la magnifique bâtisse normande en briques rouges et en ardoises, se trouve un grand bâtiment en bois qui dénature le parc arboré et le lac. Dieu merci, il ne gâche pas la vue depuis l’entrée de la propriété, ni depuis l’avant, et l’on peut encore se perdre dans la contemplation de la Manche en contrebas depuis la terrasse, où se couche chaque soir le soleil.
A l’orée du bois, les futurs mariés, qui sont en réalité déjà mariés puisque nous sommes passés par la mairie en début d’après-midi, sont en train de répéter leurs vœux durant une cérémonie laïque absolument sublime, et les petits discours se succèdent, rappelant les joies de l’amour et du mariage, de la famille et du temps passé main dans la main.
Assise au premier rang en qualité de témoin, je remercie silencieusement Rachel de ne pas m’avoir obligée à être l’officiante de ce moment comme elle le souhaitait. Je déteste parler en public et je sais que je vais déjà me coltiner un discours pendant le repas, cela me suffit largement. D’autant plus que je serais bien mal placée pour parler, aujourd’hui, des joies du mariage et de l’amour éternel, assise à côté d’un Louis superbe dans son costume bleu marine. C’est la première fois depuis plus d’un mois que nous passons plus d’une heure ensemble, et lui fait comme si de rien n’était.
Les mariés s’embrassent pour sceller leurs vœux et tout le monde se lève pour applaudir. Malgré les circonstances dans ma vie personnelle, j’essuie la petite larme qui coule sur ma joue de voir ma meilleure amie de toujours aussi épanouie et heureuse. Ils forment vraiment un très beau couple, et Mathieu est venu canaliser un peu ma terreur quand elle lui permet de lâcher un peu les chiens. Aussi différents que complémentaires, je sais que l’amour qu’ils éprouvent l’un pour l’autre est solide, passionné et fort. Ça marchera pour eux, je n’en doute pas.
Je lisse ma longue robe d’un bleu pastel discret et approche pour rendre à Rachel son bouquet, me retrouvant une nouvelle fois étouffée entre ses bras. Le stress la rend totalement dingue, et en cela j’entends : plus que d’habitude. Ce matin, elle hurlait sur la coiffeuse avant de dire à la maquilleuse qu’elle l’aimait, elle me pinçait pour être sûre de ne pas être dans un rêve avant de me faire un câlin en me remerciant de l’avoir aidée, puis m’engueulait parce que je la rendais émotive, bref, elle est au bord de la crise de nerfs et n’a pas encore vu sa tête… Son mascara a légèrement coulé, on est loin du make up Waterproof et ça va la rendre folle.
Henry, le témoin et cousin de Mathieu, et moi nous retrouvons à poser pour quelques photos tandis que Robin, qui était posté à côté de sa marraine depuis qu’il a apporté les alliances, tire sur sa cravate et se bat avec la veste de son costume de la même couleur que ma robe, mal à l’aise.
— Va voir ton père, il va t’aider, signé-je en riant.
Je passe mon bras autour de la taille de Rachel et mon regard tombe sur Hugo, debout devant l’un des bancs du dernier rang, à côté de David. Ils sont tous les deux canons, mais je ne peux détourner mon regard de mon amant, dont la silhouette haute et musclée est sublimée par son costume en lin. Sa chemise bleu pâle moule ce torse sur lequel je me suis endormie un nombre incalculable de fois, et ses yeux, plus ou moins cachés par ses lunettes, ne quittent pas les miens. Il est vraiment superbe, il faut l’avouer.
Lorsque tout le cérémonial est enfin terminé, nous nous retrouvons à l’avant de la propriété pour le vin d’honneur, et je constate que Rachel est aux abois. Elle a l’œil partout et est totalement incapable de lâcher prise alors que je lui ai dit que je m’occupais de tout pour lui permettre de profiter. J’attrape son bras en vol alors qu’elle me passe devant et l’entraîne un peu à l’écart, le sourire aux lèvres.
— Rach, respire, tout va bien ! Je t’ai dit que je gérais, OK ? Je vais aller voir le cuistot, c’est rien si on prend dix minutes de retard sur le planning. Va profiter, retrouve Mathieu et faites le tour des invités, lui dis-je calmement en essuyant délicatement le dessous de ses yeux pour effacer les traces de son maquillage. Tu es superbe, la plus belle des mariées.
