76. Les conseils du coloc

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Hugo

Je parcours le site en me disant que c’est bien la première fois que je fais ce type d’achats. Même sur Internet, avec l’anonymat que ça procure, je reste un peu gêné, mais ça fait plusieurs jours que j’essaie de trouver une idée pour me faire pardonner auprès de Jeanne et c’est seulement hier que je suis tombé sur une publication sur les réseaux sociaux qui m’a fait penser à ce type de cadeau. Je valide ma commande au moment où, bien sûr, David débarque dans ma chambre.

— Dis-moi, t’aurais pas une chemise noire à me dépanner ? me demande-t-il en jetant un œil à ce que je fais. C’est quoi ce truc ? Tu sais que c’est pas pour les mecs, ça ? ajoute-t-il en se marrant.

— Putain, tu n’en as pas marre de débarquer comme ça chez moi sans t’annoncer ? Et si j’étais en train de me tripoter ? Et pour répondre à tes questions, tu sais bien que j’ai tout un stock de chemises noires sexys et repassées, sers-toi.

Je me demande s’il va me relancer sur mon achat et espère qu’il est pressé d’aller à son rendez-vous, mais on dirait que, pour une fois, il a pris de l’avance et a le temps de papoter un peu parce que plutôt que de prendre le vêtement qu’il cherche, il s’installe tranquillement sur mon lit.

— Te tripoter alors qu’il y a une liste longue comme ma q… mon bras, de prétendantes qui rêveraient de finir dans ton pieu ? Quelle idée ! Alors, qu’est-ce que tu fiches ?

— Tu veux vraiment savoir ? Tu vas me prendre pour un fou, mon Pote. Et, si je peux me permettre, ton engin n’est pas aussi long que ton bras ! Je le sais, je l’ai déjà vu !

— C’est bien pour ça que je me suis repris. J’ai conscience que la nature m’a gâté, mais je ne suis pas non plus présomptueux, ricane-t-il. Je sais déjà que tu es fou, balance !

— Bien, je t’ai raconté le fiasco avec Jeanne, tu sais comme cela m’a gêné de… de ne pas avoir assuré avec elle. Eh bien… hésité-je avant de me lancer. Ton colocataire a eu la formidable idée de lui faire envoyer un rabbit pour se faire pardonner. Tu sais, ces jouets qui donnent du plaisir tout seul. Tu crois que c’est de mauvais goût ? Je… c’est la seule idée que j’ai eue.

David éclate de rire au point de s’en tenir le ventre, et il peine à se calmer avant de me lancer un regard aussi moqueur qu’humide.

— Wow, t’es vraiment dingue. Et c’est quoi, le message derrière ce cadeau ? Désolé, t’es canon mais pas assez pour que j’aie envie de te faire jouir, alors je te propose de te démerder toute seule ?

— Le message ? Ben, c’est que je m’excuse… Et oui, comme je ne lui ai pas fait plaisir avec mon corps, j’essaie de lui faire plaisir autrement. C’est… si bizarre que ça ? De toute façon, j’ai validé.

— T’aurais dû lui offrir un aspirateur à clito, elles adoooorent ça ! Andrea décolle un nombre incalculable de fois avec ce truc.

— La prochaine fois, je te demanderai ton avis avant de commander, grommelé-je en essayant de ne pas m’imaginer essayer ça avec Oriane.

Je ferme la page du site de vente et me retrouve sur celle d’apprentissage de la langue des signes sur laquelle je naviguais avant de me lancer dans mon achat insensé. Bien entendu, je ne suis pas assez rapide pour la fermer aussi et David, qui est toujours en train de faire son curieux, ne manque pas l’occasion de me titiller à ce sujet.

— Sérieusement ? Merde, Hugo, tu sais qu’on ne fait pas jouir une femme en signant un “je vais te baiser” ? Le rabbit était une meilleure idée, t’as raison !