— Oh, tu es un ange, ma Chérie. Que ferais-je sans toi ! Mais fais attention à ne pas oublier les jus de fruits pour les enfants, hein ?
— Si j’ai préparé ce mariage avec toi c’est pour connaître tous les détails, alors tu te tais et tu me laisses faire. Tu as tous tes proches ici, profites-en. Par contre, avant d’y aller, dis-moi qui est la fausse blonde qui discute avec Hugo en se permettant de le toucher. Je crois que je vais modifier le plan de table et la coller à côté des parents de Mathieu, marmonné-je en observant la scène.
— C'est Jeanne, une cousine de mon mari, dit-elle fièrement en insistant sur le dernier mot. Et pour ton information, c'est une vraie blonde !
— Hum… Y a que ça de vrai alors, chez elle, bougonné-je. Sérieusement, elle a oublié d’enfiler une jupe ou un pantalon sous son haut, tu devrais l’avertir, elle a quasiment le cul à l’air.
— Elle est juste super sexy, tu es méchante, là. Et tu n'as pas à t'en faire, Il ne regarde que toi !
— Je suis pas méchante, soupiré-je. Juste atrocement et injustement jalouse. Allez, file, Jolie Mariée, et éloigne ta cousine si tu ne veux pas que ta robe finisse comme celle de la mariée dans Rec 3.
Je lui fais un clin d’œil et entre dans le manoir pour aller gérer ce qui doit l’être et finis par me faire alpaguer par Louis alors que je passais dans la foule pour aller vérifier qu’il reste bien du champagne au bar sous la grande tente. Evidemment, Louis discute avec Hugo et David, et Andréa est pendue à son stripteaseur. Malaise de dingue pour ma part tandis que mon mari passe un bras possessif autour de mes épaules. Je ne sais pas ce que David a pu dire à Andréa et j’espère sincèrement qu’aucune boulette ne franchira les lèvres de qui que ce soit… Je n’ose même pas regarder Hugo dans les yeux, parce que j’ai conscience que me voir au bras de Louis doit sans doute aussi peu lui plaire qu’à moi quand j’ai vu la vraie blonde le coller.
Je récupère la coupe de Louis pour la vider sans savoir si c’est parce que je suis assoiffée d’avoir couru un peu partout ou si je cherche à me donner du courage, mais je ne manque pas le sourire en coin de David.
— Désolée, j’avais soif, souris-je en lui rendant son bien. Je crois qu’il manque du personnel au service, c’est un peu la galère.
— Ce n’est pas grave, Chérie, j’irai me resservir. Je peux faire quelque chose pour t’aider ?
— Pour l’instant, ça va… mais si tu vois Rachel approcher des cuisines, préviens-moi. Et si, vraiment, tu es motivé, je ne suis pas contre une coupette, s’il te plaît. J’ai déjà mal aux pieds.
— Je vais te chercher ça tout de suite, Chérie, me répond-il en profitant de mon inattention pour déposer un bisou sur ma joue.
Je reste sans réaction, surprise, et soupire alors qu’il s’éloigne en direction de la tente. Louis a beau avoir quitté le cercle, le malaise est toujours bien présent. C’est vraiment bizarre de se retrouver là en devant faire attention à tout ce qu’on peut dire ou faire.
— Ça va, vous n’êtes pas trop paumés au milieu de tous ces inconnus ?
— Tout va bien pour moi, répond David avant de bécoter Andréa alors qu’Hugo préfère faire semblant de se concentrer sur la mariée pour ne pas me regarder.
— C’est un mariage, finit-il par dire, on est là pour faire des rencontres et discuter. C’est quoi le pourcentage des couples qui se sont formés à un mariage d’amis ? Moi, je dirais un tiers, non ?
— Peut-être. Y a surtout beaucoup de coups d’un soir aux quatre coins des lieux, dans ces soirées, faut faire gaffe aux MST. Contente de voir que vous deux, ça semble coller, continué-je en m’adressant au petit couple. Faut croire qu’aux EVJF aussi, il se passe des choses.
— Oh oui, il se passe des choses, rit David en nous regardant tous les deux. Vous me donnez combien pour occuper Louis ? Je peux vous faire un tarif au quart d’heure, si vous voulez !
Je pouffe et jette un œil à Hugo qui arbore un sourire en coin. Bon sang, il est vraiment trop canon dans ce costume, c’est pas humain. Et mon regard dévie sur Andréa qui semble apparemment dans la confidence. Magnifique secret de polichinelle…
— On va se débrouiller, merci, soufflé-je. D’ici peu, il ira blablater avec son ancien collègue et j’aurai la paix pour un moment… J’ai déjà repéré les lieux.
Je n’ai pas le temps d’en dire plus qu’une coupe de champagne apparaît sous mes yeux. Je remercie Louis d’un signe de tête et tente de ne pas me crisper en sentant son bras enlacer ma taille.
Louis accapare la discussion un petit moment. Evidemment, le sujet de l’agence vient sur le tapis, et je ne me gêne pas pour m’éloigner histoire de lui montrer qu’il me gonfle avec son boulot. Je déambule entre les convives, assure à Rachel que tout va bien après être allée vérifier que c’est le cas, et je me poste à portée de vue d’Hugo en sortant mon téléphone pour lui envoyer un message.
— Je te propose un bonjour comme il se doit… au premier étage, couloir de gauche, deuxième porte à gauche… Envisageable pour toi ?
J’ai tout le loisir de l’observer sortir son portable et tenter de masquer le sourire qui naît sur ses lèvres.
— J'y serai dans cinq minutes, ma Douce.
— Je t’y attends avec impatience, je ne rêve que de ça depuis que je t’ai vu.
Je glisse mon mobile dans ma pochette et entre dans le manoir pour aller m’enfermer dans le petit boudoir que j’ai visité hier quand j’ai aidé les futurs mariés à installer la décoration. Les chambres sont attribuées aux personnes qui viennent de loin et il ne reste que ces pièces de libres, ou les placards à balai. Autant dire que les fauteuils semblent plus accueillants que des étagères.
Je souris en voyant Hugo entrer. Si nous avons été physiquement proches tout à l’heure, les sensations n’ont rien à voir avec ce moment. Même sans être l’un contre l’autre, cette intimité me suffirait presque. Loin des yeux et des oreilles, juste lui et moi. Pour autant, j’avance et le rejoins sans hésiter. Je me retiens de lui sauter dessus, ce qui ne m’empêche pas d’attraper les pans de sa veste pour l’embrasser avec ferveur alors que ses mains posées bas sur mes reins me pressent contre lui.
— J’ai l’impression que ça fait une éternité, soufflé-je contre ses lèvres.
— Et même encore plus… Tu es magnifique, ma Douce.
— Tu n’es pas mal non plus. Non, tu es vraiment très beau, en fait. Si je te dis que j’ai pensé à toi en choisissant ma robe…
— Je dirais que tu as choisi parfaitement. Elle me plaît beaucoup. Non, en fait, c’est toi qui me plais beaucoup.
Je souris et attrape sa main gauche pour la poser sur ma cuisse, où le tissu est fendu sous les couches de tissu.
— En fait, égoïstement, j’ai pensé à tes mains baladeuses sur ma peau, chuchoté-je à son oreille avant de mordiller son lobe.
Hugo réagit au quart de seconde et se met à me caresser la jambe en déposant une multitude de baisers dans mon cou. Je suis rassurée de le voir aussi empressé envers moi et non auprès de la cousine de Mathieu.
Je me serre contre lui et savoure chaque point de contact entre nos corps, tout comme sa langue qui trace un chemin humide jusqu’au décolleté cache-cœur de ma robe. Mince, je partais pour un bon bécotage, mais à ce train-là, nous allons finir échevelés et haletants sous peu. Mais l’envie est là, autant pour lui que pour moi, et je n’ai aucune raison de vouloir arrêter quoi que ce soit. Au moins, pendant ce temps-là, Hugo est avec moi et rien qu’avec moi, nous partageons un réel moment d’intimité, bien loin d’une petite conversation avec la vraie blonde qui m’a agacée même à distance. Il faudra juste que je passe devant un miroir avant de regagner la foule agglutinée au rez-de-chaussée, et que je contrôle un peu mon sourire niais post-orgasme avec mon Lord des câlins pour ne pas être grillée. Mais ça en vaut la peine, largement !
Annotations