— Ouais, ben là, il faut pas rêver. J’espère d’ailleurs qu’elle en a un et qu’elle l’utilise plutôt que de se faire troncher par Louis. Et pourquoi tu te moques ? Qui te dit d’ailleurs que je fais ça pour elle ? Tu ne sais pas comme c’est apaisant d’apprendre une nouvelle langue. Tiens, ça, ça veut dire : Tu m’embêtes, signé-je en lui adressant un doigt d’honneur. Tu vois, ça marche, non ?

— Je ne me moque pas, rit-il. En fait, je trouve ça très intelligent de ta part, mec. Te mettre le petit dans la poche pour récupérer la femme, c’est futé et je ne te pensais pas aussi stratège. Sans déconner, j’admire ta motivation, c’est clairement un plus, et pas qu’avec Miss Normandie. Sur un CV, ça claque !

S’il savait que je ne suis pas du tout stratège ! Mais bon, si je lui dis que j’ai commencé au moment où je pensais ne jamais revoir Oriane, il ne va jamais me croire. Et puis, maintenant qu’elle a repris contact avec moi et que je m’y suis remis, c’est sans doute que je pense que ça augmente mes chances avec elle, non ? J’ai vraiment du mal à analyser tout ce qui nous concerne et les échanges avec mon ami, même s’il est particulièrement moqueur, m’aident à réfléchir sur mon comportement.

— Pourquoi tu me parles de CV ? Cela ne fait pas si longtemps que ça que je suis à l’agence, je ne suis pas en recherche d’un nouveau travail, tu sais ?

— Ça me paraît évident, non ? Tu vas vraiment rester dans l’agence du mari de la nana dont tu es tombé amoureux ? Oh, me regarde pas comme ça, je te connais, Hugo. Cette situation va te bouffer de l’intérieur, que tu fricotes avec elle ou pas, d’ailleurs. Si c’est pas le cas, tu vas la voir au bras de ton boss, tu vas l’entendre se vanter de trucs vrais ou pas qui vont te faire enrager… et si tu remets le couvert, tu vas côtoyer le mari cocu tous les jours et te demander s’il la touche ou non quand tu n’es pas avec elle.

Ah ouais… J’ai l’impression que chacune de ses phrases est une flèche qui transperce mon esprit embrouillé et que la lumière entre par les trous qu’il y fait. A la fois, cela me blesse mais m’ouvre l’esprit de manière assez violente. Depuis qu’Oriane est venue me voir au Lotus Club, je n’arrête pas de repenser à sa proposition et tout mon être me dit de replonger sans me poser de questions. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas et David a mis le doigt sur les plus embêtantes.

— Si je ne fricote pas avec elle, elle a le droit de faire ce qu’elle veut avec son mari, non ? Et c’est vrai que ça ne sera pas facile de la côtoyer mais au bout d’un moment, ça finira par aller mieux et les sentiments que j’éprouve vont s’estomper. Je crois que tu t’inquiètes pour rien.

— Et si tu fricotes avec elle ? Comment tu vas le vivre ? Enfin… à moins que tu aies pris ta décision.

— Je n’ai pas encore décidé, non. Il faut que je lui envoie un message mais j’ai déjà tapé les deux, que ce soit pour accepter ou pour refuser, et je n’ai rien envoyé. Je… je suis perdu, David.

— Est-ce que je peux te parler en toute honnêteté sans que tu veuilles me jeter par la fenêtre ? Question rhétorique, je sais, je te dis toujours ce que je pense réellement.

— Fonce, tu as l’air de savoir mieux que moi ce qu’il se passe dans ma vie. Et en plus, je ne voudrais pas couper la parole à Monsieur l’Expert du Plaisir Féminin ! souris-je en tournant mon fauteuil vers lui afin de lui faire face.

— Je sais tout, et en plus j’ai mes sources, sourit-il en haussant les sourcils de manière suggestive. Sérieusement, Hugo, se taper une femme mariée, c’est galère et risqué. J’ai bien compris que tu t’engageais sur plus que du cul, et je n’ai pas envie de te ramasser à la petite cuillère. Maintenant… Miss Normandie n’est pas heureuse en couple et tu lui plais vraiment. Elle est déjà bien accro à ton petit cul, alors si tu te bouges et la joues fine, possible que tu la récupères pour autre chose que simplement des parties de jambes en l’air. C’est pas gagné, mais y a une chance.

— Je ne sais pas, elle ne veut vraiment pas perturber son fils, et ça, quoi qu’elle pense par ailleurs, c’est un élément déterminant. Je ne sais pas si j’ai le droit de faire du tort à ce gamin qui n’a rien demandé…

— Gamin qui a fugué de chez lui à force de voir ses parents s’engueuler. Tu crois que cette ambiance ne lui cause pas du tort ? Personne n’est mort d’avoir des parents séparés. C’est difficile, mais on survit sans problème. Ça a même ses avantages. Sérieusement, Hugo, Rachel dit qu’Oriane est au moins aussi mal que toi que vous ne vous voyiez plus. Tu as une alliée de choc pour récupérer ta belle de manière plus officielle, tu vois ? Ça ne se fera pas demain, ni après-demain, c’est sûr, mais ça se travaille.

Depuis quand il parle à Rachel, lui ? Et puis, ce n’est pas parce qu’elle est mal qu’elle va tout quitter pour moi. Si c’était aussi simple que ça, elle l’aurait déjà fait, non ?

— Ecoute David, je ne veux pas être méchant mais je ne suis pas convaincu par tes idées. A cause de toi, je me suis retrouvé à poil chez une femme qui ne m’attirait pas et je suis passé pour un con. Alors, j’entends ce que tu dis, mais j’ai besoin de réfléchir. Seul. Les chemises sont à leur place habituelle.

Je suis conscient d’être un peu dur avec lui mais il me connait bien et j’espère qu’il ne va pas s’en formaliser. Surtout qu’il sait que même si je râle, je l’écoute.

— Ok, j’ai merdé avec Jeanne et je suis désolé, mais te voir déprimer, ça me fait chier. C’était pas l’idée du siècle et je peux te garantir que je me suis déjà pris une soufflante. La pote de Miss Normandie est folle, je te jure. Dommage qu’elle soit mariée, d’ailleurs, j’aurais bien aimé la mater un peu. Bref ! Ce que je veux que tu entendes, c’est qu’avec Rachel, on pense que tous les deux, vous pourriez vraiment faire un bout de chemin ensemble. Oui, Oriane est mariée, oui, sa priorité c’est son fils, mais d’après sa copine, elle se remet aussi beaucoup en question, tout comme son mariage. Si tu veux vraiment vivre un truc avec elle, c’est le moment où jamais. Tu as toutes les cartes en main, maintenant, je t’ai dit tout ce que je sais. Ah, et, pour info, elle n’a pas couché avec lui, elle n’en a aucune envie. Enfin bon, moi, je dis ça… tu en fais ce que tu veux.

Il se lève sans rien ajouter de plus, récupère une chemise et sort de ma chambre, me laissant seul avec mes réflexions. D’abord, concernant Oriane et Louis, il ne m’apprend rien de nouveau, elle m’a évoqué tout ça lorsque l’on s’est vu. Et si Rachel le lui a confirmé, c’est qu’elle en a discuté avec sa meilleure amie. C’est plutôt bon signe, ça. Enfin, sauf si je commence à me questionner sur ce que nos deux meilleurs amis manigancent ensemble, parce que vu leurs folies respectives, cela ne laisse rien présager de bon. Et qu’est-ce que ça veut dire, faire un bout de chemin ensemble ? Il me pousse vraiment à cocufier mon patron ? Un boulot, ça se change, de toute façon, il parait que j’ai un bon CV…

Je prends mon téléphone et écris le message que mon cœur désire lui envoyer depuis qu’elle est apparue à la porte de ma loge.

Coucou, ma Douce. Partant pour tenter à nouveau quelque chose de beau avec toi. Tu viens en discuter à la maison demain midi ? C’est samedi, tu devrais pouvoir te libérer, non ? J’ai hâte de te revoir. Bisous.

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